Témoignage : "A 40 ans, je suis devenue accueillante pour personnes âgées"
par Isabelle Gravillon, 23/05/2022, extraits
La solitude des seniors dépendants est un problème de société préoccupant. A sa mesure, Séverine a décidé d’y remédier. Elle raconte.
Séverine Bellier, 47 ans, a travaillé pendant vingt ans à l’usine avant de devenir accueillante familiale pour des personnes âgées ne pouvant plus rester seuls chez eux. Au-delà des soins et des services, elle leur offre une vraie vie de famille, de la tendresse et beaucoup d’humanité. Elle raconte son expérience dans Bienvenue chez Séverine, éd. Flammarion (*).
C’est pour elle le plus beau métier du monde, dans lequel elle a embarqué son mari, ses trois enfants… ses chats et ses chiens ! Permettre à ces anciens d’être heureux et entourés dans leurs vieux jours lui apporte une immense satisfaction. Chez ses "petites mamies" comme elle les appelle affectueusement, elle ne voit pas des corps dépendants mais des personnes auxquelles elle s’attache sincèrement. ...
"J’ai une tendresse instinctive pour les personnes âgées"
Je ne voulais à aucun prix retourner à l’usine, je n’en pouvais plus de ce job dénué de sens. J’ai alors pensé à l’aide à domicile en milieu rural (ADMR) auprès de nos anciens. L’idée de m’occuper d’êtres humains alors que j’avais manipulé des objets sans âme durant tant d’années m’a profondément réjouie. Et puis j’ai une tendresse instinctive pour les personnes âgées. Peut-être parce que petite-fille, j’ai été privée de grands-parents. Ma mère était de la DDASS, mon père était orphelin de père et avait rompu les liens avec sa mère.
"Le plus terrible, c’était de les laisser"
Dans ce nouveau travail, j’ai enfin découvert le bonheur de la reconnaissance accordée à mon travail : une mamie qui me caresse les cheveux pour me remercier du bain de pieds que je lui donne, un papy qui me sourit parce qu’il est content du repas que je lui ai cuisiné. Mais je ressentais une énorme frustration. Devoir les coucher à 18h parce que c’était prévu ainsi par le planning, faire leur toilette en 30 minutes parce que d’autres visites m’attendaient, c’était dur. Le plus terrible : les laisser alors qu’ils avaient tellement envie de parler et que j’étais la seule personne qu’ils voyaient de la journée.
"Et si je les prenais chez moi ?"
Un jour, j’ai eu une sorte de révélation : et si plutôt que d’aller chez ces vieilles personnes pour m’occuper d’elles, je les prenais chez moi à plein temps ? J’en ai parlé à mon mari et mes trois enfants. Ils ont tout de suite été d’accord. J’ai donc déposé un dossier auprès du Conseil général pour devenir accueillante familiale. Ma candidature a été retenue, j’ai suivi une formation. Nous avons réorganisé notre intérieur : un rez-de-chaussée avec la cuisine, la pièce à vivre, les chambres pour les futurs accueillis, une douche à l’italienne pour pouvoir les laver facilement ; et un étage "vie privée" avec nos chambres à nous, le bureau, la salle de bain.
"Une adorable petite dame, notre bonne-maman"
Notre première pensionnaire avait 85 ans. Une dame adorable que toute la famille n’a pas tardé à baptiser notre bonne-maman ! Sa famille nous avait prévenus qu’elle perdait un peu la tête. Je dirais plutôt qu’elle était pleine de fantaisie et d’espièglerie. Au quotidien, elle voulait être de toutes les tâches : mettre la table, m’aider à préparer les repas, aller faire les courses avec mon mari. Nous l’avons même emmenée avec nous en vacances. Comme elle avait été institutrice, elle apprenait des comptines aux enfants, les aidait aux devoirs.
"Je les enduis de crème, je les masse"
Ses enfants ont fini par prendre ombrage de cet attachement, ils ont préféré l’envoyer dans un Ehpad. Un déchirement… Depuis, nous avons connu d’autres belles aventures avec nos pensionnaires. La plupart d’entre elles ne vont dans leur chambre que pour y dormir ! Le reste du temps, elles sont avec moi dans la pièce commune. On papote, on fait des jeux de société. Le matin, je passe une heure avec chacune d’elles – elles peuvent être jusqu’à trois – pour la toilette. Je m’attache à en faire un moment de détente et de plaisir. Je les déshabille en douceur afin qu’elles ne se sentent pas "dépouillées", en respectant au maximum leur pudeur. Je les enduis de crème, je les masse. ...
"Donner du bonheur à mes vieux, jusqu’à leur dernier souffle"
Jamais je ne regrette une seule seconde d’avoir choisi ce métier. Même quand j’ai dû accompagner, il y a peu, la fin de vie de Mémère Jeannine que j’avais chez moi depuis six ans et que j’aimais comme une deuxième maman. Grâce à tous nos pensionnaires, je crois que mes enfants auront appris beaucoup sur la vie. Notamment qu’elle se termine un jour par la mort et que cela n’a rien d’un tabou. Et qu’avant cette inexorable fin, la vieillesse ne condamne aucunement à la tristesse. C’est comme ça que je vois mon rôle et c’est pour ça que je suis payée : donner du bonheur à mes vieux, jusqu’à leur dernier souffle".
Une initiative communautaire pour « adopter un aîné »
par Alexia Grousson, 08/05/2023
Le Centre communautaire francophone de Sarnia-Lambton (CCFSL) a entrepris récemment un projet intitulé « Adopte un aîné » où trois élèves ont fabriqué des cadeaux pour trois aînées de la communauté francophone.
« Avant la covid, nous avions déjà des projets d’aide pour nos aînés tels que le jardinage ou l’offre de repas chauds. Cependant, nous avons réalisé que les aînés francophones ont encore besoin de soutien car beaucoup vivent seuls. Nous voulions mettre en place des programmes qui permettraient de faire des choses pour eux et de maintenir une certaine communication. C’est ainsi qu’est née l’idée « Adopte un Aîné » avec Sasha Jamieson, explique Tanya Tamilio, présidente de l’organisme.
Mme Jamieson a proposé à plusieurs jeunes de venir au CCFSL pour fabriquer un cadeau pour des personnes de la communauté. Trois jeunes filles ont été emballées par cette idée : Jacobi Jamieson, Alandrea Macdonald et Serena Gala.
« Nous avions plusieurs vieux albums photo qui retraçaient des moments marquants vécus à Sarnia. Les jeunes les ont feuilletés et ont choisi trois personnes parmi celles qui étaient toujours au cœur des activités communautaires et qui ont fait rayonner la francophonie à leur époque, ajoute Mme Tamilio.
« Elles ont utilisé leur temps libre pour réaliser trois édredons destinés à Mona Bisson, Laura Breault et Édith Houle. Elles ont choisi le matériel, l’ont découpé et assemblé dans notre salle multi-usage. Cela a pris environ deux mois au total. Ensuite, nous sommes allés les distribuer aux destinataires. »
« Elles étaient tellement surprises et émues. Nous avons pris le temps de discuter et de rester un peu avec chacune d’elles lorsque nous leur avons remis l’édredon. Elles étaient vraiment reconnaissantes.
« Pour donner suite au projet, les jeunes doivent prendre soin de leur aîné, faire un suivi pour jaser avec elle ou voir à ses besoins. Nous aimerions plus tard étendre ce projet à un plus grand nombre de personnes », conclut Mme Tamilio.
Atteint de la maladie de Charcot, il refuse l’euthanasie
par Gènéthique, 17/10/2022
Agé de 61 ans, Bertrand, haut fonctionnaire atteint de la maladie de Charcot, a renoncé à son projet de rejoindre la Belgique ou la Suisse pour y être euthanasié.
Lorsqu’il reçoit son diagnostic, il y a près d’un an, il est favorable à l’euthanasie car, « comme tout le monde », il pense « que la fin de vie en France est problématique ». Son espérance de vie étant faible, il envisage, avec le soutien de ses proches, de commencer la procédure. Mais cette décision aurait été « radicale et trop rapide ».
En septembre, il effectue un séjour de trois semaines en soins palliatifs, à la maison médicale Jeanne-Garnier, au cours duquel « un médecin, un psy, un orthophoniste et un kiné l’ont aidé à retrouver du confort et à rédiger ses directives anticipées ». « Dès lors que vous démystifiez cette fin de vie, que vous faites confiance aux soignants, vous vivez les choses différemment » explique-t-il. En effet « chaque jour n’est pas une fête, mais chaque instant a sa valeur ». C’est lors de ce séjour qu’il a pu s’entretenir avec Agnès Firmin le Bodo, ministre déléguée chargée des professions de santé et copilote du débat sur la fin de vie. En effet, la maladie de Charcot est « l’une des pathologies qui ont amené le Comité consultatif national d’éthique à envisager une “voie éthique” vers une loi sur l’euthanasie et l’assistance au suicide ».
Alors que « ce sont les grandes affaires sur la fin de vie, comme celle de Vincent Lambert, qui ont structuré l’opinion en France » et que « quand vous n’êtes pas concerné, vous avez des idées un peu schématiques », il a souhaité témoigner « pour montrer que les choses sont plus complexes ». « J’ai du mal à comprendre l’expression “mourir dans la dignité”. Je ne me sens pas indigne même avec un tuyau sur la tête », affirme-t-il. « À ce stade, mes douleurs sont gérées et, plus que de la souffrance, j’éprouve de la frustration. Est-ce que l’on met fin à ses jours par frustration ? Est-ce que je vais aller en Suisse ou en Belgique parce que je n’arrive plus à marcher, que je suis dépendant ? ».
France : le médecin la déclare en « fin de vie », elle se réveille et le poursuit en justice
par Gènéthique, 10/10/2022, extraits
Cinq ans après les faits, le Conseil d’État vient de rejeter une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par la famille de Linage. Elle poursuit le médecin chef du service de réanimation de l’hôpital de la Roche-sur-Yon pour « faute déontologique » suite à la façon dont il a traité Amélie de Linage, mère de cinq enfants.
« Son projet de vie, c’est de mourir »
En 2014, Amélie de Linage fait un arrêt cardiaque après s’être étouffée avec un aliment. Elle est placée sous respiration artificielle. Son médecin juge que son cerveau est « détruit ». « Son projet de vie, c’est de mourir », estime-t-il.
Cinq jours plus tard, Amélie n’est plus alimentée du tout, et hydratée « au minimum ». Malgré les supplications de son mari, l’hôpital supprime également sa ventilation artificielle une semaine plus tard. Mais Amélie respire seule. Ce qui ne remet pas en cause le diagnostic des médecins qui jugent toujours la quadragénaire en « fin de vie ». Finalement, après être restée 15 jours sans être alimentée, Amélie parvient à dire : « j’ai faim ».
La mère de famille a retrouvé son domicile en décembre 2015. Elle souffre de « lésions » mais parle et peut marcher avec une aide. Son mari Cédric est parvenue à obtenir son dossier médical au bout de trois ans. Me Jean Paillot, avocat du couple, dénonce une « mauvaise application de la loi Leonetti ». « On a oublié toutes les garanties, pointe-t-il, on n’a pas demandé son avis à la famille, ni obtenu l’avis d’un médecin tiers, ni écrit la décision d’arrêt des soins. »
Malgré la réponse du Conseil d’Etat, la procédure judiciaire doit poursuivre son cours. « Il nous semble important de tirer quelques leçons déontologiques et médicales des erreurs commises, pour qu’Amélie ne soit pas une victime inutile », explique Cédric de Linage.
« L’aide médicale à mourir est fondamentalement un mensonge, une chose fausse »
par Geneviève De Vriendt (Campagne Québec-Vie), 31/05/2022
Témoignage de Laurence Godin-Tremblay, doctorante en philosophie,
sur l’euthanasie de sa grand-mère
C’est facile de parler d’euthanasie à l’abstrait et de critiquer sa propagation, mais concrètement que signifie la perte d’un être cher par le moyen de l’aide médicale à mourir ?
Dans son témoignage sur la mort de sa grand-mère par euthanasie, une mère et doctorante en philosophie, Laurence Godin-Tremblay, révèle la réalité déchirante de cette pratique qui est considérée « libératrice » aujourd’hui mais qu’elle appelle à juste titre, « une pratique qui n’est ni vraie, ni charitable, qui ne conduit pas à l’amour ».
Au cours de son témoignage, Mme Godin-Tremblay s’appuie sur des principes philosophiques, sur des raisonnements logiques pour conclure que « L’aide médicale à mourir est fondamentalement un mensonge, une chose fausse. »
« Le médecin s’est présenté vraiment comme un humaniste et nous disait que c’était un acte d’humanité. Mais il n’y a rien de plus mensonger selon moi parce que cette pratique ce qu’elle dit, ce qu’elle sous-entend, c’est que l’être humain n’est qu’un animal, c’est-à-dire que les souffrances physiques font en sorte que sa vie n’a plus de sens... Cette vie spirituelle, cette vie rationnelle, n’existe pas dans l’euthanasie donc ce qui est vraiment humain en nous est éliminé... c’est un peu paradoxal d’appeler cela un acte d’humanité », rappelle-t-elle.
La jeune mère soulève aussi l’incohérence d’appeler l’euthanasie un « acte de compassion ». « On sait que compatir ce n’est pas encourager la personne à se suicider mais c’est de lui dire : “Je vais t’accompagner dans ce que tu traverses, je vais t’accompagner dans les épreuves.” Il y a là une contradiction patente dans notre société. »
Une autre contradiction de l’euthanasie que la doctorante développe est celle du courage qu’on attribue à ceux qui choisissent de se faire tuer.
« On a dit que ma grand-mère était courageuse de demander l’AMM... pourtant le médecin nous a dit : “Étant donné la peur de la souffrance de votre grand-mère, on a accéléré le processus.” La similarité ici c’est que on trouve courageux les gens qui vont au-devant de la mort. On trouve courageux le soldat qui accepte de mourir pour sauver sa patrie. Mais un soldat qui accepte de mourir pour sa patrie le fait pour un plus grand bien... Dans l’euthanasie les gens acceptent de mourir pas pour un plus grand bien ; il n’y a rien à sauver, il n’y a personne à délivrer. Je pense que c’est un choix essentiellement motivé par la peur, par l’impression que les gens ne seront pas là, que la souffrance va être insurmontable. »
Voilà une triste réalité qui démontre à quel point la souffrance est devenue taboue, alors que selon cette femme témoin dans une lettre écrite à sa grand-mère « La souffrance donne l’impression d’un océan sans fin. Et pourtant, au bout de cet océan se trouve comme un nouveau continent. Plus beau, plus grand, plus vaste. » Elle affirme sincèrement : « J’aurais voulu te témoigner de mon espérance. J’aurais voulu te dire que, pour moi, la souffrance ne rend pas nos vies indignes. » Et pourtant l’euthanasie est faussement appelée une mort « digne ».
Pour ses 100 ans, j'ai sorti ma grand-mère mourante de son EHPAD et nous sommes parties en vadrouille en camping-car
"Dis grand-mère, ça te tente un tour du monde en camping-car? On part à l’aventure, voir du pays, et vivre pleinement!"
par Fiona Lauriol, auteure et autoentrepreneure, 04/05/2021, extraits
VOYAGE - J’ai récupéré ma grand-mère, à 100 ans, dans une maison de repos en région parisienne. Les médecins lui prédisaient une mort imminente, à tel point que, d’après eux, elle ne ferait pas le trajet pour arriver à La Faute-sur-mer. Une fois installée dans son loft, préparé par mes soins, le médecin de l’Aiguillon-sur-Mer m’a affirmé qu’entre sa corpulence frêle, le nombre de médicaments qu’elle devait ingurgiter et son carcinome à la tête, elle ne passerait pas la semaine. Autant vous dire que ma grand-mère n’a pas apprécié ce médecin.
Au bout de six mois, à s’apprivoiser, à se comprendre, à éliminer tous les médicaments inutiles pour qu’il ne lui en reste plus que deux pour la tension, à faire disparaître son carcinome (je ne sais pas comment), à la nourrir convenablement, je lui ai proposé une idée folle:
“Dis grand-mère, ça te tente un tour du monde en camping-car? On part à l’aventure, voir du pays, et vivre pleinement!”
“Ma, c’est quoi un camping-car?”
Et nous voilà sur les routes de la découverte, avec un premier essai de 40 jours pour rejoindre Boccolo di Nocce (son village natal dans le nord de l’Italie).
Mes parents vont se joindre à l’équipée sauvage, en nous suivant avec leur véhicule. Mais les voyages sont synonymes d’imprévus, et après une chute qui lui a valu un nez éclaté au lac Salagou, on a décidé de rester en France.
À peine rentrés du premier voyage qu’elle demande à repartir dès son réveil.
Cap sur l’Espagne
Pourquoi pas l’Espagne, et nous voilà sur les routes ibériques à découvrir les cavalcades des rois, à rencontrer José et ses amis, à fêter ses 102 ans dans le parc naturel du Cabo de Gata, à croiser un psychopathe du poème, à chanter dans la rue pour accompagner des musiciens, à voir un homme nu qui s’est trompé de plage, choquant grand-mère, à assister à la célèbre Semaine sainte, à contempler des paysages à couper le souffle, à prendre des pistes pour emmener mémé au plus près des mines d’or de Rodalquilar, à nous faire attaquer en pleine nuit par des citrons volants, à manger des Churros, à faire fuir un voleur qui voulait dérober le fauteuil roulant de grand-mère, et au bout de 4 mois, revenir en France pour mieux repartir avec un nouveau camping-car, l’autre étant trop petit et trop de kilomètres. En plus, mémé ne supporte plus de rester dans sa chambre à admirer les murs blancs.
“101 ans, mémé part en vadrouille”
Place au troisième voyage où on placarde à l’arrière du nouveau camping-car un panneau “101 ans mémé part en vadrouille” pour prévenir les automobilistes de ralentir.
Ce voyage va nous entrainer sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle avec mémé toute fière d’avoir son Crédential qu’on remplit de tampons au fur et à mesure de notre avancée, rencontrer la cinquième dimension avec des chiens guérisseurs et une voyante, avoir affaire à des têtus, ouvrir notre porte et croiser le regard des daims surpris, partager un verre de piquette à la fête de la châtaigne lorsqu’on arrive au nord du Portugal, se relaxer dans des vasques d’eau chaude naturelles, se rendre à Loyola où est natif le fondateur des jésuites, fêter la nouvelle année au bord de l’eau, et se projeter pour les futurs voyages car grand-mère est devenue immortelle.
Retour en Espagne
Retour début janvier et quatrième voyage qui nous ramène en Espagne pour passer l’hiver au chaud en se dirigeant vers le sud, mais on n’aura pas le temps de dépasser Valence que l’Etat d’urgence est déclaré et qu’on se retrouve confinés sur une aire de camping-car à un kilomètre du village de Bellus. J’évite de partager mes peurs et protège grand-mère des infos sur le virus, car elle a connu la grippe espagnole.
La première semaine est difficile, on nous surveille avec des militaires et des Guardian, on est une dizaine de naufragés de la route, anglais, allemands, belges, argentins, taiwanais, certains décideront de quitter l’endroit pour essayer de passer la frontière coûte que coûte, nous, je trouve l’enjeu trop risqué car je ne peux pas me permettre de faire le trajet du retour en un jour avec grand-mère. Et puis, ça ne va durer que 15 jours !
Retour en France pour le dernier confinement
Deux mois plus tard, après que grand-mère soit devenue la mascotte du camp, qu’elle soit passée dans la presse écrite espagnole et à la télé, on trouve un créneau pour revenir en France avant qu’ils n’imposent leur quarantaine.
Mémé veut se rendre en Roumanie pour le cinquième voyage, elle a 103 ans, je me dépêche de régler quelques affaires, on repart sur l’avis favorable du médecin, mais une semaine plus tard son état se dégrade d’un coup. Le vendredi, elle est admise à l’hôpital, le samedi son état se stabilise ce qui me donne de l’espoir, mais le dimanche, je la vois lutter et je lui murmure à l’oreille :
« Va mémé, ne t’en fais pas, ce voyage c’est toi qui le fais seule, je te rejoindrai un jour, dans très, très, très longtemps, mais tu peux y aller, tu m’as beaucoup appris, on s’est bien amusées, tu vas énormément me manquer, mais tu as le droit de rejoindre Dieu pour aller l’ennuyer. Et ma promesse d’écrire et de retracer nos péripéties, je la tiendrai, ton histoire sera gravée à tout jamais. »
Au petit matin du 29 juin 2020, avec un sourire de bien-heureuse, elle s’en est allée, apaisée, à 103 ans, 3 mois et 3 semaines!
Alors, lui ayant donné ma parole, après l’annonce du Président pour le 3ème confinement, je me suis installée avec l’accord de la commune, à Saint-Quentin-sur-Charente qui a énormément de similitudes avec Bellus, là où on a passé notre 1er confinement. Un lac, un barrage, des randonnées, une aire de camping-car à quelques km du village, de quoi me replonger dans toutes nos aventures, avec pour titre :
Un fils envoie sa mère âgée dans une maison de retraite en taxi avec un jeune conducteur, et s'en veut quelques jours plus tard
par ETEME ONGUENE Jeanne Christelle, 17/07/2022
Un jour, un fils a décidé de mettre sa mère âgée à la porte de sa propre maison, l'obligeant à vivre dans une maison de retraite. Un chauffeur de taxi est venu la chercher, et son interaction avec le chauffeur a changé la vie de son fils à jamais.
Jack en avait assez de s'occuper de sa mère, Annabel, car elle se faisait vieille et avait besoin de plus d'attention. Il était sur le point de demander sa petite amie en mariage, il ne voulait pas avoir la responsabilité supplémentaire de s'occuper de sa mère, et il voulait aussi avoir sa maison pour lui tout seul.
Un jour, sa mère a accidentellement fait tomber une tasse à thé remplie de thé chaud sur le sol. Jack était furieux, et il s'en est servi comme excuse pour faire enfin ce qu'il avait toujours voulu faire : la virer de chez elle.
"Je ne peux plus te supporter, maman ! J'ai déjà tellement de choses dans mon assiette !", a-t-il hurlé.
Le cœur d'Annabel s'est effondré. Elle ne voulait pas être un fardeau pour son fils. Elle s'excuse rapidement, espérant que Jack se sentira mieux. "Je suis désolée, mon fils. La tasse a glissé de mes mains. Je vais la nettoyer, ne t'en fais pas", lui a-t-elle dit.
Pourtant, Jack a refusé de se calmer. Il insiste sur le fait que sa mère a besoin d'aide et qu'il serait préférable pour elle de vivre dans une maison de retraite.
"C'est ce que tu veux, mon fils ?, demande Annabel. Bien qu'elle soit triste, elle veut lui rendre la vie plus facile. Si cela signifiait ne plus vivre ensemble, elle l'accepterait.
Il a crié "OUI !" avant de quitter la pièce.
Annabel pleura, acceptant son sort. Elle avait peur de vivre avec des étrangers, et elle craignait de ne plus pouvoir revoir son fils.
Le lendemain, Jack l'informe de son nouveau foyer en lui remettant un prospectus. "C'est ici que tu vas vivre", lui dit-il avec désinvolture. "J'ai du travail, donc je ne pourrai pas te conduire là-bas. J'ai appelé un taxi pour t'y emmener", a-t-il dit.
Annabel a soupiré et a hoché la tête. "C'est bien, mon fils. Tu viendras me voir ? S'il te plaît, dis-moi que tu viendras souvent me rendre visite", supplia-t-elle.
Jack haussa les épaules. "Je ferai de mon mieux pour te rendre visite. J'ai tellement de choses à faire de nos jours, mais je suppose que je pourrais trouver du temps pour le faire", répondit-il.
"Tu vas m'emmener à la maison de retraite ?", a demandé Annabel à son fils.
Jack a secoué la tête. "J'ai beaucoup de travail à faire ici à la maison. Je t'ai appelé un taxi", a-t-il répondu.
Annabel a soupiré. Elle a traîné sa petite valise vers la porte d'entrée pendant que Jack travaillait sur quelque chose dans le salon. Jack avait demandé l'aide de Tom, un chauffeur de taxi dont il avait trouvé les coordonnées sur Internet. Il demande à Tom de venir chercher sa mère, ce que Tom fait avec plaisir.
Lorsque Tom arrive à l'adresse, il remarque que la maison a l'air vieille et sinistrement calme. Il se dirige vers la porte d'entrée et frappe. "Bonjour, ici Tom. J'ai été engagé pour vous conduire à une maison de retraite", a-t-il appelé.
Après quelques secondes, Tom a entendu la voix faible d'une femme âgée venant de l'intérieur. "Juste une minute, s'il vous plaît", a-t-elle dit avant d'ouvrir la porte.
"Jack, je m'en vais maintenant. Au revoir, mon fils. Je t'aime", dit-elle, les larmes aux yeux. Jack se dirigea vers la porte en entendant cela et fit un signe d'adieu.
Annabel ouvrit la porte, vêtue d'un vieux manteau usé et d'un chapeau, traînant sa petite valise. "Bonjour, mon cher", salue-t-elle Tom.
"Bonjour, madame, laissez-moi prendre ça pour vous", dit Tom en prenant sa valise. Il tendit un bras vers Annabel pour la guider vers le taxi.
"Merci. Vous êtes si gentil et gracieux", lui dit Annabel. Tom sourit et secoue la tête.
"Ce n'est rien. J'essaie de traiter mes passagers âgés comme j'aimerais que ma mère soit traitée", a-t-il répondu.
Le cœur d'Annabel a fondu en entendant cela, et elle s'est souvenue de son fils, qui ne voulait rien avoir à faire avec elle. "C'est très gentil", a-t-elle dit à Tom. "Votre mère a de la chance de vous avoir. Vous êtes quelqu'un de bien."
Jack a regardé le jeune conducteur aider sa mère à entrer dans la voiture. Une partie de lui se sentait coupable d'avoir mis sa mère dehors, mais ses désirs égoïstes l'emportaient sur sa culpabilité.
Le conducteur a fermé la porte de la voiture, et Jack a jeté un dernier coup d'œil à sa mère par la fenêtre de la voiture avant qu'ils ne partent.
Annabel a remis à Tom le prospectus de la maison de retraite. Il reconnut instantanément l'adresse, disant que c'était là que vivait sa défunte mère.
"Ah, cet endroit me rappelle de mauvais souvenirs", a-t-il admis. "Mon seul regret dans la vie est d'avoir envoyé ma mère dans une maison de retraite", ajoute Tom. "Je n'arrive pas à me pardonner de l'avoir laissée là-bas."
Annabel ne pouvait pas en dire autant de son fils, car elle était sûre que Jack était heureux de se débarrasser d'elle. Elle soupira alors qu'ils roulaient sur la route.
"Tom, mon cher", a soudainement dit Annabel. "Cela vous dérangerait-il de faire un détour par le centre-ville ?"
Tom était confus, car cela rendrait le voyage beaucoup plus long. "Nous risquons d'être pris dans la circulation si nous allons au centre-ville", a-t-il dit.
Annabel a haussé les épaules. "Je ne suis pas pressée d'aller à la maison de retraite. Mon fils m'a chassée de la maison, et je suis sur le point d'être envoyée dans un endroit rempli d'étrangers pour le reste de ma vie. Cela pourrait être mon dernier goût de liberté", a-t-elle admis tristement.
Tom remarqua qu'Annabel avait les larmes aux yeux, et il se sentit immédiatement mal pour elle. Il accepta de l'emmener en ville où elle lui montra tous les endroits qui étaient autrefois importants pour elle.
Annabel lui montra l'immeuble où elle travaillait comme secrétaire, la première maison qu'elle habitait avec son mari, l'église où elle s'est mariée, et bien d'autres choses qui lui tenaient à cœur. "Vous voyez cet entrepôt en bas de la rue ? C'était une salle de bal. J'avais l'habitude d'aller danser là-bas quand j'étais adolescente", dit-elle en riant.
Après une heure de route, la vieille dame soupire. "Je crois que c'est fini. Je suis assez fatiguée. Nous devrions y aller", dit-elle à Tom. Il pouvait sentir la tristesse d'Annabel et souhaitait pouvoir faire quelque chose pour y remédier.
Lorsqu'ils sont arrivés à la maison de retraite, deux soignants sont venus à leur rencontre. Ils semblaient s'être inquiétés pour elle, surpris qu'elle arrive plusieurs heures plus tard que prévu.
Tom a pris la valise d'Annabel et l'a remise à l'aide-soignant. Pendant ce temps, un autre soignant l'a aidée à s'asseoir dans un fauteuil roulant.
"Merci, Tom. C'était un bel après-midi - l'un des meilleurs que j'ai eu depuis longtemps", sourit-elle tristement. "Dites-moi, combien je vous dois ?"
Tom secoua la tête et agita les mains. "Vous ne me devez rien, madame. Ne vous inquiétez pas pour cela. J'ai passé un bon moment", a-t-il répondu.
Confuse, Annabel insiste pour qu'elle le paye, après tout, elle a pris tellement de son temps.
"Ne vous inquiétez pas, madame. Il y a beaucoup d'autres passagers à raccompagner. S'il vous plaît, prenez soin de vous", a-t-il dit en la serrant dans ses bras.
Annabel l'a serré très fort et ne l'a pas lâché pendant quelques secondes. "Merci, mon cher", dit-elle, la voix cassée. "Merci de m'avoir donné ces derniers moments de joie."
À ce moment-là, elle a lâché prise, et elle a été lentement transportée en fauteuil roulant dans la maison de retraite. Tom la regarda entrer, et dès qu'il entendit la porte se refermer, il eut l'impression que c'était le bruit de la vie d'une autre personne qui se terminait.
" Ce n'est pas bien que les enfants laissent leurs parents mourir dans des maisons de retraite. Je l'ai appris à mes dépens, et je le regrette chaque jour", se dit-il.
Cette nuit-là, alors que Tom s'allonge sur son lit, il ne parvient pas à dormir. Il voulait corriger l'erreur qu'il avait commise.
Le lendemain, il est retourné à la maison de retraite et a demandé Annabel. Il lui fait savoir qu'il veut en prendre la garde et l'invite à vivre avec lui dans sa maison.
Annabel accepte avec reconnaissance et Tom s'occupe d'elle comme il aurait aimé le faire avec sa propre mère. Finalement, Annabel et Tom sont devenus une famille, et ils ont apprécié chaque moment qu'ils ont partagé.
Lorsque Annabel tombe malade, elle décide d'appeler son avocat pour modifier son testament. Elle place tous ses biens, notamment sa vieille maison, au nom de Tom et non de Jack.
Aveuglé par cette décision, Jack s'en veut, réalisant l'erreur qu'il a commise. En négligeant sa propre mère, il a perdu la maison qu'il voulait égoïstement pour lui-même et toutes les autres chances d'obtenir un héritage de sa part.
Que pouvons-nous apprendre de cette histoire ?
La famille est le plus grand des trésors. Il était trop tard pour Tom pour arranger les choses avec sa mère après l'avoir envoyée dans une maison de retraite, et elle est morte. Lorsqu'il a réalisé qu'Annabel était sur le point de subir le même sort que sa mère, il a tout fait pour la sauver. Au final, il a compris que la famille est le plus grand des trésors. Nos parents méritent d'être respectés. Même si tout le monde ne peut pas s'occuper de ses parents malades, ils méritent quand même le respect. Jack n'a pas apprécié sa mère et l'a forcée à vivre dans une maison de retraite pour des raisons égoïstes, ce qui a fini par se retourner contre lui.
Partagez cette histoire avec vos proches. Elle pourrait les inspirer et illuminer leur journée.
TÉMOIGNAGES. Malgré la maladie d’Alzheimer, ils gardent leur joie de vivre
par Fabienne Gérault, 20/03/2022
« Je suis dans le présent, je connais l’avenir, alors je me dis : tant qu’on peut rire, rions ! » Depuis quatre ans et demi, Patricia Herrscher vit avec son père Michel à Longny-les-Villages (Orne), dans le Perche ornais. Michel, 88 ans, souffre de la maladie d’Alzheimer. Malgré les difficultés liées à cette pathologie, Patricia s’efforce d’aborder le quotidien avec bonne humeur. Une philosophie qu’elle partage au sein d’un groupe qu’elle a créé sur Facebook.
Patricia Herrscher a customisé un triporteur en y intégrant un fauteuil crapaud pour se balader avec Michel, son père, et Poutsch, le chien. « Quand les gens nous voient passer, ils ont le sourire. ».
« L’important, c’est le partage »
Brigitte Cazenave, accueillante familiale dans les Pyrénées-Atlantiques, a rejoint ce petit collectif où astuces, conseils et traits d’humour s’échangent. Chez elle, vit Germaine, 92 ans. « J’évite tout ce qui la met dans l’échec, je fais attention à ses envies d’avant. Je lui mets du rouge à lèvres tous les jours et elle sourit lorsqu’on lui dit qu’elle est jolie. »
« On me dit que ma maison est joyeuse, continue-t-elle. Je joue de l’accordéon, j’aime beaucoup rire. L’important, c’est le partage. » «Je plaisante beaucoup, reconnaît Patricia, l’Ornaise. Lorsque mon père me voit sourire, même s’il ne comprend pas pourquoi, ça l’apaise. Je cultive la joie de vivre car, en retour, je le vois heureux et ça me fait du bien. »
« Des moments magiques »
« Une tante m’a dit qu’elle n’avait jamais vu ma mère rire autant », confie Isabelle Ryba. Près de Paris, elle s’occupe d’Elsa, sa maman de 86 ans, installée dans un studio en face de son appartement. « Elle ne parle plus et ne marche plus. » Pourtant, Isabelle parvient à lui apporter de la joie. « Je fais pas mal le clown, je mets de la musique disco et je danse devant elle », raconte-t-elle.
« Même s’il y a des moments où les difficultés prennent le dessus, il y a ces instants absolument magiques de tendresse, de complicité, d’amour, qui existent encore et dont nous profitons, ma mère et moi, poursuit Isabelle. Bien sûr, j’imagine que, pour certaines personnes, ces moments n’existent pas ou plus. »
Engranger de bons souvenirs
Christine Jean, qui vit dans le Rhône et s’occupe d’Éliane, 83 ans, est dans ce cas. « Je n’ai jamais accepté la maladie, ce qu’elle a fait de maman. » Fille unique et célibataire, elle reconnaît que la colère, l’amertume et le stress l’ont emporté. « Aujourd’hui, je ne parviens même plus à communiquer avec elle, mais je serai à ses côtés jusqu’au bout. »
Parce que le lien s’amenuise entre le malade et ses proches, il est important de profiter de l’instant présent et d’engranger de bons souvenirs. « Je fais des vidéos où elle rit aux éclats », avoue Isabelle. Patricia, elle aussi, filme Michel lorsqu’elle le taquine et qu’il s’en amuse. « Mon père était très solitaire, introverti. J’ai tissé avec lui une relation nouvelle. »
« Une belle fin de vie »
L’une des clefs de cette complicité, c’est sa capacité à entrer dans l’univers de son père. Ainsi, lorsqu’il demande : « Je veux bien descendre les escaliers, mais qui va les remonter ? », Patricia lui répond sans sourciller. Et quand il lui dit : « Mon lit est mouillé, je vais me réveiller en fleurs demain », elle s’émerveille de la poésie de ses mots qu’elle immortalise d’ailleurs dans un petit livre.
« J’aime voyager dans ce monde surréaliste. Il dit des phrases qui me font rire ou frissonner de beauté, admet Patricia. S’il était en Ehpad, je n’aurais pas partagé tout ça. Je sais que j’aurai mal quand ça va s’arrêter mais je suis fière de donner une belle fin de vie à mon père. Cela me prépare à le laisser partir doucement. »
TÉMOIGNAGE | Gordon Friesen est tétraplégique suite à un accident de la route à 27 ans. Aujourd'hui, il a quatre enfants. Et comme il le dit : "la vie, ce n'est pas un peu plus, un peu moins. La vie, c'est tout ou rien."
Marthe a 86 ans. Elle relève au moins trois avantages de la vieillesse et raconte en particulier combien sa vie a été riche en relations bienfaisantes, avec sa famille, son mari, Dieu et son prochain.
par Marlène Baumann, 08/03/2021
Un passé influencé par des rencontres
Marthe aime compter les bienfaits de Dieu en se remémorant les beaux moments de son existence. Elle se souvient de son enfance heureuse et du rôle joué par sa maman, qui lui a légué des leçons de courage. D’autres personnes lui ont beaucoup appris. Avec les toxicomanes, elle a découvert l’importance de l’amour inconditionnel. Les esseulés de la vie, qu’elle écoutait durant des heures à la Main Tendue, ont également contribué à son apprentissage de la vie: « J’ai pris conscience de la richesse de bénéficier d’une communauté chrétienne dans laquelle on peut prier, partager et se soutenir pour tenir bon. »
Un présent riche en relations
Autrefois, elle menait une vie trépidante. Aujourd’hui, Marthe apprécie d’avoir du temps, pour des lectures solitaires ou des moments de partage. « J’apprécie de pouvoir m’investir relationnellement avec mes petits-enfants, dialoguer et transmettre mes découvertes ». Elle aime ces temps où, en toute tranquillité, elle peut réfléchir, prendre du recul face à certaines situations. Elle a appris à faire la part des choses et à bien moins ruminer que par le passé.
Un avenir dans la dépendance de Dieu
Marthe compte sur Dieu pour l’aider à vivre le dernier « passage » avant de le rencontrer pour l’éternité. Elle découvre sans cesse l’amour incommensurable de Dieu. « Je me dis alors qu’il ne sert à rien de m’inquiéter ». Marthe se nourrit quotidiennement de la Bible et prie avec son mari, avec qui elle partage le quotidien depuis 55 ans: « La prière est la force de notre couple ». Et même si elle s’est affaiblie, même si ses activités sont limitées, elle garde courage en regardant en avant.
Elle assure que mettre Dieu au centre et s’attacher à lui vaut mieux que tout. La maxime qu’elle aimerait transmettre à qui veut l’entendre, elle la puise dans les paroles du Christ : « Cherchez premièrement le Royaume et la justice de Dieu, et toutes ces choses vous seront données par-dessus » (Matt. 6,33)
Voici un texte poignant, bouleversant, qui tirera les larmes même aux plus insensibles d'entre nous. Des lignes que Michèle Bernard-Requin nous envoie depuis l'hôpital Sainte-Perrine à Paris, où elle se trouve, selon ses mots, « en fin de vie ». Michèle Bernard-Requin est l'une des grandes figures du monde judiciaire.
UNE ÎLE
Vous voyez d'abord, des sourires et quelques feuilles dorées qui tombent, volent à côté, dans le parc Sainte-Perrine qui jouxte le bâtiment... Ici, c'est la paix. Ça s'appelle une « unité de soins palliatifs », paix, passage… Encore une fois, tous mes visiteurs me parlent immédiatement des sourires croisés ici. « Là tout n'est qu'ordre et beauté, luxe calme et volupté ». C'est une île, un îlet, quelques arbres. C'est : « Mon enfant, ma sœur, Songe à la douceur d'aller, là-bas, vivre ensemble ». C'est « J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans » (« Spleen ») Baudelaire. Voilà, je touche, en effet, aujourd'hui aux rivages, voilà le sable, voilà la mer. Autour de nous, à Paris et ailleurs, c'est la tempête : la protestation, les colères, les grèves, les immobilisations, les feux de palettes. Maintenant, je comprends, enfin, le rapport des soignants avec les patients, je comprends qu'ils n'en puissent plus aller, je comprends, que, du grand professeur de médecine, qui vient d'avoir l'humanité de me téléphoner de Beaujon, jusqu'à l'aide-soignant et l'élève infirmier qui débute, tous, tous, ce sont d'abord des sourires, des mots, pour une sollicitude immense. À tel point que, avec un salaire insuffisant et des horaires épouvantables, certains disent : « je préfère m'arrêter, que de travailler mal » ou « je préfère changer de profession ». Il faut comprendre que le rapport à l'humain est tout ce qui nous reste, que notre pays, c'était sa richesse, hospitalière, c'était extraordinaire, un regard croisé, à l'heure où tout se déshumanise, à l'heure où la justice et ses juges ne parlent plus aux avocats qu'à travers des procédures dématérialisées, à l'heure où le médecin n'examine parfois son patient qu'à travers des analyses de laboratoire, il reste des soignants, encore une fois et à tous les échelons, exceptionnels. Le soignant qui échange le regard. Eh oui, ici, c'est un îlot et je tiens à ce que, non pas, les soins n'aboutissent à une phrase négative comme : « Il faut que ça cesse, abolition des privilèges, il faut que tout le monde tombe dans l'escarcelle commune. » Il ne faut pas bloquer des horaires, il faut conserver ces sourires, ce bras pour étirer le cou du malade et pour éviter la douleur de la métastase qui frotte contre l'épaule. Conservons cela, je ne sais pas comment le dire, il faut que ce qui est le privilège de quelques-uns, les soins palliatifs, devienne en réalité l'ordinaire de tous. C'est cela, vers quoi nous devons tendre et non pas le contraire. Donc, foin des économies, il faut impérativement maintenir ce qui reste de notre système de santé qui est exceptionnel et qui s'enlise dramatiquement. J'apprends que la structure de Sainte-Perrine, soins palliatifs, a été dans l'obligation il y a quelques semaines de fermer quelques lits faute de personnel adéquat, en nombre suffisant et que d'autres sont dans le même cas et encore une fois que les arrêts de travail du personnel soignant augmentent pour les mêmes raisons, en raison de surcharges. Maintenez, je vous en conjure, ce qui va bien, au lieu d'essayer de réduire à ce qui est devenu le lot commun et beaucoup moins satisfaisant. Le pavillon de soins palliatifs de Sainte-Perrine, ici, il s'appelle le pavillon Rossini, cela va en faire sourire certains, ils ne devraient pas : une jeune femme est venue jouer Schubert dans ma chambre, il y a quelques jours, elle est restée quelques minutes, c'était un émerveillement. Vous vous rendez compte, quelques minutes, un violoncelle, un patient, et la fin de la vie, le passage, passé, palier, est plus doux, c'est extraordinaire. J'ai oublié l'essentiel, c'est l'amour, l'amour des proches, l'amour des autres, l'amour de ceux que l'on croyait beaucoup plus loin de vous, l'amour des soignants, l'amour des visiteurs et des sourires. Faites que cette humanité persiste ! C'est notre humanité, la plus précieuse. Absolument. La France et ses tumultes, nous en avons assez. Nous savons tous parfaitement qu'il faut penser aux plus démunis. Les violences meurtrières de quelques excités contre les policiers ou sur les chantiers ou encore une façade de banque ne devront plus dénaturer l'essentiel du mouvement : l'amour.
Parents à domicile: trois générations sous le même toit
par Sandrine Tournigand, 03/06/2019, extraits
Recueillir ses parents vieillissants chez soi ou venir vivre chez eux... Alors que la durée de vie s'allonge, de plus en plus de familles assument avec bonheur ce choix.
Héberger sa mère de 93 ans? Une évidence pour Solange.
"Dans nos métiers, les parents laissent leur terre aux enfants qui éprouvent une dette morale. L’entraide est une habitude du monde paysan. C'est une tradition de garder les vieux parents. Et la maison de retraite est trop chère !" Si par le passé, ces cohabitations intergénérationnelles étaient plus fréquentes mais souvent forcées, elles sont aujourd’hui désirées.
Dans certaines familles, trois, voire quatre générations se rassemblent. Ainsi, plutôt que de vendre la maison familiale lors de la succession, Kevin a préféré la garder avec sa mère. Dorénavant, il habite avec sa femme et ses enfants au premier étage, sa mère a investi le second et le grand-père octogénaire occupe le rez-de-chaussée.
Difficultés à se loger, perte d’emploi, divorce, maison de retraite trop onéreuse… Les raisons qui poussent les familles à vivre sous le même toit sont nombreuses. Selon le baromètre Ipsos pour la France Mutualiste, la famille reste le lieu où se vivent et se construisent des liens entre générations, à la fois riches et multiples. La majorité des Français se disent reconnaissants envers leurs grands-parents pour la transmission de l'histoire familiale, leurs parents pour le soutien quotidien dans les moments difficiles, et leurs enfants pour leur présence affective.
"Ces solidarités sont descendantes, mais aussi très souvent ascendantes. Et c’est tout l’enjeu de ces prochaines années, souligne Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. En 2030, pour la première fois dans l’histoire démographique, les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 20 ans." Les personnes âgées dépendantes seront 2,3 millions en 2060 contre 1,15 million en 2010. A l'automne prochain, le projet de loi sur le grand âge et l’autonomie va proposer des solutions, notamment pour favoriser le maintien à domicile. Si la majorité des Français se disent prêts à financer une aide à domicile ou des travaux pour permettre à leurs aînés de rester chez eux, l'idée de les héberger dans leur propre logement reste avancée par 44% des sondés**, comme le montrent ces familles que nous avons interrogées. « Les Français, la transmission et les solidarités intergénérationnelles », Ipsos pour la France Mutualiste, 2019; « Les Français face aux enjeux du logement », Harris Interactive pour Guy Hoquet, 2018
“Chacun respecte son espace": Rémi, et Christelle, 49 ans chacun, vivent avec les parents de Rémi
“Voilà plus d’un an que nous habitons dans la maison de mes parents, en pleine nature, dans un village de la Drôme. Depuis plusieurs mois, ma mère envisageait de vendre : elle n’était plus très rassurée de vivre aussi isolée avec mon père qui devient fragile. Ma mère a beau être très active, la situation de leur logement nécessite de prendre sans cesse la voiture pour faire les courses, et le parc demande pas mal d’entretien. Je sais que cet endroit est essentiel pour mon père. Il se serait laissé mourir s’il avait dû l’abandonner. On a donc décidé de quitter notre maison en centre-ville pour s’installer ici avec ma femme et notre fille de 14 ans. Si ma femme craignait cette proximité, aujourd’hui, elle se réjouit de notre nouvelle vie. Chacun respecte son espace : nous vivons dans deux ailes de la maison. Cela me permet d’aider mes parents au quotidien. Je fais leurs courses et les aide pour les travaux. Je pense que notre présence les rassure. Ma mère s’autorise à nouveau à sortir, à partir en week-end. C’est aussi plus confortable pour notre fille de 14 ans quand on sort. J’aime l’idée de cette solidarité familiale.”
"Tous les matins, on s’apporte le café au lit": Denis, 52 ans, vit avec sa mère de 80 ans
“La cohabitation avec ma mère s’est faite un peu par hasard. Au départ, on avait juste envie de trouver un pied-à-terre où mon frère, ma mère et moi, qui vivions dans des régions différentes, pourrions nous retrouver pour les vacances. C’est sur cette petite maison en ruines, dans un village de Bretagne, qu’on a jeté notre dévolu lors d’un week-end en famille. Pendant des mois, je venais régulièrement de Dordogne pour la restaurer. Mais il y a neuf ans, j’ai quitté mon job de cadre pour me lancer dans une aventure associative et j’ai décidé de m’y installer. Ma mère et moi, on s’entend super bien. Je voyage beaucoup, mais quand je suis là, on partage nos repas et on a pas mal d’activités communes. Le matin, la tradition veut que le premier réveillé apporte le café au lit ! Le fait que je sois un célibataire endurci facilite les choses. Évidemment, si je rencontrais quelqu’un, j’envisagerais sûrement de partir. En attendant, je suis heureux. Ce refuge familial est un bonheur pour nous deux et mon frère qui vient régulièrement.”
“Un juste retour des choses”: Serge Guérin, sociologue, membre au Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge
« La difficulté à trouver ou à financer une place en EHPAD conduit certaines familles à devoir accueillir leurs parents à la maison. Dans ce cas, la nécessité fait loi et la cohabitation est subie. Mais ce n’est pas le lot de tous. Vouloir vivre sous le même toit est pour certain un choix délibéré et heureux. Leurs parents les ont soutenus, aidés, parfois financés jusqu’ils deviennent jeunes adultes donc c’est pour eux normal de s’en occuper à leur tour. Ils ne se considèrent pas comme des héros et n’ont pas le sentiment de faire un quelconque sacrifice. C’est finalement un juste retour des choses et une organisation simple à mettre en place lorsque l’on dispose d’un logement spacieux. Les défaillances des solidarités publiques conduisent notre société à se tourner vers des solutions d’entraide collectives au sein de la sphère privée. D’autant que les liens familiaux sont encore très solides de nos jours. L’individualisme n’a pas encore tout submergé. Avec l’accroissement des divorces, la monoparentalité, la montée du chômage, il y a beaucoup d’entraide au sein des familles. »
Un violoncelle, une présence, un sourire, la musique et la souffrance qui est moins là, qui semble comme disparaitre derrière les notes, s'atténuer, s'apaiser.
Claire Oppert apporte sa musique vivante dans les murs des hôpitaux, des maisons de retraite.
Et les résultats sont là. La douleur diminue, des soins pénibles peuvent être pratiqués dans plus de confort et un bien-être tant pour le patient que pour les soignants. Des initiatives à soutenir et à promouvoir.
Xavier, infirmier: "Les soins palliatifs c'est ajouter de la vie aux jours lorsqu'on ne peut plus ajouter de jours à la vie"
par La Libre, 12/10/2019, extraits
Un peu de musique, une oreille tendue, une discussions enflammée ou simplement une présence, Xavier dessine son quotidien en tant qu'infirmier en soins palliatifs de manière touchante et humoristique.
Xavier est infirmier en soins palliatifs. Son quotidien consiste à trouver ce qui fait vibrer ses patients, tantôt grâce à une oreille attentive, tantôt grâce à des moments de joie et il « s’éclate ». Aujourd’hui, il dessine ses moments passés avec les patients à travers des bulles aussi touchantes que franches. Via son compte Instagram « L’homme étoilé », il parvient en un coup de crayon à apporter un regard tendre sur les malades en fin de vie et sur ce personnel soignant qui lui apporte toute la chaleur dont il est capable. Il y dépeint des scènes de vie plus humaines que jamais, enveloppées d’un manteau de bienveillance. En cette journée mondiale des soins palliatifs, il revient avec nous sur cette relation avec l’humanité profonde et sans tabou.
Pourquoi vous êtes-vous orienté vers les soins palliatifs ?
"Au début, c’était une curiosité d’étudiant. J’ai accompagné un patient pendant plusieurs semaines en oncologie. Cela ne se passait pas très bien et les médecins ont décidé d’arrêter le traitement. Le patient a été très affecté par la décision et je me suis dit que cela devait être terrible de se trouver dans une situation d’échec médical. J’ai demandé au médecin quel avenir le patient pouvait espérer et il m’a répondu qu’au mieux il terminerait sa vie chez lui et qu’au pire il devrait rester aux soins palliatifs. Plus tard, j’ai demandé d’y faire un stage, surtout par curiosité. Je ne m’attendais à rien mais ça a été le coup de foudre immédiat."
Pourquoi ?
"C’est un service concentré sur l’humain et sur la vie. Un service qui s’attache à favoriser la vie dans chaque geste, à chaque instant."
Quel est le rôle d’un infirmier en soins palliatifs ?
"Notre rôle, c’est de donner des clés pour ajouter de la vie dans la chambre. On met de la musique, on demande ce qu’ils aiment comme repas, on joue à des jeux de société, on assure une présence, on les écoute. Ce n’est pas extraordinaire mais c’est ça qui est vraiment important. Les patients vivent un moment pourri. Notre rôle c’est d’investiguer pour toucher une corde sensible et apporter de la vie dans leur chambre et au quotidien. Il y a une petite phrase qu'on aime bien se répéter : « Les soins palliatifs c’est ajouter de la vie aux jours lorsqu’on ne peut plus ajouter de jours à la vie ». Et ce, dans des circonstances difficiles de maladie et de dégradation. On essaye de composer avec la vie au quotidien, c’est le sel de notre métier."
Ce n’est pas trop difficile au quotidien ?
"Il y a un gros travail de détachement à faire. Ce que les gens conçoivent comme difficile, c’est d’apprivoiser l’empathie. Je sais que 8 personnes sur dix que j’accueille décéderont dans le service. Mon but ce n’est pas d’empêcher cela mais plutôt de les accompagner sur ce chemin en leur offrant le confort physique et mental. Une fois que le patient décède dans ces conditions de confort, alors j’estime que ma mission est accomplie. Le décès est l’issue inévitable, j’ai appris à l’apprivoiser. Ma mission, c’est de rendre ce moment plus doux." ...
Comment avez-vous commencé à dessiner ce quotidien ?
"Au tout début de ma carrière, j’ai rencontré Mathilde. Elle a absolument tenu à m’apprendre le suédois car on s’est rendu compte qu’on partageait une passion commune pour la Scandinavie. J’ai été touché par sa force de caractère et cet objectif qu’elle s’était fixé coûte que coûte de m’apprendre le suédois à cette période de sa vie. Sa famille aussi m’a touchée. C’était l’un des plus beaux décès. Parce que, oui, on peut bien décéder en palliatifs lorsqu’on est entouré des siens. Le sien est survenu dans un halo de bienveillance, d’amour et de tendresse."
Pourquoi avez-vous voulu partager ces expériences ?
"Au fil du temps j’ai fait plein de rencontres que j’avais envie de montrer aux gens. J’en ai marre qu’à chaque fois que je parle de mon métier, je récolte de la tristesse et de l’apitoiement. Je n’ai pas du tout le même regard que ces gens sur mon métier, moi je m’éclate à mon boulot. Ce que je dessine, c’est la réalité de mon quotidien. J’essaye de rester authentique et vrai, rien n’est inventé. Je n’ai pas le même regard sur mon métier."
Quel regard portez-vous sur votre métier ?
"Le problème, c’est que le mourant est considéré comme une personne en fin de vie. Mais finalement, c’est cela qui est important dans la phrase : la vie. Les gens l’occultent souvent mais on travaille avec la vie. Ce n’est pas facile pour les personnes qui se retrouvent dans ce service. Elles doivent faire le deuil de leur santé, de leur vie de famille, de leurs loisirs, de leur alimentation parfois. Mais la vie est toujours là. On essaye de trouver le petit truc qui rajoutera de la vie."
Qu’est-ce que ça vous apporte de dessiner votre métier ?
"Ce sont des histoires que je veux transmettre pour rendre hommage aux patients, car elles m’ont touché, elles m’ont appris sur mon métier ou sur moi. En même temps, cela valorise les soignants. Avec le patient, on a su créer un lien un peu différent et une histoire différente que la relation soignant-soigné. C’est aussi une sorte de catharsis. Cela me permet de sortir des choses de moi et d’en faire quelque chose de constructif. Les deux sont liés. Je dessine pour raconter ces tranches de vie, sans ces tranches de vie, je n’envisageais pas ces dessins."
Quels conseils donneriez-vous aux personnes dont un proche se trouve en soins palliatifs ?
"Je n’ai pas de conseil à donner mais de l’écoute à offrir. Ce qui est valable pour moi ne le sera pas spécialement pour les proches d’une personne qui se trouve en soins palliatifs. Ce que je fais c’est que je les encourage à maintenir le contact jusqu’au bout. Ce n’est pas facile, car au fur et à mesure, des barrières se dressent. C’est plus difficile de communiquer et les proches ont un sentiment d’impuissance. Mais je les encourage à continuer à leur parler, leur dire ce qu’ils ont envie de leur dire, les toucher."
Finalement, c’est quoi le plus beau dans votre métier ?
"Le plus beau dans mon métier, c’est le sentiment de pouvoir apporter un peu de vie dans un moment où les gens pensent que la vie les a quitté. À la fin de la journée, je suis satisfait si j’ai fait sourire le patient, si j’ai pris le temps de l’écouter, tous ces moments de rencontre et d’échange sont précieux pour moi. Les soins palliatifs nous montrent la vérité de l’humain. Il n’y a plus cette couche superficielle que l’on pouvait avoir avant. On n’a plus de temps à perdre donc les liens se créent plus facilement. Ce qui est beau avec les soins palliatifs, c’est d’aller au cœur de ce qu’est l’Homme et cela me rassure, à l’hôpital, je retrouve foi en l’humain."
L'Institut de Gériatrie de Montréal nous propose cette rafraichissante vidéo qui nous parle du vieillissement. Un grand mot pour dire ce qui nous arrive à tous depuis la naissance... Le vieillissement comme un cadeau, pour soi et pour les nôtres !
Et comme dit si joliment Janette Bertrand : "Une personne âgée, ce n'est pas une personne qui est finie, c'est une personne qui est rendue à maturité, dans le plus beau du fruit."
"Nous sommes fiers de vous présenter cette capsule tournée avec Boucar Diouf, Dr Yves Joanette, David Lussier et Louise Latraverse. Écoutez nos quatre intervenants vous partager leur vision de ce qu'est le vieillissement. Nous vieillissons tous et les experts de l’IUGM sont là pour aider nos aînés à #MieuxVieillir."
Hugo, Vincent et Antoine, trois "Vincent Lambert" qui communiquent à nouveau
par Gènéthique, 19/07/2019
Il y a en France environ 1 700 personnes, dans un état similaire à celui de Vincent Lambert et « chaque famille est différente, chacune possède son histoire, son mérite et sa vérité ». Le Monde raconte l’histoire de trois d’entre eux : Hugo, Vincent et Antoine. Ce sont trois jeunes hommes dont le cerveau a été gravement atteint à la suite d’un accident : leur activité cérébrale en est depuis très altérée. Mais grâce au soutien de leurs mères, ils ont tous les trois réalisé des progrès d'année en année.
Jeanine Zanatta se souvient de l’accident de son fils le 15 juillet 2012. Après plusieurs examens, un médecin lui a annoncé que son fils restera dans un pur état végétatif. Elle lui a répondu : « Mais, moi, j’en ai rien à faire de ce que vous me dites ». Elle n’a jamais eu à regretter puisque contrairement à l’avis médical il a progressé avec le temps : « un jour, on se promenait dans le jardin et mon ami a voulu faire le clown, il a pris un plot de chantier, vous savez les cônes orange et blanc, pour lui faire du bruit dans les oreilles. Vincent a sursauté et puis, après, il a éclaté de rire. C’était il y a quatre ans. Depuis, il rit beaucoup. Et depuis trois mois, aussi, il dit quelques mots. »
Corinne L’Hostis a beaucoup plus mal vécu l’accident de son fils de 18 ans Hugo : « après la réanimation, Hugo a fait un arrêt cardiaque, ce qui a accentué son handicap. Au début, c’était trop dur d’aller le voir. Pendant deux ans, je ne pensais qu’à ça : “Mais pourquoi l’ont-ils réanimé ?” Je ne pensais qu’à ça et j’ai essayé d’en mourir. » Elle a changé d’avis à la lecture d’une phrase qui l’a bouleversée : « accepter toutes les choses que je ne peux changer, [avoir] le courage de changer les choses que je peux changer[1] ». « Cette phrase m’a permis de surmonter mon incapacité à voir mon enfant dans cet état. Il n’y a pas le Hugo d’avant ni le Hugo d’après. Ce n’est pas tout à fait lui-même, mais ce n’est pas un autre non plus. Il ne communique pas par la parole, il remue le bras droit. Voilà. Chaque jour, on apprend à vivre avec. » Elle se souvient du premier sourire de Hugo depuis son accident : « un moment d’une intensité émotionnelle inouïe », et « maintenant, quand je rends visite à Hugo, quand je toque à sa porte, qu’il tourne la tête légèrement vers moi, qu’il me sourit, c’est le plus beau des cadeaux pour une maman ».
Antoine avait 16 ans quand il a eu son accident. Sa mère Corinne Enard a fait en sorte qu’il puisse habiter chez lui, dans une maison adjacente à la sienne : « la vie a continué différemment de ce que j’avais imaginé. C’est un peu plus compliqué dans la gestion du quotidien. Ça demande beaucoup d’organisation, de rigueur. Quelquefois aussi, j’en ai marre. Ça fait quatorze ans… Mais je ne trouve pas ma vie malheureuse. On vit, c’est tout. » Elle explique sa difficulté de trouver des aides à domicile : « le plus dur, c’est de trouver des gens qui acceptent de travailler avec un patient dans sa situation. Du coup, on voit défiler un tas de gens. Et le regard sur le grand handicap ne semble pas évoluer dans le bon sens ».
Elle explique les progrès de son fils dans cet état de conscience minimale : « si on ne leur propose rien, aucune activité, aucun dialogue, ils restent dans leur bulle. Mais, si on les stimule, si on les sollicite… » Certains médecins la prennent pour une folle : « ils pensent qu’Antoine ne communique pas. Je passe pour une mère qui voit davantage que ce qu’il y a. Ils sont peu à comprendre qu’il y a quelqu’un derrière. Qui réagit à sa façon ». A ces mots, Antoine a levé la jambe et ses yeux se sont mis à pleurer.
S'il est toujours alimenté par une sonde, sa mère raconte qu'Hugo « a toujours évolué. Ça se passe par paliers. Il y a beaucoup de petits signes d’éveil. Même si c’est infime. Il peut tourner la tête. Il arrive à serrer les jambes. Il se passe de plus en plus de choses dans son regard. Ça prend beaucoup de temps, c’est tout. » Corinne Enard dit la même chose : « Les efforts qu’Antoine fait pour communiquer… Je suis tellement fière. Je lui dis tout le temps. Mon fils m’épate tous les jours. Mon fils, c’est un champion olympique ! » Vincent et Hugo ne vivent pas chez eux mais à la clinique des Six Lacs,en Auvergne, où ils continuent de progresser. Ils sont dans la même chambre. La maman d'Hugo s’interroge : « est-ce que Vincent et Hugo communiquent ? Je ne sais pas. Ça nous échappe. Peut-être. »
[1] Une phrase fétiche des Alcooliques Anonymes, qui est en réalité un extrait de la prière de la Sérénité écrite par le théologien Reinhold Niebuhr
Flore, c'est son prénom. Jean-Albert, c'est le prénom de son fils.
Parce que non, la maladie d’Alzheimer n'est pas la fin.
Parce que oui, il est possible à force d'amour et de vie, de goûter ensemble le bonheur.
Et si c'était seulement du bon sens ? Et si, ces malades, c'était vraiment nos trésors ? Et si, vivre auprès d'eux étaient une chance ?
Le bonheur, oui.
Jean-Albert explique comment il a pu, comment nous pouvons, parce qu'à un moment donné, ce choix s'impose, comme le seul digne de l'amour qu'il lui porte.
Nouvelle-Zélande : « Si le projet de loi sur les ‘choix’ de fin de vie avait été adopté il y a quatre ans, je serais morte »
par Gènéthique, 25/04/2019
Tétraplégique depuis l’âge de 17 ans, une jeune femme témoigne : « pendant la majeure partie de ma vie, j’ai été pour le suicide assisté ». Mais à l’heure des débats sur un projet de loi légalisant cette pratique en Nouvelle-Zélande, elle dénonce une société qui ne propose pas d’autre choix aux « plus vulnérables ».
Après son accident, elle a plusieurs fois tenté de se suicider, se retrouvant alors dans le coma. Encouragée par les équipes médicales, elle a adhéré en 2015 à un groupe suisse d’ « aide au suicide ». Avant de partir pour ce pays, elle a subi une opération au cou, qui l’a laissée « encore plus paralysée ». C’est alors qu’elle réalise que son « plus gros problème » était son « état d’esprit » et un « manque de soutien ». Elle témoigne sur les réseaux sociaux, reçoit de nombreux témoignages en retour et reconsidère sa position sur le suicide assisté : « Notre système de santé actuel ne fournit pas le soutien nécessaire pour aider les gens à vivre, ni même ne reconnait qu'il pourrait y avoir un autre moyen ». Dans un pays au taux de suicide élevé, elle a choisi de s’exprimer pour tous ceux « qui pensent et ressentent ce que j'ai ressenti, sans savoir que la vie peut changer, avec du soutien, avec les bonnes capacités d'adaptation et les bons médicaments ». Si le projet de loi actuellement débattu avait été adopté il y a quatre ans, « je serais morte », affirme-t-elle. Elle regrette que la majorité des personnes directement touchées par ce projet de loi, « des gens comme moi », « ne disposent pas d'une tribune pour exprimer leurs préoccupations ».
La Maison de Tara offre une alternative à l’hospitalisation des personnes en fin de vie qui souhaitent vivre ce moment clé dans une ambiance non médicalisée, chaleureuse et entourées d’attention et de tendresse, comme à la maison.
Nous offrons à toute personne de tous âges, très sérieusement atteinte dans sa santé et indépendamment de son âge un lieu de résidence où règnent une atmosphère familiale et la même qualité de prise en charge qu’à domicile.
Une présence jour et nuit est assurée par du personnel et des bénévoles bien formés pour assurer le confort et la sécurité des patients. Les résidents continuent d’être suivis par leur médecin, et les soignants des organismes d’aide à domicile.
Pour l’entourage, la possibilité d’accompagner un proche de manière intime permet souvent un apaisement de la souffrance émotionnelle et morale qui accompagne la maladie. Toutefois, dans notre société, certaines personnes ne jouissent pas d’un réseau familial ou relationnel suffisant. Notre tâche est donc d’offrir à ces personnes le soutien affectif manquant pour qu’elles puissent, dans un moment de grande vulnérabilité, être entourées de manière adéquate.
La Maison de Tara, sise à Chêne-Bougeries, dans le canton de Genève, est une fondation laïque à but non lucratif et reconnue d’utilité publique.
L’ensemble des coûts liés aux soins médicaux sont pris en charge par les assurances comme ils le sont à domicile, et ne relèvent donc pas de l’administration de la Maison de Tara. Elle s’appuie en grande partie sur des contributions de nombreux bénévoles ce qui réduit considérablement ses dépenses. Le prix de pension correspond à 50% des frais destinés au paiement des salaires du personnel professionnel d’encadrement ainsi que des frais de fonctionnement de la Maison. Dès lors, sans donateur, la Maison de Tara ne peut tout simplement pas fonctionner. Nous avons donc vraiment besoin de votre soutien ! Si vous pouvez nous aider, cliquez sur la page « dons » sur ce site : La Maison de Tara
A la vue de ces images, comment ne pas penser à Vincent Lambert ? Depuis tant d'années il devrait avoir droit à ces soins, ces stimulations qui lui permettraient de progresser, de retrouver certaines facultés.
A quand enfin son transfert dans un établissement spécialisé ?
Les Patients en état Végétatif Chronique ou État Pauci Relationnel
Parce que les images et la lumière éclairent parfois plus facilement que les phrases et les mots, nous vous invitons à visionner cette vidéo de quelques minutes pour appréhender la réalité de cette situation, les conditions de vie, les moyens nécessaires et l'humanité des personnes qui assistent chaque heure et chaque jour les patients.
Nous avons voulu cette vidéo à l'image des émotions et des sentiments qui nous animent, pleine de vie, pleine d'espoir, à la fois ouverte et intimiste.
"Donner, recevoir, transmettre", voici comment Christelle Cuinet résume le but de son Association "Traces de Vies".
D'abord une oreille, un coeur qui écoute. Des mots sur des maux, des mots sur une vie, sur la maladie, la souffrance, mais aussi sur les rêves, les projets, les cadeaux du quotidien. Et un livre. Un livre écrit par Christelle avec tous ces mots, un livre pour dire l'histoire d'une personne, d'un enfant, malade, mais histoire qui va bien au-delà de la maladie et de l'hôpital. Les enfants et leurs héros, les plus grands et leur chemin de vie. Un livre qui restera pour leur proche et peut-être pour d'autres, s'ils le souhaitent.
L'Association Traces de Vies "a pour objet de développer l’accompagnement des personnes en fin de vie, personnes âgées ou atteintes de maladies, enfants en soins palliatifs ou gravement malades, dans différentes structures telles que les unités de soins palliatifs, les unités d’oncologie-hématologie pédiatriques ou adultes, les maisons de retraites, les centres de longs séjours, les EHPAD, l'accompagnement à domicile ou toute autre structure d'accueil. L’accompagnement permettra aux dites personnes de laisser une trace écrite (biographie, souvenirs, carnets de voyage, conte illustré par l’enfant...). Ces récits et témoignages pourront apparaître sous différentes formes telles que livres, albums, lettres... C'est la personne accompagnée qui désignera la personne ou les personnes à qui elle souhaite transmettre ce document qui ne sera pas diffusé publiquement et restera confidentiel."
Douze ans après avoir appris qu’elle allait bientôt mourir, cette femme combat l’euthanasie
par Anna Reynolds (LiveActionNews) — traduit par Campagne Québec-Vie
Les gens qui s’opposent à la légalisation de l’Aide médicale à mourir au Canada continuent de mettre en garde les États américains contre les dangers de la légalisation de celle-ci. Mona Latour-Bourque est l’une de ces personnes, racontant personnellement sa propre histoire pour dissuader les gens de penser que la mort est la meilleure option pour eux.
Il y a douze ans, Latour-Bourque a été diagnostiquée d’une maladie pulmonaire chronique et on lui a dit qu’il ne lui restait que six mois à vivre. Dans une vidéo au sujet de son expérience, Latour-Bourque explique : « J’ai été envoyée chez un pneumologue, qui ne m’encourageait pas beaucoup [sic] ; il était pessimiste et ne voyait rien de bon. Je n’allais pas aller mieux, j’allais seulement empirer. Il m’a dit que je ne vivrais pas très longtemps, alors j’étais vraiment déprimée et je ne me sentais pas bien non plus par rapport à moi-même. »
Elle a dit que si le suicide assisté avait été légal à l’époque, elle l’aurait envisagé, parce qu’elle se sentait à un point si bas, tant physiquement que psychologiquement. Cependant, elle a demandé un deuxième avis à un médecin de famille. Le deuxième médecin a donné de l’espoir à Mme Latour-Bourque et a essayé une variété de traitements qui ont considérablement amélioré sa qualité de vie.
Lorsqu’on lui a demandé si, malgré son état chronique, elle était heureuse d’être en vie aujourd’hui, sa réponse a été claire. « Aujourd’hui, oui, beaucoup ! Mais je n’ai pas toujours été comme ça », a-t-elle admis. « Parfois, quand j’étais vraiment, vraiment malade, parfois j’avais envie de partir, mais trouver le Dr Saba et être capable de gérer ma maladie, ça a fait toute une différence dans ma vie. » Douze ans après qu’on lui ait dit qu’elle serait morte dans six mois, Latour-Bourque a pu vivre et voir naître plusieurs de ses petits-enfants.
Aujourd’hui, elle s’oppose au suicide assisté, parce que « les médecins, les êtres humains, font des erreurs », un fait qui ressort clairement de son pronostic inexact. D’autres personnes à qui on a dit qu’elles n’auraient plus que quelques mois à vivre et qui considéraient le suicide assisté ont aussi parlé, disant qu’elles sont heureuses d’être en vie aujourd’hui.
Le Dr Saba, le médecin qui a soigné Mme Latour-Bourque, est le président de la Coalition of Physicians for Social Justice (Coalition des médecins pour la justice sociale), un groupe qui met en garde contre les dangers du suicide assisté. Dans un communiqué de presse, le Dr Saba a déclaré : « L’euthanasie et le suicide assisté sont dangereux et causent des pertes de vies inutiles au Canada et dans le monde. Des gens, avec beaucoup d’années de qualité à vivre, en finissent avec leur vie. Au Canada, il y a un abus avec des centaines de patients qui meurent chaque année hors des lignes directrices. Le suicide assisté favorise la mort plutôt que la vie. »
Les grands-parents ont un doctorat en amour option bienveillance appliquée
par Fabrice Renault
Parmi notre entourage, certaines personnes sont essentielles dans notre vie. Elles représentent à la fois nos sentiments et nos émotions dans leur plus grande intensité. Les grands-parents font incontestablement partie de ces personnes uniques, attendrissantes et inoubliables. Ils incarnent à la fois la complicité bienveillante, une douce permissivité avec une compréhension et un consentement hors norme, ce qui a le don d’agacer les parents.
Les grands-parents entretiennent en nous les plus beaux souvenirs de bienveillance et de tendresse, bien au delà du temps limité de leur existence. Avec tout cet amour et cette compréhension, ils nous font le plus grand et plus beau cadeau qui soit : nos racines.
Les racines laissent une trace émotionnelle indélébile dans le cœur des enfants, avec tous ces secrets partagés, et ces petits détails qui n’en sont pas.
A n’en pas douter, les grands-parents ont un doctorat en amour option bienveillance appliquée. L’emprunte éducative des grands-parents implique tant de bienfaits pour l’enfant. En prenant soin de leurs petits-enfants, ils leurs transmettent de nombreuses leçons indispensables et irremplaçables par ailleurs, comme:
- des activités fondamentales telle que la marche, le jardinage, la cuisine, etc
- des histoires et des coutumes familiales
- des chansons traditionnelles, des jeux et des contes d’antan, pleins de beauté et de leçons
Parallèlement, leur statut dans la famille ainsi que leur grande expérience sont le gage d’une relation éducative qui impact positivement et profondément leurs petits-enfants. En effet, il n’est pas rare que ces grands-parents aient tendance à:
- être plus patients et moins stressés au quotidien, ce qui leur permet d’avoir une écoute empathique, de donner beaucoup d’amour et de montrer un intérêt affectif constant.
- donner une place importante à la communication émotionnelle, cela explique pourquoi souvent les enfants se sentent mieux compris par leurs grands-parents que par leurs parents.
- corriger les « erreurs » commises avec leurs enfants, en réajustant leur positionnement éducatif avec leurs petits-enfants. Se faisant, il permettent à certains parents de pouvoir faire évoluer leur propre vision de l’éducation à donner.
- positiver les situations, ils sont bien moins critiques et se concentrent davantage sur les choses positives que les choses négatives, soulignant ainsi les forces de l’enfant plutôt que ses faiblesses.
- aider leurs petits-enfants à être indépendants de leurs parents, mais aussi à se socialiser avec des personnes de tout âge, parfois aussi de différentes origines sociales.
- se faire l’avocat de leurs petits-enfants, faisant ainsi office de passerelle de validation des sentiments et autres complications qui sont un obstacle à la vie en communauté et empêchent la communication entre parents et enfants.
- être le soutien émotionnel indispensable pour leurs petits-enfants dans une situation de crise et de détachement familial, par exemple lors d’une séparation.
Juste retour affectif
Les grands-parents ne sont pas les seuls à avoir cet impact positif que rien ne semble pouvoir remplacer. En effet, eux aussi reçoivent de ces petits-enfants qui apportent de la vitalité, de la joie et du soutien. En prenant soin de leurs petits-enfants, les grands-parents redécouvrent le monde par le prisme de l’étonnement constant, de l’innocence, et de l’amour le plus inconditionnel. C’est vivifiant.
Parfois, les parents peuvent avoir l’impression que les grands-parents prennent leur place en donnant aux enfants tout ce qu’ils veulent sans ne jamais rien leur reprocher. Mais ce n’est qu’une fausse impression. Il n’y a pas de « concurrence » possible quand chacun est dans a son propre rôle à tenir dans la vie d’un enfant.
Un concentré d’amour pur
C’est incroyable de voir tout cet amour se matérialiser. Les grands-parents donnent des bonbons, de l’argent de poche en cachette. Ils font des beaux cadeaux hors de prix, bien qu’ayant une petite retraite. Parfois, un simple petit clin d’œil complice suffit. Ils cuisinent aussi les plats favoris à chacun, allant jusqu’à préparer des menus différents pour les uns et les autres.
C’est tellement vrai, qu’on pourrait croire -à tort- que les enfants aiment leurs grands-parents plus pour ce qu’ils leurs apportent, que pour ce qu’il sont. Mais non, il n’est est rien. Les petits-enfants adorent passer des soirées avec leurs grands-parents, des moments irremplaçables, placés sous le signe de l’amour, de l’attention et de l’affection.
Le fait que leurs grands-parents se souviennent de chaque détail de leur enfance créé des moment uniques et spéciaux avec leurs petits-enfants. C’est aussi, parce qu’ils sont des rois dans l’ordre familial. Des rois qui ne seront jamais détrônés.
L’amour des grands-parents pour leurs petits-enfants est si immense, qu’ils ne peuvent faire autrement que de leur démontrer en toutes occasions et de toutes les façons possibles. La cuisine, les cadeaux, les douceurs, la présence, les câlins… Une telle attention à pour incidence directe de renforcer le cocon familial si bénéfique. Les enfants perçoivent cette générosité débordante comme une tendresse démesurée qui les éblouit.
Quand plus tard les grands-parents ne sont plus là, ce ne sont pas les friandises que les enfants regrettent. Ce qui leur manque, c’est tout ce que représentaient alors leurs papys et mamies. C’est de ne plus pouvoir parler, échanger avec eux, ne plus entendre leurs douces paroles d’encouragement, d’amour et de sagesse.
Guide pour la vie
Finalement, les grands-parents sont à la fois les plus grands fans de leurs petits-enfants et leurs meilleurs alliés. Ils sont les piliers sur lesquels ceux-ci peuvent s’appuyer pour grandir, renforcer leur persévérance, développer leurs talents et leur détermination. Ils sont une voix, un chemin qui guide vers le succès.
Personne d’autre que les grands-parents ne perçoit si bien la force de caractère des enfants. Personne d’autre ne les écoute avec autant de bonheur chanter leurs chansons favorites. Personnes n’a les yeux aussi brillants de voir cette jeunesse imprégnée de passion.
Cette attention des grands-parents reflète un amour pur, plein de joie. Une tendresse qui forme les enfants, qui les protège d’une façon unique. Un processus qui n’est pas toujours compréhensible et difficilement descriptible. Mais les grands-parents qui s’occupent de leurs petits-enfants laissent une trace indélébile dans leur âme, un véritable « héritage émotionnel ».
«Il essayait toujours de me persuader d’avorter » mais « le bébé qui avait 0 % de chance de survie est ici et en bonne santé»
par Info Chrétienne, 08/02/2019
Son bébé a une anomalie, les médecins lui répètent sans relâche d’avorter, mais une infirmière l’encourage à garder la foi parce que « rien n’est trop grand pour Dieu ».
Depuis l’adoption par le Sénat américain d’un projet de loi permettant l’avortement jusqu’à la naissance, les témoignages se multiplient sur les réseaux sociaux. C’est le cas de Kate McKinney, maman de 4 enfants. Alors qu’elle dit ne pas partager grand chose sur Facebook, elle affirme ne pas pouvoir se taire face « à tout ce que [le] pays traverse ». Kate veut que son histoire aide une personne qui serait face au choix qu’elle a dû faire.
Krystel Cahanin-Caillaud raconte ses 5 semaines de coma : "J'étais au-dessus de mon corps"
par Europe 1, 29/01/2019
Christophe Hondelatte revient sur l'expérience de mort de Krystel Cahanin-Caillaud. En juin 1992, elle a un grave accident de voiture et se voit au-dessus de son corps, inconsciente. Elle va rester quatre mois dans le coma avant de se réveiller.
"Je sais qu’il y a quelque chose après la mort". Krystel Cahanin-Caillaud n'a pas encore 18 ans. Elle s'apprête à passer le baccalauréat, mais à la veille de ce grand jour, elle s'autorise une sortie avec des amis au bord d'un lac. Sur la route du retour, elle monte à l'arrière du véhicule. Un ami les suit à moto, le conducteur de la voiture fait un peu la course avec lui. Puis tout se passe très rapidement : la voiture qui rate le virage et bute sur le talus, Jo et Hector, des amis de Krystel à l'avant, qui sont éjectés, les deux autres personnes près des portières aussi, seule Krystel reste coincée. Mais lors du dernier tonneau de la voiture, elle est finalement éjectée à son tour.
La suite de cette histoire, Krystel Cahanin-Caillaud la raconte d'un point de vue forcément bien particulier, qu'elle a évoqué dans un livre : Je suis sortie de mon corps. À l'époque, la jeune fille entend qu'on l'appelle mais elle ne peut pas répondre. Elle se voit aussi, s'observe, étendue par terre, totalement désarticulée, le visage en sang. "J'étais au-dessus de mon corps, je ne peux pas trouver des mots plus juste que ça", explique-t-elle au micro d'Europe 1. Krystel Cahanin-Caillaud voit Jo venir la réanimer, il refait partir le cœur, mais Krystel demeure dans le coma. "Je sais qu’il y a quelque chose après la mort, car je voyais les autres alors que j’étais morte", souligne-t-elle, "il se passe quelque chose mais dire quoi, je ne sais pas."
"Tout le monde n’a pas la même expérience du coma". Quand les secours arrivent, leur diagnostic est terrible : Krystel Cahanin-Caillaud est cassée de partout, en arrêt cardio-respiratoire. Elle raconte qu'elle voit tous ces gens qui s'affairent autour d'elle, toujours de son point de vue. À l'hôpital, les médecins indiquent à ses parents que seule la machine la maintient en vie : la jeune fille peut mourir d'un instant à l'autre. Krystel Cahanin-Caillaud se voit quant à elle dans un tunnel clair et lumineux, au bout, il y a un brouillard blanc. Elle tire sur une corde pour sortir de ce tunnel. Plongée dans le coma, elle entend tout : les gens qui viennent la voir pour lui dire des secrets, les médecins aux avis pessimistes, sa sœur qui tombe dans les pommes. "Tout le monde n’a pas la même expérience du coma mais moi, j’ai tout vu et tout entendu", indique-t-elle.
Les jours passent - quatre semaines au total - avant que Krystel Cahanin-Caillaud ne se réveille. Elle se sent "entrer dans son corps", la douleur est immense. Les médecins préviennent immédiatement les parents. C'est un miracle, du jamais vu selon le chef de service. Mais Krystel a d'importantes séquelles. Elle parle très mal, ne marche pas, ne reconnaît pas ses parents. Elle doit tout réapprendre, les médecins évaluent son âge mental à 4 ou 5 ans. Direction un centre de rééducation.
"Les douleurs, c'est 24h/24". Les semaines qui suivent vont être très difficiles pour Krystel Cahanin-Caillaud et sa famille. Elle est déconnectée de la réalité, pensent que les médecins et tous ceux qui l'approchent lui veulent du mal. Elle a de grandes difficultés pour s'exprimer. Puis, petit à petit, à force de travail, Krystel réapprend tout. Trois mois après l'accident, elle rentre chez elle, mais n'a toujours pas de souvenirs.
Peu importe pour la jeune fille de 18 ans, qui veut absolument faire sa rentrée et passer le baccalauréat. Au fur et à mesure de l'année scolaire, elle écrit mieux, elle comprend mieux et à la fin de l’année, victoire : Krystel Cahanin-Caillaud obtient son bac. Et là, quelque chose d’inexplicable se produit : des flashs de sa vie lui arrivent de toute part. Quand elle rentre chez elle, pour la première fois, elle reconnaît sa maison, des souvenirs lui remontent.
Aujourd'hui, 26 ans après ce drame, Krystel Cahanin-Caillaud a un travail, elle est mariée et a deux enfants. "Côté santé, c'est compliqué : cela fait dix ans que j'ai écrit ce livre et mon handicap a encore évolué", confie-t-elle. Elle marche encore en béquille, se déplace parfois en fauteuil roulant. Une situation qu'elle a appris à accepter : "les douleurs, c'est 24h/24, mais je ne fais plus trop attention maintenant."
Jacques Salomé : “Je suis vivant et heureux de l’être”
Alors qu’il publie son nouveau livre, Un zeste d’éternité (Les Editions de l'Homme), Jacques Salomé a accepté de se confier à Psychologies. Victime d’un grave accident vasculaire cérébral en 2014, le fondateur de la méthode Espere, grand spécialiste de la communication, a perdu l’usage de la parole. Il traverse cette épreuve avec une force sereine, aux côtés de son épouse, Valeria. “Un miracle”, nous écrit-il 1.
Propos recueillis par Laurence Folléa et Patricia Salmon Tirard, juin 2017
Psychologies : Comment allez-vous aujourd’hui ?
Jacques Salomé : Je vis. Je me réjouis d’être à vos côtés. Merci pour cette invitation me permettant d’exprimer le bonheur inouï de ressentir à nouveau la vie palpitant en moi. Même si je traverse les épreuves de la maladie, qui m’a affaibli et m’a dépossédé de ce que j’avais de plus cher : les mots pour dire…
Qu’est-ce que cette épreuve a changé dans votre rapport à la vie, et à la mort ?
Jacques Salomé : Les émotions m’envahissent… Cela m’a renvoyé à ma propre difficulté à accepter ce qui m’arrive, à me recentrer sur l’homme que je suis devenu aujourd’hui. En février 2014, j’ai subi un très grave AVC avec une hémorragie qui m’a emporté pendant presque trois semaines vers un autre monde. J’ai senti la vie quitter mon corps. L’approche de la mort ne m’a pas effrayé, j’y étais un peu préparé. Mes enfants, ma famille étaient tous là, et j’ai reçu alors – j’ai l’impression que c’était la première fois – beaucoup, beaucoup d’amour. Et ces immenses preuves d’amour inconditionnel se sont répandues dans mon corps délaissé. C’était comme une force qui me ramenait à la vie.
Comment pensez-vous être revenu parmi nous ?
Jacques Salomé : Je suis resté des heures entières enfermé dans le silence, prisonnier de longs mois d’un corps hémiplégique, j’ai attendu longtemps, très longtemps, afin de recentrer mes forces, mes ressources intérieures, pour reconquérir lentement mon corps fatigué par cette rude épreuve. Les soins reçus en urgence, la présence attentionnée de l’équipe du petit hôpital de province dans lequel j’étais soigné, l’amour de mes proches et l’énergie bienveillante envoyée par des gens du monde entier, tout cela m’a sauvé. J’éprouve une grande gratitude envers tous. J’ai refusé de poursuivre ma rééducation dans le centre médicalisé, que je trouvais trop austère. J’ai préféré retourner dans ma maison, au calme, sous mes arbres et au soleil. Une décision téméraire, mais risquée du point de vue médical. « C’est ici », comme l’indique la plaque de mon portail, que je continue la rééducation, à mon rythme et sous le regard bienveillant de mon épouse, Valeria. Aujourd’hui, je me sens revivre : mon visage est capable de sourire, mes mains peuvent toucher un livre, tenir un stylo, mes jambes soutiennent le poids mouvant de mon corps. Mais le chemin de l’expression reste encore à apprivoiser… Je garde l’espoir, car la graine de vie reçue à ma naissance est toujours là, bien précieuse, et demande à être préservée.
Vous sentez-vous miraculé ?
Jacques Salomé : D’après les pronostics donnés par les médecins, oui, je me sens miraculé. Mon nouveau livre est aussi un miracle, qui me permet de me sentir encore relié à mes lecteurs. Ce sont des textes inédits, parfois embaumés par la poésie, dans lesquels je me délivre ou, plutôt, je délivre quelques chemins de vie qui m’ont fait grandir.
Cette maladie vous a-t-elle rappelé votre épreuve d’enfance : cinq ans plâtré de la tête aux pieds et le médecin qui vous condamne à ne plus jamais marcher ?
Jacques Salomé : Oui, après quelques semaines de rééducation dans son établissement avignonnais, le médecin chef de la clinique m’a délaissé, sans aucune explication et sans aucun espoir. Comme dans mon enfance. Cette épreuve violente m’a rappelé de ne plus me laisser définir par des idées toutes faites concernant mes possibles. J’ai mobilisé mes propres ressources intérieures pour ne plus me faire soigner (soi-nier), avec l’espoir d’accéder au guérir (gai-rire) grâce à la présence régulière d’un kinésithérapeute et d’une orthophoniste. Le rapport que j’avais établi jusque-là avec le monde, avec moi-même et avec les autres étant profondément déstabilisé, cela m’a aussi obligé à redéfinir mes liens et mes relations pour me consolider à nouveau. Surtout dans la relation avec moi-même.
Donnez-vous un sens à votre maladie ?
Jacques Salomé : Je pense que les maladies sont des langages symboliques, avec lesquels nous tentons de crier et, dans le même temps, de cacher l’insupportable qui nous habite. Toute maladie est signifiante et porte en elle une potentialité de guérison affective ou spirituelle. Elle devient le germe d’une naissance nouvelle. Actuellement, j’ai l’impression de cohabiter dans une entente physique et psychique avec mon corps, dans le sens où je suis attentif aux signaux qu’il m’envoie. Dans ce silence qui m’habite, j’écoute mon corps, j’observe mon esprit, le souffle de mes idées, et je pense à la vie, à ma vie, à ce que j’en fais, comment je la cultive au quotidien, comment je peux l’embellir et surtout la vivifier, pour laisser après moi plus de vie que je n’en ai reçu !
Comment ressentez-vous le regard des autres ?
Jacques Salomé : Il y a tellement de bienveillance autour de moi que je me sens accueilli dans mes différences. Le plus difficile a été d’accepter ce qui m’arrive. Mais je vis paisiblement avec moi-même, car tout est bien préservé dans mon esprit. Les mots sont là, attendant avec pudeur d’être exprimés, ne demandant qu’à sortir de moi, danser, rêver, se prolonger avec vous tous… Ce qui est douloureux, c’est quand ils deviennent incompréhensibles pour l’autre au moment de l’expression, créant parfois un espace de doute, de souffrance, de perdition de beaucoup d’énergie, car nos mots ne font plus partie du même langage. Ce sont les gestes, les regards et quelques écrits ou dessins qui m’aident alors à me faire comprendre. C’est une épreuve terrible. La maladie m’a enlevé la parole et je n’arrive pas à dire à ceux que j’aime que je les aime… Ce qui me manque le plus, c’est de ne pas pouvoir les encourager, car c’est ce que je sais faire.
Que conseilleriez-vous à des personnes traversant une telle épreuve ?
Jacques Salomé : Je les invite à rester fidèles à eux mêmes et à respecter leur être intérieur. Il appartient à chacun, malade, accompagnateur ou proche, d’écouter ce qu’il ressent sur le moment et, donc, les langages utilisés par son corps. Notre corps est notre compagnon le plus fidèle. Il émet en permanence des signaux : joie, confiance, abandon ou ouverture, mais aussi peur, refus, retrait ou fuite. Ces messages permettent de mieux s’entendre soi, de s’interroger sur le sens profond de ses émotions, pour mieux se positionner face à cette question : « Comment accueillir ce qui m’arrive? »
Utilisez-vous la méthode Espere, que vous avez créée et qui souligne la force du langage intraverbal, pour vous faire comprendre ?
Jacques Salomé : Oui, cette autre façon de communiquer me permet de me relier à mon entourage. Dire par les vibrations de mon regard ; exprimer par la tendresse de mes gestes ; mettre en commun par la lumière de mon esprit. Et quel bonheur pour moi d’avoir du répondant et de me sentir entendu dans ce silence ! J’ai toujours ce rêve qu’un jour la communication pourra être enseignée à l’école comme une matière à part entière. Je rêve d’une école qui apprendrait l’importance des soins apportés à la personne, ces petits gestes, ces attentions, cette écoute dense (danse), tissée de silences, de regards, de respirations qui nous permettent de nous sentir accueillis et aimés.
Valeria, votre épouse, est-elle votre voix ?
Jacques Salomé : En peu de temps, Valeria a appris à me connaître et à m’apprivoiser. Aujourd’hui, grâce à elle, qui sait interpréter mes paroles muettes, je peux m’exprimer. C’est mon lien le plus précieux avec l’extérieur. Je me sens tellement enveloppé par l’amour. Ce sentiment qui nous a tous deux fait grandir nous aide à traverser ensemble cette lourde épreuve. Nous vivons une si belle complicité !
Et vos enfants ? Comment sont-ils présents ?
Jacques Salomé : Je suis un père comblé. Ils sont cinq et je me réjouis de les recevoir, parfois ensemble (vous imaginez la joie à notre table familiale !), parfois un par un, afin d’agrandir la présence unique et bienveillante de chacun.
Quelles sont vos activités quotidiennes ?
Jacques Salomé : La maladie m’a imposé un changement radical, mais je reste un éternel combattant, qui respecte son engagement pour la vie en soi. Mon esprit bourdonne encore d’une multitude d’idées, de projets qui m’aident à apercevoir la beauté de mon existence, à trouver une harmonie dans la façon de la vivre au quotidien. Téméraire, je continue ma rééducation. Vivant dans le cadre magnifique des terres ocre de Provence, j’ai le privilège de m’accorder le temps de m’occuper de mes arbres, de les respirer, d’admirer leur grandeur flamboyante. Surtout à ce moment de l’année. Je cultive également un tout petit potager, et je suis le « récoltant content » (comme inscrit sur les étiquettes de bouteilles) de ma propre huile d’olive, réservée à la consommation personnelle. Je suis aussi heureux de pouvoir échanger encore avec mes lecteurs. Je m’efforce de suivre régulièrement notre correspondance, soit par courrier, soit par mail (c’est vrai que cela me demande beaucoup plus de temps pour répondre), Valeria étant à mes côtés. Ce qui me porte aussi, c’est de pouvoir aller encore à la rencontre de mon public aux salons du livre, à certains événements culturels ou encore lors de séminaires de formation à la méthode Espere que Valeria organise (je suis émerveillé par ses capacités porteuses de vie et d’amour, et par sa disponibilité malgré ce temps qui lui est tellement compté !). J’ai aussi une grande reconnaissance envers mes maisons d’édition, je remercie également les libraires et toutes les personnes qui me soutiennent dans cette démarche de rencontre. Et, bien sûr, chacun de mes fidèles lecteurs qui participe à consolider mon enthousiasme de vie.
Vous allez toujours à la rencontre de vos lecteurs, malgré l’épreuve ?
Jacques Salomé : Je suis émerveillé et comblé par la fidélité et la générosité de mon public, à qui je dois beaucoup. J’estime que j’ai encore des choses à dire… Et je les dis autrement, avec une présence pure. Cette rencontre unique avec chaque personne est un partage en réciprocité : j’accueille et j’offre, elle donne et elle reçoit. Il y a de l’écoute, de la bienveillance, et surtout de la lumière d’âme. Mon ami Christian Bobin disait : « C’est la présence à l’autre qui est silencieusement agissante dans l’accompagnement. » Je me sens stimulé par ces échanges. La douceur de nos pensées qui se croisent, la caresse paisible d’un éclat de larmes, le cri assourdi pour faire taire les doutes. Il y a de quoi faire remonter le cœur, le mien, en surface.
Comment parvenez-vous à conserver votre beau sourire ?
Jacques Salomé : Je garde en moi la bonté vivante du moment présent, l’émerveillement que le jour puisse se lever, que la lumière soit là, avec sa chaleur généreuse et opulente. Je me laisse caresser par l’image de ces nouveaux projets qui me font plonger dans l’appétit de la vie avec toute sa pétillance. Je suis dans sa grâce. C’est la conquête d’une autre façon d’être, qui me confirme que je suis vivant et heureux de l’être.
1. Cet entretien a été réalisé par écrit grâce à Valeria Salomé, que Jacques Salomé remercie « pour sa patience et l’harmonie de ses mots facilitant la capacité de [s’]exprimer ».
Une “lettre de gratitude” à ses lecteurs
Dans Un zeste d’éternité (Les Editions de l'Homme), Jacques Salomé fait la synthèse de tout ce qu’il a appris, dans sa langue accessible et poétique, sur le couple, les relations parents-enfants, l’école, le bonheur, la souffrance, le changement… Il adresse une lettre de gratitude à ses lecteurs, dont ces quelques phrases : « Je vous écris à la relève de ce défi silencieux de ma vie, blotti contre vos encouragements, la bienveillance de vos regards, pour vous rendre hommage et me relier à vous. Je vous écris à partir d’un espace intime pour vous dire mon enthousiasme à chacune de nos rencontres, pour vous témoigner combien votre présence m’a permis des ancrages véritables, pour donner à mon existence plus de sens et de consistance. »
« Non Madame Jencquel, dépendre de l'autre n'est pas être indigne ! »
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FIGAROVOX/TRIBUNE - Alors que Jacqueline Jencquel multiplie les apparitions médiatiques pour faire état de son souhait d'avoir recours au suicide assisté, trois personnes en situation de handicap, et donc de dépendance, se refusent à considérer la perte d'autonomie comme un manque de dignité.
Philippe Aubert, Marc-Henri d'Ales, Cécile Gandon et Marie-Caroline Schürr sont tous les quatre en situation de handicap. Philippe Aubert est l'auteur de Rage d'exister (éd. Ateliers Henry Dougier, 2018) et Marie-Caroline Schürr d' Out of the box(éd. du Jubilé, 2016).
Ces dernières semaines, Madame Jacqueline Jencquel a exprimé à de nombreuses reprises son intention de mettre fin à ses jours en 2020. Cette dame âgée de 74 ans ne souffre aujourd'hui d'aucune maladie grave, mais elle préfère le suicide assisté aux aléas d'une vieillesse incertaine. Elle s'en explique ainsi devant Hugo Clément, journaliste pour la chaîne Konbini. «La perte d'autonomie, pour moi, c'est la fin de la vie» affirme-t-elle sans sourciller.
S'ensuivent des propos dégradants sur les personnes dépendantes, mais aussi sur celles et ceux qui œuvrent chaque jour pour leur porter les soins et l'attention dont elles ont besoin pour vivre. Quelques jours plus tard, c'est au tour de BFM de relayer ces propos humiliants lors d'une émission matinale.
Si le discours de Madame Jencquel est violent pour nous, personnes handicapées, le fait qu'il soit puissamment relayé par les médias nous blesse profondément et atteint notre dignité.
Nous, personnes handicapées, disons et redisons que notre vie vaut la peine d'être vécue, dans sa dépendance et sa fragilité. Oui, nous assumons notre dépendance. Car nous savons qu'être dépendant n'est pas être dégradé. Quand nous avons besoin d'aide, c'est ce que nous avons de plus précieux que nous offrons: notre corps et notre cœur blessés. Madame Jencquel, nous voulons vous dire que votre vie a du prix, quel que soit votre état de santé. Vous êtes unique et importante, et vous le seriez encore quand bien même vous seriez dans la plus profonde dépendance.
Nous, personnes handicapées, nous offrons la possibilité à d'autres de donner le meilleur d'eux-mêmes pour nous aider à vivre. Nous voulons construire une société dans laquelle nous pouvons prendre soin les uns des autres. Être interdépendants, cela veut dire tisser des liens et devenir passeurs de vie.
Nous, personnes handicapées, nous voulons remercier tous les soignants et les aidants qui consacrent du temps, de l'énergie et de l'inventivité pour nous rendre la vie un peu plus confortable. Pour certains d'entre nous, l'environnement familial se retrouve également en première ligne au moment de nous porter des soins. Nous ne nions pas qu'il est dur de souffrir, parfois même à la limite du supportable. Mais ce qui est difficile n'est pas forcément indigne. Ce qui nous rend digne, c'est peut-être justement cette capacité que nous avons à croire en la vie au-delà de tout. À croire en la force du lien alors même que toutes les apparences pourraient nous faire douter. La peur de la souffrance est mortifère. La souffrance elle-même, quand elle est accompagnée, se traverse.
Notre voix n'est peut-être pas passée sur BFM à une heure de grande écoute, mais elle est pourtant force de témoignage. Elle porte la douleur de notre chair blessée. C'est celle qui tisse des liens. Et qui, dans l'invisible du quotidien, trace une route de vie. Avec force et courage.
Philippe Aubert, Marc-Henri d'Ales, Cécile Gandon et Marie-Caroline Schürr
Lorsqu'il est né le 25 juin 1912, personne n'aurait misé sur ce bébé prématuré de 1,2 kg. Et pourtant ! Cent deux ans plus tard, Camille Lehoux est bien là. À la maison de retraite de Penvénan (Bretagne) où il est entré pour accompagner sa femme qui ne pouvait plus rester à domicile, on a plus de chance de croiser Camille Lehoux dans la salle d'animation ou de restaurant que dans son lit. À 102 ans, une cane à la main «pour le cas où» et des yeux bleus rieurs, Camille Lehoux en paraît facilement vingt de moins. Physiquement, son visage est très peu ridé. Et mentalement, il est resté un brin moqueur: «Comme je ne suis pas très grand de taille, avant, je n'intéressais personne. Mais depuis que j'ai passé les 100 ans, je passe souvent dans la presse locale!», a-t-il l'habitude de blaguer.
En bonne santé générale, mais pas indemne de tout problème - il a notamment été opéré d'un gros anévrisme de l'aorte à 94 ans, une opération non dénuée de risque -, Camille Lehoux donne finalement l'impression d'être comme tout le monde, mais de vieillir moins vite: avec vingt ou trente ans de retard. D'ailleurs, quand il part se promener en centre-bourg, situé tout près de la maison de retraite, certains septuagénaires de trente ans ses cadets peinent à suivre son rythme. Pour Camille Lehoux, il ne fait aucun doute que c'est le vélo qui l'a conservé. «Apprenti, je me servais du vélo de l'atelier pour livrer des pièces métalliques. Puis, vers 18 ans, le copain de ma sœur m'a offert un vélo de course pour que je ne dise rien aux parents! Je m'en servais tous les jours pour aller au travail, puis j'ai fait des rallyes et d'ailleurs, mon premier prix a été de gagner… un vélo!»
Seule la guerre va interrompre ses périples en cycle, mais «j'ai repris ensuite jusqu'à l'âge de 55 ans. Après, je me suis mis plutôt à la marche». Pas du genre stressé même si la vie ne lui a pas fait de cadeaux, pas coléreux (mais détestant l'hypocrisie en politique), ne fumant jamais plus de cinq ou six cigarettes par jour, buvant modérément du vin, mangeant sainement, Camille Lehoux dit avoir eu une vie heureuse, grâce à sa femme qui était très gaie. De leur union est née une fille unique qui a également eu une fille. «Avec toutes ces femmes autour de moi (j'avais aussi une sœur jumelle), je suis forcément féministe!»
Et pour Camille Lehoux, la famille, ça compte: il va ainsi tous les dimanches chez sa fille, où il s'adonne entre autres aux mots croisés: «Aux jeux de culture générale, je suis plutôt imbattable! Mais le plus dur, c'est de trouver du monde pour jouer.» Aujourd'hui, quand on lui demande ce qui l'étonne, c'est justement le fait que les gens ne soient plus capables de s'étonner, qu'ils soient blasés ou indifférents aux nombreuses innovations du quotidien: «Ce qui m'a le plus marqué dans ma vie, c'est l'arrivée de l'électricité dans les foyers. Appuyer sur un bouton et voir la lumière, c'était comme un petit miracle!» Et Camille Lehoux de conclure: «J'ai toujours été plutôt confiant dans l'avenir, même si je ne pensais pas arriver jusqu'à 100 ans.»
Une chute en ski, un accident de voiture… puis le coma. Des années après leur réveil, ils reviennent sur ce voyage hors du temps.
« Une expérience étonnante et très riche. » Ce sont les mots de Laurence Musy, 47 ans, pour parler de ses 126 jours de coma après sa chute en ski. C’était en février 1992, dans les Pyrénées. La jeune monitrice dévale une piste noire « à fond de train, comme presque tous les matins ». Puis la chute, à cause d’une boulette de glace, la douleur et le coma, le lendemain. « C’est arrivé en allant à l’hôpital, se souvient-elle. J’en suis sortie quatre mois après. »
À son réveil, Laurence Musy peine à bouger, à s’alimenter… « J’avais le corps très abîmé et la mémoire complètement vide. Mes premiers souvenirs ont été les explications de mes proches, sur mon nom, d’où je venais, ce qu’il s’était passé. » Au fil des années, « des petits bouts » lui reviennent. Mais il lui aura fallu près de dix ans pour récupérer.
De ce voyage « hors du temps et de l’espace », Laurence Musy a gardé des souvenirs, des sensations, qu’on « pourrait rapprocher de ce qu’on vit à travers ce que certains appellent les rêves lucides, illustre-t-elle. Une fois dans le coma, je me suis détachée assez vite de mon corps pour vagabonder. Sans trop savoir comment, j’arrivais à être aux côtés de mes proches… »
« On est là sans être là »
Sophie, 32 ans, hospitalisée à Nantes après de graves brûlures en 2010, décrit aussi ses dix-neuf jours de coma comme un phénomène paranormal. « On est là sans être là. On entend et on ressent des choses qui peuvent se passer à des centaines de kilomètres de nous, s’étonne encore la jeune femme. Le réveil est une torture, mais cette transition entre la vie et la mort, où votre esprit s’ouvre de façon considérable, est une expérience incroyable. Même si je ne souhaite à personne d’être dans le coma. »
Chaque année en Europe, « 2,5 millions de personnes subissent un trauma crânien, chiffre le Dr Steven Laureys, neurologue, auteur d’Un si brillant cerveau (Odile Jacob). C’est la première cause de décès des jeunes Français. » Pour ce chercheur belge, « la conscience des personnes dans le coma a souvent été sous-estimée ». En 2009, son équipe a montré que 40 % des individus en état « végétatif » - il préfère le terme « d’éveil non-répondant » - ont en fait des signes de conscience.
De quoi bouleverser les idées reçues. « Le coma est fréquent, pourtant on sent une réserve quand on en parle », remarque Laurence Musy, qui anime désormais des conférences sur les états de conscience altérés. Sûrement le « caractère un peu insolite de la chose, avance-t-elle, avant de relativiser. Il y a vingt-cinqans, j’étais prudente quand j’évoquais cet ailleurs. Pour des gens cartésiens, quand on est dans le coma, il ne se passe rien. Mais j’ai l’impression que les esprits ont évolué. »
D’ailleurs, les récits abondent : Une larme m’a sauvée (Les Arènes) d’Angèle Lieby, Le Miraculé, sept mois de coma (Yellow Concept) d’Yves Michel ou celui de Laurence Musy, réédité en avril par Le Temps présent. Le titre ? Raconte…
AUX ETATS-UNIS, UN PÈRE DE FAMILLE EN FIN DE VIE S’OPPOSE À L’AIDE MÉDICALE À MOURIR
par gènéthique, 26/07/2018
En mai 2014, J.J. Hanson, marié et père de deux enfants, a appris qu'il avait une tumeur au cerveau de stade 4, unglioblastoma multiforme,et qu'il n’avait plus que quatre mois à vivre.
Malade, il est devenu président duPatients Rights Action Fund,association qui a récemment publié deux vidéos dans lesquelles il s’oppose à la légalisation de l’aide médicale à mourir. Il témoigne avec simplicité de ses réflexions : « Serait-ce plus facile si j’abandonnais ? Si je disais simplement : c'est trop lourd pour ma famille, la douleur est difficile, je ne veux pas faire face à ça? (…) Et si je disais juste que j'en ai assez et que j'arrête ? »
En décembre, J.J. Hanson est décédé des suites de sa maladie. Il avait à 36 ans. Sa famille a expliqué qu'il avait passé ses derniers jours à s'opposer à l'aide à mourir et, qu’au contraire, il avait plaidé pour de meilleurs soins de fin de vie.
« Chaque jour est un cadeau »,disait-il dans la vidéo de 2015. Son épouse Kristen a déclaré qu’elle désirait diffuser son« message d’espoir » : « Toujours garder espoir. Même lorsque vous vous sentez à bout, l'espoir d'avoir un moment précieux avec votre famille sans douleur ni souffrance est toujours là », a-t-elle rappelé la semaine dernière.
''Je me suis autorisée à laisser le silence s'installer, en toute sérénité''
Peux-tu décrire le cheminement qui t'a amenée à faire du bénévolat, et à choisir le bénévolat d'accompagnement de personnes malades, ou en fin de vie ? Cela fait plus de 20 ans que je fais du bénévolat ! Je ne me suis jamais vraiment posé la question du pourquoi, ça me paraît naturel d'être présente aux autres. Alors, pourquoi avoir choisi récemment de faire du bénévolat auprès de personnes gravement malades et en fin de vie ? Je dirais d'abord qu'il y avait en moi un véritable intérêt intellectuel et humain sur tout ce qui a été écrit sur la mort. Les livres de Marie de Hennezel ont certainement été un ‘'déclencheur'' pour moi.
‘'S'il y avait eu un espace d'écoute et de parole, elle serait partie plus sereine''
Mais ce bénévolat il s'inscrit aussi dans mon parcours. Il y a plus de 10 ans, j'ai été amenée à accompagner une amie très proche, qui est décédée d'un cancer du foie. Elle est morte en plein conflit familial. On imagine que l'approche de la mort apaise les relations et transcende les ressentiments et les non-dits qui peuvent s'incruster au sein d'une famille. Hé bien pas du tout ! Elle est morte dans une détresse abyssale. Ca m'a marquée. Elle n'a jamais pu déposer ce qu'elle avait sur le cœur. Sil y avait eu un espace d'écoute et de parole, elle serait partie plus sereine.
‘'L'argent ne fait rien à l'affaire : à l'approche de la mort, sans accompagnement, la solitude et la souffrance psychique sont là''
Et puis ma maman est décédée l'an dernier, après un an et demi passé en EHPAD (Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes). Dans cette maison de retraite très chic, très chère, j'ai senti de façon très palpable la détresse des personnes âgées. L'argent ne fait rien à l'affaire : à l'approche de la mort, sans accompagnement, la solitude et la souffrance psychique sont là. Alors je me suis dit mes enfants sont grands (14 et 18 ans), ma vie professionnelle est stable, j'ai cette disponibilité – mentale et en temps (une après-midi par semaine) - pour aller à la rencontre de ceux qui sont malades et en fin de vie.
Comment se sont déroulés tes premiers accompagnements ? Quels enseignements en as-tu tiré ? Quand on arrive, c'est avec l'envie d'aider. Je n'imaginais pas quelque chose de précis mais quand même, naïvement, je croyais qu'il s'agissait d'une aide à la personne, une sorte de compassion active à manifester. J'ai vite réalisé que ce qui compte surtout pour le malade, c'est avant tout la présence et l'écoute.
‘'Je me suis autorisée à laisser le silence s'installer, en toute sérénité''
Mes premiers accompagnements se sont bien passés mais j'ai eu au début des difficultés. Quand des moments de silence s'installaient j'étais mal à l'aise. Comme s'il fallait combler un vide. Et puis, un week-end, j'ai suivi la formation sur l'écoute. Ca m'a beaucoup aidée. Je me suis autorisée à laisser le silence s'installer, en toute sérénité. J'ai appris aussi à respecter le rythme de la personne malade, qui n'est pas le même que celui des bien-portants. Peu de temps après cette formation, le hasard a fait que je me suis retrouvée au chevet d'une personne âgée très malade, qui s'exprimait très lentement. Et, miracle, j'ai su rentrer dans son rythme. Et c'est dans cet espace respecté de silences et de lenteur qu'elle a pu spontanément exprimer sa souffrance, la déposer, s'en soulager en quelque sorte.
Maintenant que je sais être dans le rythme de la personne et dans le silence, je suis étonnée de voir combien les personnes s'en saisissent. On reçoit des confidences de vie. Un jour, l'une d'entre elles m'a dit ‘'Ce que je vous dis là, je ne pourrais pas le dire, ni à mes enfants ni à mon mari''.
‘'Ce moment de partage, je ne l'oublierai jamais''
Il y a une autre chose que je voudrais dire aussi sur le respect du rythme de la personne. Ca peut donner des situations émouvantes et inimaginables ! J'étais au chevet d'une femme qui avait, elle, un grand besoin de communication. Elle m'avait dit être témoin de Jéhovah, que c'était un moyen pour elle d'exprimer sa spiritualité, mais que sa passion c'était l'opéra. Ce jour-là, elle ne se sentait pas bien car elle avait des nausées. Elle s'est mise à chanter un air de Rossini et je l'ai suivie, à deux voix. Elle était contente, son regard pétillait; de temps en temps, quand elle sentait monter un haut-le-cœur, elle s'arrêtait de chanter pour s'emparer de la bassine au cas-où, et puis elle reprenait de plus belle ! Ce moment de partage, je ne l'oublierai jamais.
Comment se passent tes relations avec le personnel soignant ? As-tu des éléments positifs à souligner ou as-tu des souhaits d'amélioration de ces relations ? Ce service Oncologie de l'hôpital Saint Antoine est vraiment exceptionnel. Le personnel est bien-sûr débordé, comme partout ailleurs, mais ce qui fait la différence, ce sont les malades eux-mêmes qui le disent, c'est la qualité de la communication, il y a un véritable respect de la personne. Pour moi, avec eux, ça se passe très bien. Il y a de la complicité, des sourires.
As-tu été amenée à croiser la famille au chevet des personnes que tu accompagnes ? Si oui, ton bénévolat d'accompagnement te semble-t-il pouvoir s'étendre aux proches des personnes malades ou en fin de vie, et sous quelle forme ? Au début, je n'étais pas sûre de moi et quand la famille était là, j'évitais un peu. Mais les circonstances se chargent de te mettre en présence des familles ou des proches !
J'ai deux exemples qui me viennent à l'esprit : Celui de ce monsieur que je visitais. Au début de nos premiers échanges, je l'ai senti un peu confus, désorienté, mais surtout très angoissé. Parce que j'ai pu laisser place au silence, il m'a confié de façon très cohérente l'angoisse que lui procurait sa maladie. Et puis son épouse est rentrée dans la chambre. Elle m'a regardée de façon peu amène, d'un air de dire ‘'Qu'est-ce qu'elle fait là ?'' Bien-sûr je me suis présentée : ‘'Sylvie, je suis bénévole. Je viens de parler un peu avec votre mari.''. Elle m'a regardée avec une grosse incrédulité, et, devant lui, elle a répondu :''Ca ne sert à rien, on ne peut pas parler avec lui''. Je l'ai sentie fermée. Alors j'ai gentiment pris congé de ce monsieur, en le remerciant des quelques paroles que nous avions échangées. Ce que j'ai vécu là montre qu'on peut se retrouver en situation d'impuissance vis-à-vis des proches.
‘'Ils se sont mis à parler ensemble, disant en quoi la maladie avait changé leur regard les uns sur les autres''
A l'inverse, je me souviens de ce monsieur, ancien exploitant agricole, qui m'avait exprimé combien cela lui était difficile, lui qui n'avait jamais quitté sa ferme et s'y était investi intégralement, de se voir contraint, avec sa maladie, de lâcher prise et de déléguer. Son épouse avait pris le relais et s'en sortait bien. ''Il faut que j'apprenne à vivre à côté de mon exploitation, à côté de ma maladie, dans un espace où je suis un être vivant et debout'' m'avait-il confié. Le jour où je me suis retrouvée en présence de son épouse et de sa mère, j'ai vécu un moment fort auquel je ne m'attendais pas. Devant moi qui étais en quelque sorte leur ''témoin'', ils se sont mis à parler ensemble, disant en quoi la maladie avait changé leur regard les uns sur les autres. C'étaient des échanges fluides, avec des regards qui disaient les liens qui les unissaient, et j'étais là, je n'ai rien déclenché mais je sentais que par mon écoute et mon respect, je participais à cette circulation. ...
Et enfin, si tu devais exprimer en quelques mots seulement, ou en une phrase, ce que sont tes accompagnements, tels que tu les pratiques ou tels que tu souhaites les pratiquer, tu dirais quoi ?
Accompagner, c'est proposer une présence, une écoute bienveillantes. A partir de là, tout peut se déployer.
Jean d'Artigues : "Je veux goûter la vie jusqu'au bout"
Jean d'Artigues est atteint de la maladie de Charcot, incurable. Alors qu'Anne Bert a choisi l'euthanasie, cet entrepreneur de 54 ans vit sa maladie comme une aventure extrême.
par Pèlerin, 18/10/2017
Comme vous, Anne Bert était atteinte de la maladie de Charcot. Elle a choisi d'être euthanasiée en Belgique. Comment réagissez-vous ?
Je respecte sa décision : chacun a toute liberté de maîtriser son destin. Mais pour moi, la vie continue, et ce n'est pas une sous-vie. C'est difficile car vous vous voyez perdre petit à petit vos capacités. L'espérance de vie est théoriquement limitée à une durée de trois à cinq ans. C'est un destin terrifiant mais la majorité des malades en témoigne : on peut vivre avec la SLA (sclérose latérale amyotrophique, ou maladie de Charcot).
En alternant bonheur et malheur, comme dans toute existence.
Vivre avec la maladie de Charcot, ce n'est pas une sous-vie
L'histoire d'Anne Bert a fait beaucoup de bruit dans les médias…
Oui. Ce qui me gêne le plus, c'est le raccourci « SLA implique euthanasie ». Mais tout ce bruit a eu un effet positif : celui de faire parler de la maladie. Les 8 000 malades de France, le corps médical et les chercheurs en ont bien besoin !
Quand le diagnostic de votre maladie est tombé, que s'est-il passé dans votre tête ?
C'était il y a six ans. J'avais 47 ans. Quelques mois auparavant, j'avais créé mon entreprise de conseil en communication et j'avais déménagé à Vannes (Morbihan), avec ma femme et mes quatre enfants, alors âgés de 8 à 17 ans. L'idée était de profiter de la mer, de faire de la voile.
Un mois après notre arrivée, j'ai senti les premiers symptômes de la SLA. Deux mois plus tard, ma femme a été atteinte d'un cancer du sein. Quelques mois après, on me découvrait la maladie de Charcot. Au moment où je l'ai appris, j'ai été pris de tournis. Allongé sur mon lit, à l'hôpital, ça a duré dix minutes, et puis ça a arrêté de tourner. J'ai soudain été habité par une force intérieure qui ne m'appartenait pas.
D'un coup, d'un seul, j'ai été apaisé. Pourtant, toute ma vie était en péril : enfants, épouse – qui décédera en 2014 –, maison, ressources… Depuis, je n'ai jamais eu peur.
Cette force intérieure, lui donnez-vous un nom ?
Avant ma maladie, je n'étais pas vraiment pratiquant. Je croyais en Dieu mais je n'avais pas fait d'expérience forte de sa présence. Depuis que j'ai ressenti cette paix, je ne me suis jamais senti abandonné. J'ai vécu une expérience physique venue d'ailleurs. Qui m'a sauvé, tout simplement.
Je ne me suis jamais senti abandonné par Dieu !
Comment se manifeste cette présence ?
Par du concret. Tous les jours, dans ma vie, j'assiste à des petits miracles : une personne, une idée, une info… Regardez, mon remariage avec Laurence, en février dernier ! C'était tellement improbable. Ma relation à Dieu, je la vis comme une action de grâce. Je Lui dis en permanence : « Merci, et soulage aussi les autres. »
Avec Lui, j'ai appris une forme d'humilité. Je suis renvoyé à mon statut d'être humain fragile. Seul, je n'arriverais à rien.
Vous êtes aujourd'hui dépendant. Comment le vivez-vous ?
J'ai perdu l'usage de mes jambes et de mes bras. Je vis sous ventilation artificielle quasiment jour et nuit. Je suis allongé quinze à seize heures sur vingt-quatre, et subis des soins divers. Je suis tellement renvoyé à mes limites que tout orgueil m'est interdit. La dépendance m'a humanisé. Regardez, rien que le fait de me déplacer en fauteuil…
Quand j'étais debout, j'intimidais, du haut de mon 1,97 m. Assis, le contact est facile. Je regarde les autres les yeux dans les yeux. Des tas de gens me parlent. Comme s'ils se disaient : « Votre vulnérabilité nous autorise à vous montrer la nôtre. »
Avant ma maladie, je contrôlais ma vie. Aujourd'hui, je n'ai plus mon destin en main ; j'accueille ce qui vient. Je souffre, certes, mais il m'arrive des choses merveilleuses !
Votre remariage, par exemple !
Il a suscité beaucoup de surprise autour de nous. Ce fut un électrochoc positif pour de nombreuses personnes qui se sont dit : « J'ai moi-même encore des choses incroyables à vivre. »
Et vos enfants, comment ont-ils vécu ces dernières années ?
Je leur ai dit : « Moi, je me débrouille, ma vie fonctionne. Vous, allez-y ! » Je les ai encouragés à prendre de la distance – même si cela a été difficile – pour vivre leur vie. Quand je suis parti près de deux mois en mer, ils ont eu peur. Pour eux, c'était comme si je décidais de me suicider.
Mon retour a changé beaucoup de choses. Je leur montre que vivre passe avant tout. Que tout est possible. Aujourd'hui, ils ont entre 14 et 24 ans et ne vivent plus à la maison. Chacun a trouvé sa route.
Votre traversée de l'Atlantique à la voile, c'était un projet un peu fou…
Oui ! Cinquante jours de mer, dans un fauteuil, avec deux skippers, un médecin, un infirmier et un kiné. La mer a toujours été présente dans mon imaginaire. J'ai toujours pratiqué la voile. En décembre 2015, j'ai lancé l'idée : si je voulais réaliser mon rêve d'enfant de traverser l'Atlantique, c'était le moment ou jamais.
J'ai envoyé un mail à une vingtaine d'amis liés au monde de la mer. Huit jours après, mon voisin est venu me voir en me disant : « Je t'amène deux skippers – mon frère et moi – et un bateau. » Après, tout s'est enchaîné. J'ai convaincu 350 donateurs et 50 entreprises que mon projet était sérieux.
L'idée était aussi de donner espoir à ceux qui en ont besoin. Notamment aux malades*. De montrer qu'on peut continuer à rêver même dans des conditions de vie compliquées.
Quel souvenir le marin que vous êtes garde-t-il de cette aventure ?
Il m'a fallu expérimenter l'inactivité sur un bateau. Je me suis acclimaté, en me concentrant sur le plaisir de danser sur les vagues avec un équipage exceptionnel.
Vous avez toujours eu un tempérament très positif, non ?
Oui. Je me réveille chaque matin en me demandant comment enchanter chaque jour. Admirer ce qui est admirable. Regarder le ciel, la nature, des oiseaux devant la fenêtre, mon épouse.
Créer des moments de tendresse et de plaisir. Imaginer un repas qui sort de l'ordinaire. Je veux vivre intensément.
Avez-vous des modèles ?
Robinson Crusoé, le personnage de Daniel Defoe, m'accompagne depuis mes 10 ans. Il a inscrit en moi le fait qu'il faut se préparer à tout, et que l'être humain est formidablement adaptable.
Par ailleurs, mon histoire familiale ne manque pas de héros : deux grands-pères résistants, un père vainqueur du cancer du poumon, un oncle poète mort en déportation à 23 ans, un autre qui a survécu à la bataille de Dien Biên Phu… J'ai toujours été très sensible à ces récits familiaux qui disent que la vie est fragile et qu'il faut se forger un caractère pour faire face aux grandes épreuves. Cela m'a aidé à ne pas rechercher une existence tranquille.
Toutes ces histoires m'ont aussi transmis que je dois aller au bout du destin qui m'est donné. C'est un livre dont je dois tourner toutes les pages. Le terminer, c'est ma mission, aussi mystérieuse soit-elle. Je sais que, dans les dernières années de vie, même dans les moments les plus noirs, on peut voir la lumière. Il faut juste être un peu patient…
Comment vivez-vous l'urgence du temps qui passe ?
Je vis chaque jour comme s'il était le dernier. Je sais que l'avenir ne dépend pas de moi. La prière de Charles de Foucauld me parle : « Mon Père, je m'abandonne à toi. » Je m'entraîne chaque jour un peu plus à l'abandon… mais j'ai encore des capacités de résistance importantes !
Je crois en la vie et je veux lui faire confiance. On a des choses incroyables à vivre, qui dépassent l'imagination et l'entendement. Elles peuvent faire énormément souffrir mais aussi donner énormément de bonheur. Il faut accepter et goûter, tant que c'est possible.
* Jean d'Artigues est vice-président de l'Arsla (Association pour la recherche sur la SLA) : www.arsla.org
Bio
1963 Naît à Paris. 1986 Travaille comme journaliste, puis comme consultant en communication. 2012 Apprend qu'il est atteint de la maladie de Charcot. 2014 Perd sa femme. Leurs quatre enfants sont alors âgés de 11 à 20 ans. 2016 Traverse l'Atlantique à la voile. Publie Ça roule (Éd. PUN-Éditions universitaires de Lorraine, 152 p. ; 12 €). 2017 Épouse Laurence.
en aparté
Non loin de l'eau, une petite maison vannetaise au crépi blanc. Un long corps posé dans un fauteuil roulant. Jambes et bras immobiles, narines reliées, par un petit tuyau de plastique transparent, à un distributeur d'oxygène. Une prison pour cette carcasse de presque deux mètres, grignotée jour après jour par un ennemi insidieux ? Ce n'est pas ce que disent le regard vert d'eau et le sourire indélébile de l'occupant des lieux. Jean d'Artigues, 54 ans, est libre. Libre de choisir sa vie. Libre de rêver sa vie, et de donner vie à ses rêves.
« Car ma maladie est une sorte de défi. Et un défi est fait pour être relevé. Si possible avec panache. »
Ce film nous emmène à la rencontre de patients en fin de vie hospitalisés en soins palliatifs. Leur témoignage et celui de leurs proches nous permettront de mieux comprendre la spécificité de la prise en charge palliative où tout est mis en œuvre pour vivre jusqu’au bout ce temps si précieux et si fort qu’il reste à vivre.
Film de la Société Française d'Accompagnement et de soins Palliatifs
Je pense aussi que l'on devrait avoir le droit de choisir, Mais en France, on vit dans l'hypocrisie. ... Je viens de perdre mon ami, il n'avait que 57 ans. Hospitalisé pour un accident bête, brûlé au visage et aux mains. Ses blessures étaient guéries depuis 15 jours. Donc il n'avait plus de raison de rester dans ce service. Malheureusement il avait d'autres pathologies, mais était suivi par son médecin traitant depuis des années. Il était diabétique, et suite à une blessure au pied, il avait le bas de la jambe amputée. Et pendant un long séjour en soins de suite, il a développé un escarre à l'autre pied. Son infirmier l'a soigné pendant des mois et la plaie, après avoir été creusée très profond par un chirurgien, s'était bien remontée. Il attendait avec impatience le jour où il obtiendrait sa prothèse et faisait des projets d'avenir. Mais il avait une cirrhose qui lui provoquait de l'ascite, et on venait de lui apprendre qu'il avait des taches sur le foie ( donc un cancer en perspective ) mais l'hépatologue lui a précisé qu'il n'y avait pas de métastases et qu'on pourrait envisager un traitement une fois ses cicatrisations du pied et des brûlures terminées. Il a, par le passé, vu des personnes souffrir en phase terminale de cancer, et il a déclaré : «je sais que j' ai un cancer, que je peux en mourir et ce que je souhaite, c'est de ne pas connaître ces souffrances là.» Mais il n'en n'était pas encore là... ...Il se trouvait loin de chez lui. Moi je ne pouvais pas aller le voir souvent car je marche difficilement et ne conduis pas. Il se sentait très seul, il en avait assez de rester dans son lit d'hôpital, juste en attente.
Il a dit qu'il voulait rentrer chez lui et il était bien décidé à rentrer même si cela avait été en hospitalisation à domicile. Il avait même appelé lui-même la société d'ambulance qui le véhiculait régulièrement pour leur demander de venir le chercher. Seulement le médecin du service ou il était à refusé de le laisser partir, alors comme à son habitude, mon ami qui n'avait pas un caractère facile s'est emporté. Il disait toujours que si il voulait sortir de l'hôpital, il était prêt à signer une décharge mais qu'il ne voulait pas être retenu contre son gré. Il fallait donc le maîtriser... Le médecin m'a téléphoné pour me dire qu'il était très affaibli, et qu'il le mettait sous « hypnovel ». Je lui ai demandé à quoi correspondait ce produit, il m'a répondu que c'était juste un anti douleur pour qu'il ne souffre pas. Le surlendemain matin je me fais conduire auprès de lui, on me dit qu'il n'en a plus pour longtemps et que c'est une question d'heures... Je le trouve sous perfusion et masque à oxygène, complètement immobile mais bien conscient. Il ne pouvait ni bouger ni parler. Pourtant je voyais bien qu'il luttait de toutes ses forces pour essayer de parler. Il a pleuré avec moi. J'ai demandé au docteur C.... si il pouvait interrompre momentanément le produit qu'il lui injectait, il m'a affirmé qu'il ne pouvait pas.
Mon ami s'est éteint en fin d'après-midi en pleurant. Il n'a pas eu le droit de dire au revoir ni à moi ni à son fils présent. Où est le droit de partir dans la dignité ? Et la détresse psychologique du malade ? Depuis j'ai cherché sur internet ce qu'était le produit qu'on lui avait injecté, et j'ai découvert qu'on s'en servait comme sédation active pour des malades en phase terminale de cancer et en soins palliatifs, quand les douleurs étaient devenues insupportables et qu'on ne pouvait plus les atténuer avec d'autres médicaments contre la douleur, quand le patient était perdu. . Qualifié de « CAMISOLE CHIMIQUE »
Que le traitement devait rester réversible. Que l'on ne pouvait donner ce produit qu'après en avoir parlé avec le patient et avec la famille et que si on l'administrait en continu, on devait l'arrêter toutes les 24h et demander au patient si il n'a pas changé d'avis. Ce qui voudrait dire que le patient devait savoir qu'on lui injectait ce produit pour le faire partir. Or je doute que mon ami avait envie de mourir tout seul loin des siens et qu'il n'aurait pas eu envie de téléphoner ou de laisser un petit mot d'adieu pour les personnes qu'il aimait avant d'être plongé dans l'immobilité. J'ai dit au médecin qu'il ne souffrait pas au point d'en arriver à une telle décision. Il m'a répondu qu'il souffrait car il avait vu dans son dossier qu'il prenait de l'Actiskenan. Je lui ai dit que l'Actiskénan, il en prenait depuis au moins 10 ans et qu'il avait toujours été soulagé, même avec de faibles doses, car il prenait du 10mg pas plus de 3 par jour et même souvent 2. Il en prenait plus par addiction que pour la douleur. On lui prescrivait ça parce qu'il ne pouvait pas prendre d'anti-inflammatoires. Il m'a dit pour se donner bonne conscience qu'il avait trop de pathologies et qu'il aurait fini par souffrir un jour et, sous entendu, mourir. Mais comme je l'ai déjà dit, on n'en était pas encore là, et on aurait pu lui laisser le temps de commencer un traitement pour son foie. Aujourd'hui, je vis avec les images de ces dernières heures où je l'ai regardé lutter pour ne pas partir comme ça, et je continue à voir ses larmes couler abondamment jusqu'à la fin. Ça fait très mal et je pense qu'il avait le droit de vivre un peu plus longtemps.
« Ici, on ne se blinde pas ». Une journée en Soins Palliatifs.
par Koz, 09/03/2018
Comment peut-on s’attacher à connaître une personne, savoir qu’elle va mourir, la voir mourir, et recommencer le lendemain ? Ils doivent être blindés. C’est bien ce que l’on croit d’abord, et peut-être est-ce vrai dans d’autres services hospitaliers, parfois par la force (supposée) des choses ? Pas ici. « On ne se blinde pas, ici. Les émotions, ça nous maintient en vie », me dit Sylvia Boulate, cadre hospitalier.
Depuis les premières transmissions du matin, on parle beaucoup des personnes et finalement peu de leur maladie. Ce monsieur n’en est pas à son premier séjour mais, ces derniers jours, « il y a une vraie tristesse qui s’est installée ». Chez telle autre patiente, l’équipe souligne que ces mots reviennent souvent : « c’est triste », « c’est triste, la vie ». La patiente, discrète, sera vraisemblablement « peu demandeuse ». Un soulagement pour l’équipe de soignants ? Après tout, une patiente peu demandeuse, c’est du temps gagné pour les autres. Mais non, elles passeront plus souvent la voir, s’assurer qu’elle ait de la compagnie. Une autre patiente s’avère très volubile. L’équipe se soucie que ce flot de paroles cache une grande anxiété. Et l’attention ne se cantonne pas aux patients, l’équipe prend encore en compte l’entourage familial. Ce patient est-il seul ? A-t-il des enfants ? Habitent-ils loin ? Comment s’entendent-ils ? Certains patients sont en séjour dits « de répit », mais ce répit est pour leur entourage, pour soulager la fille d’une patiente, le mari d’une autre, qui « craque complètement ». Oui, préserver l’entourage peut aussi être un motif d’admission.
Et c’est toute l’équipe qui s’y met. On pourrait imaginer une répartition des tâches : aux soignants, la technique médicale, au psychologue, les angoisses du patient. Loin de cela, médecins, aide-soignantes et infirmières sont attentives au caractère et au moral des patients, ainsi qu’à celui des proches.
La journée était calme, à l’Unité de Soins Palliatifs de Puteaux. Il en est d’autres où un patient s’asphyxie, un autre est victime d’une hémorragie et se vide de son sang par le bas ou par le cou. Certains arrivent perclus de douleurs, ou avec des plaies énormes. Mais la journée d’hier était calme. Une famille est là, dont le père et l’époux est décédé dans la nuit. Un médecin et une infirmière vont s’entretenir avec elle, et aider la mère à annoncer la nouvelle aux enfants.
Au cours de l’entretien d’arrivée, le Dr Perruchio explique sa mission à une nouvelle patiente, avec des mots simples : « Notre mission à nous, c’est plus le bien-être. La maladie, elle est là, on ne peut pas changer ça. Nous, on est là pour les symptômes ». Elle veut s’assurer d’un minimum de compréhension par le patient de la raison de sa présence. Elle n’est pas là pour mettre des mots durs, pour parler nécessairement « fin de vie » ou même « soins palliatifs » mais « ce qu’elle ne veut pas, c’est qu’on leur mente ».
La chef de service prend le temps d’un entretien impromptu avec le fils d’un patient, dont la sortie pour un autre service était envisagée et n’arrive pas à se faire. Il est fatigué et l’équipe médicale préfère ne pas insister. Elle le gardera encore un peu. Voyant l’émotion du fils, je m’écarte, mais j’entends tout de même ces mots, qui viennent clore l’entretien : « merci pour tout ce que vous faites ».
« Tout ce que fait » l’Unité de Soins Palliatifs, c’est jusque dans les détails. Les plateaux-repas ne sont certes pas ceux d’un étoilé Michelin, mais le pain n’y est pas mis à même le plateau, il est coupé et placé dans une coupelle. Une attention est portée à la présentation de l’assiette. Dans les chambres, un petit panneau coulisse pour occulter les arrivées d’oxygène et fluides divers, afin d’atténuer l’aspect médicalisé de la chambre. Chacune est dotée de la télévision et du wifi gratuits. Un large panneau de bois est prévu pour permettre aux familles et aux patients d’accrocher toutes les photos qu’ils souhaitent.
Le service compte une baignoire. Des lumières ont été installées, pour varier les ambiance. Des bains moussants ou aux huiles essentielles peuvent être donnés. Une socio-esthéticienne passe régulièrement et Madame S. nous confie que, cette fois, elle va se faire mettre « du vernis de couleur », pour sa fille. Il y a encore une psycho-motricienne, une art-thérapeute (qui vient jouer du violoncelle dans le service), un atelier pâtisserie, pour sortir les patients du quotidien et pour faire circuler de bonnes odeurs. Tous les milieux sont, évidemment, accueillis, et certains n’ont jamais connu ce confort. Aux soins palliatifs, certains disent même : « on est bien, ici ». D’autres s’interrogent : « c’est public, ou c’est privé, ici ? »
Mais l’USP n’est pas non plus un centre de thalasso. Parmi les détails, il y a des draps bleus pour les patients susceptibles de faire des hémorragies. Ainsi, les tâches de sang produisent une couleur marron, et pas ce rouge vif sur draps blancs, vision autrement plus violente pour les patients. Lorsqu’un patient décède, le service le garde dans sa chambre, place des bougies, pour permettre aux proches de le voir dans un cadre plus apaisant que la chambre mortuaire d’un hôpital. « Vivants ou morts, ça reste nos patients ». Par tradition, la chambre ne sera pas ré-occupée pendant les 24 à 48 heures suivantes. « Parce qu’on n’est pas une usine à… à je sais pas quoi d’ailleurs, mais on n’est pas une usine ».
Le dévouement du service ne s’arrête pas là. Pendant l’une des deux réunions de transmission, à plusieurs reprises, le Docteur Laurence Dalem prévoit d’appeler l’assistante sociale, et notamment pour prendre en charge les frais d’obsèques.
Nous sommes rentrés dans le dur, aussi, et avons évoqué l’euthanasie. Finalement, cette question est le quotidien du service. Ne serait-ce que parce qu’il est même parfois précisé, sur les demandes d’admission qui sont arrivées dans la journée, que le patient formule une demande d’euthanasie. Pour le Docteur Perruchio, et pour son service d’ailleurs, les choses sont claires : « c’est non ». Il n’y aura jamais, dans son service, d’euthanasie. Comme elle me l’explique, la demande vient souvent de patients inquiets, anxieux d’un acharnement thérapeutique, ne sachant pas que l’ « obstination déraisonnable » est proscrite. Elle vient aussi de l’entourage, et même du milieu médical. Pour un patient, atteint d’une SLA mais pas encore en fin de vie, la famille, le médecin généraliste, le médecin spécialiste, tous se sont relayés pour dire au service qu’il fallait « faire quelque chose ». « Quelque chose » que chacun se garde bien de nommer… et de faire lui-même.
Dans trois cas récents, elle a clairement opposé un refus à une demande d’euthanasie. Et la réaction est parfois aussi paradoxale qu’humaine. L’une des patientes enchaîne directement en expliquant : « alors, il va falloir que je tienne jusqu’au 4 février, parce que mon fils va passer ». Un autre lui répond ces mots étonnants, pour quelqu’un qui demandait à mourir : « je croyais que c’était la meilleure solution possible, mais je vais devoir trouver une autre façon de continuer à vivre ». C’est, me dit-elle, que l’on entretient tellement certains dans cette idée que l’euthanasie devient pour eux leur « projet de vie », leur unique but. Pourtant, quand le refus est posé, ils s’en fixent un autre. Le troisième cas ? L’homme atteint d’une SLA. Un mois après, son épouse, initialement convaincue qu’il fallait accéder à sa demande, dit simplement qu’ « il est bien ».
Pour le Docteur Perruchio, la demande d’euthanasie relève globalement de deux ordres. Une demande de principe, presque militante, émanant de milieux cultivés, intellectuels et socialement favorisés. Et la demande des malades qui souffrent.
Cette demande-là, « on la traite ». Car dans un service de soins palliatifs, les patients sont là parce qu’ils vont mourir : que risquent-ils de plus, dans le traitement de la douleur ?
Quid des allergies à la morphine ? Des allergies, elle n’en a jamais rencontré, me dit-elle. Ce qui existe, c’est l’intolérance à la morphine. Or, là aussi, il existe des médicaments pour prendre en charge les effets secondaires qui caractérisent cette intolérance. Sans compter que, si les produits de la famille des morphiniques sont de loin les principaux anti-douleurs, il en existe d’autres. Bref, les demandes d’euthanasie provoquées par la souffrance physique sont traitables, et disparaissent. L’objectif n’est pas « zéro douleur », mais de rendre la douleur supportable, pour que les patients puissent vivre avec, et vivre avec leurs proches, consciemment. Que la fin de vie soit encore la vie.
Qu’en est-il de la sédation et, spécialement, de la sédation profonde et continue jusqu’au décès ? Qu’est-ce qui différencie, selon elle, cette sédation de l’euthanasie ? Est-ce une question de délai : la mort survient-elle dans l’heure ou dans les trois jours ? C’est l’intentionnalité qui fait la différence, me disent ensemble les docteurs Perruchio et Dalem. Un même acte peut, ou non, avoir une finalité euthanasique. On peut endormir un patient au risque d’accélérer un décès, dans le but de le soulager. Ou l’endormir pour accélérer le décès. Comme dans ce grand hôpital où des soignants ont injecté quatre doses de morphine et un anxiolytique à un patient qui ne souffrait même pas, pour que ça ne traîne pas, pour libérer un lit.
Je me demande à cet instant ce qu’il adviendra, le jour où l’euthanasie sera légalisée – si elle doit l’être. Combien de patients partiront plus vite, avec des soignants à la conscience désormais tranquille ? Et ces trois patients qui réclamaient l’euthanasie avant de se trouver d’autres objectifs pour le temps qu’il leur restait : en auront-ils seulement l’occasion ? Auraient-ils pu le faire, si les médecins avaient accédé à leur demande ? Et pourront-ils le faire demain, si les soignants ne sont pas « protégés » par l’impossibilité légale de le faire ? Le pourront-ils si cette interdiction ne les protège pas, eux, patients, de ce qu’ils ont cru être leur volonté et « la meilleure solution possible » ?
Comment les soignants pourront-ils refuser d’euthanasier, et sauvegarder la fin de vie de leurs patients et ce temps restant encore avec leurs proches, si elle est demain érigée en droit et pourquoi pas, après-demain, en droit fondamental ? Par une clause de conscience ? Telle que celles que l’on connaît et qui sont sans cesse battues en brèche ? Une clause de conscience individuelle ou par service ? Comment un service pourra-t-il garantir encore une approche cohérente si un médecin refuse de pratiquer une euthanasie, mais que l’autre médecin du service prend la décision contraire ?
Certes, cela existe ailleurs, et les soins palliatifs ne font peut-être que vider à la petite cuillère un océan de mauvais traitement, comme dans ce service où l’on a injecté ces doses de morphine sans indication. Encadrer ? Mais la légalisation n’encadre pas : l’interdiction est un encadrement, la légalisation ne fait que repousser la transgression. Et puis, surtout, vous qui avez lu ces lignes, que je voudrais plus justes, dites-moi, quelle est l’urgence, dans une société véritablement humaine et fraternelle, une société qui marche sur ses deux jambes, pas sur la tête ? Quelle est l’urgence qui mérite vraiment que l’on se batte pour elle : est-ce de faire entrer la logique ordinaire dans les soins palliatifs, ou de diffuser la culture palliative dans l’ensemble du système hospitalier ?
Là-bas « on ne se blinde pas », on se dévoue, on s’expose, on s’offre.
De ma visite d’hier, je garde en mémoire les visages de la grâce, de la douceur, de la compassion. J’ai vu le visage de l’humanité.
Je prends congé, je remercie. Quelques derniers mots. Avec le sourire et la douceur que je lui ai vu toute la journée, le Docteur Dalem me dit : « l’euthanasie… On présente cela comme un progrès, alors que… ».
Oui. Alors que…
« Quand on me présente quelque chose comme un progrès, je me demande avant tout s’il rend plus humain ou moins humain »
(George Orwell)
Je n’avais pas l’occasion de nommer toutes les personnes du service dans mon billet, mais je tiens à les remercier toutes, celles qui y sont nommées mais aussi Cyprienne Bagnan, aide soignante1, ainsi que Camille Roux et Céline Correau, infirmières. Merci à toutes pour votre accueil chaleureux, pour ce que vous faites et ce que vous êtes.
Quant à vous, lecteurs, vous pouvez aider l’USP de Puteaux à financer les évènements exceptionnels et autres petits accommodements via l’Association Epilog, Centre Hospitalier Rives de Saine, 1, boulevard Richard Wallace, 92800 Puteaux.
A presque 100 ans, il bat le record du 50 mètres nage libre
L'Australien Georges Corones, qui s'apprête à célébrer son centième anniversaire le mois prochain, a parcouru la distance en 56 secondes 12 centièmes.
par allodocteurs.fr
Georges Corones, qui était le seul inscrit dans sa catégorie s'est élancé dans le bassin du Gold Coast Aquatic Center – qui accueillera le mois prochain les compétitions de natation lors des Jeux du Commonwealth – et a fait voler en éclat le précédent record de sa catégorie, réalisé en 2014 par le Britannique John Harrison, 99 ans, qui avait nagé les 50 mètres en 1 minute 31 secondes 19.
En 2015, Mieko Nagaoka, une Japonaise de 100 ans, a réussi à boucler une course de 1.500 mètres lors d'une compétition de nage libre en petit bassin, un exploit qu'aucun autre centenaire dans le monde n'avait réussi avant elle.
Il bat également le record du Canadien Jaring Timmerman, qui la même année, avait nagé la distance en 1 min 16 sec 92, pour la catégorie des 105-109 ans.
Georges Corones, ancien médecin, passionné depuis son plus âge par la natation à qui il attribue le secret de sa longétivité, n'a repris la compétition qu'à l'âge de 80 ans. Et depuis, il enchaîne les victoires. Il a déjà établi plusieurs records régionaux et nationaux sur d'autres distances.
Dans la piscine, "c'est le seul moment où votre corps n'a pas à se battre pour résister à la gravité. Quand vous êtes dans l'eau, vous flottez et il n'y a plus agréable sensation", a déclaré le quasi-centenaire, à sa sortie de l'eau.
«À la vie, à la mort»: l'épopée intérieure de Marcia Pilote (ENTREVUE)
par Samuel Larochelle,
Quelques secondes suffisent pour sentir l’aura bien particulière de Marcia Pilote. À 50 ans, la dame dégage une sorte d’humanité exacerbée, une ouverture bienveillante, une volonté de comprendre, d’écouter, de guider et d’envelopper, ainsi qu’un regard sur la vie lui permettant de voir au-delà, de ne pas se contenter du prévisible et du statu quo. Carburant à l’introspection et consommant des livres de croissance personnelle à l’extrême, l’animatrice et écrivaine était pourtant bardée de peurs, surtout celle de mourir. Lorsque sa grande amie Anne-Marie Séguin lui a annoncé que sa mort approchait, Marcia a pris une caméra pour témoigner de la sérénité étonnante de son amie dans le documentaire La mort m’a dit. Un processus qui lui a permis de vivre des moments d’intimité précieux, et surtout, de se dégager de toutes les contraintes qui l’empêchaient de se déployer pleinement. Une épopée intérieure racontée dans le livre À la vie, à la mort.
Anne-Marie et toi étiez amies depuis 1983. Pourquoi dis-tu que vous vibriez sur la même fréquence?
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C’est difficile à mettre en mots. Elle était un peu comme mon âme sœur. Comme si on était reliées à un autre niveau. Nous avions besoin l’une de l’autre, mais pas dans la dépendance. C’est pour ça que je m’en ennuie tant et que je pleure chaque jour. Je ne m’ennuie pas simplement de nos moments ensemble, mais de son regard sur moi. Vers la fin, Anne-Marie m’a expliqué qu’elle était sur Terre pour montrer aux gens que la mort peut être belle et sans peur, et elle a ajouté que ma mission commençait.
Elle est décédée en août 2016 et comme ton livre est sorti en avril, tu as dû écrire en plein deuil. Comment as-tu vécu cette expérience?
Heureusement, j’avais commencé à écrire quatre mois avant sa mort. Et pendant le tournage du documentaire, je prenais plein de notes, sans savoir que j’écrirais un livre. J’avais donc déjà beaucoup de matériel. En plus, le fait de nommer les choses a toujours fait partie de ma vie. C’est la meilleure thérapie du monde. Je dis souvent aux gens qui ont perdu un être cher d’écrire. Ça permet de mettre des points de suspension à une situation qui a besoin de tout sauf d’un point final. L’écriture du livre a donc allégé mon deuil.
Tu dis avoir mis ta vie entre parenthèses pendant un an pour réaliser le documentaire, mais Anne-Marie ne voulait pas être regardée avec tristesse. Est-ce que ça a empêché ses proches, dont toi, de vivre leur deuil?
Totalement. On ne pouvait pas rejeter l’idée qu’elle allait mourir, parce qu’on le voyait, mais c’était super difficile d’y croire, car elle ne trouvait pas ça dramatique. Un jour, je n’ai pas pu feindre un sourire et elle m’a demandé pourquoi j’étais bouleversée. Quand je lui ai signifié que c’était à cause de sa mort à venir, elle a grimacé comme si elle ne comprenait pas. Elle n’était pas dans le déni. Pour elle, c’était dans l’ordre normal des choses. Donc oui, ça nous empêchait d’ouvrir certaines portes. Elle voulait qu’on reste dans la joie.
Ça devait être complexe, alors que tu avais si peur de la mort. Pourquoi ça t’effrayait autant?
Je me demandais ce que ça me donnait de vivre, de mettre des enfants au monde et de me battre pour mes projets, en sachant que je pouvais mourir. Mais cette peur-là ne concerne pas tant la mort. Si je me fais frapper demain, je m’en fous. Sauf que l’idée de me savoir mortelle était un concept que je n’acceptais pas. C’est ma peur de la mort que j’entretenais, alors que la mort n’est pas effrayante. Quand on réglé ça, on commence à vivre! Les petites peurs qui me gâchaient la vie, elles ne sont plus là. J’ai travaillé fort pour ça!
Lorsque tu as compris qu’Anne-Marie n’avait plus de rêves et qu’elle fermait ses dossiers de vie, as-tu trouvé ça confrontant?
Plus que confrontant! Toute mon existence, ma joie de vivre et ma passion pour la vie tiennent au fait que j’ai toujours des projets. Pas parce que je vis dans le futur. Mais parce que je suis allumée par les petites et grandes choses qui s’en viennent. Si tu m’enlèves ça, je ne veux plus vivre. Anne-Marie sentait que sa vie était terminée. Une semaine avant de mourir, elle m’a appelé avec sa petite voix pour me dire qu’elle avait fait tout ce qu’elle voulait faire et être, et à quel point ce qui s’en venait pour elle était beau.
Elle savait aussi que c’était loin d’être ton cas.
Moi, ma vie a commencé depuis que j’ai eu 50 ans! J’ai l’impression qu’avant, on apprend sans cesse avec la volonté de passer à des nouvelles étapes. Et plus on avance, plus les examens sont béton. Mais à 50 ans, si tu as bien fait tes devoirs, tu as ton diplôme.
Tu écris que désormais tu vis pleinement et que tu ne veux plus jamais revenir comme avant. Qu’est-ce qui a tant changé?
Entendons-nous bien: j’ai mené ma vie comme je l’aime depuis 19 ans, en travaillant à mon compte, chez moi, sans horaire. Je me suis battue pour ça. Mais il y avait toujours une épée de Damoclès au-dessus de ma tête. Je me levais chaque matin pour aller au front. J’avais toujours peur de me faire chicaner, rabrouer, tasser ou d’être oubliée. Alors, j’ai développé un mécanisme de survigilance. Mais depuis cinq mois, j’ai atteint un niveau de lâcher-prise qui me permet de croire que la vie va me soutenir face à n’importe quel obstacle. Je prends la vie comme elle vient, comme Anne-Marie l’a fait avec la mort. C’est ça être présent au moment.
Après sa mort, tu as vécu le syndrome de la survivante. Où en es-tu aujourd’hui?
Le temps m’a beaucoup aidée. Pendant un temps, je me disais que je n’avais pas le droit de vivre, parce qu’elle venait de mourir. Ce n’était pas logique. Il y a encore des moments où ça me revient en pleine face, mais je suis capable de le renverser. Maintenant, j’honore le fait d’être en vie au lieu d’en avoir honte.
À la vie, à la mort de Marcia Pilote est paru le 12 avril chez Libre Expression.
"Les médecins voulaient me débrancher mais j'étais consciente !"
par Coralie Vincent,
Jenny, plongée dans un coma artificiel, entendait les conversations... dont celle de l'organisation de sa mort. Jusqu'à ce qu'enfin, les médecins la soignent. Le récit des jours les plus traumatisants de son existence...
Jenny a vécu un cauchemar. Cette dynamique géomètre de 40 ans, maman d'un garçon de 5 ans et heureuse épouse de John, lui aussi géomètre, s'écroule de douleur, le 14 mars 2015. Elle a l'impression que ses jambes sont traversées de milliers d'aiguilles, la souffrance est intenable. Elle parvient cependant à se rendre chez son médecin, qui lui diagnostique un syndrome de Guillain-Barré.
Ce syndrome est une grave pathologie neurologique inflammatoire qui attaque les nerfs périphériques et entraîne des paralysies. Les symptômes peuvent être bénins, tels que des fourmillements, une perte de sensibilité, de la tachycardie, des maux de tête, mais peuvent aussi être plus graves, et causer des troubles moteurs ou une paralysie complète. Relativement rare, cette maladie touche entre 1.700 et 1.800 personnes chaque année en France. Elle peut survenir à tout âge, indépendamment du sexe. On ne connaît pas précisément les causes provoquant ce syndrome, qui survient souvent quelques semaines après une infection virale, même bénigne. 10% des patients gardent des séquelles motrices, 5% en décèdent.
Jenny ne réagit à aucun stimulus
Le généraliste rédige un courrier pour l'hôpital et y envoie sa patiente. Hélas, sur place, personne ne semble tenir compte de la lettre. Pire, on l'égare. Les médecins diagnostiquent une angine de poitrine. Quelques heures après son arrivée, Jenny cesse de respirer et fait un arrêt cardiaque. Placée sous appareil respiratoire, dans un coma artificiel, Jenny ne réagit plus à aucun stimulus : "Je ne répondais à aucun test de réflexe basique. Le médecin a conclu que je n'avais aucune chance de m'en sortir. Que je serai un légume toute ma vie."
Elle se souvient de ces phrases, car elle les a entendues. Immobile dans son coma, elle entend ce qui se passe autour d'elle. Dont cette fois où le médecin explique à son mari qu'il est temps de la laisser partir, de débrancher les machines. Mais John refuse, exige encore de la patience. "J'avais toujours dit à mon époux que, si je devais finir ainsi, il fallait me tuer. Je le remercie de ne pas m'avoir écoutée !"
La géomètre a recouvré quasiment toutes ses capacités
Car, peu après, on diagnostique enfin à Jenny la vraie maladie dont elle souffre, le syndrome de Guillain-Barré. Le protocole médicamenteux est adapté et, en quelques jours, la maman émerge enfin. Aujourd'hui, Jenny a recouvré quasiment toutes ses capacités. Mais elle et John n'oublient pas qu'ils ont échappé au pire : tout aurait pu être évité si la lettre du médecin généraliste de Jenny n'avait pas été égarée. Le couple a porté plainte contre l'hôpital, et une enquête a été lancée pour déterminer les responsabilités.
Cet article est extrait du Closer C'est leur histoire numéro 24.
Tétraplégique depuis trente-trois ans, cette mère de famille se bat pour faire entendre dans la campagne présidentielle ses convictions sur la dignité humaine et la fin de vie.
Sans même pouvoir encore discerner les traits de son visage, on sait que c’est elle qui nous attend, enfoncée dans son fauteuil roulant, au centre du hall de ce petit hôtel de Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine, où elle est venue le temps d’un congrès de l’Association du locked-in syndrome (1). En guise de salut, elle ne serre pas la main.
N’apostrophe pas à voix haute, non plus. Mais son visage – l’une des seules parties de son corps qu’elle peut encore bouger, avec le pouce et l’index de sa main gauche – se fend d’un large et franc sourire.
Tétraplégique depuis trente-trois ans, Maryannick Pavageau dégage une autorité naturelle, un élan de sympathie qui annihile aussitôt toute bouffée de compassion ou d’apitoiement. « M.Leonetti, le député qui a proposé en 2005 la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, a bien voulu me qualifier, après m’avoir écoutée en audition en 2008, de “force immobile”», lâchera-t-elle sans ambages, comme une invitation à ne pas se fier aux seules apparences, après qu’on l’eut emmenée – non sans avoir fait maladroitement buter son fauteuil – dans la petite chambre qu’elle occupera, pendant trois jours, avec son époux.
« Force immobile »
La formule, aux accents « oxymoriques », lui sied à ravir. « Force immobile », parce que cette Morbihannaise d’origine, installée depuis plus de trente ans à Nantes, a su transformer la lourdeur de son handicap en porte-étendard de sa cause et de celle de dizaines d’autres tétraplégiques sur les questions de dignité et de fin de vie.
« Force immobile » parce que rien ne semble pouvoir la freiner dans ce bras de fer qu’elle a engagé, depuis des décennies, avec son propre corps, avec ses proches, et même, depuis la fin du mois de mars, avec les candidats à la présidentielle.
À un mois du scrutin, celle qui, malgré sa paralysie, a conservé son ouïe, sa vue et toutes ses facultés intellectuelles, a écrit, à la force de ses deux doigts valides, à chacun d’entre eux. Ses missives, personnelles, transpirent cette angoisse qu’on sent si profondément enracinée en elle, cette crainte de voir émerger, après l’adoption en janvier 2016 de la loi Claeys-Leonetti (2) de nouvelles « dérives euthanasiques », sur des patients atteints de tétraplégie avancée ou du locked-in syndrome,le « syndrome d’enfermement ».
Garder espoir
« Parce que chaque état peut évoluer », explique-t-elle entre deux souffles, convaincue de l’impénétrabilité des voies du corps humain. Parce qu’elle-même, qui a mis des années avant de recouvrer l’usage de la parole, ne désespère pas de « pouvoir un jour marcher ». « Seuls une certaine solitude, une détresse morale, un manque d’amour peuvent justifier cette décision irréversible que veulent prendre certains de demander à mourir », poursuit-elle, en concédant avoir aussi traversé, au cours de sa « magnifique » existence, des périodes de désespoir.
« Toutes les personnes en grande vulnérabilité nous appellent à un surcroît de fraternité », peut-on lire dans sa lettre adressée à Marine Le Pen, la candidate frontiste. « Certains voudraient voir dans cette récente loi une étape, mais il est temps de l’appliquer avec des moyens pertinents, dissipant les dérives qui surgissent régulièrement au cours des débats », met-elle en garde François Fillon.
Ses mots sont justes. Son style, incisif. Son argumentation, percutante. Parfois même insurgée. Comme lorsqu’elle s’emporte contre le socialiste Benoît Hamon, qui a inscrit, dans son programme, la légalisation du droit au suicide assisté : « Avez-vous réfléchi à l’impact désastreux que cela aura sur les personnes particulièrement vulnérables, qui se sentent un fardeau pour la société et pour leurs proches ? Craignez-vous que les Français soient incapables de faire ce geste d’amour qui consiste à assister, jour après jour, quelqu’un dont la fin est proche ? »
Sa force, le soutien de ses proches
Sa force, Maryannick Pavageau la puise, bien sûr, dans le soutien de son entourage. Celui de son mari, Joël Pavageau, ancien directeur d’une entreprise de vins, aujourd’hui retraité, qui ne l’a jamais lâchée depuis ce dimanche matin de mars 1984 où sa vie a basculé dans une dépendance totale. Ce jour-là, cette conseillère juridique et conjugale au Centre d’information féminin et familial de Nantes, mère d’une petite fille de 29 mois – qui ne gardera aucun souvenir de sa mère debout –, est alors victime d’un accident vasculaire cérébral foudroyant.
Pendant deux mois, Maryannick Pavageau est plongée dans un coma profond, dont elle dit se souvenir « parfaitement » : son mari qui veille sur elle, cet aumônier d’hôpital qui lui donne l’extrême-onction en finissant par lui glisser « qu’elle ne mourra pas », cette infirmière qui la « débranche intempestivement » – sûrement « un geste compassionnel », pardonnera-t-elle plus tard.
Et puis, enfin, elle se réveille. Découvre sa paralysie. Subit trente-deux mois d’hospitalisation, pendant lesquels elle ne communiquera que par clignements d’yeux. Peu à peu, la motricité de son pouce gauche, puis la parole, reviennent.
Une détermination qui lui vaut de nombreuses décorations
Dans cette nouvelle vie, elle a été galvanisée par « l’amour de ses proches » mais aussi par un sens de l’humour « salvateur », qui ne l’a jamais quittée et que le handicap a peut-être même exacerbé. Sans doute est-ce pour cela que, pendant l’entretien, les rires ne cesseront de fuser.
Comme lorsqu’elle raconte cette anecdote d’un médecin qui lui demandera un jour si « ça marche », et à qui elle répondra du tac au tac : « pas encore » ! Ou celle de son mari qui expliquera au docteur, le jour où elle parviendra à bouger pour la première fois son pouce, que « au moins,elle pourra faire du stop ! »
Partout où elle passe, Maryannick Pavageau ne laisse personne indifférent. Elle a même su se forger, au fil des années, une petite célébrité. De 1998 à 2015, sa détermination lui a valu d’être nommée chevalier, officier, commandeur de l’ordre national du Mérite. Des distinctions qu’elle acceptera, à chaque fois, « au nom de tous les accidentés de la vie ».
« Toute personne, quels que soient son handicap, ses découragements, conserve toute sa place au sein de la société. Il n’y a pas de limite à la dignité humaine », dira-t-elle, devant l’assemblée réunie dans les salons du Sénat à l’occasion de sa remise de la Légion d’honneur, en 2010.
« Témoin de la vie »
Son courage et son approche sensible des questions éthiques l’ont aussi amenée à rencontrer Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes et responsable du groupe de travail sur la fin de vie rattaché à la Conférence des évêques de France. En janvier, il l’a choisie pour lui remettre, à son tour, la Légion d’honneur. « Vous êtes pour moi un témoin de la vie, de sa beauté et de ses joies, un témoin de la vie reçue et aimée », lui dira-t-il alors.
Mais Maryannick Pavageau le confie aussi d’une voix humble, son combat suscite parfois des incompréhensions, voire des résistances. Certains proches de patients tétraplégiques, à qui elle avait écrit, lui ont déjà renvoyé des missives incendiaires : « Nos histoires ne sont pas vos affaires ». « Je respecte », dit-elle doucement, en affirmant « comprendre » le choix de ceux qui veulent mettre un terme à leurs souffrances. Maryannick a assez de cran pour faire face à ces situations », renchérit, du bout de la pièce, son mari.
Volontairement resté en retrait, il est, depuis plus de trente ans, « ses bras et ses jambes ». Parce que, résume-t-elle, ce grand combat pour la vie est « avant tout une histoire de couple ».
Quand on clôt d’ailleurs l’entretien en demandant à Maryannick Pavageau d’écrire le traditionnel petit mot aux lecteurs de La Croix, elle hésite. Appelle son mari auprès d’elle. Lui souffle à l’oreille : « Je ne vais pas y arriver, aujourd’hui ». « Mais si », lui répond-il simplement, en glissant un stylo entre ses doigts. Lentement, elle commence alors à tracer ses premières lettres. Le résultat est difficilement lisible. « Je peux mieux faire », lâche-t-elle, déterminée. Le deuxième essai est parfait.
____________________________ Bio express
1954. Naissance à Malestroit (Morbihan), où elle passe son enfance. Après le bac, elle poursuit ses études de droit à Rennes.
1980. Mariage avec Joël Pavageau puis naissance, l’année suivante, de leur fille. Elle devient conseillère juridique au Centre d’information féminin et familial de Nantes.
1984. Son AVC la plonge dans le coma. Elle est hospitalisée pendant trente-deux mois.
1986. Entame une série de conférences pour faire connaître le locked-in syndrome.
1998. Chevalier de l’ordre national du Mérite, puis officier (2008) et commandeur (2015).
2005. Elle écrit aux 577 parlementaires pour les sensibiliser sur la fin de vie.
2008. Elle est auditionnée par le député Jean Leonetti et reçoit, deux ans plus tard, la Légion d’honneur.
2017. Elle interpelle, par courrier, les candidats à la présidentielle et poursuit ses engagements au sein d’Alis.
Malo Tresca
(1) L’association Alis milite depuis 1997 pour mieux faire connaître en France le locked-in syndrome, état neurologique rare, caractérisé par une rupture de la communication entre le cerveau et la motricité.
(2) Elle encadre un nouveau droit « à la sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience jusqu’au décès ».
J’ai le goût en ce mois d’avril rempli d’espoir d’un printemps prochain, de vous partager un moment très touchant vécu avec mon père... Il vient d'être placé en soins prolongés et le choc était grand...son désir de vivre s’éteignait.
Dans la chambre à deux où il est placé, se trouvait une dame de 106 ans, qui vient de décéder ainsi que son fils lourdement handicapé, désormais seul. Ils habitaient là ensemble, depuis plusieurs années. Mon père remarque qu'il a peine à manger seul...
N'écoutant que son grand cœur, mon père qui se trouve en fauteuil roulant (il a été amputé) et malgré son Parkinson qui le fait trembler, se met à le nourrir, doucement et patiemment. L’homme lui sourit et sait qu’il vient de trouver un allier. Qui sait si ce n’est pas la dame de 106 ans qui les a placés ensemble pour redonner un sens à ces deux vies… j’aime y croire.
Et tout à coup très concentré à la tâche, il entend une volée d'applaudissements et de d'exclamations...il se retourne et là, au seuil de la porte se trouve les employés qui l'observent avec étonnement et ravissement. Ils n’en reviennent tout simplement pas….c’est le premier matin de mon père dans sa nouvelle habitation.
Mon père s'est mis à pleurer, le cœur rempli de joie d'avoir pu servir encore à quelque chose. En plus d'humaniser cet endroit et d’assurément susciter la réflexion chez un personnel souvent désabusé, il vient de trouver un nouveau sens à sa vie en aidant plus démuni encore que lui-même.
Son geste et la réaction suscitée m'ont émue aux larmes...
Je suis fière de lui et de la résilience qu'il démontre dans le contexte.....la vie est belle malgré ses bas qui nous bouleversent parfois…et je comprends d’où me viennent ces qualités d’empathie et de compassion qui caractérisent les bases de mon métier d’accompagnatrice auprès des personnes en fin de vie…. Merci papa !
Hélène Giroux pour le Magazine web duRéseau des accompagnants en fin de vie
Exposition. Luc Chessex déroule une galerie de portraits pour évoquer les soins palliatifs dans l’exposition du Musée de la main.
par Rebecca Mosimann,
«Maintenant c’est fini la colère, on passe par des stades… Je sais où je vais mais j’ai besoin de savoir si je vais avoir le temps de m’organiser avant mon départ. Et ça, c’est important.» Les paroles de Martine Cavuscens interpellent le visiteur comme les autres témoignages de ces hommes et de ces femmes pour qui les jours sont désormais comptés. Dans la nouvelle exposition temporaire du Musée de la main à Lausanne, «Le temps qui reste», le sens de la vie prend une nouvelle dimension. A travers la force des regards de cette galerie de portraits capturés avec pudeur et empathie par le Lausannois Luc Chessex.
«Nous voulions montrer la diversité des soins palliatifs, qui ne se résument pas exclusivement à la fin de vie et qui touchent aussi différentes tranches d’âge», explique Catherine Hoenger, responsable du programme cantonal de soins palliatifs. Des malades côtoient des professionnels, infirmiers, bénévoles, pasteurs ou encore psychologues. Sous les photos, chacun explique à sa façon comment il vit son quotidien. Les clichés, en grand format, sont tous positionnés à hauteur d’yeux. «Qu’est-ce qui se passe lorsqu’on se retrouve face à ces personnes? Comment communique-t-on avec elles et comment cela résonne à l’intérieur de soi?» Toutes ces questions qui touchent aussi bien les proches que les professionnels sont au cœur de l’exposition, précise Jean-Michel Capt, art-thérapeute et concepteur du projet.
Une perception lucide
Il a rencontré chaque participant individuellement. «Je n’ai essuyé qu’un seul refus. L’idée était de montrer que tout un chacun, malgré la maladie, reste une personne à part entière.» On ne connaît donc que leur nom. Certains sont décédés depuis le début du projet, lancé en 2014. Face à ces regards parfois intenses, parfois vifs ou rieurs, le visiteur ne voit pas le malade. «Les patients en soins palliatifs ont une perception beaucoup plus lucide et éclairée de ce qui donne du sens à leur vie que les gens bien portants», observe Gian Domenico Borasio, chef du service de soins palliatifs du CHUV.
Cette clairvoyance, Luc Chessex l’a saisie avec justesse. «Avant d’accepter ce mandat, je ne connaissais des soins palliatifs que les clichés habituels associés au mouroir, explique le photographe. J’ai découvert que c’était bien plus complexe, que les malades n’étaient pas seuls, que les familles étaient entourées. Cela m’a rassuré de savoir qu’il existe ce genre de structure et d’accompagnement.» A 79 ans, il n’imaginait pas vivre aussi longtemps et dépasser l’âge de ses propres parents. «C’est plus délicat de photographier un malade qu’un sportif recevant une médaille car on se projette forcément un peu.»
Savoir accepter
Pour chacun, il s’est rendu chez eux, les a photographiés dans un endroit cher avec un objet auquel ils étaient attachés. Une cigarette, une croix, une rose ou encore un doudou pour les plus jeunes. Il garde une émotion particulière pour Maria-Pia Ardin, aujourd’hui disparue. «Elle était tellement vivante et avait toujours plein de projets. Pour la photo, elle avait finalement renoncé à mettre sa perruque.» Son dernier message «ne pas baisser les bras, pouvoir se révolter, d’accord, ensuite il faut savoir accepter» témoigne de sa force face à la Grande Faucheuse.
Cet après midi j'attendais chez le médecin dans la salle d'attente. Un couple de 70 ans était là à attendre avant moi.
La dame dit au mari .."oh on n'est pas les derniers!?"
Elle espérait donc avoir plus de temps...
Puis elle dit à son mari : "on va d'abord parler d'euthanasie?"
Le mari : "oh, ça c'est juste un papier que tu devras signer! On va d'abord parler de ce que tu as maintenant."
La dame se tait et attend.
Assise sur ma chaise, je me sens bien sûr mal à l'aise. Je ne savais que dire, j'avais intercepté leur conversation à mi-voix.
La jeune médecin vint bientôt les chercher et je crois qu'ensuite je n'ai pas attendu plus de 10 minutes...
Et je me suis dit après que :
- cette dame avait des questions et manifestait à son mari par sa remarque indirecte qu'elle aurait voulu être les derniers patients pour avoir plus de temps, le désir d'avoir du temps plus que normalement pour parler et décider de ce qui l'inquiétait. A-t-elle eu ce temps ?
Son mari ne lui laissait guère de chance de prendre du temps, pour lui il n'y avait pas de questions,
Il me semble que des papiers signés dans des conditions si incertaines et lors d'un entretien bâclé, n'a pas la valeur qu'on devrait lui conférer: il s'agit quand même d'un geste qui provoque la mort intentionnellement...
Les effluves de l'euthanasie et ce qui s'est passé dans cette salle d'attente, m'ont mise bien mal à l'aise, et qu'on ne me dise pas que le choix de cette personne n'a pas d'impact sur d'autres...
La mort expliquée par une petite fille atteinte d’un cancer en phase terminale
"Je n'ai pas peur de mourir. Je ne suis pas née pour cette vie !"
par Rogério Brandão, 03/03/2015
Comme cancérologue, fort de mes 29 années d’expérience professionnelle, je peux affirmer que j’ai grandi et changé avec les drames vécus par mes patients. Nous ne connaissons pas notre véritable dimension tant que, confrontés à l’adversité, nous ne nous découvrons pas que nous sommes capables d’aller bien plus loin.
Rencontre avec un ange
Je me souviens avec émotion de l’Hôpital do Câncer de Pernambuco (HCP), au Brésil, où j’ai fait mes premiers pas comme professionnel. J’ai commencé à fréquenter le service des enfants et me suis passionné pour l’oncopédiatrie. J’ai vécu le drame de mes petits patients, victimes innocentes du cancer. Avec la naissance de ma première fille, j’ai commencé à trembler à la vue de la souffrance des enfants.
Jusqu’au jour où un ange est passé près de moi ! Mon ange a revêtu la forme d’une petite fille de 11 ans, éprouvée par de longues années de traitements variés, de manipulations, d’injections et de tous les désagréments causés par les chimiothérapies et radiothérapies. Mais je n’ai jamais vu mon petit ange flancher. Je l’ai vu pleurer souvent ; j’ai vu aussi la peur dans ses petits yeux ; mais, c’est humain !
Un jour, arrivé à l’hôpital très tôt, j’ai trouvé mon ange toute seule dans sa chambre. Je lui demandai où était sa mère. Encore aujourd’hui, je ne parviens à raconter la réponse qu’elle m’a donnée sans éprouver une émotion profonde.
– Tu sais, me dit-elle, ma mère quitte parfois la chambre pour pleurer en cachette dans les couloirs… Quand je vais mourir, elle aura du chagrin, de la nostalgie. Mais je n’ai pas peur de mourir. Je ne suis pas née pour cette vie ! – Et la mort, qu’est-ce que c’est pour toi, trésor ? – Tu sais, quand nous sommes petits, parfois nous allons dormir dans le lit de nos parents, et le lendemain nous nous retrouvons dans notre propre lit, pas vrai ? (Je me suis souvenu de mes filles, âgées à l’époque de 6 et 2 ans, avec elles je faisais exactement la même chose.) C’est pareil. Un jour, je dormirai et mon Père va venir me prendre. Je me réveillerai dans sa Maison, dans ma vraie vie !
La nostalgie, c’est l’amour qui reste
Je suis resté abasourdi, je ne savais pas quoi dire. Bouleversé par la maturité précoce – forgée par la souffrance –, la vision et la spiritualité de cette petite fille.
– Et ma mère aura beaucoup de chagrin, de nostalgie, reprit-elle. Bouleversé, retenant mes larmes, j’ai demandé : – Et que signifie pour toi la nostalgie, trésor ? – La nostalgie, c’est l’amour qui reste ! Aujourd’hui, à 53 ans, je défie quiconque de donner une meilleure définition du mot nostalgie : c’est l’amour qui reste !
Mon petit ange s’en est allé, voici de nombreuses années. Mais elle m’a laissé une grande leçon qui a contribué à améliorer ma vie, à essayer d’être plus humain et attentionné avec mes patients, à repenser mes valeurs. La nuit venue, si le ciel est clair et que je vois une étoile, je l’appelle « mon ange », qui brille et resplendit dans le ciel. J’imagine qu’elle est une étoile fulgurante dans sa nouvelle et éternelle maison.
Merci petit ange, pour la belle vie que tu as eu, pour les leçons enseignées, pour l’aide apportée. Quelle bonne chose que la nostalgie existe ! L’amour qui est resté est éternel.
La photographe Sylvie Legoupi montre, une fois encore, ce qui nous est rarement donné à voir avec autant de justesse, de dignité et force de détails : la confrontation à la mort de l'autre et l'engagement des équipes soignantes de soins palliatifs à l'accompagner. Sans pathos ni voyeurisme ses diaporamas audio-photographiques nous touchent au plus profond.
Sylvie Legoupi est une photographe engagée. Riche de son éthique humaniste, elle valorise et sacralise des moments de vie professionnelle dans des services de soins « sensibles ». La douleur, les soins palliatifs, la fin de vie, la relation soignant/soigné… sont autant de sujets intimistes qui retiennent son attention et qu'elle traite d'une façon que l'on pourrait qualifier de « militante ». Nous l'avions rencontré en 2012 à l'occasion de la présentation de son travail photographique aux CHU de Rennes, de Nantes ou de Saint-Malo dans les services de néonatologie, soins palliatifs et hématologie ; des endroits où la vie et la mort se côtoient, ou naître et mourir s'entrecroisent dans le respect de la continuité de la vie.
Prendre le temps de faire les choses, l'attention, la douceur, l'écoute… Le plus difficile c'est la souffrance, la souffrance dans le regard de ce patient qui veut dire plein de choses mais que l'on ne traduit pas : une forme d'impuissance à ne pas comprendre mais être là…
En mai 2016, elle a poursuivi cette recherche en réalisant un reportage « audio photographique » sur la fin de vie dans le service de pneumologie du CHU de Rennes. Pour Sylvie Legoupi, la finalité de ce travail intitulé « La Vie jusqu'à la fin » était claire, approfondir cette réflexion sur la fin de vie en associant deux regards professionnels, le mien en tant que photographe et celui des soignants. Il s'agissait donc de recueillir sous forme d’entretiens leurs ressentis et tenter ensuite de m’en imprégner et de photographier au plus juste afin de les mettre en images.
Quatre diaporamas de 6 à 7 minutes en découlent. C'est très beau, investi, engagé et bien évidemment l'humanité qui s'en détache touche au plus profond celui qui les regarde.
Dans les soins palliatifs, il n'y a plus le thérapeutique, il ne reste que le presque rien, mais qui est le presque tout du prendre soin.
Sylvie Legoupi le souligne, dans la chaîne des soins continus, après les soins curatifs, les soins palliatifs exigent une approche particulière où l’écoute et la présence attentive de chacun requièrent une forme de disponibilité qui ne saurait exclure la compassion. C’est une tâche difficile mais où la part retrouvée de l’Humain enrichit celle ou celui qui l’apporte. Aujourd’hui, une évolution des mentalités s’impose encore dans notre pays pour faire admettre l’idée que la mort est un passage inéluctable et qu’elle doit être entourée de soins spécifiques comme l’est la naissance.
Même quand on un cancer on a le droit de vivre, d'autant quand on a une maladie grave qui engage le pronostic vital.
Les diaporamas audio-photographiques de la photographe en témoignent. Ils témoignent de la vie, de la vie qui continue encore et toujours, quelles que soient les circonstances de dureté imposées par la maladie. Les images défilent, montrant des soignants qui s'agitent, qui s'interpellent, qui discutent, sérieux ou souriants, ancrés dans la vie d'un service de soins actif et dynamique, même s'il s'agit de traiter des patients en souffrance et /ou en fin de vie. Le son, bien présent, atteste de cette vie, car rien ne s'arrête. La journée est ponctuée de soins, parfois techniques, parfois de confort, mais toujours riches d'un relationnel qui fait toute la différence. Je suis là pour soigner les gens, nous dit un médecin pneumologue, les soigner et le plus souvent ne pas les guérir. La culture des soins palliatifs est présente dès le début. Médecin, soignant, je suis un être humain confronté à la souffrance de son semblable. Cela passe par l'attention, l'écoute, la prise en compte de ses besoins, même ceux qui nous paraissent les plus futiles… Même quand on un cancer on a le droit de vivre, d'autant quand on a une maladie grave qui engage le pronostic vital. Mon état d'esprit n'est pas de soigner une maladie mais une personne malade. Et une infirmière de renchérir pour bien saisir les petits détails, tout ce qui rattache le patient à la vie, il faut que le soignant soit très disponible et qu'il vive vraiment dans un moment de partage et d'abandon le moment présent. Cette intensité du moment réinjecte de la vie, de la vie jusqu'à la fin.
On prend du temps quand on est auprès du patient, on se pose avec lui, on profite du temps qui nous est donné...
Le travail de Sylvie Legoupi montre ce qui nous est rarement donné à voir avec autant de justesse, et force de détails, la confrontation à la mort de l'autre, cet autre qui nous ressemble, cet autre qui vit ses derniers moments avec ses propres ressources, apaisé ou angoissé, accompagné des siens ou isolé socialement. Le soignant, inexorablement ramené à sa propre finitude, nourrit sa pratique de ses valeurs soignantes, ses valeurs d'empathie et d'humanisme, explore avec les patients en fin de vie de nouveaux chemins, des chemins de traverse où chaque seconde à de l'importance, où le plaisir de la rencontre et du partage domine. Dans les moments difficiles, quand la douleur physique et morale est là, quand la petite flamme vacille, soignants, patients, familles, bénévoles peuvent s'appuyer les uns les autres, dans une culture commune qu'ils ont travaillé au fil du temps. L'improvisation - car oui, il faut savoir « improviser » quand les événements se précipitent et ils ne sont jamais identiques - reste maîtrisée car la formation des soignants et leur culture palliative enrichie sans cesse de leur quotidien l'autorise.
Au fil des images et des témoignages, l'intimité avec la mort se précise. Les gestes, les paroles et les attentions bienveillantes de chacun, l'engagement des équipes soignantes, témoignent de l'accompagnement fait au plus près et au plus juste des patients en fin de vie. Jusqu'au bout accompagner la vie, avec dignité, oui c'est bien ce que la photographe a voulu restituer et son travail, sans pathos ni voyeurisme, est en ce sens particulièrement réussi et convaincant.
Regardez l'un des diaporamas audio-photographiques de Sylvie Legoupi et accédez aux trois autres
Reportage audio photographique sur la fin de vie dans le service pneumologie au CHU de Rennes. Mai 2016.L'objectif de ce travail photographique était d ‘approfondir cette réflexion en associant deux regards professionnels : Mon regard de photographe et celui des soignants, recueillir sous forme d’entretiens leurs ressentis face à la fin de vie et à partir de leurs réponses, tenter de m’en imprégner et de photographier au plus juste , de mettre en images leurs impressions .