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« Loi sur la fin de vie » : en vérité, contre le choix de la vie jusqu’au bout du possible, la trahison d’un projet de loi inspiré par l’idéologie de la « culture de mort ».

par Bernard Antony, 31/05/2024

Bernard Antony, président de l’AGRIF, fondateur de Chrétienté-Solidarité, directeur de la revue Reconquête, communique :

Avant le vote par le Parlement de la loi dite « d’accompagnement des personnes en fin de vie », vingt-trois associations principales de soignants – infirmiers, psychologues, médecins – ont lancé en début de semaine un cri d’alarme.

Elles dénoncent la « rupture profonde » du texte proposé avec les réalités qu’elles expérimentent quotidiennement, mais aussi « le grand décalage avec les promesses faites ces derniers mois ». Elles constatent que le projet adopté par la commission spéciale « est un modèle dont l’objectif, assumé par les votants, est la possibilité d’accéder à la mort provoquée assistée par des soignants, dans les situations médicales les plus larges, y compris celles qui laissent espérer plusieurs années de vie ».

Elles déplorent que le fait de donner la mort devienne « un soin »,… que « ce projet de loi constitue une incitation implicite à demander la mort pour les personnes âgées, vulnérables précaires, isolées, celles-là mêmes que la loi est supposée protéger ».

On lit encore : « On nous garantissait une procédure encadrée. Nous découvrions que celle-ci sera expéditive », …

On parlait d’un « modèle français ». Et l’appel des soignants d’observer que « la seule exception française se situe dans la coercition qu’imposerait ce texte : aux pharmaciens, aux établissements sanitaires et aux établissements médico-sociaux qui seraient « tenus » d’organiser la procédure mortelle en leurs murs ; à l’ensemble des soignants enfin… dont l’engagement sera menacé par un délit d’entrave ».

Oui, d’entrave au suicide ! D’entrave à la mort !

Comme on le voit, l’ensemble des soignants ont parfaitement compris que le projet de loi sur la fin de vie n’est qu’un texte hypocrite de la culture de mort.

Tel que cela est déjà pratiqué dans les sociétés les plus déshumanisées. Comme en Belgique. Les sociétés où progresse l’abomination du mépris de l’humain, la réalité du racisme antihumain.

Le grand rabbin Haïm Korsia a parfaitement résumé cette moderne irruption de l’inhumain en deux phrases lapidaires : « On maquille un geste de mort donné par un proche en bienfait… J’en suis atterré ! ». Et d’annoncer : « Celui qui me soigne pourrait un jour me tuer ».

Ainsi va la dictature de l’idéologie mortifère grand-orientée maçonnico-macro-néronienne.

Source : lagrif.fr

 

 

par PABerryer, 06/06/2024, extraits

À la suite de la Convention citoyenne sur la fin de vie ayant émis, sans surprise aucune, des vœux pour la mise en place du suicide assisté et l’euthanasie, le gouvernement a déposé un projet de Loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. ...

Dans son déroulé, tout a été organisé pour obtenir le vote favorable souhaité. Tel Potemkine cachant la misère russe à sa souveraine, le déroulé des « débats » a été plus que partisan. Nous avons pu retenir la présentation très favorable des solutions belge et suisse, un déséquilibre parmi les intervenants (les partisans ayant davantage de temps que les opposants), la faible place laissée à la présentation des soins palliatifs (aucune visite organisée, entre autres), l’impossibilité de voter Non aux propositions (seule l’abstention était possible), etc. Le comble ayant sans doute été l’apparition du vocable « aide active à mourir », déguisant le fait de tuer autrui en une douce litote.

In fine, les propositions en faveur de l’euthanasie et du suicide assisté ont reçu une pseudo onction populaire voulue, que les militants pourront désormais utiliser pour la suite des opérations. Cela a pris un peu de temps, mais le 10 avril 2024, le Projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie a été déposé. Il est actuellement débattu devant l’Assemblée nationale après avoir été retravaillé en commission. Le moins que l’on puisse dire est que nos élus souhaitent rattraper leur retard en matière.

Deux points sont à retenir :

Le projet du gouvernement évoque une « aide à mourir » qui range sous ce vocable euthanasie, suicide assisté et soins palliatifs ! Rarement le concept de novlangue d’Orwell aura été aussi bien appliqué. En créant une expression confondant des concepts aussi divers, le gouvernement vise à troubler les oppositions et rendre plus difficile le combat.

Le travail en commission a fait sauter les quelques maigres garde-fous du projet gouvernemental. Résultat : si le texte de la commission était adopté, alors la France aurait d’office un des textes les plus permissifs au monde en la matière. Des évolutions ayant pris vingt ans ailleurs auraient été adoptées.

Ainsi, il est plus que probable que, bientôt, le suicide assisté et l’euthanasie seront légalisés en France. Revenons sur ces deux notions qui ne sont pas des combats libéraux.

Le suicide assisté

Le suicide assisté consiste en la fourniture d’une aide plus ou moins appuyée pour permettre au demandeur de mourir de sa propre main. Cela peut aller de la simple fourniture d’une solution létale (médicament) à l’organisation plus poussée de l’opération. Il se distingue de l’euthanasie pour laquelle la mort est infligée par un tiers (normalement à la demande de la personne, mais les évolutions en cours rendent cette caractéristique moins évidente, comme il sera vu plus loin). La frontière peut toutefois être floue entre suicide assisté et euthanasie, en particulier si la personne n’agit pas directement.

Faire du suicide assisté une revendication libérale est surprenant.

Tout d’abord, depuis la révolution française, aucune loi ne prohibe le suicide. Quiconque souhaite mettre fin à ses jours peut le faire sans risquer les foudres de la loi, qu’il survive ou non à son entreprise. Il est tout à fait possible de trouver des solutions pour quitter volontairement ce monde de façon rapide, indolore et à faible coût. ...

Au-delà de ces considérations, il est très important de se rappeler que, dans l’immense majorité des cas, le suicide est la marque d’un désespoir profond. C’est le plus souvent un appel à l’aide, une fausse porte de sortie, pour ceux confrontés à une grande souffrance. Si le suicide assisté est organisé, alors comment nous, bien-portants, réagirons-nous face à la demande d’un tel acte ? Nous battrons-nous pour notre proche en souffrance, pour l’aider à surmonter son épreuve, l’accompagner dans sa souffrance ? Ou allons-nous lui tendre le verre de ciguë pour toute réponse, c’est-à-dire commettre, non pas un acte charitable mais inhumain ? Au fond, s’il souhaite mourir, qui serions-nous pour l’en empêcher ? Le suicide assisté n’est pas la marque du progrès, mais bien celle du renoncement à l’humanité.

Au final, le suicide assisté apparait davantage comme le caprice de bien-portants jouant à se faire peur. Ayant peur de la vieillesse, de la maladie, du handicap et de la mort, ils souhaitent se ménager une porte de sortie, maintenir l’illusion d’un contrôle. Ce caprice serait puéril s’il n’avait pas pour conséquence de demander à autrui d’agir à leur place, les aider à accomplir ce qu’ils n’ont pas le courage de commettre. Une personne souhaitant réellement en finir y parvient, elle ne prévient pas.

Cette revendication du suicide assisté n’est pas une demande, un combat libéral, mais égoïste. À ces craintifs, Desproges conseille : « Suicidez-vous jeune, vous profiterez de la mort ». Autrement dit, si vous craignez la maladie, la vieillesse ou tout autre mal, prenez vos responsabilités, mais ne demandez pas aux autres de la faire à votre place.

L’euthanasie ou le meurtre des plus faibles

Il y a tant de choses à écrire sur l’euthanasie et ses inévitables dérives qu’il est difficile de faire le tri. S’il y avait une idée à retenir, c’est celle-ci : aucun pays n’a réussi à mettre en place une pratique, une démarche d’euthanasie sans dérive (et ici, une dérive s’appelle un meurtre).

Prenons la question de l’encadrement.

L’euthanasie désigne un ensemble de procédés destinés à hâter ou provoquer la mort d’une personne considérée en fin de vie ou incurable. L’exemple souvent cité est celui de la Belgique. Pourtant, dans ce pays, il est estimé qu’environ un tiers des euthanasies n’est tout simplement pas déclarée, alors que la commission ayant la charge de contrôler les procédures n’a jamais communiqué un dossier douteux à la justice, même celui d’une patiente euthanasiée sans son consentement souffrant de Parkinson et de démence ! Une euthanasie réalisée en dehors des clous n’est ni une erreur ni une faute, mais bien le meurtre d’une personne vulnérable commis par une personne de confiance, son médecin. Meurtre qui n’est pas et ne sera pas poursuivi. Ami lecteur, au regard de la redoutable efficacité de notre bureaucratie et la qualité de notre système de santé, comment envisager un seul instant que les dérives belges ne se produiront pas en France ?

Autre point : la mise en place de l’euthanasie pour les personnes à la fin de leur vie ne sera qu’une étape. En matière de sujets sociétaux, la politique des petits pas législatifs est désormais la norme. Tout d’abord, est adoptée une mesure qui passe pour raisonnable et de bon sens avant d’aller plus loin, jusqu’à faire adopter des mesures qui ne seraient jamais passées si elles avaient été présentées en premier lieu. Ainsi, toujours en Belgique, depuis 2014, un mineur peut être euthanasié sous certaines conditions. Toutefois, si les souffrances psychiques peuvent justifier une demande d’euthanasie, il existe encore des réticences pour l’euthanasie des malades mentaux. Peut-être que le souvenir de l’Aktion T4 en a refroidi beaucoup, mais ce n’est qu’une question de temps. Ainsi, le critère de la volonté libre et éclairée n’est déjà plus une condition de l’euthanasie. Nous assistons à la naissance d’un monde dans lequel un mineur ne peut pas fumer, boire de l’alcool, conduire ou voter, mais peut décider de changer de sexe ou de sollciter l’euthanasie. Nous sommes passés de l’autre côté du miroir, et nous n’en n’avons rien su.

Concernant la médecine, de profonds bouleversements sont à attendre.

Tout d’abord, les médecins et infirmiers seront très probablement appelés, malgré leurs réticences, à pratiquer cet acte pourtant contraire à leur serment. Il s’en trouvera bien un certain nombre pour le pratiquer, mais cela suffira-t-il ? Si, comme pour l’avortement, de plus en plus de médecins font jouer la clause de conscience, ne viendra-il pas un moment où celle-ci sera supprimée ? Dès lors, que se passera-t-il ? La relation patient/médecin ne pourrait-elle pas en souffrir ?

C’est admis, on meurt mal en France. Depuis que nous avons pris l’habitude de nous débarrasser de nos anciens dans les maisons de retraite et les EHPAD, la mort est devenue étrangère, inquiétante. Le développement des soins palliatifs est une avancée majeure mais encore trop peu répandue. Vingt-six départements ne proposent pas de services ou de lits en soins palliatifs. Compte tenu de l’état des finances publiques, comment croire les annonces en faveur de cet inestimable apport à notre fin de vie ? Accompagner un mourant coûte cher, il sera tellement plus facile de mettre fin à ses jours. C’est déjà le cas dans les pays pratiquant l’euthanasie.

Ainsi, en Oregon, dans les années 2010, le suicide était remboursé, mais pas les soins si les chances de survie étaient en dessous de 5 %. Plus récemment, au Canada, il a été proposé à des vétérans souffrant de stress post traumatique d’être euthanasiés. Pour le moment, il ne s’agit que de la dérive d’un seul agent.

Au final, il est prévisible que les soins palliatifs soient progressivement négligés une fois que l’euthanasie sera entrée dans les mœurs. En conséquence, comme ces soins sont bien plus rares et onéreux que l’euthanasie, au regard de la gestion comptable et bureaucratique de la médecine que nous connaissons, il est probable que les soins palliatifs deviennent un luxe que seuls les plus riches pourront s’offrir.

En conclusion, défendre l’euthanasie, c’est défendre la possibilité de tuer sans risque les plus fragiles d’entre nous, les personnes âgées, malades ou mineures. Plusieurs pays ont mis en place cette pratique, mais aucun n’a pu empêcher les dérives, et tous connaissent des appels à aller plus loin, en particulier pour les malades mentaux. En quoi cela pourrait être un combat libéral ?

Source : contrepoints.org

 

 

Fin de vie, l’appel à la sagesse...

par Jeanne Emmanuelle Hutin, 28/04/2024, extraits

Permettra-t-on aux médecins de donner la mort ? C’était au cœur des débats de la commission spéciale de l’Assemblée nationale. Elle a commencé les auditions sur le projet de loi sur la fin de vie, prévoyant d’instaurer le suicide assisté et l’euthanasie. « Un authentique débat démocratique exige la clarté. Or, la confusion est de mise dans ce projet de loi », estime Jeanne Emmanuelle Hutin, directrice de la recherche éditoriale à Ouest-France.

Le projet de loi prévoyant d’instaurer le suicide assisté et l’euthanasie est entré dans une nouvelle étape : la commission de l’Assemblée nationale a commencé ses auditions. Des institutions accompagnant les personnes en fin de vie ont mis en garde les députés sur les dangers d’une telle loi.

Plusieurs intervenants ont souligné la différence fondamentale qui existe entre accompagner ceux qui vont mourir, et leur donner la mort : « Le principe « Tu ne provoqueras pas la mort » est aussi ancien que fondamental. Il est civilisateur », a rappelé Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, se référant au Conseil d’État.

Cette vive conscience habite les familles religieuses aux traditions si diverses. « L’intention d’apaiser en laissant venir la mort n’a rien à voir avec l’intention de donner la mort », a dit Mgr d’Ornellas. « Il y a une différence de nature et pas de degré », a expliqué le médecin Sadek Beloucif, représentant les musulmans. « On passe d’un dispositif qui a pour effet la mort, à un dispositif qui a pour objet de donner la mort », a déclaré le représentant des orthodoxes, Carol Saba.

« Vouloir remédier à la souffrance en mettant fin à la vie revient à se tromper de combat et à semer de nouvelles souffrances », a souligné le représentant des bouddhistes, Antony Boussemart. Face à « l’insuffisance de l’offre de soins palliatifs […] il est inopportun de changer le cadre de la loi », pour le représentant des protestants, Christian Krieger, inquiet de ses effets « sur ceux qui se sentent un poids pour les autres. »

Au lieu de développer d’abord les soins palliatifs comme le préconisait le Comité national d’éthique (CCNE), « il nous est proposé l’inverse, analyse Mgr d’Ornellas. Alors qu’on attendait une unité de soins palliatifs dans chaque Ehpad, ce qui est une demande urgente, on nous propose une « aide à mourir » par suicide assisté ou euthanasie qui s’impose en chaque Ehpad, puisque la clause de conscience est doublée d’une obligation de recourir à un médecin ou à un infirmier qui pratique le geste létal. »

En démocratie, les paroles des familles religieuses ne sauraient être reléguées. Leurs expériences millénaires contribuent à éclairer ce débat sous un jour libéré des contraintes politiques, des jeux de pouvoirs et des intérêts économiques.

Elles rejoignent les objections des soignants qui dénoncent une loi de « la toute-puissance médicale » donnant au médecin « le pouvoir de décider qui doit vivre et qui peut mourir » , a alerté Claire Fourcade, présidente de la SFAP (société française d’accompagnement et de soins palliatifs).

Un authentique débat démocratique exige la clarté. Or, la confusion est de mise dans ce projet de loi qui évite de nommer le suicide assisté et l’euthanasie. On peut s’inquiéter aussi du fait observé par de hauts fonctionnaires, l’absence de diversité d’opinion à la tête de la commission : sa présidente, son rapporteur général et tous les rapporteurs sont favorables à la rupture fondamentale que porte ce projet de loi.

Système de santé à bout de souffle, société fracturée, démocratie représentative contestée : les députés sauront-ils trouver le chemin de la prudence et de la sagesse ?

Source : toulon.maville.com

 

 

 

 

Fin de vie : l'impossible euthanasie

par Samuel Pruvot, 23/09/2022, extrait

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La question se pose avec acuité aujourd’hui pour certains de nos proches et demain pour nous-mêmes.

Tout faire humainement, quand il n’y a plus rien à faire médicalement, c’est la ligne de conduite de nombreux soignants, dont Élisabeth de Courrèges. Cette jeune ergothérapeute nous raconte comment elle a accompagné de nombreuses personnes en fin de vie, les aidant avec discrétion à s’approcher paisiblement du seuil ultime.

Ses armes peuvent paraître dérisoires face au tragique des situations – un air de piano ou une parole d’encouragement –, mais elle a vu la demande insistante de mourir de certains malades s’estomper peu à peu. Les soins palliatifs n’ont pas la prétention de rendre la vie aux personnes mais de prendre soin de leur humanité.

Jusqu’au bout. Ce progrès sans majuscule est indispensable, aux antipodes de l’euthanasie qui tue.

Source : famillechretienne.fr

 

 

Euthanasie : la marche funèbre de Macron

par Liberté politique, 16/09/2022

Le sujet revient comme un serpent de mer dans le débat en France : à l'origine mené par une minorité progressiste déterminée, le « suicide assisté » s'est imposé dans une partie de la population et auprès d'une majorité de politiciens suspendus à l'opinion majoritaire et aux lobbies.

La diversion sociétale du président

C'est une stratégie éculée à laquelle le président a recours : occuper l'opinion avec une loi sociétale pour ne pas parler du désastre économique et social. En annonçant, le mardi 13 septembre, vouloir réunir une consultation citoyenne sur la fin de vie, Emmanuel Macron applique un élément de son programme progressiste et emboîte le pas de nombreuses démocraties occidentales. En pleine crise de l'énergie et dans un contexte inflationniste, le chef de l'État fait montre d'un cynisme sans faille. Alors que la crise sanitaire a mis en lumière de graves failles dans le système de santé français, la légalisation de l'euthanasie ouvre la voie à des dérives graves qui pourront s'avérer d'autant plus déplorables que le pays connaît des difficultés économiques.

Lutter envers et contre tous

Les défaites successives du camp pro-famille (mariage homosexuel, GPA, extension de l'IVG...) peuvent nous pousser à désespérer. En réalité, le combat ne consiste pas qu'à barrer la route à des mesures criminelles mais aussi à faire passer un message, à le marteler et à le banaliser. Si empêcher l'institutionnalisation du suicide doit être l'objectif, il convient aussi de s'installer dans le débat par tous les moyens : manifestations de rue, courrier aux élus, participation à des tables-rondes... Les combats qui se déroulent depuis trois décennies sur les questions dites sociétales s'inscrivent dans une lutte de longue haleine. Le camp de la vie fait des émules et nos adversaires se donnent la mort. Il peut y avoir une bascule, il faut la souhaiter, la provoquer autant que possible et, "quoiqu'il en coûte", transmettre la flamme de l'idéal qui nous anime pour préparer l'avenir !


Dans le cadre du débat souhaité par Emmanuel Macron sur la fin de vie, Liberté Politique communiquera sur son site sur les différentes initiatives ayant trait à ce sujet.

Source : libertepolitique.com

 

 

Réflexion citoyenne et témoignage d'actualité.

 

 

 

Défendre nos anciens, un combat pour la dignité

par Liberté politique, 05/08/2022

Les récents scandales en maisons de retraite et autres EPHAD ont montré les limites d'un système de gestion de la dépendance. La gestion par des groupes privés cotés en bourse et en même temps sous perfusion étatique est un échec. Au-delà de la caste qui a mené à ce scandale et au-delà des responsabilités privées et publiques, la question de l'assistance aux anciens et aux plus vulnérables doit être posée.

Une bataille sémantique

"La chaleur fait souffrir les séniors". C'est ainsi que France Info évoque la canicule. Un traitement assorti des recommandations habituelles : "arrosez-les", "mettez-les au frais"… En somme, gérez les anciens comme un champ de légumes ou un produit surgelé. Derrière ces articles abêtissants se cache une guerre des mots.

Le terme "marketing "seniors" vient ainsi donner une coloration marchande à un segment d'âge et désigne parfois faussement ceux qui sont en réalité des "vieux", des "vétérans" ou tout simplement des "anciens". On prend soin de ne pas dire qu'ils sont vieux, parfois faibles et vulnérables, mais on prend moins de pincettes pour les jeter dans des prisons gériatriques où ils sont contraints d'ingérer de la nourriture abominable et sont parfois traités avec mépris. Il ne s'agit pas de généraliser ces cas à l'ensemble des EPHAD ou des institutions pour personnes âgées ; cependant, le livre Les fossoyeurs du journaliste Victor Castanet a jeté un pavé dans la marre et soulève un problème grave déjà évoqué à travers de multiples affaires de maltraitance par le passé. Il s'agit donc de nommer les choses par leur nom mais aussi de comprendre les causes du malaise et d'assumer ses responsabilités.

Guerre générationnelle ou lutte pour la dignité

Les scandales des EPHAD ont en effet permis de critiquer des systèmes iniques dans lesquels les dirigeants politiques ont largement pris leur part directement et indirectement. L'arrivée du très "Macron-compatible" Guillaume Pépy à la tête d'Orpea devrait permettre de poursuivre dans cette voie. Reste que se décharger sur les ordures d'en haut est souvent bien pratique et permet à chacun de fuir ses responsabilités. En effet, l'abandon des anciens est aussi l'affaire de leurs enfants et petits-enfants qui n'entendent pas assumer la charge de leurs ascendants et qui se contentent parfois de dénoncer les conditions déplorables de vie de parents qu'ils ne prennent pas la peine de visiter.

Les changements de mode de vie ont certes pesé dans l'évolution des rapports aux anciens (espérance de vie, mobilité professionnelle, divorce, prix de l'immobilier dans les grandes villes, travail des femmes) mais ils n'expliquent pas tout. Certains verront dans cet abandon des anciens le revers de la médaille pour une génération qui a méprisé le plus faible et qui a largement profité de l'insouciance des Trente Glorieuses. Que ce soit vrai ou pas, cela ne change pas grand chose : nous sommes ce que nous faisons, pas ce que nous critiquons ou théorisons (cela vaut aussi pour les éditorialistes). Alors que le quinquennat Macron 2 devrait être celui de la légalisation de l'euthanasie, la meilleure réponse à cette culture sociétale déviante est celle de la dignité dans l'action : prendre soin de nos anciens et créer les meilleures conditions de vie possibles pour nos personnes âgées.

Source : libertepolitique.com

 

 

C'est en visitant un Ehpad que j'ai compris ce dont ont besoin nos anciens

"Je peux vous assurer que ma mémé et ceux que j’ai rencontrés m’ont sortie de ma bulle de certitudes et m’ont donné une sacrée leçon de vie", explique la jeune femme.

par Fiona Lauriol, auteure et autoentrepreneure, 26/01/2022

SANTÉ - Ces derniers jours, il y a une polémique sur, entre autre, Orpéa et Korian. Une enquête de terrain, des investigations avec des témoignages poignants, pour nous montrer ce que nous savons déjà, c’est excellent si nous cherchons la solution; car si ce n’est que pour vilipender ou stigmatiser des enseignes, le personnel, les familles, ça fera comme d’habitude, les gros titres pendant un laps de temps, les ministres joueront les innocents qui ouvrent des enquêtes à tout va pour condamner sans trouver de solutions alternatives, et les candidats à la présidentielle qui s’en donneront à cœur joie pour récolter des voix supplémentaires sans se soucier du fond du problème.

Ce n’est pas cela qu’ont besoin nos parents ou nos grand-parents. Ce n’est guère une question d’argent, vous pourrez en donner à foison que le problème ne serait toujours pas résolu. Ne connaissez-vous point l’adage:“L’argent ne fait pas le bonheur!”? La réelle question à se poser est “Que veulent nos anciens et nous, que voulons-nous lorsque nous seront les anciens?”

La perspective du mur blanc

Mettez-vous dans la peau de votre aïeul que vous placez confortablement dans une chambre hors de prix et que vous lui dites: “Voilà, j’espère que tu es content et que les repas seront bons!” L’image du terminus n’est pas loin, mais vous avez votre vie, le personnel un timing à respecter, le chef d’établissement doit faire tourner la boutique, et votre aïeul pense qu’il n’a plus rien à attendre de cette fin de vie qui va lui paraitre une éternité à fixer son mur blanc.

J’ai eu la merveilleuse expérience de voir avec ma grand-mère le changement s’opérer en elle, dès l’instant où elle a arrêté de fixer ce mur blanc et qu’elle avait enfin de nouvelles perspectives, des tonnes de projets et des aventures à foison. Je ne dis pas qu’il faut tous partir en camping-car avec mémé et pépé, sinon il y aurait trop de monde sur les routes, mais cela m’a ouvert les yeux et m’a donné envie de partager notre aventure.

La richesse des échanges intergénérationnels

J’ai eu la chance d’aller parler de ce road trip “101 ans mémé part en vadrouille” dans un Ehpad Breton avec un des résidents qui voulait tellement partager et s’intégrer à la conversation qu’il insistait pour que je me rende au Monténégro, jusqu’à ce que je le fasse rougir en lui proposant de m’y accompagner, en tout bien tout honneur, cela va de soi. Il y avait également deux amies complices qui chuchotaient d’admiration avec les yeux pétillants et m’applaudissaient à chaque fin de phrase comme pour m’encourager à continuer. Et j’ai eu la sensation, l’espace d’un instant de leur offrir un sujet de conversation qui allait les changer de leur quotidien.

J’ai eu l’honneur, également, de me rendre dans le lycée de Montreuil (93) pour faire le pont entre vieillesse et jeunesse. Leur expliquer ce que j’avais compris, avec mes parents pour leur montrer que même passé 60 ans, on pouvait être fun. Notre trio a fonctionné car ils sont partis avec le sourire et un des jeunes homme est venu remercier mon petit papa en lui disant, je le cite: “Monsieur, je suis fan de vous!”

Que veulent nos anciens?

C’est de cela que les gens ont besoin, de replacer l’humanité dans la société au lieu de diviser sans cesse en créant des différences qui n’ont pas lieu d’être pour fragiliser le système. Pourquoi laisse-t-on nos Présidents au pouvoir à plus de 80 ans si on considère nos “vieux” atteints de sénescence? Pourquoi fait-on confiance à un médecin qui a largement dépassé l’âge de la retraite alors qu’on bébêtifie ceux qu’on place en maison de repos? Et si on considère les seniors pour l’emploi à seulement 57 ans, qu’en est-il de tous ces artistes et ses têtes bien faites, Karl Lagerfeld travaillant encore à 80 ans passés, Line Renaud qui a plus de 90 ans et toujours un peps incroyable, Luc Montagnier qui a reçu à plus de 70 ans le prix Nobel de physiologie et médecine, et que dire de Théodore Monod qui a 91 ans entrepris une dernière fois une méharée. Ne peut-on pas concevoir que nos grand-parents, même s’ils ne reçoivent pas de prix Nobel ou autre, ne sont plus utiles à la société?

Des femmes qui travaillaient en Ehpad sont venues spontanément à moi après avoir entendu parler de mon histoire incroyable avec ma mémé, pour s’excuser et m’expliquer qu’elles n’avaient pas autant de temps qu’elles le souhaiteraient pour s’occuper des patients, elles en pleuraient même et les plus émotives avaient carrément démissionné. Je ne peux que les admirer pour le travail fourni, car ce n’est pas évident de changer une couche et faire la toilette en 12 minutes, et j’en sais quelque chose.

Il y a des familles qui sont déchirées à l’idée même de devoir placer leur grand-père ou grand-mère, mais le travail, les enfants et aucune aide humaine, font qu’ils s’y sentent obligés avec un poids énorme sur le cœur. Je ne peux que comprendre leur peine et le courage nécessaire pour ne pas flancher.

Et les honnêtes gens qui dirigent ces établissements, à la réputation qui égale celle des hospices mais mieux emballée et présentée, et qui œuvrent en jonglant avec le personnel et les résidents, sans qu’on leur offre plus de moyens humains, se demandent pourquoi on s’acharne contre eux, sans chercher à les aider en trouvant la solution. Je ne peux que partager cette question et être révoltée que notre problème de société à ne pas trouver la solution leur soit imputée.

Un jour, ce sera notre tour

À l’heure actuelle, on est tellement happé par la vie que les années défilent sans qu’on en prenne garde, et on râle qu’on n’a jamais assez de temps. Tant et si bien que celui qui prend le temps de vivre acquiert une richesse inestimable, et c’est de ça dont nos grand-parents ont besoin, qu’on leur offre du temps d’écoute, qu’on leur donne des projets à court, moyen ou long terme, qu’on les considère à part entière de la société. Ils ne demandent qu’à vivre, comme vous, comme moi, à rire, à partager, à aider comme ils le peuvent, à servir encore un peu, à trouver sa place et à mourir un jour, mais pas dans ces conditions. La vie est remplie de surprises et les médecins n’ont pas la science infuse. On est encore loin d’avoir maîtriser les facettes du cerveau et on sait que la motivation, la joie, la bonne humeur peuvent, peut-être pas faire disparaitre un carcinome, quoi que, mais égayer les quotidiens.

Oui, il faut se battre pour nos anciens, les protéger et leur offrir des partages. On doit changer notre vision sur la vieillesse en pensant que le confort matériel c’est juste ce dont ils ont besoin, car ce n’est pas parce qu’on a une ride qu’on a un pied dans la tombe, ce n’est pas parce qu’on a des cheveux gris qu’on est has-been, ce n’est pas parce qu’on a cent ans qu’on ne s’éclate pas de rire comme une collégienne, et je peux vous assurer que ma mémé et ceux que j’ai rencontrés m’ont sortie de ma bulle de certitudes et m’ont donné une sacrée leçon de vie.

Alors, c’est très bien de mener des enquêtes pour dénoncer des coupables, c’est très bien de recueillir des témoignages pour expliquer les améliorations nécessaires, mais, il ne faut pas s’arrêter là, il faut rapidement trouver la solution car un jour, ne l’oubliez pas, ce sera à notre tour!

Source : huffingtonpost.fr

 

 

Euthanasie : Quelques « modèles » à méditer

par Philippe Oswald, 06/06/2022

L’euthanasie est au programme de la présidence Macron 2 (cf. LSDJ n°1556).Emmanuel Macron s’est engagé à organiser une convention citoyenne sur la fin de vie et l’euthanasie durant son second mandat, tout en déclarant son penchant pour le « modèle belge ». Il a confirmé cette intention en choisissant Brigitte Bourguignon comme nouveau ministre de la Santé. Celle-ci, ex-socialiste puis présidente LREM de la Commission des affaires sociales, avait cosigné une proposition de loi en faveur d’une « aide active à mourir » en 2017. Elle avait aussi milité activement pour instaurer une « exception d’euthanasie » en France au côté de Marie Humbert (décédée en 2018), qui était devenue une figure de la lutte pour la légalisation de l’euthanasie après avoir aidé son fils Vincent, tétraplégique, à mourir en 2003.

Cette nomination a été aussitôt saluée par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) mais elle inquiète la Société Française d’Accompagnement et de Soins palliatifs (SFAP). Sa présidente, Claire Fourcade, rappelle qu’« à titre personnel, Brigitte Bourguignon a eu des prises de position très claires dans le passé. » Elle ajoute : « Nous espérons que le débat pourra se dérouler de manière ouverte et dans l’optique d’une solution partagée par tous (…) C’est une question de société sur laquelle les soignants doivent être entendus ». La SFAP souligne à ce propos que l’offre en soins palliatifs reste aujourd’hui encore « inaccessible pour deux tiers des Français qui en auraient besoin ». (Le Figaro, 23 mai)

Alors que nous nous préparons à élire nos députés, posons-nous et posons aux candidats cette question cruciale « de société » : l’euthanasie est-elle vraiment la fin de vie que nous voulons ? Et puisque d’autres pays ont ouvert cette voie, en Belgique depuis vingt ans, regardons comment cela se passe chez eux. En Belgique, désignée explicitement par Emmanuel Maceron comme « modèle », les euthanasies ont décuplé en 20 ans de légalisation. Le pays a recensé 2699 euthanasies en 2021 soit une euthanasie sur quarante décès. C’est dire combien les « situations exceptionnelles » annoncées en 2002 pour autoriser l’euthanasie se sont banalisées. « L’exception euthanasique » n’a cessé de s’élargir, en particulier aux personnes atteintes de pathologies mentales (y compris des cas de dépression, d’autisme…) ou de polypathologies dont certaines ne sont en rien mortelles (une euthanasie sur cinq en 2021). En outre, la loi a été élargie aux mineurs en 2014, contre l’avis de nombreux pédiatres. Et il est question à présent de l’étendre aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer (cf. Alliance Vita, 25 mai 2022). En 2020, la loi a contraint les établissements de santé à accepter la pratique d’euthanasies en leur sein. La machine s’est emballée, comme on pouvait s’y attendre, une fois transgressé l’interdit de tuer. On constate le même emballement au Pays-Bas, où le Conseil d’État vient de critiquer un projet de loi visant à autoriser les personnes âgées de plus de 75 ans qui sont simplement « fatiguées de la vie », à recourir à l’euthanasie…

Autre exemple : le Canada. En à peine 6 ans d’application de la loi fédérale autorisant les euthanasies (2016), celles-ci concernent déjà 2% des décès. En 2021, la loi a été élargie, permettant l’euthanasie et le suicide assisté même si la mort n’est pas raisonnablement prévisible. Au Québec, pour rendre la loi québécoise conforme à cette dernière évolution de la loi fédérale, un projet de loi a été déposé par le ministre de la Santé et des Services sociaux le 25 mai. Ce texte propose d’élargir l’euthanasie aux personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer. Les malades pourront faire une demande anticipée d’ « aide médicale à mourir »(AMM) tandis qu’à l’heure actuelle, l’aptitude à consentir est requise au moment d’obtenir l’AMM, « sauf exception ». Un autre article du projet de loi prévoit l’obligation de pratiquer l’AMM dans les centres de soins palliatifs, assortie de la suppression de la « protection de conscience ». Sur 35 maisons de soins palliatifs, 9 ont choisi de ne pas pratiquer l’euthanasie : cela leur serait désormais interdit ! La présidente de l’Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec déplore que « ses membres n’aient jamais été consultés ». Là-bas aussi, tout se passe comme s’il fallait marcher, bon gré, mal gré, « dans le sens de l’Histoire », l’adoption du projet de loi étant prévue le 10 juin prochain, dernier jour de la session parlementaire, dans une précipitation dénoncée par l’opposition et les associations (cf. Gènéthique, 30 mai). Au Québec comme ailleurs, une dérive totalitaire est en marche.

Pour rompre le silence et sortir d’une apathie générale en France, l’association Alliance Vita, propose d’interpeller les candidats aux élections législatives, et Tugdual Derville résume les enjeux de « la bataille de l’euthanasie » (vidéo en lien ici).

Philippe Oswald

Source : alliancevita.org

 

 

Euthanasie : « la ligne d’arrivée de cette course à l’émancipation, c’est l’isolement et la solitude »

par Gènéthique, 24/03/2022

Alors que le président de la République Emmanuel Macron a annoncé une « convention citoyenne » sur la fin de vie s’il devait être ré-élu, l’avocat Erwan Le Morhedec, auteur de l’essai "Fin de vie en République", a accepté de répondre aux questions de Gènéthique.

Gènéthique : Vous signez un essai original qui passe la revendication de l’euthanasie au prisme des valeurs de notre République : liberté, égalité fraternité. Vous écrivez qu’il vous était « intimement impossible » de ne pas écrire ce livre. Quelles en sont les raisons ?

Erwan Le Morhedec : Il y a 25 ans que j’ai été sensibilisé à la réalité des soins palliatifs et, si je puis dire, à leur promesse, grâce à une amie infirmière en soins palliatifs avec laquelle j’avais beaucoup échangé. Cela fait plus de 15 ans que j’écris régulièrement sur ce sujet. Dernièrement, je me suis rendu dans plusieurs établissements de soins palliatifs afin d’y rencontrer soignants et patients. J’ai accompagné des associations de soins palliatifs. J’ai conscience de ce que notre pays sait offrir dès lors que l’on s’en donne les moyens. Et j’ai aussi la conviction que, si l’on peut évidemment concevoir que des personnes formulent très consciemment et volontairement une demande d’euthanasie et la maintiennent, non seulement ces demandes disparaissent presque toutes dès lors que les personnes sont convenablement prises en charge mais, à l’inverse, d’autres seront conduites à accepter l’euthanasie par résignation, par une forme de reddition peut-être aussi au discours ambiant sur la mort digne. Je ne comprends pas que l’on puisse assumer ce risque, ni que l’on se résolve à cet abandon de notre humanité, qui ne voit plus d’autre solution que dans l’administration de la mort. Je suis également très inquiet sur l’avenir des soins palliatifs, une fois l’euthanasie ou le suicide assistée légalisés.

Alors qu’une majorité parlementaire se dessine pour faire passer ce texte, je ne veux pas que cela arrive sans que j’aie moi-même tenté de dire ce que je crois juste.

G : Vous soulignez que les éléments de langage des promoteurs de l’euthanasie ont évolué, mettant en avant la « liberté » après avoir longtemps défendu la « dignité » en fin de vie. Pourquoi ce « changement de paradigme » ?

ELM : Je crois que la plupart a fini par comprendre que célébrer une « mort dans la dignité » ne peut que signifier en creux que ceux qui ne la choisissent se résignent à être indignes. Bien sûr, ils tentent d’expliquer que ne pas choisir l’euthanasie ne signifie pas être indigne, mais c’est un raisonnement totalement désincarné, qui vole loin au-dessus du lit des malades. Lorsque vous êtes fragilisé, malade, fatigué, âgé souvent, et fatalement peu à l’aise avec la situation de dépendance dans laquelle vous vous trouvez, chaque mot, chaque regard, chaque silence compte et vous ne pouvez qu’entendre ce que cette célébration d’une mort digne dit de vous et de votre fin de vie. Ne pas s’en rendre compte, c’est manquer de sensibilité, ou de proximité avec les personnes malades.

Au-delà de cela, cela répond aussi à une évolution profonde de notre société, de moins en moins collective, de plus en plus individualiste. Les devoirs ne sont plus seulement secondaires, ils sont occultés et ne prévaut plus que la liberté individuelle. Le consentement lui-même est perçu non pas comme une condition nécessaire, mais comme une condition suffisante : dès lors que les personnes sont consentantes, la société se voit exclue du débat éthique. Le maître-mot, aujourd’hui, est l’émancipation et les partisans de l’euthanasie sont convaincus de s’inscrire dans une longue histoire d’émancipation individuelle. Ils placent l’euthanasie à la suite de toutes les évolutions qui ont conduit à s’abstraire de toute norme sociale. Je crains que ce qu’ils ne voient pas, c’est que la ligne d’arrivée de cette course à l’émancipation, c’est l’isolement et la solitude. Les personnes sont renvoyées à leur autodétermination, à leur liberté : d’une certaine manière, elles sont abandonnées à leur sort, la société s’estimant déliée de sa responsabilité dès lors que les personnes concernées auront posé un choix dit libre.

G : Les promoteurs de lois visant à dépénaliser l’euthanasie assurent que la pratique sera très encadrée – et contrôlée, en s’appuyant sur les « exemples » de nos voisins européens ayant autorisé la pratique. Pourtant le contenu de la proposition de loi Falorni dont le 1er article a été voté le 8 avril dernier ne laisse-t-il pas présager le contraire ?

ELM : Un simple constat : il était prévu, dans les propositions de loi Touraine et Falorni, qu’une Commission de contrôle serait instaurée, à l’instar de la situation en Belgique. C’est déjà un progrès par rapport à la proposition de loi de l’ADMD [1] qui, pour le coup, ne prévoit aucune commission de contrôle. Mais il était prévu que, si cette Commission constatait qu’une euthanasie s’était déroulée en dehors des conditions légales, elle avait alors la faculté de transmettre le dossier au Procureur de la République. Certes, la Commission des affaires sociales a transformé cette faculté en obligation lors de l’examen de la proposition de loi Falorni, mais cela trahit l’intention des rédacteurs : des garde-fous sont prétendument posés mais dans le même temps il est prévu que leur franchissement n’emportera aucune conséquence. Autant dire dans ce cas que l’on ne pose aucun garde-fou.

Par ailleurs, les exemples étrangers et, singulièrement l’exemple belge sur lequel la proposition de loi est calquée, n’incitent pas à la confiance. Pour ne me baser que sur les déclarations du président de la Commission de contrôle belge et sur ses rapports eux-mêmes, non seulement ils ne contrôlent pas les « cas douteux puisqu’ils ne sont pas déclarés », mais ils ignorent totalement la proportion de cas d’euthanasie déclarés par rapport au nombre d’euthanasies réalisées en Belgique. Aucun contrôle aléatoire n’est réalisé et, pour couronner le tout, la Commission, qui n’est composée que de partisans voire militants de l’euthanasie, n’a eu de cesse que d’élargir la loi de son propre chef.

G : A l’occasion de l’affaire Alain Cocq, la notion d’« exception » d’euthanasie est revenue dans le débat public. Est-il possible d’envisager des « exceptions » d’euthanasie, pour des cas particuliers, sans mettre le doigt dans un engrenage inéluctable ?

ELM : Cela me paraît douteux. Il faut déjà avoir conscience que le terme d’« exception » est en lui-même problématique, entretenant une confusion entre une notion procédurale et la fréquence des cas eux-mêmes. Les euthanasies qui bénéficieraient d’une « exception d’euthanasie » ne seraient pas nécessairement « exceptionnelles ». Les législations belge et hollandaise se fondent elles-mêmes sur une forme d’exception.

Mais prenons un exemple. Il est un fait que les maladies telles que la maladie de Charcot ou la Chorée de Huntington sont des maladies terribles, qui vous laissent conscients de votre amenuisement jusqu’à la perte totale d’autonomie et de communication. J’ai demandé à des soignants s’il leur semblait concevable, d’un point de vue médical, que l’on crée une catégorie spécifique de maladies qui ouvriraient droit à une procédure d’euthanasie. Nous aurions ainsi pu imaginer viser précisément les maladies neurodégénératives. Mais ce qu’ils m’ont expliqué très clairement, c’est qu’en pratique, il leur serait impossible de soutenir à une personne tétraplégique à la suite d’un accident que sa situation et sa souffrance ne sont pas des conditions d’ouverture de l’euthanasie tandis que la situation très comparable du patient voisin, atteint de la maladie de Charcot, lui ouvrirait droit à l’euthanasie. Comment, me disaient-ils, pourrais-je dire à l’un que sa souffrance est moins grave, moins dure, que celle de l’autre ? Cela générerait des situations insupportables, intenables pour quiconque est sensible au sort des personnes malades, et conduirait nécessairement à un élargissement des cas d’euthanasie.

Or, encore une fois, et contrairement à ce que disent de façon un peu désespérante les partisans de l’euthanasie, même si cela n’enlèvera jamais la dimension dramatique de ces maladies neurodégénératives, les soins palliatifs peuvent beaucoup pour ces patients, et ils le font quotidiennement.

G : Les promoteurs de l’euthanasie dénoncent un supposé « acharnement palliatif » tout en estimant que l’euthanasie pourrait être proposée comme « ultime soin ». D’ailleurs ils introduisent parfois dans leurs propositions de loi un article visant à instaurer un « droit universel aux soins palliatifs ». Alors que le Royaume-Uni vient de le faire, qu’en est-il en France ? Euthanasie et soins palliatifs pourraient-ils coexister, cohabiter au sein de services ?

ELM : Ce vocable d’ « acharnement palliatif » m’est assez insupportable à entendre. L’utiliser est une façon de jeter le discrédit sur les soins palliatifs. C’est presqu’insultant. Ce terme d’ « acharnement » est tellement aux antipodes de l’attention, de la bienveillance, de la douceur que l’on peut connaître en soins palliatifs…

Quant au fait d’affirmer un « droit universel aux soins palliatifs » dans leurs propositions de loi, cela en dit assez long : un « droit aux soins palliatifs » est reconnu dans la loi depuis 1999. Ajouter le terme « universel » n’a d’autre portée que décorative. Ce n’est que de l’affichage politique pour laisser penser que leur préoccupation porterait concrètement sur les soins palliatifs, pour lesquels ils ne font rien, alors qu’elle n’est que de faire légaliser l’euthanasie.

Pourquoi ne demande-t-on pas aux soignants français ce qu’ils en pensent ? Pourquoi faut-il que des militants qui ne sont pas auprès des patients dictent leur vision dogmatique d’une compatibilité entre les soins palliatifs et l’euthanasie ? Ceux qui pratiquent les soins palliatifs vous disent l’inverse. Est-ce si difficile de le prendre en considération ? Mais c’est très symptomatique : on développe une vision techniciste de la médecine. Dans cette perspective, poser une perfusion d’hydratation, de doliprane ou de pentotal (produit utilisé dans les euthanasies), ce n’est jamais que poser une perfusion. Or les soignants de soins palliatifs s’impliquent totalement, personnellement, avec tout leur être. Claire Fourcade, médecin en soins palliatifs et actuelle présidente de la SFAP [2], a très bien expliqué dans un texte qui a acquis une petite notoriété, qu’en tant que médecin de soins palliatifs, elle fait avec le patient son dernier chemin, souvent dans la douleur et dans les larmes, mais que lorsque celui-ci est arrivé au bout de son chemin, elle, elle doit repartir avec un autre patient. Comment dit-elle pourra-t-elle prendre de nouveau le risque d’écouter vraiment ? Elle conclut ainsi : « J’accompagne des vivants qui n’ont que faire d’un médecin qui serait mort à l’intérieur » .

G : A l’aube des prochaines élections présidentielles, le vote d’une loi autorisant euthanasie et/ou suicide assisté vous semble-t-il inéluctable lors du prochain quinquennat ?

ELM : Il ne faut pas se leurrer : c’est le plus probable. Les forces en présence sont ce qu’elles sont et l’opinion publique préfère souvent clore une question angoissante par la perspective d’une solution simple à appliquer en temps voulu, un temps que l’on peut renvoyer loin de ses préoccupations quotidiennes. D’une certaine façon, approuver l‘euthanasie, c’est se donner l’illusion que la fin de vie est une affaire réglée. On peut passer à autre chose. Ceci étant dit, le fait que les pronostics soient défavorables n’a jamais été une raison pour ne pas dire ce que notre conscience nous dicte. C’est même précisément dans ces moments-là que l’on doit s’exprimer avec une conscience brûlante. Alors, même si cela devait être en vain, il faut dire ce que l’on croit juste. On ne sait jamais ce que l’on pourra sauver.

[1] Association pour de Droit de Mourir dans la Dignité

[2] Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs

Source : genethique.org

 

« Le glissement de la sédation profonde vers l’euthanasie est en marche, inéluctable »

par Jean-Marie Le Méné, 13/04/2022

La question de légaliser l’euthanasie ayant été posée aux différents candidats à l’élection présidentielle, une partie d’entre eux s’y est montrée favorable au cours de la campagne. Dès le lendemain du résultat, les choses se sont déjà précisées pour le vainqueur du premier tour, dont l’entourage a annoncé triomphalement que l’euthanasie serait la grande loi sociétale du quinquennat.

Car il en faut bien une. Mais à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Nul besoin d’être grand clerc pour prédire que cette réforme ne sera pas la plus difficile à conduire. Les esprits ont été, de longue date, préparés à cette évolution, puisqu’il est convenu désormais que « l’on meurt mal en France ». Un slogan, à la signification obscure, qui suggère qu’il faudrait mourir mieux. Pour finir par mourir quand même.

Comment ? Étant entendu que le sujet s’avère délicat, une convention citoyenne fournira l’espace apaisé d’un échange, loin des idéologies, des raccourcis et des jugements hâtifs, et permettra de construire un consensus assuré. Ces préliminaires habituels sont les outils des débats démocratiques dirigés dont nous avons le secret, mais dont les conclusions sont généralement acquises. En l’espèce, le succès de la loi annoncée repose sur une raison incontournable, mais rarement évoquée : le continuum entre l’arrêt des soins et l’euthanasie.

Le « progrès » de la loi Leonetti

Pour bien comprendre, revenons quelques années en arrière. En France, les lois Leonetti et Claeys-Leonetti de 2005 et 2016, relatives aux droits des malades et des personnes en fin de vie, ont créé un contexte juridique nouveau. Présentée comme « un progrès » pour les malades et les professions de santé, la loi Leonetti a explicitement autorisé l’arrêt des traitements qui n’ont pour seul effet que le maintien artificiel de la vie du patient. Largement sujette à interprétation, cette disposition a permis au Conseil d’État de juger légale la décision médicale de provoquer la mort par arrêt de l’hydratation et de l’alimentation artificielles d’un homme placé dans l’impossibilité d’exprimer ses volontés, et qui n’était pas en fin de vie.

Au regard des souffrances provoquées par l’arrêt de la nutrition et l’hydratation, la loi Claeys-Leonetti a associé systématiquement le protocole à une sédation profonde et continue jusqu’au décès. Une pratique qui vise à accélérer, voire à provoquer la survenance de la mort du patient.

Devant cette situation, les partisans de l’euthanasie ont beau jeu de dénoncer l’hypocrisie d’un système qui conduit à faire mourir une personne consentante dans un délai qui peut aller jusqu’à trois semaines, alors que quelques heures suffisent. Quel est l’intérêt d’un protocole de prolongation d’agonie qui passe manifestement pour inhumain ?

De la sédation au suicide assisté

Ce type de législation concernant l’arrêt des soins s’est répandu en Europe, notamment en Italie, où elle a donné lieu à un contentieux exemplaire, et a débouché sur une évolution législative intéressante. Au nom de quoi refuser le suicide assisté à une personne éligible à un arrêt des soins ? La Cour constitutionnelle italienne a, en effet, exclu la pénalisation de celui qui «facilite l’exécution d’une intention de se suicider formée de manière autonome et libre » dans le respect des conditions légales s’appliquant aux personnes qui pouvaient déjà choisir de mourir en renonçant à tout traitement. La Cour a ainsi établi un continuum entre l’action du médecin requise pour anticiper une fin de vie et son action pour précipiter la mort.

Pourquoi le suicide assisté continuerait-il à être pénalisé alors que l’arrêt des traitements (dont l’hydratation, l’alimentation et la respiration artificielles) suivi d’une sédation profonde et continue jusqu’à la mort ne l’est pas ? Ne s’agit-il pas de deux actes médicaux au profit des mêmes patients « autodéterminés » et dont les effets sont identiques ? C’est ainsi que la disposition contestée du code pénal italien réprimant le suicide assisté a été jugée contraire à la Constitution. Le Parlement italien a donc été
conduit à envisager une proposition de loi relative au suicide assisté qui reprend les conditions permettant l’arrêt des soins aux patients présentant une pathologie irréversible, une souffrance intolérable, bénéficiant d’un traitement de maintien en vie et capables de prendre une décision libre. On le voit, le glissement d’un arrêt des soins avec sédation – type loi Claeys-Leonetti – vers l’euthanasie dite « active » est en marche parce que le continuum est inéluctable.

Les pires arguments

Malheureusement, ceux qui refusent, en France, la légalisation de l’euthanasie utilisent, souvent avec la plus grande sincérité, les pires arguments. La plupart d’entre eux proposent en effet un développement des soins palliatifs accompagné d’une meilleure application de la loi Claeys-Leonetti. On ne saurait rendre meilleur service aux promoteurs de l’euthanasie qui savent qu’il n’y a pas de différence de nature, mais seulement un décalage de temporalité, entre arrêt des soins (incluant nutrition, hydratation et respiration artificielles) sur personne consentante et suicide médicalement assisté. En effet, la mort reste l’objectif à atteindre.

Par ailleurs, dans l’opinion publique, les soins palliatifs comprennent une fin de vie hâtée par la médecine, ce qui ne devrait naturellement pas être le but des soins. La seule manière efficace de combattre la légalisation de l’euthanasie est effectivement le développement des soins palliatifs, mais en excluant clairement de son contenu tout arrêt des soins, et ceci afin de rompre un continuum inexorable, comme le montre l’exemple italien. Anticiper la fin de vie par l’arrêt des soins ou précipiter la mort par l’euthanasie ne sont pas des actes médicaux. Les disciples d’Hippocrate le savent. Les politiques n’ont pas à leur imposer la mise en œuvre de lois sociétales qui n’ont rien à voir avec l’exercice de leur art.

Source : la-croix.com

 

Fin de vie : plaidoyer contre l’euthanasie

par Le Figaro, 24/01/2022

Erwan Le Morhedec, avocat et auteur de « Fin de vie en République », explique pourquoi il est contre la légalisation de l'euthanasie.

A écouter ici.

 Erwan Le Morhedec

 

Source : lefigaro.fr

 

 

Alerte euthanasie ! Priorité à la solidarité intergénérationnelle​

par Tugdual Derville, Alliance Vita, 22/03/2022, extraits

L’annonce-choc, par le président-candidat, favori des sondages, d’une future « convention citoyenne » pour trancher le débat sur l’euthanasie ne peut que nous alerter. Pour qui a participé aux états généraux de la bioéthique, ce genre de projet ne dit rien qui vaille. Emmanuel Macron entend-il faire porter sur un dispositif participatif contestable la grave loi de rupture qu’il ne voudrait pas assumer personnellement ?

Alliance VITA a élaboré un programme dégageant « 20 urgences pour replacer l’humanité au cœur des politiques publiques ». Ces urgences, déduites de nos expériences de terrain, permettent d’affirmer haut et fort : Priorité à l’humanité ! Comment ne pas vous associer, dans cette circonstance, au premier axe de ce programme : développer les solidarités intergénérationnelles qui comprend 6 urgences liées à la fin de vie ?

La pandémie fut un douloureux révélateur des fractures de notre société. L’individualisme ruine les solidarités intergénérationnelles, isole les plus fragiles et ajoute de la précarité aux personnes les plus « désocialisées » : jeunes en perte de repère et personnes âgées en situation de quasi « mort sociale ».

Engagés, au travers de nos services d’aide, auprès des personnes fragilisées par les épreuves de la vie, nous voyons s’accumuler les dégâts liés au Covid et aux atermoiements des pouvoirs publics :

  • de nombreuses personnes âgées ou en fin de vie ont été privées des leurs,
  • des familles endeuillées ont été interdites de rites funéraires et de deuil,
  • de nombreux étudiants ont souffert de l’isolement imposé par les confinements et couvre-feu. Les services de psychiatrie sont saturés par ces détresses.

Depuis des années, Alliance VITA met en garde les gouvernements successifs contre la rupture de la solidarité entre les générations. L’avalanche des lois de déconstruction a accru l’isolement des plus fragiles. Elles érigent l’autonomie en absolu et instaurent la loi du plus fort. Les jeunes subissent à leur tour la « ghettoïsation » des personnes âgées, qui pourraient transmettre de précieuses valeurs d’humanisation. Il faut donc relever le grand défi du vieillissement en évitant toute politique de mise à l’écart.

Source : alliancevita.org

 

 

Euthanasie, la loi et le prix de la vie

par Isabelle de Gaulmyn, 09/03/2021, extraits

Drôle de pays. Depuis quelques semaines, le sujet de l’euthanasie et du « droit à mourir dans la dignité » fait son retour. ...

Droit à mourir et lutte contre la covid

Étrange offensive des pro-euthanasie. En dehors du fait qu’elle ne semble pas vraiment répondre aux préoccupations du moment des Français, cette demande du droit à mourir intervient alors même que, depuis un an, toute la société a accepté de se voir privée des libertés les plus fondamentales, justement pour sauver les vies des plus âgés, des plus faibles, des plus malades d’entre nous. Pour eux, et pour leur permettre de vivre, nous avons arrêté notre vie culturelle, notre vie économique, notre vie sociale… Quand il s’est agi de vacciner, ce sont ces personnes âgées et malades qui ont été prioritaires. Nous avons tous vu ces images de médecins piquant les bras de personnes grabataires dans les Ehpad…

Toujours cette année, les décisions des équipes médicales pour savoir dans quels cas elles devaient envoyer ou non les malades Covid en réanimation, et dans quels cas (patients trop âgés ou trop malades) elles s’abstenaient de le faire, ont légitimement suscité des craintes des familles, inquiètes pour leurs propres aînés…

Depuis un an, nous avons privilégié la vie

Au fond, nous sortirons de cette pandémie en ayant fait le choix collectif de protéger les plus faibles et les plus âgés. Sous l’effet du Covid, nous avons privilégié la vie. Et c’est heureux. Comment aurions-nous pu continuer à vivre, et à faire société, dans le cas contraire ? Si nous avions abandonné les plus anciens ? Alors mourir dans la dignité, dire que l’on doit pouvoir choisir le moment où l’on veut partir, en théorie, cela semble évident ! Mais cette épidémie prouve, s’il en était besoin, qu’entre la théorie et la pratique, il y a un fossé, fait de toutes nos histoires et des liens qui nous relient les uns aux autres. ...

La fin de vie n’est pas une affaire d’idéologie

Nous avons appris depuis un an, face à la maladie et la mort, que les certitudes s’effritent. Que personne, ni les médecins, ni les épidémiologistes, ni les politiques, ni nous-mêmes n’avons la bonne réponse. Nous nous sommes justement émus de voir des mourants que l’on laissait seuls, sans permettre aux familles d’être à côté pour ce dernier voyage. Il ne s’agissait pas là de pouvoir donner la mort, mais d’accompagner nos vivants. La fin de vie n’est pas une affaire d’idéologie ni de loi, mais de concertation et de discernement face à la maladie et surtout aux malades. Une histoire d’humanité.
Les parlementaires qui, avant l’échéance présidentielle, s’échinent à vouloir faire pression sur ce sujet devraient en prendre de la graine.

Isabelle de Gaulmyn

Source : religion-gaulmyn.blogs.la-croix.com

 

Fin de vie, le lien distendu… et demain ?

Les associations d’accompagnement en fin de vie (1), à travers ce texte de trois de leurs responsables, Marie-Martine Georges, Robert Riou et Olivier de Margerie, s’alarment de l’isolement des malades et de leurs proches.

par La Croix, 27/05/2020

« Vous savez, moi ma mort… c’est que je suis déjà exclue de la vie » (Jeanne, en fin de vie, qui parle à un bénévole)

La crise du coronavirus est l’irruption brutale et froide de la mort possible. Nous nous savions mortels, nous sommes soudain tous devenus « mourables ». Le confinement isole chacun d’entre nous mais encore plus ceux qui vont mourir. Nous laissons partir ceux qui meurent sans même pouvoir rester auprès d’eux, ni même pouvoir leur dire adieu dignement.

Quel paradoxe ! Les plus fragiles, pour être protégés, se retrouvent encore plus exclus et isolés. Vivant un abandon pour raison sanitaire, ils meurent seuls : les possibilités de visites restent très partielles, compliquées et très inégalement appliquées. Nous aussi, les bénévoles d’accompagnement de personnes en fin de vie, ne pouvons plus rencontrer ceux que nous voudrions accompagner.

Ainsi, pour sauver la vie, on prive de lien, on déshumanise. Et les soignants, déjà débordés, épuisés, se retrouvent seuls pour accompagner les derniers instants de la vie. Quelle culpabilité pour celles et ceux qui ont fait tout ce qu’ils pouvaient et pour celles et ceux qui ont été empêchés d’être là, à l’écoute et bienveillants !

« On ne sert rien de l’homme si on ne le sert pas tout entier. S’il a faim de pain et de bruyère et s’il est vrai que le pain est le plus nécessaire, apprenons à préserver le souvenir de la bruyère. » Albert Camus Prométhée aux enfers in L’été (1946)

Les accompagnants bénévoles : une valeur essentielle

Nous sommes quelque 5 000 bénévoles d’accompagnement en France, solidement formés et soutenus par 300 associations adhérentes à la SFAP (Société Française d’Accompagnement et de Soins palliatifs). Nous sommes présents au sein des unités de soin, des EHPAD ou au domicile et auprès des endeuillés. Chaque année, 150 000 personnes atteintes d’une maladie grave ou terminale sont ainsi accompagnées par un bénévole : une présence citoyenne solidaire et complémentaire de celle des soignants.

Cette présence humble, sans jugement, sans autre projet que de donner à l’autre du temps et l’opportunité de mettre des mots sur ce qu’il ne peut, ou ne veut pas dire à ses proches ou aux professionnels, reste trop méconnue. Et pourtant nous, les bénévoles d’accompagnement, savons combien les derniers mots, les derniers échanges, les derniers regards, peuvent permettre un accomplissement et apaiser la fin de vie. Ce supplément d’être aux confins de la vie ne laisse pas de trace, ces moments partagés ne se mesurent pas. Ils sont intimes et invisibles.

En huit semaines de confinement, ce sont 25 000 personnes qui en ont été privées.

Exister c’est être en lien

Aujourd’hui, nous faisons l’expérience d’un retour à nous-mêmes, à ce qui compte et aux valeurs auxquelles nous tenons : la richesse de la rencontre, la bienveillance, la solidarité citoyenne.

Or la crise sanitaire et le confinement qu’elle impose ne font qu’amplifier dramatiquement une réalité quotidienne : la solitude d’un trop grand nombre de ceux qui – quel que soit leur âge ou leur état de santé – sont au crépuscule de leur vie. Paradoxe aggravé : là où il faudrait du lien, de la compassion, du partage, on distend.

Demain, le jour d’après, saurons-nous le rappeler, individuellement et collectivement ?

Chacun de nous peut agir

Accompagner c’est donner du temps qui compte à l’autre, à celui qui est encore en vie et termine sa vie, mais également à celui qui restera et éprouvera la douleur de la perte de l’être cher. Une approche plus sereine de notre confrontation avec la mort ne résultera pas d’un cumul de droits individuels mais d’une démarche commune qui affirmera la dignité reconnue à chacun, vivant jusqu’à son dernier souffle.

On ne meurt pas à être auprès de ceux qui s’approchent de la mort : accompagner est un engagement qui rencontre la vie.

Il ne suffit pas de soigner les plus fragiles, les plus âgés, il s’agit de leur permettre de vivre dans des conditions dignes, membres à part entière de la société.

À nous, associations d’accompagnement bénévole, de faire mieux reconnaître notre culture de l’accompagnement, au-delà de la seule inscription du bénévolat dans le code de santé publique.

Demain nécessitera une plus forte action collective : pour les aidants, pour la reconnaissance de l’accompagnement de présence et d’écoute dans tous les lieux de soin et en l’intégrant explicitement au futur plan de développement des soins palliatifs ; et pour amplifier l’aide publique à la formation des bénévoles.

Agissons demain pour une société qui ne ferme pas les yeux sur le grand âge et la fin de vie.

(1) Marie-Martine Georges (fédération Alliance), Robert Riou, Olivier de Margerie (fédération Jalmalv - Jusqu’à la mort accompagner la vie), ont rédigé cette tribune au nom de 154 associations d’accompagnement des personnes en fin de vie : Fédération Alliance www.alliance.asso.fr/ Fédération Jalmalv www.dutempsquicompte.fr et www.jalmalv-federation.fr/ Fédération Unasp www.unasp.org/ Petits frères des pauvres - Maladie grave & Fin de vie  https://www.petitsfreresdespauvres.fr/ Actes www.actes26.fr/ Albatros www.albatros69.org/ Rivage www.association-rivage.net/ Empreintes - Accompagner le deuil www.empreintes-asso.com/ Fédération Européenne Vivre Son Deuil www.vivresondeuil.asso.fr

Source : la-croix.com

 

 

Le triomphe du nihilisme

par Mathieu Bock-Coté, 04/12/2019

Au moment d’adopter la loi sur le suicide assisté (mourir dans la dignité, comme on préfère dire dans le langage officiel), ses promoteurs ont insisté pour nous dire que cette possibilité était encadrée par de sérieuses balises, et qu’elle n’allait d’aucune manière se banaliser. Elle serait réservée aux personnes en fin de vie, victimes d’une maladie incurable et souffrant de douleurs extrêmes.

Il s’agissait, en d’autres mots, d’une mesure se présentant comme un geste nécessaire d’empathie lorsque la vie devient tout simplement insupportable. Notre société reconnaissait peut-être un droit nouveau, mais elle en savait la gravité et le voulait exceptionnel. Il ne fallait aucunement évoluer vers le modèle de l’euthanasie libre-service.

Suicide

On le sait, ces réserves se sont vite dissipées. Une fois la loi votée, rien n’a semblé plus pressant à ses promoteurs que de faire tomber les limites dont ils l’avaient d’abord encadrée. C’était facile à prévoir. Une fois ce droit reconnu, il faudrait le rendre de plus en plus facile à exercer, sans l’encombrer de conditions vite décrétées injustes. Nous avons vite sacrifié la prudence des premiers jours entourant la loi.

L’homme de notre temps se veut absolument maître de lui-même. Il pousse jusqu’à son point extrême le principe d’autodétermination. Et à défaut de décider lui-même de sa naissance (même s’il rêve de façonner toutes les dimensions de son existence, et parmi celles-là, son identité sexuelle), il veut décider de sa propre mort et du moment où il quittera ce monde, selon son désir et à ses conditions. Qui sont les autres pour en décider à sa place? Mourir doit devenir un acte volontaire, et le système de santé, dans la mesure du possible, doit aider l’individu à réaliser ses volontés.

Mais jusqu’où étendrons-nous ce droit? Une révolution philosophique a eu lieu. C’est moins le suicide assisté qui nous révolte, aujourd’hui, que l’idée même de l’encadrer. Ne faut-il pas le démocratiser et l’ouvrir à une diversité de motifs qui, hier encore, semblaient inconcevables?
Écoutez Les idées mènent le monde, une série balado qui cherche a éclairer, à travers le travail des intellectuels, les grands enjeux de sociétés.

C’est ce que vient de suggérer Luc Ferrandez. Je le cite : «Pourrions-nous, pour des raisons environnementales, sociales et économiques, décider que nous voulons recevoir l’aide à mourir pour ne pas constituer un fardeau pour notre famille et la société en général?»

En d’autres mots, suffira-t-il qu’un individu n’ait tout simplement plus le goût de vivre pour qu’il se tourne vers l’État en lui demandant de l’exécuter? Suffira-t-il un jour de simplement se présenter dans une clinique pour en finir, à condition de remplir le formulaire administratif de consentement approprié?

Démence

Devra-t-il au moins ajouter un motif? Par exemple, à la raison du suicide, devra-t-il répondre : «je ne veux plus être un fardeau pour mes enfants»? Ou encore : «je ne veux plus contribuer aux changements climatiques»?

Je me demande comment ne pas voir dans cette simple possibilité le basculement de notre société dans un univers démentiel. Comment ne pas y voir le triomphe d’un nihilisme ayant en plus le culot de se présenter comme l’ultime accomplissement de la démocratie et de l’humanisme?

Source : journaldemontreal.com

 

 

Le progressisme en marche

 par S. P., 02/08/2019

TRIBUNE -Né en France, S.P. prend prétexte de ses origines asiatiques pour adopter un regard extérieur. À l’occasion de l’euthanasie de Vincent Lambert, il s’interroge quant à la direction prise par la société française.

Vendredi 12 juillet 2019, Terminal 2F de l’Aéroport Roissy-Charles de Gaulle, je lis le Figaro offert par Air France en attendant l’avion qui doit me ramener à Toulouse. Que l’on m’excuse par avance de ne pas lire les louanges de Staline dans l’Humanité… « Après la mort de Vincent Lambert, l’émotion et les questions », titre le quotidien.

Et de fait, comment ne pas s’interroger, quand, un peu partout, on entend et lit la satisfaction de certains à la nouvelle de cette mort, triste et inéluctable dénouement d’une agonie qu’ils ont souhaité et appelé de leurs vœux ?

Plus généralement, c’est l’idéal – en vérité si dystopique – qu’offre la société dite progressiste qui interpelle. Que nous propose-t-elle donc ?

Diagnostic prénatal pour avorter les présumés trisomiques. Dévoiement de la loi Veil, banalisation de l’IVG, dont on a évacué la notion essentielle de « détresse » défendue par Simone Veil, par ailleurs une arriérée qui avait pris part à la Manif pour Tous, en 2013. Euthanasie des handicapés. Arrêt des soins à partir de 65, 70 ou 80 ans (comme le préconise Jacques Attali, ou comme en débat la Belgique). Suicide assisté pour la jeunesse en perdition. Achat d’embryons au supermarché de l’eugénisme, location d’utérus.

Triste écho à des pratiques passées ; mêmes intentions, mêmes justifications. Elles sont en apparence assez louables, et elles légitiment les pires dérives.

Ma grand-mère maternelle, cambodgienne, a connu huit grossesses, toutes non-planifiées. En particulier, la dernière a donné naissance à ma mère, en pleine guerre civile. Cette enfant indésirable, ce fardeau supplémentaire en ces moments de lutte pour la survie, née de cette grossesse que maudissait ma grand-mère, c’est elle qui l’a hébergée et soignée jusqu’à sa mort, assez récente (je pourrais d’ailleurs raconter l’attitude révoltante du médecin traitant et des soins palliatifs).

De cette fratrie de huit, cinq ont survécu à la guerre. Aujourd’hui, un progressiste bien avisé pourrait dire à mes quatre oncles et tantes, plus ma mère, que le pragmatisme aurait voulu leur avortement. À mon grand-père maternel, veuf, qu’il commence à peser sur les Caisses de la Sécurité sociale. Et aux Asiatiques qui s’accrochent à une certaine conception de la solidarité familiale, qu’ils feraient mieux de laisser tomber ces vues arriérées et rétrogrades pour regarder l’exemple du progressisme à l’occidentale.

Je ne cesse ainsi de m’étonner du chemin littéralement suicidaire emprunté par les Français… Sans même parler ici de la théorie du genre et du militantisme LGBT, qui va donner plusieurs générations de Français sans repères, de l’islamisme conquérant qui se développe sur les défaillances de cette société déliquescente, de la collapsologie écologiste qui finira par détruire l’industrie française et jeter la France dans les oubliettes de l’Histoire. Pour parachever cet ensemble peu glorieux, de nouvelles dispositions légales (la loi Avia, du nom de la députée qui a mordu son chauffeur de taxi) permettront le musellement des discours dissidents, au prétexte de la lutte contre la haine.

Difficile donc de ne pas être pessimiste…

Source : adoxa.info

 

 

Il y a quatre-vingts ans, le IIIème Reich lançait l’opération Aktion T4 destinée à éliminer les handicapés physiques et mentaux

par  Roland Hureaux, 29/06/2019

C’est à l’été 1939 , il y a quatre-vingt ans presque jour pour jour , qu’a été mis en place par le IIIe Reich le dispositif Aktion T4 destiné à éliminer les handicapés physiques et mentaux d’Allemagne.

Si le début officiel de l’opération est le 1er septembre, au commencement de la guerre, la décision avait été prise antérieurement et il est vraisemblable que son exécution a été préparée tout au long de l’été. L’opération,pilotée par la Chancellerie, a reçu le nom de code T 4 parce que l’ administration dédiée a été installée dans une villa confisquée à une famille juive au 4 de la Tiergartenstrasse (rue du Jardin des Plantes) , une des avenues les plus huppées de Berlin.

C’est là que fut recrutée une équipe restreinte dirigée par Philip Bouhler, destinée à réaliser cette élimination, en liaison étroite avec le Dr Karl Brandt, médecin personnel du führer[1].

Dès avant son accession au pouvoir , Hitler avai tce projet en tête. Il découlait de son idéologie préconisant l’élimination des faibles et des tarés, à la fois pour améliorer la race et pour débarrasser le pays de la charge des improductifs. Il ne fallait pas trembler pour le faire car, selon lui, le monde appartenait aux forts aptes à surmonter les sentiments de pitié . Cela n’a cependant pas empêché Hitler de déclarer que l’opération visait à infliger « une mort miséricordieuse » à des gens dont la vie ne valait pas la peine d’être vécue. Entre les deux-guerres, l’idée d’une élimination des tarés, portée par la philosophie de Nietzsche[2], était déjà dans l’air du temps, non seulement en Allemagne mais aussi dans le monde anglo-saxon.

Dès 1933, les nazis avaient pris des mesures d ’ « hygiène raciale » : stérilisation obligatoire des porteurs de maladies héréditaires, légalisation de l’avortement dans le cas où un de parents en serait affligé . Mais pour des raisons politiques, Hitler préféra attendre la guerre pour aller plus loin tout en préparant les esprits par une propagande insistant sur le coût social des handicapés . A partir de 1938, la même propagande prétendit que des parents de handicapés de plus en plus nombreux écrivaient pour demander leur élimination.

Dans le plus grand secret

La difficulté à surmonter était la résistance prévisible des familles et des Eglises . Tout se fit donc dans le secret. Si l’opération débuta avec la guerre de Pologne , c’est que le régime espérait que le bruit médiatique lié à la déclaration de guerre la couvrirait.

On commença par les enfants : dès le 18 aout , une circulaire imposa au médecins et sages-femmes de déclarer ceux qui naissaient handicapés. Les parents étaient informés de leur transfert dans des unités dispensant des soins spécialisés ; ils devaient signer une autorisation . L’opération fut très vite étendue aux adultes : furent particulièrement visés les psychopathes, les alcooliques,les infirmes, les faibles d’esprit, les incurables. L’inaptitude au travail était le critère déterminant.

L’opération se fit hors des hôpitaux psychiatriques, dans six centres spécialisés , dont des châteaux isolés, répartis sur tout le territoire. Les malades y étaient amenés dans des autobus gris aux vitres opaques de la société d’Etat Gekrat. Ignorant leur destination, les familles recevaient plus tard un faire-part de décès pour cause d’épidémie et quelquefois une urne funéraire.

La majorité du corps médical était au courant comme l’a montré le procès des médecins qui s’est tenu à Nuremberg en 1948. Après avoir essayé les piqures de morphine ou scopolamine, l’administration du T4 jugea plus expéditif le recours au monoxyde de carbone, suivi d’une crémation.

On estime que, pendant les deux années ( août 1939-août 1941 ) où elle se déroula, l’opération fit environ 75 000 victimes. Mais l’élimination des malades mentaux ou enfants handicapés se poursuivit hors de l’opération T4 , dépassant au total les 100 000 victimes.

Le secret presque absolu dans lequel elle fut menée fit que les réactions furent lentes. D’autant qu’en régime totalitaire, les familles sont isolées les unes des autres et sous surveillance policière. Quand la chose filtra, des pasteurs protestants et de prêtres catholiques écrivirent à la Chancellerie . La protestation la plus spectaculaire fut celle de Mgr Clemens-August von Galen, évêque de Munster qui,à l’été 1941,saisit la justice et interpella avec véhémence le gouvernement du haut de sa chaire. Que l’opération ait cessé peu après est-il l’effet de cette interpellation ou cette phase de l’opération était-elle terminée ? Toujours est-il que l’évêque fut mis au secret et plusieurs de ses prêtres déportés .

Une autre raison de mettre fin à l’opération, était qu’à l’automne 1941, après l’invasion de la Russie, commençait l’élimination des juifs, d’abord par balle dans les terres occupées de l’ Union soviétique puis, de manière plus « scientifique », dans des camps. L’Aktion T4 aura servi en quelque sorte de terrain d’expérimentation à cette autre opération, prévue elle aussi depuis longtemps. Le personnel qui avait été recruté pour éliminer les malades mentaux fut en partie transféré dans les camps d’extermination.

Source : atlantico.fr

[1]Condamné à mort à Nüremberg ; Bouhler s’est suicidé en prison.

[2]Le philosophe a à plusieurs reprises recommandé l’élimination des tarés.

 

 

Emmanuel Hirsch : "dans la fin de vie, ce n'est pas la fin qui compte, c'est la vie"

par RCF, 06/11/2019

Dans son dernier ouvrage, "La lutte, la révolte et l'espérance", Emmanuel Hirsch livre un vibrant plaidoyer sur la fin de vie, dans le cadre d'une éthique humaine et responsable

« Aujourd’hui, on est dans un contexte dont on a le sentiment qu’il est souvent proche de la barbarie ». Interrogé au sujet de la publication de son dernier livre La lutte, la révolte et l’espérance[1], Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à la faculté de médecine Sud Saclay, directeur de l’espace de réflexion éthique de la région IDF, interroge : « Dans les débats sur la bioéthique, quelle humanité sommes-nous ? Quel type de résistance mettre en place alors qu’on a le sentiment d’être dépossédé de toute capacité d’intervenir sur le réel ? » Plus loin, il note : « Dès lors qu’on a une position éthique aujourd’hui, on est dans une position de résistance, de dénonciation de ce qui nous parait inacceptable ».

Interrogé au sujet des débats autour de la révision de la loi de bioéthique à l’Assemblée nationale, il regrette que « tout un pan de questions » n’ait pas été « honoré » alors qu’il était « quasiment plus urgentes que l’AMP » : neurosciences, manipulations sur le vivant, questions autour des algorithmes, de l’IA appliquée non seulement aux questions de santé mais à celles des données… Il note qu’il y a quelque chose de « très séduisant à faire de la bioéthique à la française » quand par ailleurs « faute de prendre en considération les urgences et ce qu’elles signifient de notre devenir, on obère le devenir d’une société, le souci du bien commun, le vivre ensemble… ».

Au sujet de la fin de vie, le professeur d’éthique constate que « confronté à la finitude, à la fin de vie, si les gens sont dans la solitude, l’indifférence, s’ils n’ont plus comme interlocuteurs que des personnels de santé ou médicosocial, que la société s’est désinvestie de toute responsabilité et que le débat c’est comment organiser une loi sur l’euthanasie, on voit à quel point il y a quelque chose de blessant pour nos valeurs d’humanité ». Il ajoute : « Le plus précieux dans la fin de vie, c’est pas la fin, c’est la vie » et il demande : « Comment être davantage respectueux de cette vie quand on la sait limitée ? ». Pour les proches, « comment rester aimant, présent et ne pas laisser envahir par la maladie ? ». Prenant appui sur son expérience, il affirme que « dans ces circonstances, quand le superflu n’est plus indispensable, on se dit l’essentiel ». Pour lui l’éthique est « cette capacité d’être attentif à ce qui nous enrichit, ce qui nous amplifie, bref, nous humanise ».

[1] Editions du cerf

Source : genethique.org

 

 

 

L'euthanasie, une fausse solution

"Il s'agit d'un abus de langage que de faire passer pour un acte de volonté individuelle une décision qui instrumentalise un tiers, en l'occurrence le médecin. De même, il est paradoxal de dénier à la société un droit de regard sur la fin de vie - "c'est ma mort, elle ne concerne que moi ; moi seul doit décider" - quand à travers l'intervention du médecin, c'est la société tout entière qui est convoquée au chevet du malade."

par Marianne Gomez,  06/08/2003

Texte extrait de La Lettre de l'Espace éthique n°9-10-11, "Fins de vie et pratiques soignantes".

Alors que le 25 juin 1999 l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a interdit l'euthanasie, dans le cadre d'une résolution sur "la dignité des personnes incurables et des mourants", j'aimerais examiner brièvement les arguments de ceux qui sont encore partisans de cette solution. Pour l'essentiel, il en existe me semble-t-il trois : liberté de choix, dignité - c'est-à-dire préservation d'une certaine image de soi - et refus de souffrir.

La liberté de choix

N'est-ce pas une fiction de penser que l'on est libre de choisir sa mort ? Sigmund Freud est passé par là, et nous a appris que le discours manifeste et le discours latent représentaient deux données différentes. Ce n'est pas parce que l'on réclame quelque chose que l'on souhaite l'obtenir. Ce n'est pas parce qu'on dit : " je veux mourir " que l'on veut mourir. Toutes les personnes qui font de l'accompagnement le disent : une demande comme celle-ci doit être décryptée et non prise au pied de la lettre. Le Pr Maurice Abiven explique que sur 400 malades qu'il a suivis dans le cadre de l'hôpital de la Cité universitaire, il n'a été confronté qu'à trois demandes persistantes d'euthanasie. Brigitte Champenois, qui a suivi 600 malades à l'hôpital Saint-Joseph, n'en constate que deux. Ce sont des éléments à prendre en considération car, parfois, en écoutant les partisans de l'euthanasie, on a l'impression qu'il existe partout des malades qui souffrent et qui attendent qu'une main charitable les délivre de la vie. La réalité est quand même un peu différente.

L'autre facteur m'incitant à penser que cette liberté de choix constitue une pseudo-liberté est que le malade n'est pas seul impliqué. Quand les partisans de l'euthanasie réclament un droit de mourir dans la dignité, ils ajoutent aussitôt qu'il faudrait autoriser le médecin, dans certaines circonstances, à donner la mort. C'est au médecin de faire la piqûre. Il s'agit d'un abus de langage que de faire passer pour un acte de volonté individuelle une décision qui instrumentalise un tiers, en l'occurrence le médecin. De même, il est paradoxal de dénier à la société un droit de regard sur la fin de vie - "c'est ma mort, elle ne concerne que moi ; moi seul doit décider" - quand à travers l'intervention du médecin, c'est la société tout entière qui est convoquée au chevet du malade. La société a donc réellement un droit de regard sur la question.

La dignité

L'euthanasie se justifierait quand la vie ne vaut plus la peine d'être vécue. Mais à partir de quand et pour qui une vie ne vaudrait plus la peine d'être vécue ? Il est frappant de constater que ceux qui soutiennent cette idée donnent toujours comme exemple des cas d'agonies extrêmes, toujours les mêmes : le Pr Léon Schwartzenberg a souvent évoqué ce malade " au visage mangé par une tumeur ", un autre parle de patients " qui dégagent une odeur repoussante ", etc. Ici, les mots employés ont une importance décisive. Ils nous en apprennent moins sur le vécu de ces malades que sur l'angoisse de celui qui les regarde. C'est en premier lieu pour le spectateur impuissant que ces vies sont insupportables. Et cela est d'autant plus terrible que, comme l'a fort bien écrit le père Patrick Verspieren, l'angoisse fondamentale de celui qui meurt provient " d'un doute torturant sur la valeur de sa propre vie 1 ". L'angoisse de celui qui meurt rejoint cette question essentielle : suis-je encore digne d'être aimé, d'être respecté ? Répondre à ce doute par un geste de mort est terrible.

Celui-là même que l'on interroge de façon muette " m'aimes-tu encore ? " répond en coupant la communication de la manière la plus radicale qui soit. Ce que Patrick Verspieren exprime encore de la façon suivante : " l'euthanasie tue deux fois, la première fois symboliquement, en confortant le malade dans l'idée que sa vie n'a plus de valeur, plus de sens 2. " Car le sentiment d'avoir une valeur, on l'éprouve toujours dans le regard de l'autre ; c'est par l'autre qu'il nous est donné.


Le refus de la souffrance

Contrairement aux deux arguments précédents, celui-ci est aujourd'hui unanimement partagé. Il ne se trouve personne pour soutenir que la souffrance serait désirable. Le 19 mai dernier, devant l'Académie de médecine les représentants des quatre religions majoritaires en France ont été unanimes à réaffirmer que l'homme n'avait pas vocation à souffrir. Certes, les médecins français ont été longtemps réticents à l'idée d'administrer des antalgiques majeurs comme la morphine, mais la situation est heureusement en évolution. Il faut agir sur cet aspect des choses.

Je conclurai que l'euthanasie comme l'acharnement thérapeutique sont les deux faces d'une même médaille : ils marquent l'impossibilité d'accepter la mort, soit en l'anticipant, soit en la retardant. La seule attitude qui laisse la mort venir à son heure est l'accompagnement. Le Dr Élisabeth Kübler-Ross a décrit la première les cinq stades qui précédent la mort. Ce texte de présentation de son travail est un très bel hommage aux soins palliatifs : " le mourant est seul, parce qu'il se ressent différent et propulsé dans un monde différent. La personne qui aidera le malade à assumer cette étrangeté sera celle qui n'aura pas peur de sa propre solitude, pas peur surtout des ressemblances qui pourraient advenir si elle allait, elle aussi, tomber malade. Un geste, un regard, une parole, un soin dans lesquels on met une âme autant qu'une technique suffisent dans bien des cas à combler la différence qui isole le malade du bien-portant. Encore faut-il savoir que nul n'approche le mourant autrement qu'il n'approche sa propre vie et l'idée de son propre corps. "

Références bibliographiques

1. "L'euthanasie, une porte ouverte ?", in études, janvier 1992.
2. Interview à La Croix, avril 1992.

Source : espace-ethique.org

 

 

"Je m’ennuie trop ici." Comment mieux prendre soin de nos aînés ?

par Gènéthique, 07/12/2018, extraits

« J’aime pas être ici, mais je n’ai pas le choix. Je m’ennuie trop ici » ; « Vivre dans une maison de retraite ? je n’ai pas autre chose… » ; « Les autres résidents sont plus ou moins agréables mais on ne se fait pas d’amis ». Alors que le ministère de la santé lançait une consultation citoyenne « Comment mieux prendre soin de nos aînés ? » (cf. Grand âge et autonomie : une priorité pour 2019 ?), les Petits frères des pauvres donnaient la parole aux « invisibles », des résidents qui vivent en EHPAD et 97 de ces témoignages ont été recueillis d’avril à septembre 2018 : « Paroles de résidents, paroles de résistants ».

La consultation du ministère, quant à elle, s’est terminée le 5 décembre dernier. Les résultats viennent d’être publiés. Quatre priorités émergent de cette consultation. Elles concernent :

L’amélioration des conditions de travail et de vie des professionnels et des proches aidants : qualification, nombre, soutien, moyens, crédit d’impôt pour les enfants de proches aidants...
L’amélioration de la « qualité » et de la « variété de l’offre de lieux de vie » : Avec le renforcement du maintien à domicile, amélioration de la qualité et de l’accueil des personnes âgées en établissements et développement des lieux de vie alternatifs ou intergénérationnels innovants.
La réduction du coût de la prise en charge de la perte d’autonomie en établissement et à domicile, avec la mise en place de tarifs accessibles en fonction des moyens.
Enfin, le renforcement de l’accès à la santé des personnes âgées, mise en place de services d’urgence de proximité pour les personnes âgées...

Du côté des petits frères des pauvres, des propositions concrètes ont été rassemblées autour de plusieurs axes : entourés ou isolés ? Vie privée ou vie publique ? Sortir ou s’en sortir ? Soupe à la grimace ou beurre dans les épinards ? Rythmes adaptés ou cadences imposées ? Ce qui demandent surtout les résidents, explique François Xavier Turbet Delof, directeur adjoint développement qualité des établissements des Petites frères des pauvres, c’est « avoir un entourage bienveillant et disponible, se sentir écoutés, pris en compte dans leurs envies, leurs désirs, en sécurité, et rester acteurs dans leur lieu de vie ». ...

Source : genethique.org

 

 

12 raisons de dire non à l'euthanasie

1. Chacun doit vivre dans la dignité, jusqu’au bout de sa vie

Toute personne, quels que soient sa situation et son état médical, est intrinsèquement digne. Même dans les situations les plus redoutées, les équipes de soins palliatifs mettent tout leur cœur et leur savoir-faire à sauvegarder la dignité véritable des patients. Considérer que l’on assure la dignité d’une personne en lui donnant la mort est une défaite de l’humanité.

Source : http://laviepaslamort.fr/

 

 

« L’homme de ce temps a le cœur dur et la tripe sensible » (Bernanos)

Fin de vie, don d’organes, PMA,… la compassion est souvent convoquée comme alibi à des aménagements ou des évolutions légales. Cependant, la compassion peut-elle tout justifier ? Jacques Ricot est philosophe, auteur Du bon usage de la compassion[1], il pose les bases d’une réflexion ajustée sur cette notion galvaudée.

L’homme compatissant est perméable et accueillant à la détresse d’autrui. Il est impressionnable, il se laisse émouvoir. C’est pourquoi la compassion peut être définie comme cette sensibilité désarmante devant l’irruption en soi de la douleur d’autrui, ce qui ne signifie nullement qu’elle soit ressentie comme celle du souffrant, dans une impossible coïncidence. La compassion, pour le dire autrement, est le sentiment d’une tristesse causée par la souffrance d’autrui.

Être touché par la souffrance d’autrui, c’est évidemment ne pas seulement en être affecté, c’est vouloir la combattre. La compassion, c’est éprouver ce sentiment : être « contre » la souffrance, chercher à la soulager. Il faut donc, non pas épouser la même souffrance que l’autre, illusion malsaine, mais accepter d’être touché, s’autoriser à être sensible. Mais sans négliger l’indispensable articulation de la sensibilité et de la rationalité qui sont comme les deux mamelles de l’éthique.

Articuler sensibilité et rationalité

En effet, nous ne pouvons pas nous passer des principes moraux que la réflexion rationnelle et raisonnable peut proposer et il convient de s’insurger contre une nouvelle morale purement compassionnelle qui consisterait à dire qu’il suffirait d’éprouver dans sa chair et dans sa sensibilité des réactions qui seraient nécessairement justes puisqu’elles émaneraient du plus profond de nos entrailles. Or, la seule sensibilité n’est pas suffisante pour construire une morale, pour dicter nos conduites et il convient de l’articuler avec ce qui est le propre de l’homme, c’est-à-dire, sa capacité d’honorer la personne humaine grâce à des attitudes réfléchies, excédant la stricte réaction émotionnelle.

En faisant uniquement confiance à ce qui nous émeut, il se peut que nous cédions parfois à des réflexes, à des comportements inappropriés. Il faut avoir un cœur, mais un cœur intelligent disait déjà le sage Salomon qui adressait cette prière à son Dieu : « Accorde donc à ton serviteur un cœur intelligent pour juger ton peuple, pour discerner le bien du mal ! » (1 Rois 3, 9). Une compassion mal éclairée peut être pire que l’indifférence.

C’est ce qu’illustre de manière très efficace la fable de La Fontaine, « L’Ours et l’Amateur des Jardins ». Un ours plein de compassion et de sensibilité cherche à aider son ami, un vieux jardinier. Or, une mouche se promène sur le visage de celui-ci pendant qu’il fait la sieste. Alors, l’ours, voulant épargner à son ami le risque d’être réveillé inopinément, mû par ce bon sentiment, décide de tuer la mouche. Saisissant un pavé, il le jette sur la mouche. « Casse la tête à l’homme en écrasant la mouche », dit le fabuliste. La morale de l’histoire est donc qu’une réaction, simplement sensible et non éclairée par l’intelligence, peut s’avérer plus néfaste encore que l’insensibilité ! ...

La disjonction entre l’éthique et la compassion est la plaie de l’intelligence contemporaine. Il suffit parfois qu’une souffrance soit exprimée pour qu’elle fasse autorité et modifie les normes morales au nom d’une conception fort discutable de la compassion. Une souffrance, court-circuitant parfois la réflexion éthique approfondie, va légitimer le réflexe compassionnel. Ainsi, lorsque des femmes souffrent de ne pas pouvoir procréer en raison d’une situation objective et non pathologique, comme celle de la condition de célibataire ou d’homosexuelle, on s’empresse de fournir une « solution » à cette frustration en proposant une assistance médicale à la procréation. L’enfant, quelles que soient les modalités de sa venue au monde, serait-il devenu la seule réponse possible à l’épreuve de l’infécondité ? L’élimination a priori du père, remplacé par un géniteur réduit au rang de pourvoyeur de sperme, ne mérite-t-elle pas une réflexion mobilisant les ressources de la raison ? Le même schéma est à l’œuvre quand on vante l’esprit altruiste et « compassionnel » des mères porteuses, en refusant de voir qu’elles décident d’enfanter dans le dessein d’abandonner l’enfant dont elles vont accoucher, ce qui pose pourtant une question éthique élémentaire. Le cas de la fin de vie et de l’euthanasie est lui aussi fort emblématique. Car, inversant le précepte invitant à donner sa vie pour ceux qu’on aime, on en vient, au nom de la compassion pour ceux qui souffrent, à préférer ôter la vie de ceux qu’on aime.

Le cas de la fin de vie

La réaction émotionnelle, purement émotionnelle que nous avons vis-à-vis de la souffrance peut nous conduire à considérer que la seule façon de lutter contre la souffrance, de la soulager, serait d’éliminer le souffrant ! C’est une tentation contemporaine parce que nous sommes nourris de bons sentiments : nous ne voulons pas que l’autre souffre et alors nous lui murmurons à l’oreille : « Dans la situation de souffrance qui est la tienne, et devant ta demande de ne plus exister, il est normal que nous te fassions disparaître, puisque telle est ta volonté. » C’est là une attitude pernicieuse et dangereuse qui met en péril le lien social lui-même et jusqu’à la relation de soin en son essence. S’il n’y a pas de vie éthique sans recours à la sensibilité, à l’émotion, il faut nous souvenir qu’il y a aussi des limites qui guident notre action et qui sont comme des repères et des références.

La confusion qui règne entre le soulagement de la souffrance et l’élimination du souffrant a été décrite par Bernanos, d’une façon très prémonitoire en 1938, dans le livre antifranquiste Les Cimetières sous la lune : « Il y aurait tant à dire de la pitié ! Les esprits délicats jugent volontiers de la profondeur de ce sentiment aux convulsions qu’il provoque chez certains apitoyés. Or, ces convulsions expriment une révolte contre la douleur assez dangereuse pour le patient, car elle confondrait aisément dans la même horreur la souffrance et le souffrant. […] Certaines contradictions de l’histoire moderne se sont éclairées à mes yeux dès que j’ai bien voulu tenir compte d’un fait qui d’ailleurs crève les yeux : l’homme de ce temps a le cœur dur et la tripe sensible. Comme après le Déluge la terre appartiendra peut-être demain aux monstres mous. »

 Il se pourrait bien, disait donc Bernanos d’une façon prophétique, que notre époque choisisse de dire publiquement et juridiquement que, dans certaines situations, on pourrait supprimer le souffrant au lieu de combattre sa souffrance. Oui, une tripe sensible peut fort bien, et en toute naïveté, coexister avec un cœur dur. Et il me semble que c’est là que la philosophie, par sa manière de poser, rationnellement et sereinement, les problèmes, peut nous inviter à conjuguer une sensibilité éduquée et une rationalité cultivée.

L’impulsion généreuse, déconnectée de toute réflexion sur les moyens appropriés à la situation, flottant dans l’indétermination de toute norme morale, peut s’avérer plus désastreuse que l’insouciance, et c’est la leçon du pavé de l’ours de la fable de La Fontaine ou de la pitié devenue folle d’Anton Hofmiller.

La compassion est invitée à se laisser éclairer par des considérations raisonnées, qui ont une visée universelle, à l’instar de nos grands principes moraux, à commencer par l’interdit de tuer. Il s’agit là de principes fonctionnant comme une boussole destinée à nous guider et à nous aider à ne pas céder à une impulsion strictement sensible qui pourrait, parce qu’elle serait coupée de la réflexion, devenir sensiblerie et non pas sensibilité éclairée.

Il faut donc admettre que la compassion, si elle est nécessaire, n’est pas suffisante pour prendre les décisions singulières face à tous les dilemmes éthiques que la vie propose. Si la compassion est ce sans quoi aucune vie morale ne serait possible, elle ne peut en aucune façon fournir le socle seul sur lequel s’édifierait l’éthique. Elle est le moteur, l’émotion, et l’ébranlement qui, instruits par l’intelligence, nous maintiennent dans « l’humanité » selon la belle ambivalence de ce terme qui désigne à la fois la commune appartenance à l’espèce humaine et… le sentiment de compassion.

Dans le cas de la fin de vie, l’authentique compassion, refuse, avec une énergie égale, la souffrance et le meurtre d’autrui ; elle ne confond pas le combat contre la souffrance et l’élimination du souffrant. Cette compassion ne procède pas d’une bienveillance paternaliste, éventuellement contradictoire avec le désir intime de celui qui s’en va et assume son destin, précisément parce que cette compassion se laisse éclairer par les principes de sagesse pratique que l’on peut rappeler de la manière suivante.

Une fois admise l’inutilité de la douleur en phase terminale et l’obligation de la soulager, y compris au risque d’abréger la vie, il convient que la compassion accepte d’entendre toutes les paroles, y compris celles qui réclament l’euthanasie. Tel est le sens de l’accompagnement de celui qui compatit, c’est-à-dire qui « souffre avec », selon l’étymologie (cum-patior). Mais entendre, ce n’est pas approuver. Car c’est alors que la rencontre se pervertirait en fusion spéculaire du soignant et du soigné, de l’accompagnant et de l’accompagné, chacun n’étant plus en mesure de respecter son domaine personnel d’altérité. Se faire proche, ce n’est pas oublier la juste distance.

Il importe aussi de ne pas identifier le légal et le moral, surtout lorsque des lois transgressives sont votées. En particulier, il appartient au jugement prudentiel du soignant, dans les zones grises d’incertitude entre la vie et la mort, entre les désirs latents et les désirs exprimés de la personne vulnérable, entre l’obstination déraisonnable et l’acharnement sensé, de respecter pleinement aussi bien le combat du patient que son consentement à la mort qui vient, ce « lâcher prise » qui nécessite l’accompagnement, l’adoucissement des derniers moments et l’arrêt des traitements curatifs quand ils sont devenus disproportionnés.

Quand le droit, chargé de maintenir la valeur de l’interdit du meurtre, en vient à s’immiscer dans ces zones grises en déterminant des critères autorisant la transgression de l’interdit, c’est le signe d’un recul de la médecine et de la justice au profit, non de l’individu, mais de l’individualisme. Cela signifie, en effet, une perte de confiance dans deux précieuses et antiques vertus aussi nécessaires l’une que l’autre : la prudence du médecin et l’équité du juge, qui permettent l’invention des réponses adaptées à la singularité de chaque cas.

Jacques RICOT

Du bon usage de la compassion, PUF, 2013.

Penser la fin de vie, Presses de l’EHESP, 2017.



[1] PUF, 2013.

 

Source : genethique.org

 

12 raisons de dire non à l'euthanasie

 

1. Chacun doit vivre dans la dignité, jusqu’au bout de sa vie

2. La loi doit protéger les plus fragiles

3. L’interdit de tuer structure notre civilisation

4. Demander la mort n’est pas toujours vouloir mourir

5. La fin de vie reste la vie. Nul ne peut savoir ce que nos derniers jours nous réservent

6. Dépénaliser l’euthanasie, ce serait obliger chaque famille et chaque patient à l’envisager

7. Les soignants sont là pour soigner, pas pour donner la mort

8. L’euthanasie réclamée dans les sondages est une demande de bien-portants, elle occulte la parole des patients

9. Se tromper sur une demande d’euthanasie serait une erreur médicale sans retour

10. Légaliser l’euthanasie ce serait la banaliser sans éviter les dérives

11. Les soins palliatifs doivent être apportés à tous

12. Les soins palliatifs sont incompatibles avec l’euthanasie et le suicide assisté

 

 

Le texte des 12 raisons de dire non à l’euthanasie (et oui aux soins palliatifs) a été établi par un collectif de plus de 175 associations de bénévoles en soins palliatifs.

Ce collectif représente plusieurs milliers de bénévoles engagés quotidiennement dans l’accompagnement de patients en fin de vie.

Collectivement, ces bénévoles offrent plusieurs centaines de milliers d’heure dans une démarche de soins palliatifs, soucieux de faire de chacune d’elles un moment singulier. Ils sont présents chaque jour dans une démarche de bienveillance et de non-jugement, d’écoute et parfois de simple présence dans le silence. Les bénévoles n’ont pas d’autre tâche à accomplir, ils ne sont pas non plus des proches que l’on voudrait épargner, ils sont simplement et pleinement là, témoins et solidaires.

Leur respect pour la complexité de toute vie et de toute fin de vie, leur culture de la simple écoute voire du silence ne les conduit pas, ordinairement, à prendre la parole publiquement. Leur voix doit pourtant être entendue.

 

 

Source : http://laviepaslamort.fr/

 

Bioéthique, une exigence et une mobilisation politiques

par Emmanuel Hirsch, 03/09/2018, Professeur d’éthique médicale, Université Paris-Sud-Paris-Saclay, Président du Conseil pour l’éthique de la recherche et l’intégrité scientifique, Université Paris-Sud-Paris-Saclay

Version intégrale de l’article publié dans Le Figaro du 3 septembre 2018, sous le titre « Révision de la loi bioéthique : le débat parlementaire de tous les dangers »

Une concertation renouvelée

La phase parlementaire de révision de la loi relative à la bioéthique va reprendre quelques mois après les états généraux de la bioéthique et la publication des premiers rapports, notamment celui du Conseil d’État. La concertation menée au cours du premier semestre 2018 a permis de comprendre que la réflexion bioéthique suscite un intérêt et des attentes qu’il ne faudrait pas décevoir. Elle relève du débat politique et d’enjeux démocratiques à ne pas négliger dans le contexte actuel de crise des valeurs attachées à notre conception du bien commun.

La bioéthique se prête aujourd’hui à des interprétations et à des applications extensives. Il s’agissait initialement d’une réflexion éthique portant sur les évolutions des connaissances et des capacités d’intervention dans le domaine des sciences du vivant, du point de vue de leur acceptabilité sociétale. Rappelons-nous les années 70 avec l’émergence des questions de greffes d’organes, d’assistance médicale à la procréation (AMP), de don de gamètes. Les innovations biomédicales en embryologie, génétique médicale, neurosciences, imagerie et numérisation ont par la suite justifié un encadrement  : la loi relative à la bioéthique leur est consacrée. Le Comité consultatif national d’éthique conçoit pourtant ses missions au-delà, dans une perspective socio-politique plus ouverte. Son 128ème avis traite des « Enjeux éthique du vieillissement » (2018). En 2017 les 3 avis rendus avaient pout thème la santé des migrants, les demandes sociétales de recours à l’AMP, « biodiversité et santé ». C’est dire que le champ de la bioéthique ne saurait désormais se cantonner au biomédical puisque nos conceptions de la santé ont évolué ne serait-ce que du fait des capacités d’interventions que les techniques permettent. Lorsque nous discutons actuellement des limites d’intervention sur le génome, du traitement de données de masse et de l’intelligence artificielle en biomédecine ou de modification voire d’augmentation de l’Homme, il est bien évident que nos responsabilités justifient une concertation renouvelée.

De nouveaux territoires pour la bioéthique

Il nous faut explorer de nouveaux territoires de la bioéthique. En peu de temps, des innovations dites disruptives se sont implantées dans le paysage de la biomédecine – notamment avec le numérique : elles bouleversent à la fois les concepts, les connaissances, notre relation à l’autre, nos pratiques sociales et notre rapport au monde. Il convient d’inventer une bioéthique pour aujourd’hui, d’investiguer des champs scientifiques inédits, d’identifier les enjeux éthiques émergeants et d’éprouver leur robustesse au regard des principes jusqu’à présent pertinents, d’envisager des modes de concertation publique dans la perspective d’arbitrages nécessaires même s’ils s’avèrent précaires. En effet, la production de la connaissance scientifique est exponentielle. Le « Rapport de l’UNESCO sur la science, vers 2030 » indique qu’entre 2008 et 2014 le nombre d’articles scientifiques a augmenté de 23 % : 1 270 425 articles ont ainsi été publiés. L’innovation est constante, au point que nos tentatives d’anticipation et même de suivi sont aléatoires. De surcroit elle intervient dans le cadre d’une compétition internationale dont les modalités de régulation semblent pour le moins fragiles, pour ne pas dire inconsistantes. La bio-économie ou la bio-finance justifieraient des investigations qui nous éclaireraient davantage sur les idéologies et les logiques en œuvre que ne le font les discours prophétiques annonciateurs d’un humanisme transcendé. Tel est le défi actuel auquel doit se confronter la pensée bioéthique. Dès lors lui incombe une responsabilité dont on a mieux saisi la portée au cours des États généraux de la bioéthique, entre janvier et mai 2018 : il ne s’agit pas moins que de se concerter sur les valeurs et les choix qui conditionneront notre devenir. Quelles responsabilités exercer à l’égard des générations futures ? Le CCNE a lancé les États généraux avec cette interpellation : « Quel monde voulons-nous pour demain ? ». Je complèterai la complèterai d’un point de vue philosophique : « Quelle humanité voulons-nous demain ? De quelle humanité sommes-nous capables, pour ne pas dire dignes ? ». L’approche bioéthique relève d’une exigence politique qui doit intégrer l’analyse critique de connaissances inédites et évolutives, le pluralisme des points de vue, la pluridisciplinarité des expertises dans une visée soucieuse du bien commun.

Aborder les enjeux de la bioéthique en tant que démocrates

Il me semble essentiel d’aborder les enjeux de la bioéthique en tant que démocrates. Nos fondamentaux sont inspirés par le Code de Nuremberg qui édicte en 1947, à la suite de la Shoah, les règles intangibles des pratiques de la recherche menée sur l’Homme. Reconnaître la personne dans son autonomie et sa capacité à consentir, l’informer avec loyauté, respecter son intégrité et lui témoigner une bienveillance, ne pas l’exposer à des risques disproportionnés, être juste à son égard et considérer que son intérêt est toujours supérieur à ceux de la recherche et de la société : tels sont quelques-uns des fondements de l’approche bioéthique. Un an après le Code de Nuremberg, la Déclaration universelle des droits de l’Homme est promulguée. On évoque à son propos la notion « d’éthique universelle » que l’on devrait pouvoir appliquer à l’intention, voire à l’attention bioéthique. La bioéthique se doit d’être comptable de cette mémoire et de cette conscience qui déterminent des principes inconditionnels. Les transgresser, ne serait qu’en les relativisant au nom d’intérêts estimés supérieurs, c’est mettre en cause des valeurs d’humanité, de dignité et de liberté qui constituent les plus remarquables conquêtes de notre histoire.

Sommes-nous prêts à céder lorsque certains discours prônent des conceptions opposées à nos principes démocratiques, réfractaires à un humanisme soucieux de l’autre dans son identité et ses vulnérabilités ? La numérisation de l’humain selon des stratégies qui visent à le dépouiller de sa dignité, préfigure une forme moderne de barbarie qui pourrait susciter l’expression d’une mobilisation dont notre législation bioéthique devrait témoigner.

J’estime que la bioéthique relève d’un engagement politique qui ne saurait se satisfaire seulement des argumentations, aussi intéressantes soient-elles, produites en comités. Trop souvent les arbitrages rendus par les compétences investies d’une autorité en ce domaine, s’évertuent à accompagner et à cautionner des évolutions en préservant encore quelques formes dont on sait l’inanité. Depuis 1983 le CCNE a rendu 128 avis souvent de grande qualité, de telle sorte que nous disposons d’un corpus d’un intérêt considérable du point de vue de la bioéthique. Nombre d’instances internationales ont produit des textes de référence qui constituent des ressources remarquables appliquées aux multiples champs de la bioéthique. Aujourd’hui les sociétés savantes qui réunissent les chercheurs intervenant notamment dans les domaines du numérique organisent des colloques et rédigent des chartes afin de donner cohérence à un positionnement éthique. Depuis 1994, en France le législateur reprend de manière régulière la loi relative à la bioéthique : il la « révise » afin de l’adapter aux évolutions et de préserver les quelques principes d’une « bioéthique à la française ». Pour autant, alors que s’engagent les travaux parlementaires de révision de la loi du 7 juillet 2011, un sentiment d’incertitude, de confusion pour ne pas dire d’impuissance s’exprime au détour des prises de positions. J’y vois une crise profonde des légitimités qui, on le sait, affecte l’autorité et la sphère politique d’un point de vue plus global.

Est-il encore possible d’encadrer, pour ne pas dire d’interdire ? Le contexte est propice au développement de stratégies favorables à l’amplification du phénomène de dérégulation des pratiques scientifiques et des avancées technologiques. Elles prospèrent sur une tendance à l’individualisme, à l’affirmation du souci de soi et de l’intérêt particulier au regard du bien commun. Adopter une position réflexive simplement prudente, tenter de discriminer entre l’acceptable et ce qui ne le serait pas, c’est se voir d’emblée accusé de passéisme, voire de mépris à l’égard de revendications qui arguent du principe de justice dans l’accès sans restriction à tous les possibles. C’est le cas en ce qui concerne l’AMP en dehors de considérations d’ordre médical, au bénéfice par exemple d’un couple de femmes. Il en sera de même dans le champ de la génomique et des neurosciences afin de favoriser à travers le triage, la manipulation ou l’augmentation, la qualité et les performances du vivant. Des normes s’instituent ainsi, et s’y opposer donnerait à penser que nous résistons au nom d’une bio-morale…

Nous observerons dans quelques mois ce que seront les choix de nos responsables politiques en matière de bioéthique. Ils pourraient estimer que des enjeux de compétitivité internationale en matière d’intelligence artificielle, de traitement des données massives ou de génomique justifieraient certaines concessions du point de vue de nos principes. De même, leur appréciation de l’acceptabilité sociale d’évolutions dans nos représentations de la famille les incitera peut-être à l’ouverture de la biomédecine à des demandes qui initialement ne la concernaient pas.

Serons-nous inventifs d’une bioéthique à hauteur des défis actuels ? Rares sont aujourd’hui ceux qui en sont convaincus.
Contribuer dans les mois qui viennent de délibération bioéthique à la mise en commun de savoirs et de questionnements, c’est s’inscrire dans une démarche de mobilisation démocratique. On pourrait espérer qu’elle permettra de renouveler une pensée de la bioéthique à hauteur d’enjeux politiques qui concernent notre vivre ensemble ainsi que les conditions de notre devenir.

Source : plusdignelavie.com

 

 

EN MANQUE DE PERSONNEL

par Revue Limite, 10/07/2018

« Je suis dans une usine d’abattage, qui broie l’humanité des vies qu’elle abrite ». Qui parle ainsi ? Une syndicaliste de chez Goodyear ? Un employé d’Amazon ? Une ouvrière bengalie travaillant pour H&M ? Non : une infirmière d’une EHPAD ardéchoise, interpellant Agnès Buzin, ministre de la santé.

Parmi tant d’autres, ce message lève le voile sur les souffrances d’un personnel hospitalier contraint de maltraiter ses patients pour tenir la cadence. Bien sûr, la médecine a fait de beaux progrès, mais la santé est devenue un énorme marché. Au moment où, à l’hôpital psychiatrique du Rouvray, en Normandie, des employés entraient en grève de la faim pour obtenir des créations de postes, on apprenait que « les propriétaires d’exploitants EHPAD » étaient en bonne position parmi les 500 premières fortunes françaises… Public ou privé, l’hôpital ne se moque pas de la rentabilité. Et si la lutte parfois paie – après trois mois de mobilisation, dont dix-huit jours de jeûne, les personnels du centre hospitalier du Rouvray ont obtenu la création de trente postes supplémentaires – il est à craindre que la liquidation libérale à la sauce Macron ne s’accélère.

D’ailleurs, quitte à réduire les soignants à des « robots », autant les remplacer par des machines. Ainsi Paro, « robot émotionnel à visée thérapeutique » conçu au Japon et vendu 7000 euros. Ainsi le suivi post-opératoire commercialisé par Calmedica, start-up d’« intelligence » artificielle, dont Agnès Buzin ne cesse de chanter les louanges : pour libérer des lits et décharger un personnel exténué, les patients envoient, de chez eux, des SMS à un serveur automatique en cas de symptômes ou de malaises. Adieu docteur ! La « médecine » post-humaine, c’est Hippocrate uberisé.

Pas étonnant, à ce compte-là, que le droit à l’euthanasie apparaisse à certains comme une issue de secours. Comment imaginer Papi mourant tout seul devant Candy Crush ? Pas étonnant, non plus, que les progrès du diagnostic pré et post-implantatoire encouragent une sélection toujours plus drastique des embryons humains. Qui souhaite confier son enfant handicapé à un soignant en burn-out ? De la suppression du personnel à la suppression des personnes, le glissement est fatal.

En réalité, nous semblons toujours plus démunis face au racolage transhumaniste. Alors que la loi de Gabor semble s’imposer (tout ce ce qui est techniquement possible sera tôt ou tard légal – et commercialisé), le principe même de dignité humaine se voit relativisé. Et, bien que du début à la fin de la vie nous fassions face aux effets indésirables du technicisme (sous l’effet de pollutions diverses, la qualité du sperme a diminué de moitié ces quarante dernières années), nous semblons nous y enfoncer toujours plus avant. Aussi les débats bioéthiques nous placent-ils face à des choix politiques cruciaux : voulons-nous continuer dans l’impasse de l’artificialisation généralisée, quitte à nous stériliser nous-mêmes, ou choisir la voie d’une écologie appliquée à tous les domaines de l’existence ?

La sobriété que nous prônons inclut le corps humain et implique la solidarité : la valeur d’une société ne se mesure pas à sa puissance, mais au soin qu’elle apporte aux plus petits d’entre les siens. Au règne du désir individuel illimité, qui ne peut que renforcer le droit des forts sur les faibles, nous opposons une prise en charge collective de notre finitude. À la solitude de l’homo deus, la sollicitude de l’homo sociabilis. Au cynisme technico-marchand, la gratitude pour la vie reçue, aussi blessée soit-elle. Car c’est du sein même de notre vulnérabilité que jaillit notre dignité. Changeons de regard et de cœur plutôt que de nature : aucun bidouillage ne rendra la vie plus belle.

Source : revuelimite.fr

 

 

Article rédigé par une bénévole-coordinatrice de l’ASP en Calvados, à la suite du congrès de l’UNASP à Vannes. ...

Le thème du congrès, ” L’engagement du bénévole, entre Amour et Humour : un autre regard sur les soins palliatifs ” pouvait surprendre. Les orateurs, avec compétence, talent et conviction ont témoigné du bien-fondé de notre engagement. Les habitués des congrès ont apprécié la brillante prestation, en duo, de Fiat et Viennet (philosophe et psychanalyste) sur l’humour, à ne pas confondre avec l’ironie, souvent cruelle ; cet humour qui équilibre le sympathique et le parasympathique, qui libère des endorphines doit être manié avec délicatesse et doit venir du patient. Nous avons eu le témoignage bouleversant de Jean d’Artigues, dans son lit d’hôpital, avec son béret rouge, son sourire et sa force de vie.

Vincent Morel, médecin, est intervenu en insistant sur la solidarité communautaire avec les bénévoles qui soutiennent en fin de vie les malades et leur famille, en complémentarité des professionnels de santé . Amour et rire en soins palliatifs peuvent sembler incongrus, mais ils sont un déni du tabou de la mort, car on croit trop souvent que le respect va avec le silence.

Jacques Ricot, philosophe de grande qualité, si profond, modeste et lumineux a démontré que le bénévole était un ” Bienveillant dans la Cité », que cette bienveillance n’est pas la pitié et n’est pas qu’une émotion. Le bénévole est un veilleur du bien commun et accompagner l’autre pour qu’il puisse finir sa vie paisiblement est un bienfait. Sa conclusion a été vigoureuse, car l’heure est grave, mais pas désespérée ; il faut cesser d’idéaliser ce qui se fait dans les pays voisins : le médecin n’a pas le droit de tuer son patient, l’euthanasie stoppe l’accompagnement, elle ne soulage pas le patient, elle l’élimine…   ...

Corinne

Source : unasp.org

 

 

Jean-Marie Le Méné : l’homme est "la variable d’ajustement d’une civilisation qui n’a plus de nom"

05/07/2018

 

« La civilisation occidentale s’est, au long des siècles, construite sur le respect inconditionnel de la personne humaine ». Dans une tribune publiée dans Valeurs actuelles, Jean-Marie Le Méné déplore que ce respect soit devenu relatif : la sagesse des Anciens est reniée et la civilisation se déconstruit.

Depuis que l’homme a décidé d’être lui-même son propre créateur, il est devenu « l’espèce la plus menacée de la création ». Aujourd’hui, l’homme est « la variable d’ajustement d’une civilisation qui n’a plus de nom, l’homme n’est plus dans l’homme, le politique n’est plus dans le politique (…) ».

S’insurger contre l’avortement et la recherche sur l’embryon relève de l’« angoisse ontologique sur la légitimité de l’être humain », car le corps humain devient « une énergie renouvelable qui n’a pas de prix ».

Pour notre monde occidental qui a perdu son origine (IVG), sa fin (euthanasie) et son sens (indifférenciation sexuelle), l’homme est « la proie de la révolution permanente du progrès, le jouet des exigences du marché et la victime de la dictature du droit ». Les institutions humaines, droit et justice, perdent toute leur raison d’être. « Il s’agit seulement pour les Etats d’arbitrer l’éclosion du maximum de libertés individuelles capables de répondre à l’offre du marché des biotechnologies. » Finalement, « l’homme est en miette mais chaque miette vaut de l’or. Le ventre des femmes est un nouvel eldorado. Le marché de la technoscience touche les dividendes de génocides permanents ».

Pour le Président de la Fondation Lejeune, le transhumanisme nous envoie négocier, la corde au cou, les modalités du « grand renouvellement de l’humanité ».

Jean-Marie Le Méné conclue en incitant à poser des gestes et des paroles concrètement « à contre-pente », en prenant spécialement soin des hommes « diminués », sacrifiés par ceux qui veulent créer les hommes « augmentés ». « L’enjeu est de s’opposer à cette destruction programmée du réel » et de « sauver la vie ».


Source : genethique.org

 

 

 

Toujours Vivant - Not Dead Yet

 

 

Le dernier avis du CCNE dénonce la « ghettoïsation » des personnes âgées et forme des propositions

17/05/2018

« Comment rendre la société davantage inclusive vis-à-vis de ses citoyen(ne)s les plus âgé(e)s ? ». Cette question est au cœur de l’avis n°128 du 15 février publié hier par le CCNE[1] pour qui le vieillissement est un enjeu « sociale, médicale, économique », mais « également éthique ». Concentration, institutionnalisation forcée, ségrégation, le CCNE parle même de « ghettoïsation » des personnes âgées et estime que leur situation « par bien des aspects une forme de de négation du vivre ensemble ». Un constat rude qui « implique de redéfinir la protection sociale, d’engager de nouvelles formes de solidarité et de mettre en place de nouvelles formes d’accompagnement ».

Respecter le choix des personnes âgées de finir leur vie chez elles et, plus globalement, faire en sorte que la « démocratie sanitaire qui entend garantir à tous une égalité d’accès à la santé, entendue comme ‘un état de bien-être physique, mental et social’ ne concerne pas une partie de la population », impliquent de réfléchir à « de nouvelles formes de solidarités », de renforcer les politiques d’accompagnement. Plus largement, le CCNE souligne que cette prise en compte des personnes âgées doit conduire « une refondation du système de santé, de la médecine et la formation des acteurs de la santé et du social » et plaide pour « une véritable rupture ». Pour Cynthia Fleury, co-rapporteur du rapport, l’approche actuelle est uniquement « déficitaire et non capacitaire de la vieillesse. L’autonomie, le fait de décider, doit pouvoir s’articuler avec la vulnérabilité »[2]. C’est la façon dont elle appréhende le grand âge que la société doit transformer.

Le CCNE propose un certain nombre de mesures pour lutter contre « le sentiment d’indignité des personnes âgées » , leur « sentiment d’être de trop, de ne servir à rien » que dénonce le professeur Régis Aubry[3], co-rapporteur du rapport. Il ajoute : « C’est quelque chose qui devrait nous heurter. Il existe également une forme de ségrégation dans l’accès aux soins des personnes âgées : les examens médicaux sont plus sommaires, on n’écoute pas les réponses aux questions… Tout cela finit par isoler et exclure ».
 

Parmi ces mesures, des politiques pour favoriser des alternatives aux EPHAD, voire « penser l’EPHAD hors l’EPHAD », par exemple en favorisant « l’intégration d’EPHAD dans les constructions nouvelles à usage d’habitation », le développement de l’habitat intergénérationnel ou d’ « habitation autogérées ». Le CCNE préconise « la création d’un cinquième risque de la sécurité sociale pour la dépendance » pour faire face aux coûts de la fin de vie, mais aussi de faire évoluer le droit social et « en particulier le droit du travail pour permettre à un proche d’accompagner une personne dépendante ». Pour les aidants, il suggère la mise en place d’un plan sous forme de « maisons de répits » ou de « balluchonnage », selon la formule mise en place au Québec qui permet à un professionnel de suppléer quelques temps.

Si ces mesures étaient mises en œuvre, il y a fort à parier qu’elles modifieraient largement les demandes de fin de vie, tant en termes de suicides : dans les établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), « 40 % des résidents présentent un syndrome dépressif (sous diagnostiqué et sous-traité) ; 11 % ont des idées de suicide »[4], que concernant des demandes d’euthanasies.

Source : genethique.org

 

 

Aide médicale à mourir: la face cachée

J’ai regardé dernièrement l’émission «Second regard» qui traitait de l’état de la situation au Pays-Bas après quelques décennies de l’adoption d’une loi autorisant les médecins à pratiquer l’euthanasie. Je retiens trois éléments.

Premièrement, l’un des médecins les plus en faveur de l’adoption d’une telle loi exprimait clairement que la situation survenue au long des années est devenue incontrôlable et l’amenait maintenant à être contre cette loi. 

Deuxièmement, lorsque l’on ouvre la porte de l’euthanasie, inévitablement ce n’est que le début car suivant la logique des groupes de pression, il y aura toujours de nouvelles personnes qui devraient bénéficier de ce «nouveau droit» à mourir sur demande. 

Troisièmement, il y a le témoignage d’un homme marié depuis plus de 40 ans et dont l’épouse souffrant d’alzheimer a demandé de bénéficier de cette loi et celui d’un jeune homme dont le frère souffrant d’alcoolisme a également reçu à la maison la visite d’un médecin qui a mis fin en quelques minutes à sa vie. Ces deux témoignages très émouvants nous permettaient de voir la face cachée de ces actes irréversibles qui laissent dans une peine profonde les êtres proches qui sont maintenant privés de la présence d’un être cher. 

Ces conséquences sont exactement les mêmes que lorsqu’un suicide se produit. Il crée des ondes de choc pour toute la vie chez ceux et celles qui les aimaient tendrement et qui ne comprennent pas que celui ou celle qu’ils aimaient a pu dire non définitivement à la vie.

Jean-Pierre Lefebvre, Québec

Source : lesoleil.com

 

 

Vote du CESE

par Laurent Trilling, 09/05/2018

Je suis très choqué par le vote du Conseil économique, social et environnemental (Cese) en faveur de l’euthanasie (La Croix du 11 avril, lire ci-dessous). D’abord, parce qu’il s’est « auto-saisi » du sujet alors que justement la pétition qui lui avait été adressée n’avait pas atteint le seuil requis pour être examinée. On se souvient que le Cese avait rejeté la pétition pour l’examen du « mariage pour tous », pourtant largement au-dessus du seuil requis (700 000 pour un seuil de 500 000) au motif que les sujets « sociétaux » n’étaient pas de son ressort. Cette fois, il s’auto-saisi d’un tel sujet.

Comprenne qui pourra serait-on tenté de dire ? Eh bien non, ces volte-face, comme celles, tout aussi incompréhensibles du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), sont le résultat de manipulations dues aux systèmes de nomination, que je trouve très opaques dans ces deux organisation. Le moins qu’on puisse dire c’est que l’exécutif y joue un grand rôle. Il me semble que La Croix, pour éclairer vraiment ses lecteurs sur les biais possibles des votes, devrait analyser en profondeur le pourquoi et le comment de ces nominations.

Je note par exemple que le Cese compte 233 membres, que 107 ont voté « pour » l’euthanasie (moins de la majorité des membres, qui donc sont-ils, nommés par qui ?), 18 contre, avec 44 abstentions. Où sont passés les 64 restants ?

Enfin, j’invite, une fois de plus, Guillaume Goubert à ne pas hésiter à s’exprimer librement, comme le conseille Emmanuel Macron aux catholiques. Pourquoi écrit-il dans l’éditorial que le Cese est « assez » hypocrite quand il emploie l’expression « sédation profonde explicitement létale » au lieu d’euthanasie. Pourquoi cette mutilation du message ?

Oui, le Cese se montre clairement hypocrite. On aurait pu rajouter que cette expression « novlangue » est indigne de la part de la 3e assemblée de notre République.

Laurent Trilling

Source : la-croix.com

 

Fin de vie : accompagner plutôt que convoquer la mort, Tribune libre des Chemins d'Espérance

par Chemins d'Espérance, 17/04/2018

Parce que chaque jour nous accompagnons plus de 1.700 personnes âgées dans les EHPAD de Chemins d’Espérance, nous ne pouvons rester silencieux dans le débat public qui s’ouvre au sujet de la fin de vie et qui malheureusement, une fois encore, se concentre trop exclusivement sur la question de la légalisation de l’euthanasie.

Dans chacun de nos établissements, professionnels soignants et non-soignants oeuvrent au quotidien pour faire de l’EHPAD un lieu de bienveillance, qui reconnait à chaque personne âgée souffrante ou désorientée sa place unique dans la société. Un endroit dans lequel chaque jour qui passe est un jour qui compte, un jour qui a du sens.

Nous nous engageons pour développer et renforcer l’accompagnement et les soins dans toutes leurs dimensions. Nous faisons du traitement de la douleur une priorité pour que le quotidien ne soit pas une épreuve. La douleur, la détresse, les souffrances ne sauraient être occultées, mais provoquer la mort ne doit jamais être une solution.

L’euthanasie est un abandon du soin, une abdication de voir en demain un jour des possibles, un renoncement au bien vivre en EHPAD. Elle est une réponse, strictement opposée à nos valeurs, à nos engagements et à nos missions.

Pour autant, le mal-mourir en France est un encore trop souvent une réalité et en ce sens nous souhaitons alimenter le débat sur la fin de vie de nos expériences, de nos difficultés, de nos réussites. L’investissement de nos professionnels et l’implication de chacun d’entre eux notamment dans les situations de fin de vie ne pourraient masquer un véritable manque de moyens.

C’est pourquoi, nous ne pouvons imaginer un débat sur la fin de vie qui ne tiendrait pas compte de nos préoccupations quotidiennes :

- Mener à bien la réforme du 5ème risque pour faire de la dépendance un coût porté par la solidarité nationale ;

- Ajuster les ratios d’encadrement et leur financement comme le préconise le récent rapport d’information de Monique Iborra commandé par la commission parlementaire des affaires sociales ;

- Faire de l’accès aux soins palliatifs en EHPAD une priorité dans le déploiement des Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens (CPOM).

Paraphrasant Robert Badinter, pour qui la justice ne peut être une justice qui tue, nous souhaitons arguer avec vigueur que la médecine, ne peut être une médecine qui tue. Elle doit être une médecine qui soulage, une médecine qui accompagne sans abandonner, une médecine qui aide à vivre sa vie jusqu’au bout avec dignité.

C’est en tout cas l’idée que nous nous faisons de l’accompagnement de fin de vie et celle que nous déployons chaque jour au sein de chacun de nos établissements.

Source : senioractu.com

 

Euthanasie : les raisons de s’y opposer

Benoit Dumoulin, 06/032018

Jean-Louis Touraine, député LREM du Rhône et Vice-président de la commission des affaires sociales, a récemment publié une tribune en faveur de l’euthanasie, intitulée « Pour une liberté républicaine : le choix de sa fin de vie », cosignée par 156 députés dont la très grande majorité émane de la République en Marche (LREM).

Les ficelles sont grosses et les arguments toujours les mêmes, quand il s’agit de transgressions que l’on veut légitimer en se plaçant sur le registre de l’émotion et non celui de la raison.

Jean-Louis Touraine s’appuie d’abord sur un sondage réalisé par l’IFOP pour La Croix, selon lequel 89% des Français considèrent important de légaliser l’euthanasie. Mais, lorsqu’on remonte à la source et que l’on analyse la manière dont on est posée la question dans ce sondage, on s’aperçoit tout de suite d’un oubli de taille : « Pensez-vous qu’il faille aller plus loin que la législation actuelle sur la fin de vie, en légalisant le suicide assisté (c’est-à-dire la possibilité pour un tiers de délivrer un produit létal permettant à celui qui le souhaite de mettre fin à ses jours) et / ou l’euthanasie (c’est-à-dire la possibilité pour un patient souffrant d’une maladie incurable de demander à un médecin de mettre fin à ses jours) ? » Le sondage sous-entend que la seule possibilité de lutter contre une maladie incurable est de légaliser l’euthanasie. Rien n’est dit du développement des soins palliatifs qui constitue pourtant la seule alternative humaine et raisonnable pour répondre à la souffrance des patients en fin de vie. En ce sens, le sondage est biaisé.

Jean-Louis Touraine s’appuie aussi sur la pratique actuelle de l’euthanasie par un certain nombre de médecins en France – malgré les restrictions actuelles déjà bien insuffisantes – et à l’étranger, où elle est autorisée de manière plus large en Belgique, aux Pays-Bas et en Suisse, pour dénoncer une forme d’hypocrisie et demander un alignement sur nos voisins permissifs. En quoi le fait est-il prescripteur du droit ? En quoi l’existence supposée d’une pratique généralisée commanderait-elle d’adapter le droit existant ? Celui-ci n’a pas vocation à n’être que le reflet de la réalité sociale, il est avant tout normatif en ce qu’il distingue le permis de l’interdit, et transcendant, dans la mesure où il est lié à l’idée universelle de justice. Jus id quod justum est, le droit est ce qui est juste, disait la scholastique médiévale.

Jean-Louis Touraine joue aussi sur le registre d’une fausse compassion en dénaturant totalement le sens des mots. Sa proposition de loi porte en effet sur « la fin de vie dans la dignité », faisant ainsi de chaque personne l’ultime arbitre de sa propre dignité. Or, la dignité de l’homme est intrinsèque à son existence, elle ne dépend pas de son degré d’autonomie. « La dignité, explique Marie de Hennezel, ne consiste pas à donner la mort, mais à humaniser la fin de vie […] Ce n’est pas parce qu’on est physiquement dégradé qu’on perd en humanité. Entretenir une telle confusion me paraît dangereux […] On pourrait en conclure que des personnes handicapées, parce qu’elles sont moins autonomes, seraient moins dignes de considération que les personnes valides », ce qui serait révoltant.

D’ailleurs, quel regard ces personnes auront-elles d’elles-mêmes ? Se sentiront-elles de trop jusqu’à demander l’euthanasie pour ne pas être un poids pour la société ou leurs familles ? Le risque serait alors non nul que par effet de mimétisme tous ceux qui éprouvent une gêne d’exister en viennent à demander la mort, conditionnés par l’atmosphère de la société valorisant le rendement, l’efficacité et la santé et donnant mauvaise conscience à tous les êtres fragiles. Il est donc indispensable de rappeler que la dignité dépasse toute perception que l’homme peut avoir d’elle-même ; vouloir la normaliser dans une situation de bien-être subjectif ou de santé physique traduirait avant tout un mépris darwinien de la fragilité, qui oblitère tout notre édifice social fondé sur la solidarité.

D’une manière générale, une civilisation régresse à partir du moment où elle décide de capituler devant la souffrance. Fatalistes, les partisans de l’euthanasie oublient que les plus grands progrès ont été accomplis par la médecine parce qu’elle était au service de la vie humaine. S’il devient possible d’abréger toute souffrance en donnant légalement la mort, qui fixera le curseur du seuil de l’intolérable ? Se préoccupera-t-on de développer les soins palliatifs ? « Une loi autorisant l’euthanasie risquerait de ruiner des années d’efforts entrepris au bénéfice des patients » estime Marie de Hennezel, auteur de rapports officiels sur la fin de vie et ayant travaillé pendant dix ans dans la première unité de soins palliatifs créée en France en 1987.

Enfin, Jean-Louis Touraine se place sur le plan philosophique en faisant de l’euthanasie « l’ultime liberté » à conquérir, en précisant que « le choix de la personne doit pouvoir être respecté, quand il est libre, éclairé, soumis à nulle contrainte ou dépression ». Là aussi, l’argumentation est spécieuse. Peut-on concevoir philosophiquement qu’une personne puisse librement demander la mort ? Si cette personne est indemne de toute souffrance, peut-on alors considérer qu’elle puisse émettre un consentement éclairé concernant une situation qu’elle ne connaît pas encore mais qu’elle peut simplement imaginer dans son esprit à partir des situations qu’elle a vues chez des tiers ? Philippe Pozzo di Borgo, à l’origine de l’histoire du film Intouchables donne son témoignage : « Si vous m’aviez demandé lors de mes quarante-deux ans de splendeur, avant mon accident, si j’accepterais de vivre la vie qui est la mienne depuis vingt ans, j’aurais répondu sans hésiter, comme beaucoup : non, plutôt la mort ! Et j’aurais signé toutes les pétitions en faveur d’une légalisation du suicide assisté ou de l’euthanasie ». Dans un tel cas de figure, impossible de se projeter dans une situation tant qu’on ne l’a pas expérimenté.

Une civilisation régresse à partir du moment où elle décide de capituler devant la souffrance.

De même, lorsqu’une personne, à l’agonie, en vient elle-même à demander la mort (ce qui est beaucoup moins fréquent que les demandes d’euthanasie en provenance des tiers), doit-on considérer que son consentement est libre ou bien peut-on admettre qu’il est « violenté » par l’extrême douleur que la personne éprouve ? En droit, un acte peut être déclaré nul s’il a été effectué sous l’empire d’une quelconque violence : pression psychologique pour contracter un mariage, pression financière pour acheter un bien immobilier, etc… Doit-on alors comprendre la demande du malade comme un appel au secours pour abréger non pas sa vie mais ses douleurs ? Un médecin, s’il veut vraiment respecter son patient, ne doit-il pas décoder les intentions profondes de son patient au-delà des paroles émises, et reformuler celles-ci en conformité avec celles-là ?

Sans compter qu’après la légalisation du suicide assisté, viendra la pression euthanasique, puis l’euthanasie utilitaire (notamment pour les dons d’organes). C’est déjà le cas en Belgique. Or, le 29 novembre dernier, Jean-Louis Touraine, par ailleurs président de l’association France Transplant, a été chargé par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale d’une mission sur le prélèvement d’organes. Comment ne pas faire le rapprochement ?

La vraie réponse à la souffrance des malades en fin de vie n’est pas l’euthanasie mais le développement des soins palliatifs. Le budget alloué à la mise en œuvre du Plan national 2015-2018 pour le développement des soins palliatifs, d’un montant de 190 M€, est nettement insuffisant. « Un Français sur deux n’a pas accès aux soins palliatifs » déplore le professeur Vincent Morel, chef de service de l’unité mobile de soins palliatifs au CHU de Rennes et président de la société française d’accompagnement et de soins palliatifs. C’est là que se situe l’urgence.

Au-delà de la réponse médicale, la question de l’euthanasie nous renvoie au sens de la solidarité humaine face à la fragilité de la vie. Il est faux de prétendre que l’homme peut disposer comme il l’entend de sa propre vie. Sans faire appel à une quelconque transcendance, la dépendance de l’homme par rapport aux solidarités affectives nouées par lui au fil de sa vie est un fait que nul ne conteste. L’homme n’appartient-il qu’à lui-même ? N’est-il pas redevable de lui-même à l’égard des tiers, à plus forte raison s’il a partagé son destin avec un conjoint et fondé une famille dont il a la charge ? La vision prométhéenne de l’homme érigeant celui-ci en souverain maître et unique arbitre de sa propre vie n’est que le dernier avatar d’un individualisme forcené oubliant la dépendance mutuelle des êtres et les obligations qui en découlent. C’est vers cela que veut nous emmener Jean-Louis Touraine et c’est ce que nous refusons !

Benoit Dumoulin, essayiste

 

Source : lincorrect.org

 

 

Ce n'est pas à l'équipe de choisir ma mort.

Pour une liberté républicaine : le choix de sa fin de vie 

Tribune cosignée par 156 députés issus d'horizons divers, parue dans Le Monde du 28/02/2018

« On ne meurt pas bien en France ». Aujourd’hui, l’offre de soins palliatifs ne satisfait pas à la multiplicité des situations individuelles et des souffrances des personnes en fin de vie. Des souffrances accentuées par l’impossibilité pour chacun de « choisir sa fin de vie ».

Si quelques progrès ont été enregistrés avec la loi Claeys-Leonetti, force est de constater que celle-ci n’a pas permis d’introduire d’innovations significatives. Il s’est essentiellement agi de transcrire dans la loi ce qui était déjà acquis par voie réglementaire. Le problème actuel est qu’il manque – et c’est crucial ! – une liberté, un droit au choix.

Attendre une évaluation des textes législatifs antérieurs avant de créer un nouveau droit aux malades en fin de vie aurait-il dès lors un sens ? Non ! Quand une lacune est identifiée, elle doit être comblée sans délai. D’ailleurs, les Français apportent trois preuves de leur désir impatient de l’introduction de ce progrès humaniste.

Dans un très récent sondage, réalisé par IFOP pour La Croix et le Forum européen de bioéthique, 89% des Français considèrent important de légaliser l’euthanasie et/ou le suicide assisté. Seulement 11% des personnes interrogées se satisfont de la législation actuelle. En ce domaine, comme généralement dans les diverses questions de bioéthique, nos concitoyens sont plus avancés et plus en phase avec le progrès que certains responsables, qui apparaissent plus conservateurs ou frileux.

De nombreux Français en phase avancée d’une maladie incurable vont également chercher – et obtenir – la délivrance dans l’un ou l’autre des pays ayant déjà légiféré sur cette possibilité (Belgique, Suisse, Pays-Bas, Luxembourg, Canada, plusieurs Etats américains, etc.)

Un malade en fin de vie, dans une « impasse thérapeutique », peut obtenir une aide active à mourir dans les hôpitaux français. Ces euthanasies sont pratiquées en toute illégalité. Il faut pour cela connaître un médecin compatissant et courageux, ce qui crée des inégalités entre nos concitoyens. D’après l’INED, entre 2000 et 4000 personnes en phase terminale reçoivent cette aide chaque année dans notre pays.

Reconnaissons que ces fins de vie organisées en catimini, du fait de l’absence d’encadrement légal, exposent à toutes les dérives, telles que des décisions par une équipe soignante sans sollicitation de l’avis du malade. A l’opposé, des malades implorent ce soulagement mais ne sont pas entendus.

Il est des personnes qui, en raison de convictions personnelles, refusent pour elles-mêmes tout recours à l’aide à mourir. Cela est très respectable. Comme aussi doit être respectée la « clause de conscience » de certains médecins désirant se soustraire à cette activité, laissant ainsi un de leurs confrères opérer à leur place.

Pour d’autres personnes et d’autres professionnels soignants, le choix souverain du malade, son désir de maîtriser son destin s’imposent. Ce choix est tout autant respectable et l’exercice de ce droit n’enlève rien à personne. C’est le type même de la liberté personnelle qui ne déborde pas sur la liberté d’autrui.

Il n’est plus raisonnable d’attendre davantage, d’observer sans réagir les souffrances physiques et psychiques de nombre de ces Français, de compter les affaires judiciaires qui se multiplient mais n’aboutissent à rien, car on ne peut pas condamner la compassion et la solidarité.

Anne Bert clame : « Il me reste une ultime liberté : celle de choisir la façon dont je vais mourir ». Elle a raison ! Elle a également raison d’affirmer que sa « liberté ne s’arrête pas à la porte de l’hôpital ». Elle, comme les autres malades qui lui ressemblent, réclame la correction urgente de la loi française, perçue comme incomplète et non satisfaisante, voire liberticide et inégalitaire.

Le choix de la personne doit pouvoir être respecté, quand il est libre, éclairé, soumis à nulle contrainte ou dépression, exprimé de façon réitérée, et que des médecins ont confirmé l’impasse thérapeutique.

Il en va aujourd’hui de cette question comme il en allait de l’IVG au début des années 1970 : des femmes y recouraient en sollicitant les services de la Suisse ou de la Grande-Bretagne, tandis que d’autres trouvaient des médecins complaisants en France. Malheureusement, celles qui n’avaient pas accès à ces solutions étaient contraintes de faire appel à des « faiseuses d’anges » et s’exposaient alors à des risques considérables. Les décès de jeunes femmes se comptaient par centaines. Il était temps, en 1975, de sortir de l’hypocrisie des avortements clandestins et d’offrir aux femmes la possibilité de disposer librement de leur corps.

De même, il est temps maintenant de sortir de l’hypocrisie qui prive certains d’une aide souhaitée et qui impose à tous une agonie pénible. Il convient de donner aux malades en fin de vie la libre disposition de leur corps et, c’est essentiel, de leur destin.

C’est pourquoi, nous, députés issus d’horizons différents, proposons de légiférer en ce sens au cours de l’année 2018.

Premiers signataires :

 Jean-Louis Touraine, député (LREM) du Rhône, vice-président de la commission des affaires sociales

Olivier Falorni, député (Non inscrit – Radical) de Charente-Maritime

Brigitte Bourguignon, députée (LREM) du Pas-de-Calais, présidente de la commission des affaires sociales

Yaël Braun-Pivet, députée (LREM) des Yvelines, présidente de la commission des lois

Barbara Pompili, députée (LREM) de la Somme, présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Olivier Faure, député (Nouvelle Gauche) de Seine-et-Marne, président du groupe Nouvelle Gauche

Carole Bureau-Bonnard, députée (LREM) de l’Oise, vice-présidente de l’Assemblée Nationale

Yves Jégo, député (UDI/Agir/Indépendants) de Seine-et-Marne, vice-président de l’Assemblée Nationale

Laurianne Rossi, députée (LREM) des Hauts-de-Seine, questeure

Manuel Valls, député (LREM) de l’Essonne, ancien Premier Ministre

Autres signataires :

Caroline Abadie, députée (LREM) de l’Isère, membre du bureau exécutif de LaREM

Bérangère Abba, députée (LREM) de la Haute-Marne

Eric Alauzet, député (LREM) du Doubs

Christophe Arend, député (LREM) de la Moselle

Sophie Auconie, députée (UDI/Agir/Indépendants) d’Indre-et-Loire

Frédéric Barbier, député (LREM) du Doubs

Delphine Batho, députée (Nouvelle Gauche) des Deux-Sèvres

Marie-Noëlle Battistel, députée (Nouvelle Gauche) de l’Isère, vice-présidente de la commission des affaires économiques

Sophie Beaudouin-Hubière, députée (LREM) de la Haute-Vienne

Philippe Berta, député (Modem) du Gard

Grégory Besson-Moreau, député (LREM) de l’Aube

Barbara Bessot-Ballot, députée (LREM) de la Haute-Saône

Christophe Blanchet, député (LREM) du Calvados

Yves Blein, député (LREM) du Rhône

Pascal Bois, député (LREM) de l’Oise

Julien Borowczyk, député (LREM) de la Loire

Christophe Bouillon, député (Nouvelle Gauche) de Seine-Maritime

Bertrand Bouyx, député (LREM) du Calvados

Marine Brenier, députée (UDI/Agir/Indépendants) des Alpes-Maritimes

Anne Brugnera, députée (LREM) du Rhône

Danielle Brulebois, députée (LREM) du Jura

Emilie Cariou, députée (LREM) de la Meuse, vice-présidente de la commission des finances

Jacques Cattin, député (LR) du Haut-Rhin

Lionel Causse, député (LREM) des Landes

Danièle Cazarian, députée (LREM) du Rhône

Anthony Cellier, député (LREM) du Gard

Philippe Chalumeau, député (LREM) d’Indre-et-Loire

Sylvie Charrière, députée (LREM) de Seine-Saint-Denis, vice-présidente de la commission des affaires culturelles

Fannette Charvier, députée (LREM) du Doubs

Stéphane Claireaux, député (LREM) de Saint-Pierre-et-Miquelon

Mireille Clapot, députée (LREM) de la Drôme, vice-présidente de la commission des affaires étrangères

Jean-Michel Clément, député (LREM) de la Vienne

Fabienne Colboc, députée (LREM) d’Indre-et-Loire

Bérangère Couillard, députée (LREM) de la Gironde

Olivier Damaisin, député (LREM) du Lot-et-Garonne

Yves Daniel, député (LREM) de Loire-Atlantique

Jennifer De Temmermann, députée (LREM) du Nord

Nicolas Démoulin, député (LREM) de l’Hérault

Christophe Di Pompéo, député (LREM) du Nord

Jeanine Dubié, députée (Non inscrite – Radicale) des Hautes-Pyrénées

Frédérique Dumas, députée (LREM) des Hauts-de-Seine, vice-présidente de la commission des affaires culturelles

Laurence Dumont, députée (Nouvelle Gauche) du Calvados

Stella Dupont, députée (LREM) du Maine-et-Loire

Sophie Errante, députée (LREM) de Loire-Atlantique, vice-présidente de la commission des affaires économiques, membre du bureau exécutif de LaREM

Catherine Fabre, députée (LREM) de la Gironde

Valéria Faure-Muntian, députée (LREM) de la Loire

Jean-Marie Fiévet, député (LREM) des Deux-Sèvres

Agnès Firmin Le Bodo, députée (UDI/Agir/Indépendants) de Seine-Maritime

Emmanuelle Fontaine-Domeizel, députée (LREM) des Alpes-de-Haute-Provence

Pascale Fontenel-Personne, députée (LREM) de la Sarthe

Alexandre Freschi, député (LREM) du Lot-et-Garonne

Bruno Fuchs, député (Modem) du Haut-Rhin

Jean-Luc Fugit, député (LREM) du Rhône

Olivier Gaillard, député (LREM) du Gard

Patricia Gallerneau, députée (Modem) de la Vendée

Laurent Garcia, député (Modem) de Meurthe-et-Moselle

Anne Genetet, députée (LREM) des Français de l’étranger

Joël Giraud, député (LREM) des Hautes-Alpes, rapporteur général du budget

Guillaume Gouffier-Cha, député (LREM) du Val-de-Marne

Fabien Gouttefarde, député (LREM) de l’Eure

Carole Grandjean, députée (LREM) de Meurthe-et-Moselle

Florence Granjus, députée (LREM) des Yvelines

Olivia Grégoire, députée (LREM) de Paris

Emilie Guérel, députée (LREM) du Var

Perrine Goulet, députée (LREM) de la Nièvre

David Habib, député (Nouvelle Gauche) des Pyrénées-Atlantiques

Véronique Hammerer, députée (LREM) de la Gironde

Pierre Henriet, député (LREM) de la Vendée

Alexandre Holroyd, député (LREM) des Français de l’étranger

Sacha Houlié, député (LREM) de la Vienne

Monique Iborra, députée (LREM) de Haute-Garonne, vice-présidente de la commission des affaires sociales

Christophe Jerretie, député (LREM) de la Corrèze

Régis Juanico, député (Nouvelle Gauche) de la Loire

Hubert Julien-Laferrière, député (LREM) du Rhône

Sébastien Jumel, député (GDR) de Seine-Maritime

Guillaume Kasbarian, député (LREM) d’Eure-et-Loir, membre du bureau exécutif de LaREM

Stéphanie Kerbarh, députée (LREM) de Seine-Maritime

Yannick Kerlogot, député (LREM) des Côtes-d’Armor

Sonia Krimi, députée (LREM) de la Manche

Mustapha Laabid, député (LREM) d’Ille-et-Vilaine

Jean-Luc Lagleize, député (Modem) de Haute-Garonne

François-Michel Lambert, député (LREM) des Bouches-du-Rhône

Anne-Christine Lang, députée (LREM) de Paris

Mohamed Laqhila, député (Modem) des Bouches-du-Rhône

Frédérique Lardet, députée (LREM) de Haute-Savoie

Michel Lauzzana, député (LREM) du Lot-et-Garonne

Sandrine Le Feur, députée (LREM) du Finistère

Nicole Le Peih, députée (LREM) du Morbihan

Jean-Claude Leclabart, député (LREM) de la Somme

Charlotte Lecocq, députée (LREM) du Nord

Monique Limon, députée (LREM) de l’Isère

Brigitte Liso, députée (LREM) du Nord

Jacqueline Maquet, députée (LREM) du Pas-de-Calais

Jacques Marilossian, député (LREM) des Hauts-de-Seine

Jean-François Mbaye, député (LREM) de la Somme

Graziella Melchior, députée (LREM) du Finistère

Ludovic Mendes, député (LREM) de la Moselle

Marjolaine Meynier-Millefert, députée (LREM) de l’Isère

Jean-Michel Mis, député (LREM) de la Loire

Paul Molac, député (LREM) du Morbihan

Sébastien Nadot, député (LREM) de Haute-Garonne

Christophe Naegelen, député (UDI/Agir/Indépendants) des Vosges

Xavier Paluszkiewicz, député (LREM) de Meurthe-et-Moselle

Patrice Perrot, député (LREM) de la Nièvre

Maud Petit, députée (Modem) du Val-de-Marne

Damien Pichereau, député (LREM) de la Sarthe

Laurent Pietraszewski, député (LREM) du Nord

Sylvia Pinel, députée du Tarn-et-Garonne, co-présidente du Mouvement Radical

Christine Pirès Beaune, députée (Nouvelle Gauche) du Puy-de-Dôme

Béatrice Piron, députée (LREM) des Yvelines

Jean-Pierre Pont, député (LREM) du Pas-de-Calais

Jean-François Portarrieu, député (LREM) de Haute-Garonne

Josy Poueyto, députée (Modem) des Pyrénées-Atlantiques

Richard Ramos, député (Modem) du Loiret

Pierre-Alain Raphan, député (LREM) de l’Essonne

Rémy Rebeyrotte, député (LREM) de Saône-et-Loire

Jean-Luc Reitzer, député (LR) du Haut-Rhin

Cécile Rilhac, députée (LREM) du Val d’Oise

Véronique Riotton, députée (LREM) de Haute-Savoie

Mireille Robert, députée (LREM) de l’Aude

Xavier Roseren, député (LREM) de Haute-Savoie

Thomas Rudigoz, député (LREM) du Rhône

Maina Sage, députée (UDI/Agir/Indépendants) de la Polynésie française

Laurent Saint-Martin, député (LREM) du Val-de-Marne, vice-président de la commission des finances

Nathalie Sarles, députée (LREM) de la Loire

Hervé Saulignac, député (Nouvelle Gauche) de l’Ardèche

Benoît Simian, député (LREM) de la Gironde

Denis Sommer, député (LREM) du Doubs

Eric Straumann, député (LR) du Haut-Rhin

Adrien Taquet, député (LREM) des Hauts-de-Seine

Stéphane Teste, député (LREM) de Seine-Saint-Denis

Huguette Tiegna, députée (LREM) du Doubs

Alain Tourret, député (LREM) du Calvados

Elisabeth Toutut-Picard, députée (LREM) de Haute-Garonne

Stéphane Trompille, député (LREM) de l’Ain

Frédérique Tuffnell, députée (LREM) de Charente-Maritime

Nicolas Turquois, député (Modem) de la Vienne

Laurence Vanceunebrock-Mialon, députée (LREM) de l’Allier

Marie-Christine Verdier-Jouclas, députée (LREM) du Tarn

Michèle Victory, députée (Nouvelle Gauche) de l’Ardèche

Patrick Vignal, député (LREM) de l’Hérault

Corinne Vignon, députée (LREM) de Haute-Garonne

Stéphane Viry, député (LR) des Vosges

Guillaume Vuilletet, député (LREM) du Val d’Oise

Martine Wonner, députée (LREM) du Bas-Rhin

Hélène Zannier, députée (LREM) de la Moselle

Source : jeanlouistouraine.fr

 

 

EHPAD: le pur scandale des infirmières de nuit

Bonjour,

Jusqu’à la fin du XXème siècle  les politiques français se réjouissaient volontiers  de l’allongement de l’espérance de vie. Puis ils  se bornèrent au constat. Le déploreront-ils un jour ?

A l’heure où sont écrites ces lignes Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé reçoit des mains du Pr Régis Aubry, président de l’Observatoire national de la fin de vie, un rapport  intitulé « Vieillir et finir sa vie ». Cette réception se fait en présence de Michèle Delaunay, ministre déléguée en charge des Personnes âgées et de l’Autonomie. Nous verrons demain la « couverture médiatique » qui en résultera.

Scandales politiques

Ce rapport révèle un nombre assez considérable de scandales. De vrais scandales, d’essence politique et médicale. Extraits de l’avant-propos de Régis Aubry :

« Comment les personnes âgées finissent-elles leur vie ? Que vivent-elles, où et comment vivent-elles lorsqu’elles atteignent cette ultime période ? (…)  On vit de plus en plus vieux et l’on peut vivre longtemps dans de bonnes conditions. Mais vit-on pour autant en paix avec ce que vieillir veut dire ? Se prépare-t- on à la mort ? La regarde-t-on ? On peut en douter.

Les deux tendances du moment semblent plus se rapprocher d’une forme de « jeunisme » d’une part, et d’une certaine médicalisation du vieillissement et de la fin de vie d’autre part. Certes, on vit de plus en plus vieux et l’on peut vivre longtemps dans de bonnes conditions. Mais vit-on pour autant en paix avec ce que vieillir veut dire ?

Jeunisme

Ce jeunisme qui envahit la publicité et les médias, montrant des personnes âgées « toujours jeunes » et en forme n’est-il pas au contraire une forme de dénégation de cette confrontation à la question de la fin la vie ? Notre société tente de repousser non seulement la mort, mais aussi son image. Ni la publicité ni les médias ne montrent ce qui est pourtant une réalité : vieillir, c’est tout de même rarement rester jeune et en forme éternellement…

Les médias ne les montrent pas

Ni la publicité ni les médias ne montrent les vieux dans les EHPAD, cet « isolement en masse » des personnes regroupées du fait de leur perte d’autonomie, parfois privées du choix de leur lieu de fin de vie. En ne montrant pas la vraie vie, voire en la masquant, notre société moderne aboutit à un résultat opposé au but qu’elle poursuit : elle augmente l’angoisse de la mort, et contribue à diffuser ses fausses représentations.

Naufrage sociétal

(…) Si nous n’y prenons garde, la fin de la vie des personnes âgées pourrait devenir un véritable naufrage sociétal. La mort des personnes âgées peut survenir en plusieurs temps. Le premier est celui de la mort par exclusion de la « vraie vie », celle des gens qui bougent, qui vont vite, qui travaillent et produisent, qui sont rentables.

 Puis vient la mort par regroupement (et en même temps par isolement), en dehors du regard de tous, dans des établissements ou chacun fait du mieux qu’il peut avec les moyens dont il ne dispose pas pour éviter l’indignité de certaines situations.

Mourir dans un couloir

Puis enfin la mort à l’hôpital, dans le couloir d’un service d’urgences ou après un long passage dans différents services hospitaliers, dont l’objectif principal est de maintenir en vie les personnes malades. »

L’Observatoire National de la Fin de Vie (ONFV) a voulu éclairer ces zones d’ombre de la fin de vie des personnes âgées. Il y parvient. Attention au spectacle. Ils peut troubler, angoisser, indigner, révolter.

Bombe humanitaire

Les médias d’information générale ne s’intéressent pas plus à l’intérieur  des EHPAD qu’aux travaux de ce jeune Observatoire national de la fin de vie. Ce dernier avait, en septembre 2013 dernier réalisé une courageuse étude sur la mort dans les EHPAD. Une bombe humanitaire. ...

La photographie alors réalisée soulignait la responsabilité des Agences régionales de santé (ARS) dans les inacceptables inégalités de la fin de vie des personnes « hébergées » dans ces structures : 5700 Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes où plus d’un Français sur dix quitte la vie ; et où un sur quatre passe les derniers temps de son existence. ...

Mourir aux urgences

Que nous dit aujourd’hui l’Observatoire de la fin de vie ? Que toutes les 40 minutes, une personne âgée meurt aux urgences (soit 13 000 décès chaque année). Pourquoi « aux urgences » ? Un suicide sur trois concerne une personne âgée. Soit 3 000 cas chaque année. Pourquoi se suicide-t-on à la veille du mourir ? Que les trois-quarts des personnes âgées qui finissent leur vie en EHPAD n’ont pas choisi d’y vivre : leur entrée en institution s’explique d’abord par l’impossibilité de rester à domicile. Pourquoi ne peut-on, en 2014 et en France, finir sa vie chez soi ?

Infirmières en EHPAD

Plus dramatique peut-être: moins de 15% des maisons de retraite disposent d’une infirmière la nuit. Et que si c’était le cas de tous les EHPAD, cela permettrait d’éviter 18 000 hospitalisations de fin de vie par an. Qui fera le calcul du coût de la vie gagnée ? Qui aura le courage de le faire ? Que peuvent faire, que feront ici Mmes Delaunay et Touraine ?

450 euros par mois

L’Observatoire nous dit encore que 450 euros par mois est (en moyenne) la somme que les personnes âgées en fin de vie doivent dépenser pour financer leur maintien à domicile.

Tout cela peut être perçu comme définitivement dramatique. Cela pourrait aussi être la base d’une belle action politique. Les chiffres et les souffrances sont là.  Les responsables  politiques ne font rien.Ont-ils à ce point besoin des médias ? Que font-ils quand les médias ne sont pas là ? Les médias ne nous le disent pas. ...

Source : jeanyvesnau.com

 

 

Euthanasie pour souffrances psychiques : la pente glissante qui fait basculer ?

Quatre auteurs, à savoir le Fr. Dr. René Stockman, Dr. Marc Calmeyn, Dr. Marc Eneman et Prof. Dr. Herman De Dijn, ont écrit un essai qui est maintenant publié en format livre sur la question de la légitimation de l’euthanasie pour  souffrances  psychiques. Ils l’analysent d’un point de vue médical, philosophique et croyant, et arrivent à la conclusion que l’on emprunte un  chemin  très  dangereux  en pratiquant l’euthanasie pour  souffrances  psychiques.
Ils fournissent ici une précieuse contribution dans le débat public qui en laisse peu indifférents.

Depuis 2002, l’euthanasie pour des maladies incurables et des souffrances intolérables est légalisée à certaines  conditions.  Si, au  départ, on  ne  prenait  en  compte  que  les souffrances  physiques pour envisager l’euthanasie, les patients avec des souffrances psychiques  sont eux  aussi,  ces  dernières  années, de  plus  en  plus concernés  par  la question. Aujourd’hui,  même  les  mineurs  peuvent  sans accord  de  leurs  parents demander l’euthanasie, et les voix s’élèvent pour étendre cela aux personnes  âgées démentes et aux personnes handicapées. Dans l’un des journaux, nous avons pu lire aujourd’hui, qu’un habitant  sur  vingt,  en Flandres, meurt par euthanasie.  Nous sommes clairement en train de glisser sur un terrain dangereux. Ce qui était autrefois considéré  comme  une  exception,  devient  maintenant  une  règle, bientôt  élevée  à  un droit du patient, où l’euthanasie devra être acceptée sur simple demande de celui-ci.

Autrement dit, l’euthanasie semble devenir désormais une thérapie.

Une réflexion d’un point de vue médical.

Les  auteurs  de  l’essai  sont,  outre  leur opposition  fondamentale  à  toute  forme d’euthanasie,  profondément  préoccupés par la  question  de  l’euthanasie  pour souffrance psychique.

Il y a en effet une nette différence entre les troubles physiques et les troubles mentaux. Alors que pour les souffrances physiques, la « maladie » est considérée en  tant  que  telle, concernant les  troubles  psychiques,  on  parle  de «personnes» atteintes d’une maladie.

Si l’on arrive plus ou moins à objectiver une douleur physque,  cela l’est beaucoup  moins dans  la  souffrance  psychique.  Une souffrance psychique, considérée comme insupportable par le patient, ne doit pas être immédiatement  classée  comme  incurable.  De  plus,  lorsqu’un  trouble  psychique semble au premier abord résister aux traitements classiques, cela ne signifie pas que le patient perd de lui-même  toute  capacité  de  récupération.  Un  psychiatre  traite  avant tout  un  humain  et  non  une  maladie, et c’est cet être humain  qui  peut  développer et développera des mécanismes propres, parfois sous forme d’effet secondaire positif lors d’un traitement semblant peu efficace, et qui peuvent engendrer un renversement de situation.

Dans le même temps, on peut se poser de sérieuses questions sur la capacité juridique des patients qui passent par une phase dépressive très sévère, compte tenu de la  diminution  de  leur  discernement. N’est-ce  pas justement le  propre d’une souffrance psychique de ne plus avoir aucune perspective d’avenir ?

Nous  pouvons légitimement  nous  demander, dès lors qu’un patient est considéré comme incurable, combien d’énergie les soignants voudront encore déployer dans son traitement et son accompagnement. N’est-il pas littéralement condamné à mort ?

Traiter des questions sur l’euthanasie exige des soignants qu’ils soient avant tout proches  des personnes, qu’ils ne les abandonnent jamais et qu’ils développent et aiguisent toute leur créativité et leurs qualités professionnelles pour transformer leur désir de mourir en volonté de vivre. « Notre société, qui n’a jamais disposé d’autant de  moyens  thérapeutiques  et d’accompagnement,  choisit-elle  maintenant  plus  que jamais  la  mort ? », question  pertinente  avec  laquelle nous  clôturons notre réflexion d’un point de vue médical.

Une réflexion d’un point de vue croyant

Même en tant que chrétien nous avons le droit et le devoir de réfléchir à la demande et la pratique de l’euthanasie pour souffrances psychiques.

Nous retombons ici sur une réflexion générale sur la vision de l’homme que nous essayons de développer à partir de notre foi chrétienne, dans laquelle le respect pour chaque vie humaine occupe une place centrale. Pour un chrétien, l’inviolabilité de la vie est absolue, et sans juger la demande et le choix d’un patient individuel, nous traiterons attentivement cette question, avec un respect fondamental quant à l’autonomie du patient, l’accompagnant de manière professionnelle, mais ne participant pas activement à la pratique éventuelle de l’euthanasie, précisément en raison de l’inviolabilité de la vie que nous considérons comme absolue.

Après tout, nous considérons la vie humaine comme sacrée parce qu’elle est, dès son origine, marquée par l’action créatrice de Dieu. L’image de Dieu est présente en chaque homme, par celle-ci, la nature humaine est en quelque sorte divinisée.

Le caractère sacré de la vie est à l’origine de son inviolabilité. On ne peut toucher à ce qui est sacré, mais uniquement le traiter avec respect et mettre tout en œuvre pour protéger et promouvoir la sainteté.

Nous n’avons qu’une intendance sur notre vie, et n’avons pas le droit de disposer de notre vie, ni de notre mort, ni de celle de notre prochain. En tant qu’être humain, nous avons en revanche le devoir de tout mettre en œuvre pour respecter et promouvoir notre propre vie et celle des autres et de ne pas commettre d’acte qui puisse y nuire.

On jongle souvent avec le concept de « qualité de vie », et l’on affirme que lorsque la vie n’a plus la  même qualité, il serait mieux d’y mettre fin. Mais qu’entend-on  par qualité ? Nous faisons une distinction entre la qualité ontologique qui porte sur la vie en tant que telle et la qualité accidentelle qui porte plutôt sur la condition dans laquelle se trouve actuellement la personne. Dans le discours à propos de la qualité de vie, l’on se limite souvent à cette qualité accidentelle et l’on néglige la qualité ontologique, qui, en chaque situation, par exemple aussi dans un stade avancé de la démence, demeure toujours intacte. On ne peut donc jamais dire qu’une vie humaine a perdu en qualité, car on ne peut jamais perdre le caractère ontologique de l’humain.

Le terme désespoir est considéré comme un facteur objectif, tandis que la souffrance insupportable  est  un  facteur  subjectif.  Même  si  le caractère  incurable  des  troubles physiques est  plus  ou  moins  objectable,  cela l’est  beaucoup  moins dans les  soins psychiatriques, ces facteurs concernent toujours la qualité accidentelle de la vie. La vie humaine en tant que telle a une dignité universelle, une qualité essentielle, une valeur intrinsèque et cette valeur est indépendante des circonstances physiques, psychiques, sociales, culturelles et historiques dans lesquelles elle se trouve.

Et vu que l’homme vit à travers et avec son corps, le corps fait partie de l’essence de l’homme et le corps a la même valeur que la vie.

La  fin  de  la  vie  corporelle,  pour  mettre  fin  à  la  souffrance,  signifie  que  le  corps  est sacrifié  comme  moyen pour mettre fin à la souffrance. Par l’euthanasie, on élimine l’homme en son corps pour justement résoudre le problème que l’homme a avec son corps,  qui  souffre  physiquement  ou  psychiquement.  Cela  signifie  que  le  corps  est rabaissé à un moyen.

Une réflexion d’un point de vue philosophique

La réflexion d’un point de vue philosophique correspond tout à fait à la réflexion précédente. Au centre de la conception éthique du bien et du mal, il y a la sauvegarde et le respect de la   dignité   humaine.   Cette   dignité   est   concrétisée par  l’idée d’inviolabilité  de  la  vie  humaine  et  même  du  corps  humain.

Les  philosophes contemporains eux-mêmes parlent aujourd’hui du caractère sacré de la vie humaine et aussi du  corps  humain.  Mettre  intentionnellement  fin  à  la  vie  humaine  est généralement considéré comme éthiquement inacceptable.

Il  y  a,  cependant,  une  éthique  philosophique,  l’utilitarisme,  qui  subordonne l’inviolabilité de l’homme à la création du maximum de bien-être, d’un  minimax  de douleur  et  bonheur.  La  vision  derrière  cette éthique  ne  tient  pas  compte  de  quelque chose de fondamental : dans leur vie, les individus accordent plutôt de l’importance aux relations interpersonnelles et à la reconnaissance des autres. L’absence de douleur et la présence de toute sorte de plaisirs ne sont évidemment pas à négliger, mais la vie ce n’est pas que cela . De plus, douleur et souffrance deviennent surtout insupportables lorsque  l’on est dans la négation de la douleur, lors de grande solitude ou lorsqu’il semble ne plus y avoir aucune issue possible dans la vie. Celui qui n’analyse pas les valeurs  de  la  société  au  prisme  du  bien  et  du  mal,  ne  peut  faire  autrement  que  de réduire l’éthique à une sorte de protection thérapeutique contre la douleur. Les termes de souffrances insupportables et sans espoir sont également très subjectifs.

Le  désespoir  en  cas  de souffrances  purement  psychiques  est  toujours  discutable.  Il s’agit ici de jugements subjectifs du patient ou du médecin. Des personnes peuvent se trouver   dans   des   situations   que   l’on  appelle  inhumaines,  dont elles souffrent gravement, et à cause desquelles elles pensent ne plus compter aux yeux des autres, être devenues un poids ou bien simplement répugnantes. C’est alors que nous devons essayer par tous les moyens de les tirer de cette condition et leur montrer qu’elles sont, à  nos  yeux,  toujours  des  personnes méritant  tout  simplement  le  respect  en  tant  que personnes et que nous n’abandonnerons pas.

Des  études  ont  aussi  montré  que  les  aides-soignants qui pratiquent l’euthanasie développent  deux  comportements  dominants :  soit  ils  sont  en  ordre  avec  les  règles, soit ils répondent autant que possible aux souhaits du patient. Il reste cependant un certain malaise chez eux, montrant que les questions éthiques plus profondes n'ont pas totalement  disparu,  mais  ne  peuvent toutefois  plus être  aiguisées.  Le  ressentiment éthique est ici en quelque sorte refoulé. La peur de la mort et celle de tuer est restée, mais la réflexion éthique est dominée par une certaine forme de procédurisme et de sentimentalisme.

La demande d’euthanasie d’un patient est une demande que chaque personne doit prendre au sérieux. Mais cela ne signifie pas que les professionnels de santé doivent y faire  droit.  Avec  les  progrès  que  nous  connaissons,  nous  devrions  être  capables  de réagir  individuellement  et  collectivement à certaines  circonstances autrement qu’en honorant le souhait de mourir.

En  conclusion  de  cette  réflexion  philosophique,  «on peut attendre d’une société décente qu’elle respecte la dignité humaine, ce qui signifie qu’elle procure avant tout le soutien et les soins élémentaires aux faibles et vulnérables, et surtout la protection de leur corps et de leur vie.» Voici la conclusion qui peut être entièrement souscrite sous les trois points de vue.

Fr. René Stockman

Le   livre «Euthanasie   bij   psychisch   lijden :   het   hellend   vlak   dat   overslaat ?» (Euthanasie pour souffrances psychiques : le terrain glissant qui bascule de l’autre côté ?) est  publié  par  Garant  et  coûte  13,90  euros.  Disponible en  néerlandais en librairie ou par Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Source : enthanasiestop.be

 

 

Fin de vie : les seniors veulent lever les tabous

par Mathilde Ledieu, 07/07/2016

Qu’elle représente la fin de la vie, ou le début d’une nouvelle, la mort est un sujet qui reste souvent tabou dans la société. Un sondage réalisé par l'institut ViaVoice pour Harmonie Mutuelle s’est intéressé aux seniors et à leur perception de la mort. Résultat : un tiers des plus de 70 ans l’évoquent avec fatalisme : « La mort est inéluctable », mais aussi de manière très rationnelle : « C’est dans la logique » pour 18 % d’entre eux. Vient ensuite l’aspect spirituel d’une vie après la mort. Toutefois, seuls 2 sur 10 parlent spontanément de tristesse, de souffrance et de la peur de mourir. Pour 73 % des plus de 70 ans, cette vision philosophique est aussi un moyen de mieux profiter de la vie, des petits bonheurs quotidiens.

Préparer sa mort et transmettre

Dans la famille, le sujet peut être abordé : 72 % des sondés en ont déjà parlé à leur conjoint, et plus de la moitié à leurs enfants. Si la mort touche à l’intime, elle n’est pas assez évoquée dans la société pour 44 % des personnes interrogées.
Un tabou qu’il faudrait lever, selon eux, car 6 seniors sur 10 estiment être insuffisamment préparés à leur propre mort ou à celle de leurs proches. Anticiper cette échéance, c’est d’abord transmettre des valeurs et des idées aux générations suivantes (31 % des personnes interrogées), mais aussi des biens matériels (28 %).

Un quart des seniors souhaitent aussi que leurs proches conservent une image positive d’eux, et estiment que la préparation, c’est aussi l’organisation des démarches administratives et financières. La moitié d’entre eux ont déjà prévu ou financé leurs obsèques ainsi que la cérémonie, ou comptent le faire à l’avenir. La rédaction d’un testament et son dépôt chez le notaire ne concernent en revanche que 24 % des sondés.

Plus que la mort elle-même, c’est la fin de vie et le risque de dépendance qui inquiètent les seniors : un sur deux se sent préoccupé. Ils craignent en premier lieu de dépendre de quelqu’un d’autre, de devoir quitter leur domicile ou de ne plus pouvoir exercer certaines activités. Ces appréhensions poussent les seniors à prendre des mesures. 53 % d’entre eux ont réalisé ou pensent réaliser des travaux pour rendre leur logement accessible. Un sur dix a même déménagé pour cette raison.
L’assurance est aussi plébiscitée avec 37 % des sondés qui indiquent posséder ou vouloir souscrire un contrat de prévoyance des risques de dépendance.

Pourtant, les seniors interrogés se sentent majoritairement encore loin de la fin de vie : ils sont en bonne forme morale et gardent un sentiment de jeunesse.

Source : pourquoidocteur.fr

 

 

Euthanasie : Aucun bénéfice ne peut compenser le tort fait aux personnes vulnérables

par Gènéthique, 08/03/2017

L’euthanasie met en présence deux valeurs importantes : celle du respect de l’autonomie individuelle et celle du respect de la vie. Les partisans de l’euthanasie donnent la priorité à l’autonomie tandis que ses opposants s’appuient sur le respect de la vie.

Le respect de la vie n’est pas seulement une valeur religieuse. Toutes les sociétés dans lesquelles des personnes raisonnables veulent vivre, doivent veiller au respect de la vie à deux niveaux : le respect de chaque vie humaine individuelle et le respect de la vie dans la société en général. Et si les « pro-euthanasie » considèrent que celle-ci ne contrevient pas au premier niveau, elle nuit cependant gravement au second.

Dans le débat de l’euthanasie, les protagonistes utilisent des images différentes pour marquer l’opinion publique. Ses promoteurs utilisent des histoires montrant de « mauvaises morts naturelles », relatant les souffrances extrêmes de malades en phase terminale et présentent l’euthanasie comme une forme de compassion qui bannit toute cruauté.

Ses détracteurs au contraire, utilisent des cas de belle mort naturelle, paisibles, en présence des de ceux qu’ils aiment, remplis du sentiment d’avoir vécu une vie pleine.

Mais il y a aussi de « mauvaises morts par euthanasie ». L’histoire de cette hollandaise, atteinte de démence, euthanasiée par son médecin en est la preuve (cf. Pays-Bas : une femme « euthanasiée contre sa volonté et Pays-Bas : une « mobilisation sans précédent » contre l’euthanasie des personnes démentes). Même si nous avions pu croire que l’euthanasie n’était pas intrinsèquement mauvaise, cette histoire montre les risques et le tort qu’elle peut faire aux personnes vulnérables.

Entre 4 et 14% des personnes âgées sont abusées, le plus souvent par des proches. Il est difficile d’imaginer un abus plus grand que d’aider un médecin à euthanasier son aîné en contenant « le bien-aimé » qui ne veut pas mourir. Mais il en existe d’autres formes comme le syndrome de l’ « héritage précoce » quand une personne, le plus souvent un enfant, obtient une procuration et utilise les actifs financiers de leurs parents pour eux-mêmes. Nombreux sont ceux qui s’inquiètent du coût des soins résidentiels pour leurs proches âgés et leurs héritiers voient fondre l’héritage qu’ils estiment leur être du. Ajouter l’euthanasie et vous obtenez un cocktail mortel…

Certains objectent que le risque moral de l’euthanasie pourrait être éviter avec la légalisation du suicide assisté, mais le danger est identique. Les études montrent que les raisons qui poussent les personnes à demander le suicide assisté, est lié au sentiment d’être un fardeau pour ses proches… Par ailleurs, le risque moral du suicide assisté est plus large : partout où le suicide assisté a été légalisé, le taux de suicide en général a augmenté. Une fois approuvé en effet, le suicide apparait comme une réponse appropriée à la souffrance, et il est contagieux. Principale cause de décès chez les jeunes, c’est un problème de santé publique grave et important qu’une légalisation ne ferait que promouvoir.

Comment ce médecin hollandais à pu faire ce qu’il a fait ? Son acte est le résultat d’un processus de désensibilisation progressive du médecin pour ce qui est impliqué : tuer son patient.

Cette désensibilisation résulte de multiples facteurs. Placer les "blouses blanches" de la médecine sur l'euthanasie suggère la validité éthique de l'euthanasie et de sa bonté. Le langage utilisé pour décrire l'euthanasie est aseptisé et « euphemisé ». Le médecin est aveuglé par la conviction que c'est mieux pour le patient et qu’il agit pour son unique bien. Le médecin n'a aucune conscience qu’il ne donne pas un traitement médical et qu'il agit contre le mandat de guérison de la médecine et au-delà de ses objectifs. À un niveau plus profond cependant, l’acte d’euthanasier peut avoir un impact néfaste sur les professionnels de la santé. Des médecins des Pays-Bas et du Canada se retirent parce qu'ils souffrent de traumatismes mentaux, y compris de désordres de stress post-traumatiques, après l’avoir pratiqué (cf. Aide médicale à mourir en Ontario : des médecins se retirent). Ce qui n’a rien d’étonnant : les médecins sont entrainés pour soigner et sauver des vies autant que possible, mais pas à donner intentionnellement la mort. Par ailleurs, toute personne saine d’esprit possède un puissant instinct contre le meurtre intentionnel d’une personne.

Nous ne devons jamais ignorer les plaidoyers déchirants de ceux qui souffrent et de ceux qui les aiment et qui veulent que la souffrance de l'être aimé se termine. Mais si nous devons tuer la douleur et la souffrance, nous devons épargner la personne avec la douleur et la souffrance.


Sources: genethique.org, Mercatornet (2017/03/07)

 

« Les partisans de l’euthanasie trouveront toujours de nouvelles frontières à franchir et de nouvelles règles à transgresser »

par Gènéthique, 14/03/2017

Dans l’état de Victoria en Australie, un projet de loi se prépare pour légaliser le suicide assisté. Pour Paul Russell, ce type de législation est un leurre, les partisans de l’euthanasie veulent toujours aller au-delà de ce que la loi prévoit. « La meilleure protection est tout simplement de ne jamais commencer [à légiférer] », défend-il.

Les législations sur la fin de vie résultent la plupart du temps d’un compromis insatisfaisant. Aussi, les partisans de l’euthanasie cherchent toujours à étendre les populations concernées : au départ prévue pour les « personnes proches de mourir », puis rapidement pour « toutes celles qui souffrent ». Aujourd’hui, les enfants peuvent demander l’euthanasie en Belgique. Demain, les « personnes fatiguées de vivre » aux Pays-Bas. Chercher à éliminer toute souffrance par l’euthanasie, est-ce réellement un « effort humanitaire » ?

Les personnes atteintes de ces pathologies incurables « souffriront-elles intolérablement » ? Voudront-elles mourir ? Peut-on en décider pour elles ? « Ne devrions-nous pas plutôt nous interroger de cette façon : Ont-ils été soutenus ? Avaient-ils des parents et des amis pour les soigner ? Sont-ils bien soulagés ? ». Ne concluons pas trop vite que rien d'autre ne pouvait être fait que d' « offrir la version assistée du suicide », plaide Paul Russel. Personne ne doute que la vie avec une maladie incurable est difficile, mais elle n’est pas impossible.


Sources: genethique.org, Mercator, Paul Russel (13/03/2017)

 

 

Cancéreux en phase terminale, Christian Plessis-Bélair s’interroge: où va-t-il finir ses jours?

par Marco Fortier, 16/07/2016, extraits

Depuis trois mois, il ne lui reste plus que « quelques jours » à vivre. Mais il s’accroche. Contre toute attente, Christian Plessis-Bélair, atteint d’un cancer foudroyant, mange encore trois repas par jour, peint des tableaux et a même pris un petit verre de rouge, l’autre jour, à l’étage des soins palliatifs de l’hôpital Notre-Dame.

Le Devoir vous a parlé de lui la semaine dernière : cet homme de 62 ans est entré à l’hôpital pour un mal de jambe, à la mi-avril. Il n’en est plus sorti. Christian souffre d’une forme extrêmement virulente de leucémie. Trois mois plus tard, donc, on rejoint le patient à sa chambre du cinquième étage de l’hôpital, rue Sherbrooke à Montréal. Il a mal partout. Un mal terrible. Mais la méthadone et le Dilaudid engourdissent la douleur.

Il garde le moral, Christian. Une force de la nature. Un nuage plane tout de même dans sa petite chambre : il est question de le déménager à l’hôpital Marie-Clarac, la plus grande maison de soins palliatifs du Québec, dans le nord de Montréal. Un hôpital à la réputation irréprochable. Mais Christian ne veut rien savoir d’y aller. Il veut rester là où il est, aux soins palliatifs de Notre-Dame.

« Il n’est pas question que j’aille ailleurs. Je commence à m’adapter ici. Je connais les infirmières, je connais tout le personnel, c’est rassurant. Recommencer tout ça à une autre place, ça ne me tente pas », dit-il, assis dans son lit.

« Ici, c’est le bonheur. Je suis traité aux petits oignons. Les infirmières sont exceptionnelles. Elles travaillent tellement, elles n’arrêtent pas deux minutes. Et la nourriture est bonne. »

En attendant la mort

Christian est toujours vivant, trois semaines après son arrivée aux soins palliatifs. C’est une unité conçue pour les mourants, ici ! Il est le premier à rire du fait qu’il déjoue tous les pronostics. Il a accepté la mort, il est prêt à partir lorsque son heure sera venue, mais il profite de chaque minute que la vie lui offre.

Il est vrai que les séjours à l’unité des soins palliatifs sont généralement de courte durée. Une dizaine de jours en moyenne, d’après ce qu’on nous dit. Depuis trois semaines, presque tous les patients du cinquième étage ont été remplacés…

« Aucun transfert n’est effectué sans l’autorisation du patient ou de sa famille », assure Sylvie Robitaille, conseillère en communication au Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM), dont relève l’hôpital Notre-Dame. Les médecins traitants peuvent discuter d’un transfert s’ils jugent que c’est dans l’intérêt du patient. Mais rien n’est imposé. ...

Mourir à la maison

Constatons d’abord les chiffres : où les Québécois meurent-ils ? Le ministère de la Santé et des Services sociaux a compilé les statistiques entre les années 2000 et 2012. Près de six personnes sur dix (59 %) meurent à l’hôpital. Une portion de 20 % des décès surviennent dans un foyer pour personnes âgées, officiellement appelé centre hospitalier de soins de longue durée (CHSLD). Et 3 % des morts se produisent dans d’autres types d’établissement de santé.

Mais encore ? Encore 7 % de la population meurt « dans un autre lieu », dans un accident, en voyage à l’étranger, etc.

Le dernier chiffre, un des plus importants, est la proportion de 11 % des gens qui meurent chez eux. C’est un des chiffres les plus importants, parce que le gouvernement cherche à augmenter à 20 % la part des décès à la maison.

En théorie, Christian Plessis-Bélair aimerait finir ses jours sur le Plateau Mont-Royal, où il a vécu toute sa vie. Son petit appartement d’artiste célibataire de 62 ans serait toutefois mal adapté pour servir de « chambre d’hôpital ». Et aucun de ses proches n’a l’espace ou la capacité de l’accueillir.

Si jamais Christian décidait d’aller chez lui, le système de santé et services sociaux pourrait l’aider. « On a tout ce qu’il faut pour lui permettre de s’installer chez lui. On offre même la chimio palliative à la maison », dit Bérard Riverin, directeur général de la Société de soins palliatifs à domicile du Grand Montréal.

L’organisme permet à 1300 malades en phase terminale par année de se faire traiter gratuitement à la maison. Le « taux de succès »— ceux qui meurent bel et bien chez eux — est de 41 %. Les deux tiers meurent en moins de trois mois. Certains s’accrochent un an, parfois même deux ans.

Société de soins palliatifs à domicile fournit tout : lit d’hôpital, appareils pour distribuer les médicaments antidouleur, fauteuil roulant. Une vingtaine d’infirmières, 12 préposés aux soins, un psychologue, une soixantaine de bénévoles bien formés et du personnel administratif sont au service des patients.  

L’organisme fournit depuis quatre ans des préposés aux bénéficiaires de nuit : cette seule mesure a fait passer le « taux de succès » (de décès à la maison) de 18 % à 41 %. ...

Source : ledevoir.com

 

Le droit à des soins de fin de vie dans un environnement sans euthanasie

par Odile Marcotte - Directrice adjointe, partenariats, Centre de recherches mathématiques, 11/07/2016

Je veux ici présenter les raisons pour lesquelles j’appuie les médecins en soins palliatifs du Centre hospitalier universitaire de l’Université de Montréal (CHUM) et du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

Nous avons été témoins récemment (et serons encore témoins à l’avenir) d’attaques indignes visant (encore) les palliativistes travaillant en milieu universitaire, en particulier ceux des centres hospitaliers de l’Université de Montréal et de l’Université McGill. Les médecins qui prodiguent des soins palliatifs dans ces institutions sont pourtant fidèles à la définition des soins palliatifs donnée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), c’est-à-dire soulager les patients en fin de vie sans hâter ni retarder la mort.

Les différentes personnes attaquant ces médecins (politiciens, médecins pro-euthanasie, journalistes et intimidateurs de tout poil) leur reprochent de ne pas se conformer à la loi québécoise et de ne pas respecter l’autonomie de leurs patients, en l’occurrence « leur droit » de recevoir les trois injections qui provoqueront la mort du patient dans un court délai. L’administration de ces trois injections représente la prétendue aide médicale à mourir, c’est-à-dire l’euthanasie volontaire (appelée euthanasie dans les lignes qui suivent).

Exemption

Remarquons d’abord que le jugement de la Cour suprême dans la cause Carter n’a jamais spécifié qu’un département universitaire de soins palliatifs, où sont formés les futurs palliativistes, devait offrir l’euthanasie. Kay Carter (qui était atteinte de sténose du canal rachidien lombaire, maladie entraînant la compression progressive de la moelle épinière et condamnant le malade à une immobilité forcée, et dont la cause s’est rendue jusqu’en Cour suprême) a été euthanasiée en Suisse (dans un établissement privé) parce qu’elle ne pouvait obtenir l’euthanasie au Canada ; la Cour suprême a jugé que l’interdiction absolue d’un tel « soin » au Canada n’était pas conforme à la Constitution. Par ailleurs, les maisons de soins palliatifs ont obtenu (heureusement) le droit de se soustraire à l’obligation d’offrir l’euthanasie, et la grande majorité d’entre elles ne l’offriront pas afin de préserver un environnement sécuritaire pour les patients refusant l’euthanasie.

Les attaques des intimidateurs ne visent donc pas à faire respecter les droits des patients, mais à modifier la nature des soins palliatifs en utilisant des méthodes qu’ils n’utiliseraient pas contre d’autres groupes de médecins spécialistes, par exemple les radiologistes ou les neurochirurgiens. Ils veulent détruire toute opposition à leur idéologie. Si ce n’était pas le cas, ils retrousseraient leurs manches et créeraient des cliniques offrant le « traitement médical » auquel ils attachent tant d’importance. Ils pourraient même créer une nouvelle spécialité en sciences de la santé, puisque la loi fédérale permet à d’autres personnes que des médecins de pratiquer l’euthanasie.

Droit aux soins sans euthanasie

Parlons maintenant du fameux droit des patients à mourir, qui est en réalité une exemption du Code criminel permettant de pratiquer l’homicide dans certaines circonstances. Au Québec, un citoyen a droit à un environnement sans fumée, mais pas à un environnement sans euthanasie. Je pense (et je ne suis pas la seule !) que le droit d’une personne à l’euthanasie volontaire est moins important que le droit d’un patient (MON droit) à des soins palliatifs dans un environnement où l’euthanasie n’est pas pratiquée. C’est ce dernier droit que les palliativistes du CHUM et du CUSM défendent et je leur en suis très reconnaissante. Il est dommage que la Cour suprême n’ait pas examiné cet aspect-là du problème.

L’obsession au sujet des délais pour obtenir l’euthanasie est difficile à comprendre si on considère l’état de notre système de santé. Au Québec, les temps d’attente pour des opérations ou à l’urgence sont parmi les plus longs du monde occidental (selon un rapport récent du Commissaire à la santé et au bien-être), et un patient ne peut exiger aucun traitement (par exemple un antibiotique ou un analgésique) de quelque médecin que ce soit. J’en ai fait moi-même l’expérience lorsque je souffrais de violentes migraines. Pourquoi accorder autant d’importance à l’euthanasie rapide et pas aux autres traitements ? Cet acharnement suspect révèle la nature idéologique du combat pour l’euthanasie, qui vise à dénaturer la mission des soins palliatifs et compromet les investissements promis dans ce domaine.

J’aimerais exprimer toute mon admiration aux médecins de soins palliatifs du CHUM et du CUSM, et j’espère qu’ils continueront à prodiguer leurs soins de telle sorte que leurs patients finissent leurs jours en paix, dans un milieu sans euthanasie.

Source : ledevoir.com

 

Euthanasie : les limites s’effacent

par Xavier Dijon, 03/03/2016

Une opinion de Xavier Dijon, Professeur émérite de l'Université de Namur.

Sonnons le tocsin. Trois propositions de loi veulent changer la déclaration anticipée, la décision médicale et la clause de conscience. L’homicide étend davantage son règne.

Trois propositions viennent d’être déposées à la Chambre des Représentants pour modifier la loi relative à l’euthanasie, sur le triple point de la déclaration anticipée, de la décision médicale et de la clause de conscience. Ces trois propositions de loi contribuent à étendre davantage encore les avancées de l’euthanasie en effaçant quelques limites qui lui étaient opposées jusqu’ici, tant dans l’espace que dans le temps.

1. Dans le but de s’assurer de la volonté persistante du malade incapable de s’exprimer lui-même en fin de vie, la loi de 2002 prévoyait que sa demande anticipée d’euthanasie aurait une validité de cinq ans. La proposition actuelle entend rendre pareille déclaration illimitée, étant donné, dit-on, la lourdeur de la procédure qui vise son renouvellement. La gravité du geste euthanasique se trouve ainsi singulièrement banalisée à l’égard de la personne qui aura peut-être signé cette demande vingt ou trente ans avant d’être euthanasié. Certes, cette requête pourra être retirée à tout moment mais, si la proposition de loi est acceptée, le signataire ne serait plus tenu de réfléchir régulièrement aux enjeux de sa demande. Comme si elle était devenue tout simplement normale.

2. La réforme souhaitée quant à la décision médicale concerne également l’écoulement du temps mais, cette fois, dans l’autre sens : il ne s’agit plus de rendre perpétuelle la demande du malade mais de raccourcir drastiquement la délibération du médecin. La loi de 2002 prévoyait que si le médecin consulté refuse de pratiquer une euthanasie, il est tenu, d’abord, d’en informer le patient en temps utile, ensuite, de communiquer le dossier médical du patient au médecin désigné pour poser ce geste. Ici, la proposition de loi précise que la décision de refus doit être donnée dans les sept jours de la demande et que le dossier doit être transmis dans les quatre jours du refus. Quand on connaît les hésitations et les revirements par lesquels peut passer une demande d’euthanasie, quand on réalise toute la part de confiance qui doit sous-tendre le dialogue entre médecin et patient, on se demande pourquoi il s’imposait de réduire à une semaine le temps de vérification du bien-fondé de la demande qui conduira le malade à la mort. Serait-ce, ici encore, pour étendre la normalité du geste euthanasique ?

3. Mais le coup le plus rude porté au respect de la vie concerne, non plus le temps mais l’espace. Si la troisième proposition de loi était adoptée, l’euthanasie devrait pouvoir être pratiquée dans tous les hôpitaux du Royaume, sans que leur direction ait le droit de s’y opposer. Toute clause par laquelle un établissement de soins empêcherait un médecin de pratiquer l’euthanasie en ses murs serait réputée non écrite. Or cette modification de la loi est proposée, selon son libellé, en vue d’assurer la clause de conscience. Jusqu’ici, on pensait à l’objection de conscience dans les termes d’un soignant qui se refusait à poser le geste de mort sur le patient qui le lui demandait. A présent, la proposition de loi étend la clause de conscience jusqu’à l’hypothèse inverse : celle du médecin qui veut faire valoir son droit subjectif de conscience pour pratiquer l’euthanasie, alors que l’institution dans laquelle il exerce son art s’y oppose. Et pour que nul n’en ignore, la même proposition précise que, dans leurs rapports juridiques avec l’hôpital, les médecins doivent jouir d’une entière autonomie professionnelle dans tous les soins de santé, y compris l’accompagnement en fin de vie (sous-entendu l’euthanasie elle-même).

Il y a quinze ans, on nous disait, d’abord que l’euthanasie devait être permise dans des circonstances exceptionnelles à l’égard de personnes majeures et saines d’esprit, ensuite, qu’un geste aussi grave serait entouré de garanties procédurales qui permettent de faire mûrir la réflexion de tous, enfin, qu’on respecterait évidemment la philosophie des institutions qui la refusent. A présent que l’homicide étend davantage son règne, en bouleversant les notions aussi fondamentales que "réflexion", "délibération", "conscience", ou "soins de santé", n’est-il pas temps de sonner le tocsin ?

Titre original : L’extension de la normalité euthanasique

Source : lalibre.be

 

"Ne me tuez pas docteur !" L'euthanasie et ses dérives chez nos voisins européens....

par Authentiqua, 28/04/2016

Maarik, une institutrice à la retraite, quitte la Hollande pour l'Allemagne. Pourquoi va-t-elle s'exiler en Allemagne ? Maarik fuit les Pays-Bas comme on fuit un pays en guerre, un pays devenu trop dangereux... A son âge, elle sait qu'on peut tomber malade du jour au lendemain et elle sera alors amenée à l'hôpital. Et elle ne pourra pas empêcher un médecin ou une équipe médicale de l'euthanasier contre sa volonté...

Comme Maarik, les Hollandais sont de plus en plus nombreux, chaque année à fuir leur pays où les médecins, depuis que l'euthanasie a été légalisée, peuvent vous assassiner ou vous euthanasier sans vous l'avoir demandé, alors que vous venez simplement de faire un banal malaise... On euthanasie comme on respire, là-bas ! 

Au Pays-Bas, il est important de savoir que n'importe quel médecin peut décider de supprimer la vie d'un patient qui est en état de démence ou qui a tout simplement perdu connaissance. Si on a un malaise sur la voie publique, on peut ressortir entre 4 planches si le médecin a décidé de tuer pour une raison X ou Y. Un médecin peut buter ses patients en étant payé et en toute impunité.

2500 euthanasies sont pratiquées chaque année, au Pays-Bas. 1000 victimes, environ, n'auraient pas demandé à être tuées. Le plus souvent, les victimes sont des personnes âgées, trop seules et des pauvres. Mais il y aussi des nouveau-nés qui sont dans le coma.

Et n'oublions pas, évidemment, les familles "aimantes" qui font pression sur les médecins et les infirmières pou tuer leur père ou leur mère pour toucher l'héritage plus rapidement...

Des milliers de Néerlandais préfèrent quitter leur pays et se réfugier en Allemagne. Dans un hôpital allemand, on peut trouver 200 patients hollandais sur 230 patients. 

Rappelez-vous, Hitler utilisait déjà le mot euthanasie pour se débarrasser de tous ceux qui étaient malades, handicapés ou malades mentaux...

Le docteur Jean-Pierre Dickès a voulu révélé ce qui se passe dans les pays où on a légalisé l'euthanasie. Le Docteur Dickès est devenu médecin dans le but de soigner, pas dans celui de tuer. Il a toujours voulu sauver des vies, et pas supprimer des vies comme un tueur en série. Depuis toujours, ce médecin lutte contre l'euthanasie.

En Allemagne, c'est une autre mentalité... "Le mot euthanasie y rappelle trop de trop mauvais souvenirs, et un malade, même en phase terminale, n'a pas de soucis à se faire..." affirme le Dr Dickès. Il veut certainement dire que contrairement à de nombreux pays européens on ne vous détruira pas en douce...

En Belgique et en Suisse, c'est le patient qui choisit. Mais il y a un risque d'abus manifestes... Dans certains hôpitaux comme le CHU de Louvain (en Belgique), on trouve un bloc opératoire à côté de la pièce des euthanasies. C'est pratique pour récupérer les organes des personnes décédées pour les greffes... Ça vous ne rassure pas ? Moi, non plus...

Source : "Détective" du 16 janvier 2013

Source : vivreaupresent.over-blog.com

 

Contrairement à l’euthanasie, le ridicule ne tue pas

Romero exploite le drame Vincent Lambert

par Eugénie Bastié, 25/06/2014 (extraits)

Sur le plateau du Grand Journal... pas de médecins, pas de juristes, pas de philosophes pour nous parler du douloureux cas Vincent Lambert, et éclairer la décision difficile prise par le Conseil d’Etat. Non, on avait invité M. Jean-Luc Romero, président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité. Vincent n’est pas encore débranché, le cœur de Vincent bat encore, que le militant pourtoussiste court les plateaux télé, s’enrobe du tragique de la situation pour réclamer la reconnaissance juridique d’un droit à mourir.

Peu importe que le « cas » Vincent Lambert n’ait rien à voir avec l’euthanasie, mais soit simplement un tragique déchirement familial autour du corps d’un malade. Peut importe que Vincent ne soit pas conscient et qu’on ne puisse donc envisager la solution du suicide assisté que prône M. Romero.

Peu importe que  dans le monde idéal que Romero appelle de ses vœux, où l’on ne fait pas de la mort une maladie et où celle-ci serait réglée par injection létale et voie parlementaire, les cas Vincent Lambert continueront à exister. Parce qu’on ne connaît « ni le jour ni l’heure » et qu’il est difficile de dicter par avances ses dernières volontés. Que la mort sera toujours dramatique, surprenante, et triste, ce moment où « il n’y a que la déchirure, l’horrible déchirure ».

Mais à l’ADMD on se fiche du tragique. On veut sa liberté jusqu’au bout. Son « ultime liberté ». «Il faut qu’on sorte de ces émotions, il y a des gens qui souffrent », déclare-t-il, « en colère » à Jean-Michel Apathie qui approuve gravement. Jean-Luc Romero qui voudrait un monde sans émotions, les exploite sans vergogne quand elles permettent de faire monter la cote de la proposition 21 du candidat Hollande. Mais ne nous y trompons pas. Jean-Luc Romero est contre la souffrance. Il est contre la mort. Dans le monde de Jean-Luc Romero, le négatif n’existe pas, il ne doit pas exister. Rien ne peut rester dans l’ombre de la loi. Les désirs doivent se voir gravés dans le marbre. Les familles homoparentales existent, la loi doit les reconnaître, des gens souffrent, la loi doit les achever. Il veut des solutions morales à des problèmes pratiques. Et des solutions pratiques à des problèmes moraux.

L’euthanasie ? Une solution qui va de soi, comme la tête de Jean-Michel Apathie dodelinant d’approbation au vent du Progrès. Notez que l’argumentaire ici développé est identique à celui qu’il avait employé au sujet du mariage pour tous : cette loi ne fait qu’entériner la liberté des individus, sans enlever rien aux autres, sans gêner personne. On ne vous enlève rien aux hétéros ! On ne vous prive de rien vous les biens-portants ! Il le promet, miséricordieux : « Cette loi n’obligera à rien ».

L’argument ultime est… électoral. Il rappelle à François Hollande son « engagement» et affirme que  « 94% des français sont pour…que vous soyez à droite, que vous soyez à gauche, au centre , vous êtes en faveur »
Mais alors M. Romero, pourquoi, si la demande est si unanime, si c’est si facile, si consensuel, si efficace, pourquoi François Hollande n’instaure par la mort pour tous qui lui permettrait de gagner des points dans les sondages ?

C’est à cause des « lobbies » pardi ! Vous savez, ces fameux lobbies qui n’existent pas quand ils s’appellent Inter-LGBT ou ADMD ! Mais quel lobby en particulier s’acharne à empêcher les gens de mourir en rond ? « Le lobby de l’Eglise et le lobby des grands mandarins », répond tout de go l’onctueux prophète des temps nouveaux. D’ailleurs, déplore-t-il : « En tant que président de l’ADMD, je n’ai jamais été reçu par le Président de la République alors qu’il reçoit Frigide Barjot et d’autres qui ne représentent qu’eux-mêmes ». ...

Source : causeur.fr

 

Loi Claeys-Leonetti : de la sédation profonde à la mort à la demande. Pire que l’euthanasie ?

par Anne Dolhein, 01/02/2016

Sédation profonde, antichambre de la mort ?

Avec la loi Claeys-Leonetti, François Hollande et son équipe ont réussi ce qui ressemble fort à un coup de maître : en faisant jouer la corde sensible de la compassion, en rejetant l’euthanasie par piqûre mortelle tout comme le suicide assisté, ils ont réussi à imposer une autre manière de satisfaire la demande de mort de patients las de vivre. La sédation profonde et continue devient un droit dans des circonstances plus larges qu’on ne se l’imagine au vu des débats. En créant une zone grise entre les soins palliatifs et l’euthanasie, où des personnes qui ne sont pas sur le point de mourir peuvent entrer par effraction, c’est un véritable « droit à mourir » qui a été créé, contre lequel les médecins ne pourront pas grand chose. 

Il faut d’abord se pencher sur une bizarrerie. Cela fait plusieurs années que les sondages commandés par des associations favorables à l’euthanasie font état d’un soutien large, presque unanime à l’euthanasie. A les en croire, la majorité qui se dessine aujourd’hui autour de ce projet « sociétal » serait écrasante. Ces dernières années, selon les instituts, on a évoqué une opinion favorable à sa légalisation qui friserait l’unanimité : 89, 90, voire 96 % – ce dernier chiffre était celui donné par l’IFOP en octobre 2014.

La sédation profonde peut constituer une euthanasie lente

 La question s’impose d’elle-même : alors que tout le monde semble d’accord – François Hollande par son engagement de campagne « 21 », les électeurs, le lobby du « droit de mourir dans la dignité » – et que des pays proches et progressistes comme la Suisse, la Belgique et les Pays-Bas ont déjà, chacun à sa manière, admis le principe de la « mort choisie », qu’est-ce qui a donc pu freiner le législateur français ?

Plusieurs réponses sont possibles, et elles peuvent être vraies ensemble – et peut-être y a-t-il à cette timidité des raisons que nous ne saurons jamais.

Pour commencer, c’est une manière de reconnaître que les sondeurs ne disent pas la vérité. Si tout le monde était réellement d’accord, pourquoi François Hollande et son équipe auraient-ils hésité ? Les sondages ont ceci d’« utile » qu’ils permettent de faire croire qu’une révolution dans les mœurs rencontre l’adhésion de tous… pour faire croître cette adhésion encore incertaine. Dans le cas de l’euthanasie, la manière de poser les questions joue aussi : celui à qui l’on demande s’il veut souffrir abominablement ou non à la fin de sa vie a évidemment tendance à répondre « non ».

La loi Claeys-Leonetti n’a pas profité du soi-disant « consensus » sur la fin de vie

 S’ils n’ont pas poussé leur avantage, c’est sans doute que le consensus est moins grand qu’on ne le dit ; qu’il existe encore une majorité d’élus qui s’élèveraient contre le droit de mettre à mort un patient qui souffre… Peut-être aussi la majorité du corps médical, conservant quelques souvenirs d’une éthique déjà bien malmenée, est-il par trop rétif à l’idée d’avoir à provoquer la mort de manière trop directe ?

Mais il y a un autre élément qu’il faut tenir à l’esprit. La loi Claeys-Leonetti est un modèle de manipulation. Préparée par un homme de « droite » et un homme de gauche, elle est – forcément, n’est-ce pas ? – une loi de consensus qui n’aura été contestée qu’à la marge. Elle est donc éminemment acceptable ; modérée… Elle a évité de lancer de grands débats sur les dérives de l’euthanasie en Belgique ou aux Pays-Bas. Ces dérives sont si visibles qu’elles risquaient de polluer le débat…

Moyennant quoi c’est quelque chose de plus radical, de plus extrême qui a été mis en place sous couleur de modération. Premier point : la loi crée un nouveau droit dont chacun peut se prévaloir, fût-ce contre la volonté du médecin (à quelques petites exceptions près). « Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance », affirme la loi. Celle-ci ne définit pas ce qui est « digne » ou non ; de la suite on peut déduire qu’il s’agit de s’épargner « toute souffrance » et même de ne pas se sentir mourir.

Mort à la demande : la loi Claeys-Leonetti la rend possible

 En proscrivant l’« obstination déraisonnable », la loi Claeys-Leonetti ouvre une autre porte à l’organisation de la mort par la médecine, puisqu’elle est caractérisée par une description large : ce sont les actes qui « apparaissent inutiles, disproportionnés ou (qui) n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ».

On se souviendra que la vie de Vincent Lambert que l’on veut faire mourir en le privant d’hydratation est réputée « artificielle » : en ce sens la loi Claeys-Leonetti n’est qu’une aggravation et une précision de la loi Leonetti de 2005 qui autorisait déjà cette forme d’euthanasie lente.

Mais se profile également la traque de la vie « inutile » à travers la notion d’actes médicaux « inutiles » – ce que les bioéthiciens qualifient de « soins futiles ». Là encore, il y a un problème de définition : il est vrai que des actes médicaux peuvent être « inutiles » eu égard au fait qu’ils n’apporteront ni amélioration, ni soulagement en prolongeant un état d’agonie par exemple. Mais l’« inutile » peut désigner aussi le soin prodigué à un tétraplégique qui sans être malade, n’a pas de perspective d’amélioration. La loi Claeys-Leonetti lui sera applicable et il pourra prétendre à une sédation continue et profonde jusqu’à la mort.

La loi précise au demeurant – puisque cela avait fait débat dans l’affaire Vincent Lambert – que « la nutrition et l’hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés conformément au premier alinéa du présent article ».

Droit à la mort : la sédation profonde et continue est ambiguë

 La loi ouvre en fait un large droit à la mort choisie puisque la sédation continue et profonde peut être exigée par le patient dans deux cas de figure. D’abord : « Lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements » : dans ce cas, la sédation profonde peut avoir pour intention de soulager une souffrance intense à l’heure de la mort, et elle n’est pas euthanasique. Mais reste l’ambiguïté : la sédation profonde, tout retour à la conscience étant d’emblée exclue, combinée avec l’arrêt de l’hydratation, provoque nécessairement la mort. Entre tuer et laisser mourir, on est en train de brouiller les frontières.

Deuxième cas de figure : « Lorsque la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable. » Cela signifie que le patient peut choisir d’arrêter de se faire soigner même s’il n’est pas du tout en phase terminale d’une maladie – d’ailleurs une « affection » n’est pas forcément une maladie – et que c’est précisément l’arrêt d’un traitement qui va le faire souffrir. Ici l’intention euthanasique est beaucoup plus évidente.

Mais là aussi il y a « zone grise » : entre le handicapé en bonne santé qui veut qu’on arrête de l’hydrater, le cancéreux qui ne supporte plus une chimiothérapie aux effets secondaires terribles, le dialysé qui en a assez de ses transfusions… il y a une multitude de possibilités. Le patient peut refuser de se soigner, c’est une liberté. Mais cette liberté s’impose désormais aux médecins qui se voient contraints de coopérer au désir de mort : « Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. »

Une loi d’euthanasie qui ne veut pas dire son nom

 Cela est finalement plus extrême que ce qui est demandé aux médecins belges ou néerlandais, qui ont (encore) le droit d’évaluer la demande du patient au regard de la loi et qui peuvent refuser d’y satisfaire.

Les mêmes médecins se voient largement contraints par les directives anticipées des patients qui ne sont plus en état d’exprimer leur volonté, et ils ne peuvent s’y soustraire qu’en des cas limités et par le biais d’une « procédure collégiale ». En l’absence des directives anticipées ou de la désignation par le patient d’une personne de confiance, ses proches sont « consultés » pour connaître la volonté que le patient a pu exprimer. Avec quel niveau de preuve ou de sérieux ? La loi ne le dit pas.

La sédation « profonde et continue » de la loi Claeys-Leonetti suppose une « altération de la conscience jusqu’au décès ». En donnant à chacun le « droit » de réclamer la mise en place d’une procédure de fin de vie, la loi finit par voler la mort. Par l’anesthésie de la conscience…

Anne Dolhein

Source : reinformation.tv

 

« Le Grand Age est à l’Abandon, propositions pour éviter le pire » Nicolas MARTINET

par Nicolas Martinet, 15/12/2013

Notre pays semble avoir perdu la boussole, les décisions sont prises en tous sens parfois sous la pression, souvent en réponse à un calcul politique. Pire, tout semble devoir se régler par la force et la contrainte, le plus fort écrasant le plus faible de sa toute-puissance. Le médico-social ne semble pas devoir déroger à la règle. La servilité des Directeurs d’établissement, écrasés par la surcharge de travail et des responsabilités, y  fait souvent écho à la tyrannie des administrations.

Pourtant de belles choses se font ici et là, mais dont la communication est étouffée par le brouhaha ambiant qui en interdit ainsi la connaissance. L’urgence est pourtant là, qui nous invite à calmer le jeu et par usage de notre intelligence, à reconstruire au sein de notre société une relation apaisée et respectueuse de tous.

Dans les maisons de retraite affublées aujourd’hui de ce nom barbare d’EHPAD, un personnel s’active pour le bien-être de la personne âgée. Son dévouement est malheureusement bien peu reconnu et est  trop souvent pointé du doigt par une presse plus prompte à mettre en avant les « canards boiteux » du système que les innombrables établissements où il fait si bon vivre.

À jouer ainsi la disqualification permanente, nous assistons sur le terrain à un mal-être grandissant qui s’accroît d’autant plus qu’à la non-reconnaissance s’ajoute une charge de travail grandissante. En effet, les personnes qui entrent maintenant dans ces établissements sont dans un état de lourde dépendance et elles sont accueillies par un effectif de personnel désespérément stable et insuffisant.

À tout cela s’ajoute une avalanche administrative, qui perd peu à peu tout son sens car comment digérer convenablement ce flot d’injonctions, de préconisations ou de mises en demeure, voulue par les réglementations sans cesse amplifiées. Comme le dit l’adage : « trop d’informations tuent l’information ». Un salarié de maison de retraite doit connaître et appliquer plus de 1000 pages de consignes, protocoles et autres préconisations!

Cette avalanche administrative vient, pour une bonne part, répondre au principe de précaution aujourd’hui devenu psychose de précaution.

Où est l’humain dans tout cela. Le temps est devenu un luxe que l’on ne peut distribuer qu’avec parcimonie au détriment de l’usager dont c’est l’attente première. Il devient urgent de remettre la personne âgée au cœur de nos préoccupations.

Avec force et courage, il est possible de vaincre, obstacle après obstacle, une situation désastreuse, héritée et entretenue par ceux qui nous gouvernent depuis si longtemps, trop longtemps peut-être. Ils ont perdu tout sens de l’intérêt commun parce qu’ils se sont coupé des réalités qui se vivent quotidiennement sur le terrain.

Osons parler de la vieillesse. Elle est belle pour qui sait la contempler pourvu que la santé ne soit pas trop détériorée. Et même dans ce cas, une présence aimante auprès d’elle permet d’y découvrir encore de multiples trésors.

Respectons nos anciens. Nous leur devons tout et plus encore. Parfois, pourtant, l’oublions-nous. Agissons pour que les métiers du social, si respectables parce que si beaux dans ce qu’ils font, dans ce qu’ils sont et dans ce qu’ils donnent, soient enfin reconnus à leur juste valeur.

Notre pays est malade car il ne reconnaît plus aujourd’hui que les « producteurs » d’argent et a oublié la richesse des valeurs humaines, que nos gouvernants foulent impunément.

La France n’a jamais été plus belle que lorsque unie, fière de son histoire, elle a su défendre ses valeurs.

Alors que nous entrons dans un temps de fêtes où la solitude pèse plus lourdement encore, osez prendre un peu de temps pour visiter une personne âgée restée seule dans votre village, dans votre quartier ou dans la maison de retraite la plus proche de chez vous.

A propos de Nicolas Martinet

Directeur de la maison de retraite Saint-Antoine à Desvres, auteur de : « Le grand âge est à l'abandon ! Propositions pour éviter le pire » aux éditions Salvator

Source : cyrano.net

 

 

Aider les malades mentaux plutôt que de les tuer : la demande d'une sénatrice canadienne

par Gènéthique, 17 Mars 2016 

Denise Batters, sénatrice de Saskatchewan (Canada), signe une tribune dans laquelle elle dénonce le récent rapport de la Commission parlementaire mixte sur l’aide médicale à mourir, et soutient que plutôt que de tuer les malades mentaux, il faudrait les aider.

Son mari, le parlementaire Dave Batters, s’étant suicidé il y a quelques années justement dans un contexte de grave dépression sévère, Denise Batters connaît le sujet, il la touche très personnellement.

Selon elle, si les scrutins révèlent que la plupart des Canadiens sont en faveur du suicide assisté, c’est aussi que ceux-ci sont poussés à penser que ce ne pourrait être une option ouverte qu’aux personnes malades en phase terminale, et ils veulent d’ailleurs que  des limites très claires définissent qui peut y prétendre. A la place, le rapport ouvre « la porte à de nombreux scénarios choquants ».

En effet, la commission n’a pas requis que la maladie soit en phase terminale ou menace la vie de la personne. Elle a inclut dans les conditions d’accès à cette aide médicale à mourir les souffrances psychologiques sans aucune obligation de consultation psychiatrique, et a même recommandé une extension aux « mineurs matures ». Ce qui dépasse largement les paramètres dessinés par la Cour suprême du Canada dans sa décision Carter c/ Canada. Pour la sénatrice, rien ne justifie cette position qui fait seulement appel à un « avis en ligne » d’un inconnu un peu léger pour une telle décision.

Assurant être la dernière personne qui pourrait prétendre que les personnes souffrant de troubles mentaux ne méritent pas un égal traitement devant la loi, elle souligne le fait que « dans le contexte de l’aide médicale à mourir, la maladie mentale implique une certaine vulnérabilité qui doit être considérée avec attention », dans toute sa complexité, mais qu’elle ne présente pas en elle-même de caractère « terminal ». Selon la sénatrice « nous ne pouvons pas faire accéder les malades mentaux au suicide assisté si nous sommes incapables de leur permettre un plein accès aux options de traitements et de soutien ».

« Comment peut-on attendre de ceux qui soignent les personnes souffrant de troubles mentaux qu’ils préviennent le suicide, tout en signant l’arrêt de mort d’un patient malade mental ? » questionne-t-elle.

Soulignant la nécessité de préserver l’espoir des personnes souffrant de maladies mentales, et de les accompagner, de les protéger, notamment dans un contexte où le suicide assisté devrait devenir une réalité (cf. Canada : de l’aide médicale à mourir ou du suicide assisté), Denise Batters a invité les Canadiens à faire entendre leur voix sur ce sujet, pour demander que l’accès à l’aide médicale à mourir ne soit pas étendu façon démesurée.

Sources : National Post (14/03/2016)     genethique.org

 

A propos de l’euthanasie – point de vue d’un philosophe

par Bertrand Vergely, 21/08/2014, extraits

L’euthanasie signifie la douce mort. Cette douce mort désigne le fait, pour un médecin, d’abréger les souffrances d’un malade incurable en lui donnant la mort. Beaucoup de personnes voient dans l’euthanasie un moyen de soulager la souffrance de certaines fins de vie. Avant de leur donner raison, il importe de voir ce qu’il y a derrière et ce qui risque d’advenir après si celle-ci est légalisée.

I. LA VIOLENCE

En premier lieu, il importe de rappeler que l’euthanasie ne consiste pas dans le fait simple d’abréger les souffrances d’un malade, mais dans le fait complexe de donner la mort pour abréger les souffrances d’un malade. La nuance est importante. Dans un cas, on a affaire à un geste humanitaire. Dans un autre cas, on est en face d’une violence inouïe. Tant il est vrai qu’il est désastreux de devoir tuer quelqu’un pour abréger ses souffrances.

Le passé témoigne de ce désastre. C’est sur les champs de bataille, quand on ne pouvait pas faire autrement, que l’on achevait les blessés. Par ailleurs, c’est le nazisme qui a formulé le projet d’euthanasier les vieux et les déficients mentaux, ceux-ci étant jugés inutiles et trop coûteux pour la société. La débâcle des champs de bataille. Le nazisme. La mémoire de l’euthanasie est chargée. Si  la mémoire est lourde, le présent l’est tout autant. Le meurtre est interdit par la loi. La peine de mort a été abolie. Qu’on le veuille ou non, avec l’euthanasie, on a affaire au retour de l’un et de l’autre.

II. LA PRECIPITATION

S’agissant du malade, il semble qu’il y ait une confusion. Une chose est de désirer ne pas souffrir, une autre de mourir. Ce n’est pas parce que l’on désire ne pas souffrir que l’on désire mourir. Attention donc de ne pas prendre le désir de ne pas souffrir pour un désir de mort ! Attention au fait de donner la mort sous prétexte d’éviter la souffrance ! Attention au fait de faire croire qu’avec la mort, les souffrances vont cesser ! Quand on fait de la mort la médecine suprême, on se précipite et l’on attise les désirs de mort. ...

Quantité de témoignages montrent que, quand il y a dialogue entre médecin, malade et famille, quand il y a un vrai accompagnement, quand en outre la fin de vie se déroule dans un contexte spirituel, les malades partent paisiblement sans qu’il soit besoin de leur donner la mort.

Autre question : pourquoi ne développe-t-on pas une culture de l’accompagnement aux mourants en s’appuyant sur le dialogue et la spiritualité ? Plutôt que de penser à donner la mort, ne ferait-on pas mieux d’aider la médecine moderne à acquérir le sens de ses propres limites et la société contemporaine à retrouver un rapport à la mort ?

Source : cyrano.net

Vouloir mourir parce que c’est illégal

par Marcela Iacub,

Alors que la justice européenne a validé l’arrêt des soins de Vincent Lambert, l’Etat a-t-il vraiment son mot à dire en matière d’euthanasie ?

Ceux qui militent pour l’euthanasie oublient les problèmes multiples que poserait l’autorisation de cette pratique. A commencer par l’intérêt qu’auraient les Etats à augmenter le nombre de candidats à la mort, afin de diminuer les coûts de certaines maladies longues et incurables. Après avoir décimé la population dans des guerres massives et exécuté des milliers de condamnés, l’Etat se mettrait à euthanasier les personnes dont les vies seraient indignes d’être vécues. Sans oublier l’intérêt des familles à se débarrasser de parents vieux et encombrants sans la moindre culpabilité, dans une opération qui pourrait s’avérer des plus rentables.

Dans un monde où la plupart des crimes de sang se commettent en famille, comment imaginer que cette institution serait la plus à même de se conduire convenablement avec les vieillards impotents ?

D’autres écueils naîtraient moins de l’intérêt égoïste de ceux qui décideraient de faire mourir, mais plutôt de leur bienveillance. Il en est ainsi de l’empathie, ce vice de l’imagination consistant à se mettre à la place de l’autre en y projetant les mêmes attentes que les nôtres.

Une culture de l’euthanasie provoquerait des ravages sur le regard que l’on se porte à soi-même lorsqu’on tombe gravement malade ou qu’on devient affreusement vieux. Quelle valeur donnerait-on au consentement à mourir, lorsqu’on aurait intégré de telles normes sur la valeur de la vie ? Cette pratique s’appuie, d’ailleurs, sur un vice de raisonnement. Puisque notre temps est compté sur cette vallée de larmes, la décision de mourir afin de ne pas souffrir pourrait s’appliquer à chaque nouveau-né. Un partisan cohérent de l’euthanasie devrait espérer la disparition de l’humanité pour lui éviter qu’elle ne souffre. ...

Marcela Iacub
Source : liberation.fr