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Maryannick Pavageau, l’élan d’une vie immobile

par Malo Tresca, 21/04/2017

Tétraplégique depuis trente-trois ans, cette mère de famille se bat pour faire entendre dans la campagne présidentielle ses convictions sur la dignité humaine et la fin de vie.

Sans même pouvoir encore discerner les traits de son visage, on sait que c’est elle qui nous attend, enfoncée dans son fauteuil roulant, au centre du hall de ce petit hôtel de Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine, où elle est venue le temps d’un congrès de l’Association du locked-in syndrome (1). En guise de salut, elle ne serre pas la main.

N’apostrophe pas à voix haute, non plus. Mais son visage – l’une des seules parties de son corps qu’elle peut encore bouger, avec le pouce et l’index de sa main gauche – se fend d’un large et franc sourire.

Tétraplégique depuis trente-trois ans, Maryannick Pavageau dégage une autorité naturelle, un élan de sympathie qui annihile aussitôt toute bouffée de compassion ou d’apitoiement. « M.Leonetti, le député qui a proposé en 2005 la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, a bien voulu me qualifier, après m’avoir écoutée en audition en 2008, de “force immobile”», lâchera-t-elle sans ambages, comme une invitation à ne pas se fier aux seules apparences, après qu’on l’eut emmenée – non sans avoir fait maladroitement buter son fauteuil – dans la petite chambre qu’elle occupera, pendant trois jours, avec son époux.

« Force immobile »

La formule, aux accents « oxymoriques », lui sied à ravir. « Force immobile », parce que cette Morbihannaise d’origine, installée depuis plus de trente ans à Nantes, a su transformer la lourdeur de son handicap en porte-étendard de sa cause et de celle de dizaines d’autres tétraplégiques sur les questions de dignité et de fin de vie.

« Force immobile » parce que rien ne semble pouvoir la freiner dans ce bras de fer qu’elle a engagé, depuis des décennies, avec son propre corps, avec ses proches, et même, depuis la fin du mois de mars, avec les candidats à la présidentielle.

À un mois du scrutin, celle qui, malgré sa paralysie, a conservé son ouïe, sa vue et toutes ses facultés intellectuelles, a écrit, à la force de ses deux doigts valides, à chacun d’entre eux. Ses missives, personnelles, transpirent cette angoisse qu’on sent si profondément enracinée en elle, cette crainte de voir émerger, après l’adoption en janvier 2016 de la loi Claeys-Leonetti (2) de nouvelles « dérives euthanasiques », sur des patients atteints de tétraplégie avancée ou du locked-in syndrome,le « syndrome d’enfermement ».

Garder espoir

« Parce que chaque état peut évoluer », explique-t-elle entre deux souffles, convaincue de l’impénétrabilité des voies du corps humain. Parce qu’elle-même, qui a mis des années avant de recouvrer l’usage de la parole, ne désespère pas de « pouvoir un jour marcher ». « Seuls une certaine solitude, une détresse morale, un manque d’amour peuvent justifier cette décision irréversible que veulent prendre certains de demander à mourir », poursuit-elle, en concédant avoir aussi traversé, au cours de sa « magnifique » existence, des périodes de désespoir.

« Toutes les personnes en grande vulnérabilité nous appellent à un surcroît de fraternité », peut-on lire dans sa lettre adressée à Marine Le Pen, la candidate frontiste. « Certains voudraient voir dans cette récente loi une étape, mais il est temps de l’appliquer avec des moyens pertinents, dissipant les dérives qui surgissent régulièrement au cours des débats », met-elle en garde François Fillon.

Ses mots sont justes. Son style, incisif. Son argumentation, percutante. Parfois même insurgée. Comme lorsqu’elle s’emporte contre le socialiste Benoît Hamon, qui a inscrit, dans son programme, la légalisation du droit au suicide assisté : « Avez-vous réfléchi à l’impact désastreux que cela aura sur les personnes particulièrement vulnérables, qui se sentent un fardeau pour la société et pour leurs proches ? Craignez-vous que les Français soient incapables de faire ce geste d’amour qui consiste à assister, jour après jour, quelqu’un dont la fin est proche ? »

Sa force, le soutien de ses proches

Sa force, Maryannick Pavageau la puise, bien sûr, dans le soutien de son entourage. Celui de son mari, Joël Pavageau, ancien directeur d’une entreprise de vins, aujourd’hui retraité, qui ne l’a jamais lâchée depuis ce dimanche matin de mars 1984 où sa vie a basculé dans une dépendance totale. Ce jour-là, cette conseillère juridique et conjugale au Centre d’information féminin et familial de Nantes, mère d’une petite fille de 29 mois – qui ne gardera aucun souvenir de sa mère debout –, est alors victime d’un accident vasculaire cérébral foudroyant.

Pendant deux mois, ­Maryannick Pavageau est plongée dans un coma profond, dont elle dit se souvenir « parfaitement » : son mari qui veille sur elle, cet aumônier d’hôpital qui lui donne l’extrême-onction en finissant par lui glisser « qu’elle ne mourra pas », cette infirmière qui la « débranche intempestivement » – sûrement « un geste compassionnel », pardonnera-t-elle plus tard.

Et puis, enfin, elle se réveille. Découvre sa paralysie. Subit trente-deux mois d’hospitalisation, pendant lesquels elle ne communiquera que par clignements d’yeux. Peu à peu, la motricité de son pouce gauche, puis la parole, reviennent.

Une détermination qui lui vaut de nombreuses décorations

Dans cette nouvelle vie, elle a été galvanisée par « l’amour de ses proches » mais aussi par un sens de l’humour « salvateur », qui ne l’a jamais quittée et que le handicap a peut-être même exacerbé. Sans doute est-ce pour cela que, pendant l’entretien, les rires ne cesseront de fuser.

Comme lorsqu’elle raconte cette anecdote d’un médecin qui lui demandera un jour si « ça marche », et à qui elle répondra du tac au tac : « pas encore » ! Ou celle de son mari qui expliquera au docteur, le jour où elle parviendra à bouger pour la première fois son pouce, que « au moins,elle pourra faire du stop ! »

Partout où elle passe, Maryannick Pavageau ne laisse personne indifférent. Elle a même su se forger, au fil des années, une petite célébrité. De 1998 à 2015, sa détermination lui a valu d’être nommée chevalier, officier, commandeur de l’ordre national du Mérite. Des distinctions qu’elle acceptera, à chaque fois, « au nom de tous les accidentés de la vie ».

« Toute personne, quels que soient son handicap, ses découragements, conserve toute sa place au sein de la société. Il n’y a pas de limite à la dignité humaine », dira-t-elle, devant l’assemblée réunie dans les salons du Sénat à l’occasion de sa remise de la Légion d’honneur, en 2010.

« Témoin de la vie »

Son courage et son approche sensible des questions éthiques l’ont aussi amenée à rencontrer Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes et responsable du groupe de travail sur la fin de vie rattaché à la Conférence des évêques de France. En janvier, il l’a choisie pour lui remettre, à son tour, la Légion d’honneur. « Vous êtes pour moi un témoin de la vie, de sa beauté et de ses joies, un témoin de la vie reçue et aimée », lui dira-t-il alors.

Mais Maryannick Pavageau le confie aussi d’une voix humble, son combat suscite parfois des incompréhensions, voire des résistances. Certains proches de patients tétraplégiques, à qui elle avait écrit, lui ont déjà renvoyé des missives incendiaires : « Nos histoires ne sont pas vos affaires ». « Je respecte », dit-elle doucement, en affirmant « comprendre » le choix de ceux qui veulent mettre un terme à leurs souffrances. Maryannick a assez de cran pour faire face à ces situations », renchérit, du bout de la pièce, son mari.

Volontairement resté en retrait, il est, depuis plus de trente ans, « ses bras et ses jambes ». Parce que, résume-t-elle, ce grand combat pour la vie est « avant tout une histoire de couple ».

Quand on clôt d’ailleurs l’entretien en demandant à Maryannick Pavageau d’écrire le traditionnel petit mot aux lecteurs de La Croix, elle hésite. Appelle son mari auprès d’elle. Lui souffle à l’oreille : « Je ne vais pas y arriver, aujourd’hui ». « Mais si », lui répond-il simplement, en glissant un stylo entre ses doigts. Lentement, elle commence alors à tracer ses premières lettres. Le résultat est difficilement lisible. « Je peux mieux faire », lâche-t-elle, déterminée. Le deuxième essai est parfait.

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Bio express

1954. Naissance à Malestroit (Morbihan), où elle passe son enfance. Après le bac, elle poursuit ses études de droit à Rennes.

1980. Mariage avec Joël Pavageau puis naissance, l’année suivante, de leur fille. Elle devient conseillère juridique au Centre d’information féminin et familial de Nantes.

1984. Son AVC la plonge dans le coma. Elle est hospitalisée pendant trente-deux mois.

1986. Entame une série de conférences pour faire connaître le locked-in syndrome.

1998. Chevalier de l’ordre national du Mérite, puis officier (2008) et commandeur (2015).

2005. Elle écrit aux 577 parlementaires pour les sensibiliser sur la fin de vie.

2008. Elle est auditionnée par le député Jean Leonetti et reçoit, deux ans plus tard, la Légion d’honneur.

2017. Elle interpelle, par courrier, les candidats à la présidentielle et poursuit ses engagements
au sein d’Alis.

Malo Tresca

(1) L’association Alis milite depuis 1997 pour mieux faire connaître en France le locked-in syndrome, état neurologique rare, caractérisé par une rupture de la communication entre le cerveau et la motricité.

(2) Elle encadre un nouveau droit « à la sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience jusqu’au décès ».

Source : lacroix.fr