« Face à la poussée de réseaux et de lobbies [...], ne faudrait-il pas donner la parole aux Français, sur un sujet aussi essentiel, par exemple sous la forme d’un référendum ? » C’est Mgr Vincent Jordy, vice-président de la Conférence des évêques de France, qui a lancé cette idée dans le quotidien L’Humanité. L’archevêque de Tours, qui fait partie des quatre porte-parole de l’épiscopat français sur la fin de vie, s’en est aussi expliqué dans La Croix : « On a l’impression que [ce projet de loi] est devenu l’affaire d’un certain nombre de groupes de pression qui ont pris la main et sont en train d’imposer leurs idées », de sorte que les citoyens sont tenus à l’écart de décisions essentielles puisqu’elles engagent la vie et la mort.
« Une logique de suicide collectif »
Dès sa présentation, les évêques français avaient dénoncé l’ambiguïté – pour ne pas dire l’hypocrisie – du projet du gouvernement sur « l’aide à mourir », déplorant « que ne soient pas clairement évoqués ce qu’[il] prévoit de fait, à savoir l’euthanasie et le suicide assisté », remarquaient-ils le 24 avril dans un communiqué – trop – timidement intitulé : « La Conférence des évêques de France émet des réserves. » Depuis que la Commission spéciale de l’Assemblée a fait sauter les fragiles « verrous » qui encadraient encore la légalisation de ces pratiques, ils se font entendre avec une vigueur nouvelle. Ainsi, le cardinal François Bustillo a-t-il déploré, dans Le Figaro, qu’« une mentalité thanatophile redoutable dévore insidieusement nos esprits [...]. Une loi permettant la fin de vie est une forme ultime d’extrême violence. Une barbarie ultime ». Une idée que développe aussi Mgr Matthieu Rougé, autre porte-parole des évêques sur la fin de vie : « Il y a comme une logique de suicide collectif dans la pente euthanasique actuelle », écrit-il dans L’Opinion. « On a l’impression que, dans la start-up nation, les personnes non productives n’ont plus le droit de cité », avait-il auparavant déclaré.
« Notre arme la plus puissante »
Les initiatives se multiplient en conséquence, les évêques plaçant le débat sur le terrain politique et spirituel. L’évêque de Nice, Mgr Jean-Yves Nault, appelle les fidèles à « contacter leurs élus, surtout les députés et les sénateurs », pour dire ce qu’ils pensent de ce projet. Et partout se multiplient les appels à la prière. Ainsi, Mgr Emmanuel Gobillard, évêque de Digne, a-t-il organisé dans son diocèse une nuit de prières du 29 au 30 mai, « entre la fête de saint Paul VI et celle de sainte Jeanne d’Arc, patronne secondaire de la France » : « Oui, frères et sœurs, prions, prions, prions, écrit-il en conclusion de son vibrant message, c’est notre arme la plus puissante, et c’est un devoir impérieux. »
Cette mobilisation sera-t-elle suffisante ? Quels que soient les amendements qui lui seront apportés, ce texte restera intrinsèquement mauvais.
Quel regard portons-nous sur les personnes en fin de vie ?
par Monseigneur Laurent Ulrich, Archevêque de Paris, 27/05/2024, extraits
Une majorité de Français se déclare pour l’aide à mourir, nous dit-on, mais ce sont des Français en bonne santé que l’on interroge, des Français qui ont peur de la souffrance possible à l’approche de la mort, et c’est légitime. Ceux qui ont un jour rencontré des soignants dans un service de soins palliatifs savent que les personnes qui sont accompagnées dans ces services ne demandent pas la mort. Elles demandent à être soutenues dans leur chemin, soulagées dans leur douleur, entourées si l’angoisse vient. Et ces personnes, ainsi que leurs proches, sont effectivement soutenues, soulagées, entourées. On regrette – et nous le regrettons vivement – que les soins palliatifs ne soient pas partout accessibles, que le précédent plan de déploiement sur le territoire n’ait pas été achevé. C’est pourquoi nous accueillons comme indispensable l’accélération de la mise en place sur tout le territoire des soins palliatifs prévue dans le projet de loi dont l’examen débute au Parlement.
Mais pourquoi, si l’on compte que ce nouveau plan de développement des soins palliatifs portera ses fruits, vouloir aussi le recours à l’euthanasie ou au suicide assisté ?
Bien entendu, tel qu’il est fixé dans le projet de loi actuel, ce recours est strictement encadré : critères d’application, contrôles et évaluations, temps de réflexion incompressible… Mais d’une part, c’est bien à notre système de soins tel qu’il est – et non à un système de santé idéal ou idéalisé – qu’il sera confié d’encadrer ces gestes.
Comment pouvons-nous croire que nos établissements de santé pourront le supporter, ces mêmes établissements où les soignants se dévouent de toutes leurs forces, avec courage et humanité, sans toujours parvenir à accompagner leurs patients faute de moyens, faute de personnels ; où parfois, malgré les efforts des médecins et des infirmiers, on meurt dans les couloirs des urgences sans avoir été pris en charge ? Comment pouvons-nous croire que ce système de soins-ci sera en mesure d’absorber la charge de travail et la charge psychologique, que la réalisation humaine d’un geste aussi grave implique ? Comment pouvons-nous croire que l’euthanasie ou le suicide assisté seront réalisés dans le respect de ce que la loi prévoit, sans risque d’approximations ou de raccourcis ? Mais aussi, comment pouvons-nous imposer aux soignants d’être ainsi tiraillés entre le geste qui soigne, auquel ils ont consacré leur vie, et celui qui tue ?
D’autre part, le parcours naturel de toute loi sociétale est de voir son champ d’application s’élargir au fil du temps, de sorte qu’en l’espace d’une génération, un texte qui ne concernait que quelques cas exceptionnels devient d’application bien plus vaste.
Pouvons-nous vraiment croire que le cadre fixé aujourd’hui demeurera inchangé pour les années à venir ? Et le premier critère à disparaître – qui a déjà disparu, en à peine quelques jours d’examen du texte en Commission spéciale à l’Assemblée nationale ! – ne sera-t-il pas celui d’un pronostic vital engagé, ouvrant ainsi la voie à l’euthanasie ou au suicide assisté pour des personnes en situation de handicap ou de dépression ? Le texte qui arrive au Parlement est déjà méconnaissable par rapport à ce qui nous a été présenté il y a un mois, tous – y compris les auteurs de la première mouture du projet de loi – le reconnaissent. Qui nous garantira vraiment, durablement, que la France ne suivra pas dans les prochaines années le même chemin que les autres pays, dont la promptitude à euthanasier nous choque à juste titre ?
Pour nous, l’interdit de tuer demeure un principe fondateur de la société et l’ouverture d’une brèche dans cet interdit comporte le risque énorme de voir se multiplier les cas d’exception qui auront été admis en très petit nombre dans le projet de loi initial. La référence légale ici instituée exonère la décision morale que cet interdit a pour vocation d’encadrer.
Croyants et non croyants, citoyens que nous sommes, nous sommes nombreux à ne pas pouvoir nous résoudre à ce changement définitif de paradigme. Nous avons déjà manifesté à de nombreuses reprises combien, davantage qu’une aide à mourir, c’est d’une aide à vivre dont notre société a besoin. S’il existe encore une liberté à conquérir, c’est, aujourd’hui, la liberté de ne pas être poussé vers la sortie, de bénéficier de tous les soins, de toutes les cures possibles jusqu’à ce qu’il ne soit plus raisonnable d’aller plus loin. S’il existe encore un droit à reconnaître, c’est le droit d’être considéré comme une personne vivante, une histoire unique, une dignité ineffaçable, jusqu’au bout. La mort n’est là que quand la vie s’est éteinte, pas avant. Les changements sémantiques ne pourront jamais cacher que l’ « aide fraternelle à mourir » est toujours la mort donnée par autrui, même si cet autrui est un collège professionnel.
Oui, en réalité la question qui nous est posée aujourd’hui est celle du regard que nous portons sur les personnes en fin de vie. Ne devrions-nous pas leur témoigner humanité et tendresse, en leur démontrant avec la simplicité et l’efficacité des gestes du soin qu’elles sont, comme les plus vulnérables, les membres les plus précieux de notre corps social ? Ce que nous croyons, le témoignage que nous voulons porter, avec tous ceux qui sont engagés depuis des années dans cet accompagnement, c’est que le progrès et l’humanité d’une société se mesurent aussi à la manière dont elle considère les plus faibles, les plus petits et les plus fragiles, à la place qu’elle leur fait, à l’attention qu’elle leur manifeste. ...
« Cette loi introduit un déséquilibre » : les évêques vent debout contre le projet de loi
par Louis de La Houplière, 25/04/2024, extraits
Auditionnés par la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la fin de vie le 24 avril, Mgr Pierre d’Ornellas et Mgr Vincent Jordy ont alerté sur les nombreuses dérives qui menacent l’application future de cette loi.
« Je viens ici avec une certaine tristesse », avouait Mgr Pierre d’Ornellas aux membres de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la fin de vie de l’Assemblée nationale. Le 24 avril, les représentants des cultes faisaient front commun contre un texte de loi dont les termes restent globalement flous et pouvant entraîner des « dérives ». Epaulé de Mgr Vincent Jordy, vice-président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr d’Ornellas a rappelé l’importance fondamentale du développement des soins palliatifs, qui mettent en lumière « la qualité de la relation entre le personnel soignant et le patient ».
Une loi qui ne dit pas ce qu’elle est
Le premier reproche formulé par les deux prélats est l’absence de clarté des termes employés dans ce projet de loi. « Nous regrettons que cette loi ne soit pas encore vraiment connue », déplorait Mgr Jordy, archevêque de Tours. Les évêques présents autour de cette table ronde ont regretté « que ne soient pas clairement évoqués ce que prévoit de faire le projet de loi, à savoir l’euthanasie et le suicide assisté ». « Il convient de bien nommer les choses, a martelé l’archevêque de Rennes, de les assumer pour s’assurer d’un débat éclairé. On semble vouloir cacher l’acte d’assistance au suicide et l’acte d’euthanasie sous le vocable d’aide active à mourir, sous prétexte que c’est sain et humain. Ce qui est humain, c’est la vérité. »
Aussi, de nombreuses zones d’ombre, masquant les véritables intentions du projet de loi, ont été relevées par les deux hommes. « Comment le cadre mis en place en France tiendra-t-il mieux qu’ailleurs ? Comment éviter une pression sociale qui pourrait pousser les personnes fragiles à penser qu’elles sont de trop ? Comment éviter une dérive économique libérale, où la fin de vie deviendra une variable d’ajustement des comptes ? », interrogeait Mgr Jordy. Si le cadre juridique reste flou, comment empêcher alors les nombreuses dérives, comme la pratique de l’euthanasie clandestine ou l’ouverture aux mineurs, observées au Canada ou en Belgique ?
D’autre part, « cette loi introduit un déséquilibre, a affirmé Mgr Jordy. La dignité d’une société humaine consiste à accompagner la vie jusqu’à la mort et non à faciliter la mort. » Sans avoir suffisamment de données sur les besoins réels, ce projet fait basculer vers un modèle « qui rompt une digue essentielle, un principe structurant de notre civilisation, celui de l’interdit de tuer » qui se trouve entre autres au cœur du serment d’Hippocrate. Ironique l’espace de quelques secondes, Mgr d’Ornellas a ajouté gravement : « Faudra-t-il bannir le serment d’Hypocrite [SIC] pour tous les étudiants qui s’apprêtent à exercer la médecine ? »
La relation est première
Les évêques de France se disent « sensibles aux soucis de vouloir promouvoir un modèle français de la fin de vie », pour reprendre les termes d’Emmanuel Macron, mais basé sur l’accompagnement des personnes en fin de vie, dans les structures de soins palliatifs. Mgr d’Ornellas témoignait à plusieurs reprises de ses visites auprès de patients qui bénéficient d’un accompagnement, parfois atteints de la maladie de Charcot. « Tout le projet des soins palliatifs met en lumière la qualité de la relation entre le personnel soignant et le patient, rappelait avec douceur le responsable du groupe de travail « Bioéthique » de la CEF. La relation est première. Mettre en avant l’autonomie sans parler de la relation, c’est conduire la personne à l’isolement dans la décision qu’elle peut prendre vis-à-vis d’elle-même. » Les deux prélats se sont dits désolés que « face au progrès considérable des soins palliatifs, on propose un certain coup d’arrêt à ce progrès, en offrant la possibilité de l’acte létal, comme si la mort donnée était une solution ». Au contraire, « il faut encourager cette recherche, la favoriser et lui faire confiance ». C’est la « fraternité » qui doit être le fil conducteur de ce texte de loi.
par Monseigneur François Jacolin, évêque du diocèse de Luçon, 20/03/2024
De plus en plus notre monde, et particulièrement la France, s’enfonce dans « une culture de mort » selon l’expression de saint Jean-Paul II, « une culture du jetable » selon l’expression de notre pape François.
Après l’inscription dans la Constitution de « la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse », voici que va être proposée une loi sur « l’aide à mourir » qui ouvre la porte au suicide assisté et à l’euthanasie pour appeler les choses par leur nom.
Les groupes de pression et le pouvoir politique jouent sur les mots en les dénaturant pour endormir la conscience des gens. On aboutit à une « novlangue », où les « éléments de langage » ont l’habilité et le manque total d’âme de l’Intelligence Artificielle. Ainsi, on arrive à faire passer pour un bien la destruction d’une vie à naître et à qualifier de « fraternité » une loi qui conduit à donner la mort aux plus fragiles d’entre nous en fin de vie.
Au secours Socrate ! devant le retour des sophistes qui pervertissent le raisonnement pour donner au mensonge l’apparence de la vérité !
Au secours Antigone ! devant le retour de Créon et de tous les manipulateurs politiques qui cherchent par tous les moyens à imposer l’injustifiable !
L’euthanasie, un progrès pour l’humanité ? C’est plutôt le retour à la barbarie où, sous couvert de libertés individuelles et de compassion pour ceux qui souffrent, on pousse insidieusement vers la mort ceux qu’on considère comme une charge pour la société. Mais, comme le rappelle Mgr Eric de Moulins-Beaufort :
« Ce qui aide à mourir de manière pleinement humaine, ce n’est pas un produit létal, c’est l’affection, la considération, l’attention »
Dans ce débat qui a été organisé selon les méthodes des influenceurs à la mode, on a systématiquement écarté la parole de ceux qui sont au quotidien au service des personnes en fin de vie, les soignants dans les hôpitaux, dans les EHPAD et à domicile auxquels on enlève de plus en plus de moyens, malgré les promesses récurrentes et jamais tenues, pour accomplir leur tâche.
Ecoutons l’un d’entre eux, le docteur Jean-Marie Gomas :
« Ainsi il y aurait une « réconciliation » entre les soins palliatifs et l’acte mortifère de l’aide à mourir : quel contresens délibéré !
Ainsi l’évolution de la société — qui met liberté et autonomie au-dessus de tout — accepterait le mépris de la fraternité qui fait sens de civilisation, allant jusqu’à appeler « loi de fraternité » une loi qui permet de supprimer autrui !
Ainsi nous avons élu des « responsables » politiques qui estiment qu’il vaut mieux autoriser à tuer plutôt que s’efforcer de soigner en renforçant de manière significative les politiques de soins palliatifs. Des « responsables » politiques qui pensent que n’importe quelle personne (médecin, infirmière, proche) peut être la main qui porte la mort, sous le prétexte que le malade l’a demandée…
Cette loi va nous faire basculer subrepticement, et de manière feutrée, dans un autre monde : celui de la valeur discutable de l’Autre, celui du mépris des personnes âgées et donc inutiles, celui des dérives incontrôlables que tous les autres pays qui ont légalisé l’euthanasie nous montrent ».
Derrière les discours faussement compassionnels auxquels se laissent encore prendre les incorrigibles naïfs, on traite les personnes humaines malades, âgées ou handicapées comme des valeurs boursières dévaluées dont on a hâte de se débarrasser.
Alors, nous chrétiens, comment pouvons-nous agir ? Que devons-nous faire ? Nous venons d’entendre le récit de la Passion de Jésus Christ selon saint Jean lors de l’office du Vendredi Saint. Devant Pilate, le gouverneur romain, Jésus déclare :
« C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix »
Nous ne sommes pas possesseurs de la vérité, mais, en véritables disciples du Christ, nous nous efforçons d’appartenir à la vérité et d’en témoigner « quoiqu’il en coûte » : c’est là notre royauté, notre dignité tout simplement d’hommes et de femmes créés à l’image de Dieu.
Nous avons donc à réveiller les consciences et à les aider à chercher sans relâche le Vrai et le Bon, non seulement pour elles-mêmes, mais aussi pour l’ensemble de l’humanité, dans une fraternité véritable.
Nous avons à intercéder pour ceux qui se précipitent et précipitent d’autres dans une mort plus grave que la simple mort physique : la mort sociale et spirituelle, et nous avons à nous offrir en sacrifice avec le Christ pour le salut de notre pauvre monde.
Surtout, suivant l’exemple du Christ, le vrai Bon Samaritain, nous avons à nous rendre proches de tous ceux qui souffrent et à prendre soin d’eux jusqu’au bout de leur vie : puissent-ils sentir à travers nos regards, nos paroles et nos gestes, qu’ils ont une valeur infinie à nos yeux et aux yeux de Dieu notre Père qui les accueillera au dernier jour dans ses grands bras miséricordieux pour une vie en plénitude avec lui : pour la vie éternelle !
publiée par le Dicastère pour la Doctrine de la Foi,
Vatican, le 25/03/2024
Une infinie dignité, inaliénablement fondée dans son être même, appartient à chaque personne humaine, en toutes circonstances et dans quelque état ou situation qu'elle se trouve. Ce principe, pleinement reconnaissable même par la seule raison, fonde la primauté de la personne humaine et la protection de ses droits. L'Église, à la lumière de la Révélation, réaffirme et confirme sans réserve cette dignité ontologique de la personne humaine, créée à l'image et à la ressemblance de Dieu et rachetée dans le Christ Jésus. C'est de cette vérité qu'elle tire les raisons de son engagement envers les plus faibles et les moins dotés de pouvoir, en insistant toujours sur « le primat de la personne humaine et la défense de sa dignité en toutes circonstances». ...
35. Sans prétendre à l'exhaustivité, nous attirons l'attention dans ce qui suit sur certaines violations graves de la dignité humaine qui sont particulièrement d'actualité. ...
L'euthanasie et le suicide assisté
51. Il existe un cas particulier d'atteinte à la dignité humaine, plus silencieux mais qui gagne beaucoup de terrain. Il a la particularité d'utiliser une conception erronée de la dignité humaine pour la retourner contre la vie elle-même. Cette confusion, très répandue aujourd'hui, apparaît au grand jour lorsque l'on parle d'euthanasie. Par exemple, les lois qui reconnaissent la possibilité de l'euthanasie ou du suicide assisté sont parfois appelées “lois sur le droit de mourir dans la dignité” (“death with dignity acts”). L'idée que l'euthanasie ou le suicide assisté sont compatibles avec le respect de la dignité de la personne humaine est largement répandue. Face à ce constat, il faut réaffirmer avec force que la souffrance ne fait pas perdre à la personne malade la dignité qui lui est propre de manière intrinsèque et inaliénable, mais qu'elle peut devenir une occasion de renforcer les liens d'appartenance mutuelle et de prendre conscience de la valeur de chaque personne pour l'ensemble de l'humanité.
52. Il est certain que la dignité de la personne malade dans un état critique ou terminal exige de chacun les efforts appropriés et nécessaires pour soulager ses souffrances par des soins palliatifs appropriés et en évitant tout acharnement thérapeutique ou toute intervention disproportionnée. Ces soins répondent au « devoir constant de comprendre les besoins du malade : besoins d’assistance, soulagement de la douleur, besoins émotionnels, affectifs et spirituels ». Mais un tel effort est tout à fait différent, distinct, et même contraire à la décision d'éliminer sa propre vie ou la vie d'autrui sous le poids de la souffrance. La vie humaine, même dans sa condition douloureuse, est porteuse d'une dignité qui doit toujours être respectée, qui ne peut être perdue et dont le respect reste inconditionnel. En effet, il n'y a pas de conditions sans lesquelles la vie humaine cesse d'être digne et peut donc être supprimée : « la vie a la même dignité et la même valeur pour tous : le respect de la vie de l'autre est le même que celui que l'on doit à sa propre existence ». Aider la personne suicidaire à mettre fin à ses jours est donc une atteinte objective à la dignité de la personne qui le demande, même s'il s'agit de réaliser son souhait : « nous devons accompagner les personnes jusqu'à la mort, mais ne pas la provoquer ni favoriser aucune forme de suicide. Je rappelle que le droit aux soins et aux traitements pour tous doit toujours être prioritaire, afin que les plus faibles, notamment les personnes âgées et les malades, ne soient jamais écartés. En effet, la vie est un droit, non la mort, celle-ci doit être accueillie, non administrée. Et ce principe éthique concerne tout le monde, pas seulement les chrétiens ou les croyants ».[96] Comme cela a déjà été dit, la dignité de chaque personne, même faible ou souffrante, implique la dignité de tous.
La mise au rebut des personnes handicapées
53. L'un des critères permettant de vérifier l'attention réelle portée à la dignité de chaque individu est, bien entendu, l'attention portée aux plus défavorisés. Notre époque, malheureusement, ne se distingue guère par une telle attention : une culture du déchet est en train de s'imposer. Pour contrer cette tendance, la condition de ceux qui se trouvent dans une situation de déficit physique ou psychique mérite une attention et une sollicitude particulières. Cette condition de vulnérabilité particulière] si présente dans les récits évangéliques, interroge universellement ce que signifie être une personne humaine, précisément à partir d'un état de déficience ou de handicap. La question de l'imperfection humaine a également des implications évidentes d'un point de vue socioculturel, dans la mesure où, dans certaines cultures, les personnes handicapées souffrent parfois de marginalisation, voire d'oppression, étant traitées comme de véritables “déchets”. En réalité, tout être humain, quelle que soit sa condition de vulnérabilité, reçoit sa dignité du fait même qu'il est voulu et aimé par Dieu. Pour ces raisons, l'inclusion et la participation active à la vie sociale et ecclésiale de tous ceux qui sont, d'une manière ou d'une autre, marqués par la fragilité ou le handicap, devraient être encouragées autant que possible.
54. Dans une perspective plus large, il convient de rappeler que la « charité, cœur de l’esprit de la politique, est toujours un amour préférentiel pour les derniers qui anime secrètement toutes les actions en leur faveur. […] “Prendre soin de la fragilité veut dire force et tendresse, lutte et fécondité, au milieu d’un modèle fonctionnaliste et privatisé qui conduit inexorablement à la ‘culture du déchet’. [… Cela] signifie prendre en charge la personne présente dans sa situation la plus marginale et angoissante et être capable de l’oindre de dignité” On crée ainsi, bien entendu, une activité intense, car “tout doit être fait pour sauvegarder le statut et la dignité de la personne humaine” ».
Mgr Vincent Jordy: « L’euthanasie, ultime avatar de la décivilisation »
par Mgr Vincent Jordy, archevêque de Tours, 14/12/2023
TRIBUNE - Alors qu’une ébauche du projet de loi sur l’aide active à mourir vient d’être rendue publique, le vice-président de la Conférence des évêques de France s’inquiète du bouleversement que celle-ci représenterait pour notre civilisation.
Alea jacta est. Un préprojet sur la fin de vie arrive. « Nous autres, civilisations, savons maintenant que nous sommes mortelles », écrivait Paul Valéry. L’avenir et la vie des civilisations se jouent-ils à coups de dés ?
Depuis une décennie, les analystes égrènent la litanie des « dé » : Dé-composition, déclassement, dé-possession, dé-liaison jusqu’à la « dé-civilisation » récemment évoquée pour parler de la société française. « La civilisation, c’est l’inhibition de la pulsion », disait un philosophe français. C’est ordonner ce qui bouillonne en nous, pour permettre une vie en commun. C’est ajuster notre désir et notre irascible à un projet qui nous dépasse vers un bien commun. Il s’agit de faire « d’un tas un tout » (Régis Debray, L’Erreur de calcul). Déciviliser, c’est, au contraire défaire « ce qui noue le nous ».
La question complexe de la fin de vie est posée. Nul n’est épargné par ce grave sujet. Il concerne nos proches mais aussi chacun de nous, marqués par la finitude. Personne ne désire voir souffrir ceux qu’il aime ou être aux prises avec une souffrance insupportable conduisant à la mort.
L’actuel accompagnement de la fin de vie est assuré par la loi Claeys-Léonetti de 2016. Une réflexion pour la faire évoluer a été lancée à l’automne, sans que la précédente ait bénéficié d’une sérieuse évaluation en amont. À l’automne 2022, la ministre déléguée à la Santé assurait pourtant de l’équité du processus et que tous seraient entendus.
Depuis, nous sommes saisis par le doute. Des annonces et une méthodologie discutables ont donné le sentiment que les « dés » étaient « pipés » sinon « jetés ». Une opération de « démocratie éducative », instillant progressivement les bonnes réponses, a été entreprise avec un fort soutien médiatique. Le président de l’institution chargée des débats se déclare favorable à l’euthanasie avant même qu’ils ne commencent. Certains médias font état des carences du processus démocratique. Pourtant beaucoup se sont élevés contre ce projet de fin de vie, particulièrement les soignants qui seraient en première ligne en cas de vote d’une loi sur l’euthanasie ou sur le suicide assisté. Surdité de ceux qui conduisent la réflexion ?
Une telle loi serait un bouleversement pour notre civilisation fondée sur un principe fondateur : « Tu ne tueras point. » Une « rupture de digue » dont les effets ne sont pas prévisibles. Pour nous rassurer, on invoque la notion de progrès. Nous savons, à la lumière de certains scandales sanitaires et financiers, ce que peut produire l’imprévision, voire le cynisme humain au nom du progrès. Nous savons aussi tout le bien que produisent l’accompagnement et les soins palliatifs dont, pourtant, les carences sont importantes en France malgré quatre lois en vingt ans.
Norbert Elias, cité par le président de la République à propos de la « décivilisation » de notre pays, évoque la question de la mort dans La Solitude des mourants. Il rappelle comment son traitement participe du processus de civilisation. Les pays déjà engagés en faveur de l’euthanasie montrent que les limites posées pour maîtriser la fuite en avant n’ont pas tenu longtemps, que les contrôles sont largement insuffisants, que l’alliance indispensable entre malade et soignant est affectée et qu’insidieusement une forme de culpabilisation s’insinue dans les consciences des plus fragiles et affecte la fraternité.
François Mitterrand l’évoquait avec Marie de Hennezel : « Je suis, bien sûr, pour que l’on aide à mourir, mais le jour où une loi donnera à un médecin le droit d’abréger la vie, nous entrerons dans une forme de barbarie, parce que vous serez très nombreux, très vieux… On fera pression sur des personnes âgées pour qu’elles aient l’élégance de demander la mort et ne pas peser. » Le risque de pousser les précaires « vers la sortie » n’est pas une vue de l’esprit. L’être humain, variable d’ajustement des budgets pour le meilleur des mondes ? Thanatos comme allié du Forum de Davos ?
Alea jacta est ? « On ne joue pas avec la vie », disait le pape François au retour de son voyage à Marseille. Il ajoutait : « La personne âgée est la mémoire de la civilisation. » Peut-on jouer avec la vie sans risquer de perdre toute mémoire et d’oublier, tout simplement, d’être humain ?
L’aide active à vivre, un engagement de fraternité
par la Conférence des évêques de France, 28/03/2023
Réunis à Lourdes, lieu d’espérance et de paix, où les personnes malades et handicapées sont à la première place, les évêques du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France ont voulu exprimer l’attention avec laquelle ils suivent le débat en cours sur le juste accompagnement de la fin de vie dans notre pays.
Nous sommes profondément sensibles aux souffrances et aux angoisses des malades, des familles et des aidants qui connaissent des situations humaines et médicales particulièrement éprouvantes. Beaucoup de fidèles catholiques se tiennent à leur côté dans les aumôneries d’hôpitaux ou de maisons de retraite, en leur rendant visite à domicile, ou en s’impliquant dans des associations non confessionnelles d’accompagnement des soins palliatifs. Avec eux, grâce à eux, nous avons pleinement conscience que notre société doit encore progresser dans l’accompagnement de la fin de vie et de la grande fragilité.
Nous sommes impressionnés par le dévouement et la compétence des personnels soignants, malgré les difficultés humaines et économiques considérables auxquelles ils doivent aujourd’hui faire face. Nous tenons à saluer le développement encore insuffisant mais significatif des soins palliatifs. Certes, les déserts palliatifs sont encore trop nombreux, la culture palliative n’est pas assez valorisée durant les études médicales, les soins palliatifs doivent encore progresser pour les nourrissons et les enfants. Mais une véritable dynamique palliative, faite d’attention à chaque personne dans son unité et avec son entourage, contribue notablement à l’humanité de notre société.
Nous entendons de très nombreux soignants affirmer vigoureusement que « la main qui prend soin ne peut en aucun cas être celle qui donne la mort ». Nous entendons plusieurs observateurs de notre société, aux opinions philosophiques et aux appartenances religieuses diverses, mettre en garde contre l’injonction de renoncer à vivre que ferait peser sur les personnes fragiles la facilité légale et économique de « l’aide active à mourir ». Nous entendons la révolte, la colère, le sentiment d’injustice qui retentissent face à la souffrance et à la mort comme des appels à une plus grande fraternité et comme la recherche d’une espérance dont nous désirons témoigner, mais en aucun cas comme une légitimation de l’euthanasie ou du suicide assisté.
Voilà pourquoi nous souhaitons que le débat en cours sur la fin de vie constitue l’occasion positive d’un progrès significatif de l’accompagnement et de la prise en charge notamment de la dépendance due au grand âge dans notre pays. Beaucoup de projets législatifs dans ce domaine ne sont malheureusement pas encore allés jusqu’au bout de leurs promesses. Le débat sur le « suicide assisté » pose aussi la question globale de notre engagement collectif pour la prévention du suicide.
Notre époque est marquée par un mélange de négation de la mort et de fascination pour la mort : comment mieux assumer socialement le terme naturel de l’existence terrestre ?
Nous aimons et nous croyons à la liberté. Mais nous affirmons qu’elle ne peut se déployer que si la valeur de la vie de chacun est pleinement reconnue et respectée. C’est dans ce cadre protecteur qu’il convient de mettre en œuvre tous les chemins possibles d’aide active à vivre. Plus que jamais, ce qui peut unir et apaiser notre société si violemment fracturée, comme le montrent les conflits sociaux de ces jours, c’est la vérité de notre engagement collectif pour la fraternité. Voilà ce que, dans la lumière toute proche de Pâques, nous voulons partager avec toute notre société.
L’euthanasie est un meurtre délibéré moralement inacceptable d’une personne humaine
par Maximilien Bernard, 26/03/2023
Le diocèse de Paris a réalisé un livret de 12 pages sur la fin de vie pour informer, former et « porter résolument, auprès du plus grand nombre, le témoignage pas simplement énoncé mais surtout vécu (…) de la dignité inaltérable de la vie humaine dont le Seigneur nous a fait le cadeau » comme l’indique Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, dans son éditorial.
Ce livret propose des repères doctrinaux ainsi que des témoignages. Extrait :
Dans l’encyclique “Evangelium Vitae”, saint Jean-Paul II a écrit: « l’euthanasie est une grave violation de la Loi de Dieu, en tant que meurtre délibéré moralement inacceptable d’une personne humaine ». Les évêques français ont plusieurs fois souligné combien l’euthanasie s’oppose à la fraternité. Si je choisis de mourir parce que je me sens trop vieux, j’envoie à tous ceux qui sont plus vieux que moi le signal qu’ils doivent mourir.
Covid : un haut responsable du Vatican dénonce un « massacre des personnes âgées »
par Famille Chrétienne, 09/02/2021
La pandémie a révélé l’« incapacité de la société contemporaine à s’occuper convenablement de ses personnes âgées », a déclaré Mgr Vincenzo Paglia, président de l’Académie pontificale pour la Vie, lors de la présentation d'un document du Vatican sur la vieillesse, le 9 février.
« Un massacre des personnes âgées ». Le président de l’Académie pontificale pour la Vie, Mgr Vincenzo Paglia, n’a pas mâché ses mots, mardi 9 février lors d’une conférence au Vatican de présentation du document “La vieillesse, notre avenir”, pour dénoncer les lourdes pertes humaines dénombrées dans les maisons de retraite des pays touchés par la Covid-19.
« Un silence coupable et suspect »
La crise pandémique a révélé l’« incapacité de la société contemporaine à s’occuper convenablement de ses personnes âgées », a vertement dénoncé ce haut responsable du Vatican. Face à cette hécatombe, en particulier dans les EHPAD, le prélat a affirmé l’impossibilité de maintenir plus longtemps sur le sujet « un silence coupable et suspect », s’en prenant notamment aux industries pharmaceutiques « qui ne veulent pas donner leurs brevets » pour faciliter la lutte contre le coronavirus.
Au-delà même de la crise actuelle, « la société ne sait pas quoi faire des personnes âgées, et souvent les rejette », a encore déploré l’Italien, soulignant que leur nombre augmente. Contre cette tendance, le Saint-Siège appelle à la refondation d’un « réseau d’affection et de liens qui unissent les générations ». Il est nécessaire, a insisté le prélat, de faire à nouveau de la famille « une maison accueillante » pour tous les âges, parce qu’au-delà de la maladie, le vrai vaccin aux malheurs de la société « est l’amour » dont se nourrissent les membres d’une même famille.
L'importance spirituelle des anciens
Celui qui s’était vu confier par le gouvernement italien une commission pour l’assistance aux personnes âgées en septembre 2020 a aussi souligné l’importance spirituelle du « magistère de fragilité » qui incombe aux anciens. Par leur témoignage, ils peuvent devenir « une force et un instrument d’évangélisation ». Mgr Paglia a remercié le pape pour l’institution le 31 janvier de la Journée mondiale des grands-parents et des personnes âgées, qui se tiendra chaque année le 25 juillet à l’occasion de la fête des parents de la Vierge, saints Joachim et Anne.
Limiter ou arrêter les traitements en fin de vie, la question se pose quotidiennement au monde médical et aux familles des grands malades. Quels repères éthiques donne l’Église pour aider à ce discernement ? Entretien avec le Père Brice de Malherbe, professeur à la Faculté de théologie Notre-Dame à Paris, délégué de l’archevêque pour les établissements hospitaliers catholiques et consulteur au Conseil pontifical pour la famille.
Où se situe l’acharnement thérapeutique pour une équipe médicale ?
Il consisterait à proposer des traitements inutiles dont les bénéfices attendus seraient faibles par rapport aux effets secondaires lourds. Par exemple, j’entends des cancérologues reconnaître qu’ils ont trop tendance à prescrire une chimiothérapie de plus, sans qu’elle soit vraiment utile.
Dans l’acharnement thérapeutique, on se trouve face à deux cas possibles : soit le malade - ou la famille - veut encore tenter une nouvelle thérapie pour maintenir la vie le plus possible, soit l’équipe soignante a du mal à lâcher prise et va mettre en œuvre tous les traitements existants.
Il est fondamental que s’établissent, dès le début, une confiance et un dialogue, dans une alliance thérapeutique, entre l’équipe soignante, le malade et son entourage. Ensemble, ils pourront parler des questions difficiles qui peu à peu risquent de se poser quant à l’arrêt ou la prolongation éventuelle du traitement. Par exemple, si des complications graves se présentent pour la respiration, aura-t-on, oui ou non, recours à une trachéotomie ?
L’avènement des soins palliatifs instaure une souplesse entre médecine curative et médecine palliative. L’écoute mutuelle, l’étude au cas par cas sont incontournables. Pour une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer par exemple, attention à ne pas tirer un trait sur ses capacités à participer au soin. Si elle refusait une alimentation par voie intraveineuse, il faudrait le prendre en compte. Ce ne serait pas la respecter que de la forcer à un soin qui lui fait violence et dont on sait qu’il n’est pas nécessairement bénéfique en termes de survie et de qualité de vie.
Quels sont les critères de discernement pour refuser un traitement ?
Ce droit du patient au refus d’un traitement est inscrit dans la loi. Bien sûr, sa liberté est appelée à s’orienter vers le bien et non vers un choix contraire à sa dignité. Lorsqu’il s’agit de l’arrêt d’un traitement vital, l’équipe médicale doit s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un coup de tête ou d’un moment de déprime.
Si la personne persiste dans son refus, elle est libre. Dans tous les cas, les soins de base doivent être maintenus. Comme on le sait, l’Église est pour le respect de la vie personnelle jusqu’à la mort.
Pour aider à ce type de choix, elle invoque une proportionnalité objective et subjective. Sous l’angle subjectif, on voit si le patient supporte son traitement, s’il ne lui semble pas trop lourd. Sous l’angle objectif, on regarde si les facteurs de risque, les effets secondaires possibles, le coût du traitement, sont à la hauteur des bénéfices escomptés. Toute la finesse d’un accompagnement est de trouver le juste équilibre entre ces deux proportionnalités.
On peut alors décider l’arrêt de toute intervention ?
Les risques et les bénéfices sont toujours à peser. Par exemple, il peut être inutile d’engager une opération chirurgicale qui mettrait en danger inutilement la vie d’une personne dont l’état est très fragile pour une prolongation de vie de courte durée. Ou encore d’engager une chimiothérapie dans une phase avancée d’un cancer chimio-résistant.
Si les avantages à suivre tel protocole ne sont pas probants, cela n’a pas de sens de s’obstiner et on peut refuser le traitement. Cette décision n’a rien à voir avec le suicide. Le Catéchisme de l’Église catholique est très clair sur la question. Au n° 2278, on lit : « La cessation de procédures médicales, onéreuses, périlleuses, extraordinaires ou disproportionnées avec les résultats attendus peut être légitime. On ne veut pas ainsi donner la mort ; on accepte de ne pas pouvoir l’empêcher ».
Il peut arriver par ailleurs qu’une personne croyante, dans un mouvement de détresse, exprime le souhait d’en finir. Cette réaction est compréhensible. Il faut viser alors à comprendre les causes de la détresse et y remédier... sans pour autant supprimer le patient.
Les soins palliatifs coûtent cher. A-t-on le droit de dépenser autant pour accompagner des personnes en fin de vie, au regard de l’endettement du pays ?
Les soins palliatifs sont plutôt moins chers que les médecines interventionnistes. Ce sont des choix difficiles au niveau de la société. En France, l’option a été de privilégier une médecine de type interventionniste et efficace, même si le remboursement des traitements et opérations se fait au détriment d’une présence soignante pourtant essentielle.
L’accent mis sur les soins palliatifs est plutôt une bonne nouvelle : le soin en réponse aux besoins élémentaires d’une personne est un devoir dont chacun devrait pouvoir bénéficier. L’argument économique est à prendre en compte, mais ne doit jamais être premier. Le respect de tout citoyen jusqu’à la mort est à considérer en premier lieu. L’article 16 du code civil l’affirme lui-même : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci... »
Une discrimination selon l’âge des patients voudrait qu’on préfère parfois s’investir davantage auprès des jeunes que des personnes âgées.
L’âge ne doit jamais être le seul critère de décision. On peut réanimer une grand-mère de 85 ans après un coma et la retrouver dans un état très diminué quand une autre personne du même âge s’en sort tout à fait bien.
La loi Leonetti considère l’hydratation et l’alimentation comme un traitement. Quelle est la position de l’Église ?
Mgr Vingt-Trois et le grand rabbin David Messas ont fait une déclaration conjointe, en mars 2007, en réponse à cet aspect de la loi Leonetti. Pour eux, l’hydratation et l’alimentation sont des soins, car elles répondent à un besoin élémentaire du malade. Le principe demande de les maintenir par voie orale le plus longtemps possible.
En oncologie ou en gériatrie par exemple où ces besoins sont moindres, on peut risquer des « fausses routes » qui mettent en danger la vie du malade, ou encore de « noyer » le patient par trop d’eau ; il convient alors de recourir à une voie artificielle.
Il peut être justifié, dans certains cas, de diminuer fortement l’hydratation et l’alimentation, et même de suspendre l’alimentation : en cas de non-assimilation des nutriments par l’organisme, souffrance disproportionnée entraînée par l’apport de ceux-ci, risques d’infections mettant en danger la vie du malade. Une distinction doit être faite entre une personne en fin de vie et une personne très diminuée avec une espérance de vie indéterminée : elle est encore vivante, malgré un état parfois végétatif, et donc mérite ces soins, tant que sa situation est stable.
N’est-ce pas le cas d’Eluana Englaro en Italie sur lequel Benoît XVI s’est prononcé ?
Cette femme a vécu dix-sept ans dans un état végétatif après un accident et on a cessé de l’alimenter à la demande de son père. Sa mort a provoqué un débat très houleux en Italie, le gouvernement d’alors, l’Église et de nombreuses associations s’étant opposés à cette décision.
C’est la question de l’euthanasie qui est posée là et cette déclaration de mars 2007 précise en conclusion : « Une telle limitation ou abstention de ces soins ne doit jamais devenir un moyen d’abréger la vie ». Quand l’état se dégrade, il faut alors aviser. Mais tant que la situation est stable, tout doit être fait pour le confort du patient, son bien-être, de l’alimentation à la kinésithérapie.
L’Église soulève parfois des objections contre le soulagement de la douleur par l’usage d’analgésiques ou par la sédation. Pourquoi ?
L’Église se situe dans une vision intégrale de l’homme, non seulement terrestre mais éternelle. Les derniers temps de l’existence sont un temps de préparation du passage de la mort à la vie. Il est important que chacun puisse vivre consciemment cette Pâque, uni à son Seigneur.
La déclaration des évêques de France en 1991, sur la fin de vie, est tout à fait explicite. Ils soulignent que les derniers moments peuvent être l’occasion d’échanges importants pour le mourant et son entourage ; certains veulent pouvoir prier encore et recevoir un sacrement. Les évêques concluent : « Il ne faut donc pas, sans raisons graves, priver le mourant de sa lucidité et de sa conscience ».
C’est une difficulté aujourd’hui : j’ai des échos de certains médecins qui estiment trop fréquent le recours à la sédation. Ceci étant, quand on est écrasé par les souffrances physiques et morales, reconnues par l’équipe médicale, il est tout à fait légitime d’induire plus ou moins longtemps un sommeil artificiel, y compris, comme l’affirmaient Pie XII et Jean-Paul II, si cet usage risque d’abréger la vie de quelques heures ou de quelques jours.
Mais aujourd’hui, le choix d’utiliser des sédatifs est un peu systématique, notamment à partir du moment où le malade entre en agonie. Il manque une vraie réflexion sur cette dernière étape. Comment l’accompagner ? Ces souffrances ne sont-elles pas inhérentes à l’agonie qui est un combat ? Le sommeil artificiel est-il alors la vraie réponse à ces souffrances ?
Les soignants, vraiment formés au traitement de la douleur, maîtrisent les doses et parviennent à l’atténuer, sans que la personne perde nécessairement sa conscience. Cet usage très ciblé des analgésiques permet au malade de vivre ce qu’il a à vivre, même si la mort est toujours un moment de lutte intérieure. Un des drames de l’euthanasie serait de ralentir ces progrès.
Euthanasie : les salutaires rappels du cardinal Eijk
par fsspx.news, 01/10/2020
La situation aux Pays-Bas relativement à la fin de vie devient de plus en plus préoccupante, faisant craindre, d’ici 2022, un élargissement des conditions d’accès à l’euthanasie. C’est l’inquiétant constat dressé par le cardinal Willem Eijk, archevêque d’Utrecht.
C’est la mine grave que le cardinal-titulaire de la basilique romaine Saint-Callixte accorde un entretien à Catholic News Agency, le 24 septembre 2020.
Le prélat cherche à sensibiliser l’opinion sur la dérive euthanasique à l’œuvre dans son pays : tous les indicateurs tendent à montrer que le prochain gouvernement issu des législatives de mars 2021, adoptera un projet de loi autorisant le suicide assisté pour les personnes qui « estiment tout simplement que leur existence est parvenue à son terme ».
Cet avertissement du haut prélat néerlandais coïncide avec la publication d’un document par le Saint-Siège – Samaritanus Bonus, le 22 septembre dernier – qui réaffirme que l’euthanasie demeure « un acte intrinsèquement mauvais, dans quelque situation ou circonstance que ce soit ».
Pour l’archevêque d’Utrecht, le constat est tragique : « Au cours des cinquante dernières années, cette valeur essentielle qu’est le respect de toute vie humaine s’est toujours davantage érodée », explique-t-il. Une fuite en avant qui n’a rien d’étonnant : « C’était inéluctable ; car, une fois qu’on accepte le suicide afin de pallier une souffrance jugée intolérable, on est tenté de l’autoriser aussi dans le cas d’une souffrance qui l’est de moins en moins ».
Des dérives consternantes
Mgr Eijk rapporte un cas emblématique pour illustrer son propos. Cette année, la Cour suprême a examiné le cas d’un médecin poursuivi pour euthanasie abusive et acquitté en 2019. Il s’agissait d’une pensionnaire d’un Ehpad ayant formulé par écrit – à l’invitation de l’établissement – une demande d’euthanasie assez floue, « à exécuter au moment où elle se sentirait prête ».
Quatre ans plus tard, atteinte d’une démence, la patiente n’était plus en mesure de manifester sa volonté. Malgré cela, le médecin a décidé de l’euthanasier, avec l’accord de la famille. Mgr Eijk précise que la patiente a commencé à retirer son bras au moment où le médecin a voulu agir : « Et alors que le cocktail lytique était en phase d’injection, elle se réveille, se débat, mais les membres de sa famille l’enserrent afin de lui interdire tout mouvement. » Jusqu’à la mort…
La Cour suprême a statué le 22 avril 2020, que l’acquittement de première instance était valable, au motif que le fait de retirer son bras consisterait davantage en une action réflexe, qu’en un acte positif de refus volontaire. Ce qui revient à juger de l’état de la patiente et du degré de sa démence.
L’archevêque d’Utrecht évoque encore la prévision d’un expert néerlandais affirmant que les cas de suicide assisté pourraient doubler au cours des huit prochaines années. « Si sa projection se révèle exacte – explique le cardinal – le nombre annuel de cas d’euthanasie dépassera 12 500, soit plus de 8% du nombre annuel de tous les décès à l’horizon 2028. »
L’Eglise ne peut soutenir l’euthanasie d’aucune manière
Mgr Eijk rappelle enfin qu’un clerc ne saurait demeurer auprès d’un malade subissant une euthanasie. Un tel malade devrait se voir refuser les funérailles publiques, car « le défunt a violé cette valeur essentielle qu’est la conservation de sa propre vie, ce qui est un péché grave et irréversible, commis juste avant sa rencontre éternelle avec son Créateur ».
« La bonne pastorale face à une personne qui veut se suicider ainsi, exige que le prêtre lui dise clairement que la valeur intrinsèque de la vie humaine est violée par l’euthanasie », résume le cardinal.
Le débat sur l’euthanasie présente enfin aux catholiques un autre défi de taille : convaincre la société civile que la souffrance peut avoir un sens lorsqu'elle est vécue à la lumière de la foi dans le Christ : « Jésus se charge lui-même de la croix de celui qui décide de participer à Sa souffrance. »
« Le malade peut alors offrir sa souffrance pour ses proches, ses amis, ou toute autre personne, afin que Dieu leur donne la grâce dont tous ont besoin afin de porter leur croix, ou de se convertir au Christ, pour parvenir à la vie éternelle », conclut le cardinal.
L’EUTHANASIE OU L’ÉLIMINATION LÉGALE DES PLUS VULNÉRABLES
par Monseigneur François Jacolin, évêque de Luçon, 15/04/2021
Une nouvelle offensive de ceux qui prônent une légalisation de l’euthanasie a eu lieu au Parlement français. On y retrouve le même processus que dans les autres « questions sociétales ».
Des militants mettent en avant des revendications particulières au nom des libertés individuelles pour que le pouvoir législatif produise une loi qui, non seulement légalise l’euthanasie, mais exige aussi que la société mette en œuvre des moyens financiers et médicaux pour des « suicides assistés ». Tout cela soutenu par une active campagne médiatique qui laisse entendre qu’en s’opposant à la légalisation de l’euthanasie on manquerait de compassion envers ceux qui réclament ce « dernier acte de dignité ».
La loi n’a pas pu être votée dans son ensemble faute de temps, mais l 'article 1er, qui prévoit la création d'une « assistance médicalisée active à mourir »,a été soutenu par les trois-quarts des députés présents.
Ce genre d’obligation « d’assistance »imposée à l’ensemble de la société est le produit d’un sophisme cherchant à contraindre toute la société, et chaque citoyen, à contribuer à la réalisation d’un désir individuel qui n’entre pas dans la catégorie morale de « l’obligation d’assistance à personne en danger ».
Beaucoup plus grave. Si une loi est promulguée dans le sens d’une euthanasie, s’instaure sournoisement dans les mentalités –comme on le constate dans les pays qui l’ont fait –l’idée qu’il est préférable que ceux qui souffrent (les personnes atteintes d’une maladie incurable, les personnes âgées en fin de vie, mais aussi les personnes handicapées, etc.) soient supprimées. Certes, nous avons à mettre tout ce qui est moralement possible pour soulager la souffrance des autres, mais faut-il aller jusqu’à l’euthanasie qui, pour supprimer la souffrance, supprime la vie ?
Il y a la souffrance physique, mais la souffrance morale est souvent pire. Ayons bien conscience que le message qui serait donné par la légalisation de l’euthanasie –sous prétexte de répondre au désir de ceux qui ont décidé de se supprimer –est que toute personne en fin de vie, ou seulement qui est à charge à cause d’une maladie incurable ou d’un handicap, est de trop dans la société et même dans sa famille : quelle violence morale terrifiante ! D’une façon apparemment consensuelle et douce, nous risquons d’arriver aux mêmes abominations que les pires idéologies du XXème siècle.
Quelle pression morale est alors exercée sur la personne gravement malade, inerte, souffrante et qui désire vivre ! Devra-t-elle s’en excuser auprès de ses enfants, de son entourage, de la société ? Est-ce que continuer à vivre deviendra une grâce à quémander ?
A l’inverse, comment ignorer la tristesse d’enfants dont le père ou la mère aura programmé sa « mort assistée »,avec l’approbation et le concours de la société ?
Je demande à tous les chrétiens de se laisser interroger par leur conscience, dans la prière et à la lumière de l’Evangile, pour déceler les mensonges d’une culture de mort qui se cache derrière des arguments compassionnels faussés et qui nous entraine dans la logique d’une barbarie meurtrière.
Pour conclure, je veux vous rappeler ces paroles trop peu méditées –elles sont pourtant paroles du Christ lui-même, et donc paroles de vérité et de vie pour nous aujourd’hui :
Vous, vous êtes du diable, c’est lui votre père, et vous cherchez à réaliser les convoitises de votre père. Depuis le commencement, il a été un meurtrier. Il ne s’est pas tenu dans la vérité, parce qu’il n’y a pas en lui de vérité. Quand il dit le mensonge, il le tire de lui-même, parce qu’il est menteur et père du mensonge. (Jn 8, 44)
par Monseigneur François Jacolin, évêque de Luçon, 09-2019
A l'occasion de la révision des lois de bioéthique, Mgr Jacolin apporte un éclairage sur les enjeux de cette révision et sur l'attitude attendue des catholiques.
A propos du projet de la révision des lois de bioéthique
Pour une écologie fraternelle
Où allons-nous ?
Avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté, l’Eglise cherche à découvrir ce qui est bon pour l’homme. Lorsqu’elle est amenée à mettre en garde contre certains dangers, c’est dans le but positif de toujours vouloir le meilleur pour l’humanité.
La société a toujours évolué : c’est normal. Mais aujourd’hui, elle le fait dans une fuite en avant accélérée qui ne laisse pas d’espace au discernement de la raison. Ainsi, les désirs particuliers tendent à devenir le seul critère retenu, au détriment du bien commun dont les indicateurs les plus sûrs sont la recherche d’une harmonie avec l’ensemble de l’univers, le souci des générations à venir et le respect prioritaire accordé aux plus faibles.
Or, les actes personnels n’engagent pas que soi-même, mais, de proche en proche, impactent l’ensemble des relations sociales pour le présent et pour l’avenir. Par exemple, la crise écologique devrait nous rappeler que chaque chose dans la nature est en interconnexion et que toute action, individuelle ou collective, impacte l’avenir de l’humanité.
Aujourd’hui l’homme, dans un désir chimérique de tout maîtriser, cherche à manipuler non seulement la nature, mais aussi sa propre reproduction, sans trop se poser de questions sur les conséquences pour lui-même et pour les autres. Nous ne pouvons que le constater une fois de plus à propos du nouveau projet de loi sur la bioéthique qui se discute en ce moment au Parlement.
La Procréation Médicalement Assistée (PMA)
Le principal sujet débattu concerne l’extension de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes seules.
Cette extension détourne la médecine de sa finalité propre. Il ne s’agit plus de soigner une maladie ou un handicap, mais de réaliser techniquement des prestations de services pour combler à tout prix des demandes individuelles qui n’ont plus rien à voir avec l’acte thérapeutique.
Surtout, par cette mesure, on brouille les notions de paternité ou de maternité qui sont au fondement de la construction personnelle des enfants et de leur intégration dans la société. Cela concerne en premier lieu les liens de l’enfant avec la mère qui l’a porté dans son sein et noué intimement des liens irréductibles avec lui : cette mère ne peut être qu’unique. Cela concerne aussi le père dont le rôle, pour le bien de l’enfant, ne peut se réduire à être fournisseur de matériel génétique. Or les arrangements juridiques qu’on nous prépare tendent à saper les relations biologiques fondamentales de l’enfant avec sa mère et avec son père qui sont à la source du « vivre ensemble » de toute la société.
L’homme est un être culturel. C’est ce qui le distingue de l’animal et lui donne cette dignité propre d’être appelé à se construire dans une liberté responsable en relation avec les autres. Mais il tombe dans une décadence mortelle chaque fois qu’il utilise cette liberté en prétendant s’affranchir de ses racines corporelles et de la solidarité sociale.
On voit combien l’expression « procréation médicalement assistée » devient trompeuse. Ce n’est plus un acte médical dans le sens vrai du terme. Et la belle expression de « procréation » – à savoir la création ensemble, père et mère, d’un petit d’homme – est vidée de son sens.
La recherche sur l’embryon humain et la tentation de l’eugénisme
En 1994 la loi avait entrouvert la porte, sous forme de dérogations, à une utilisation pour la recherche médicale de cellules souches issues d’embryons. Dans le projet de loi actuel, sous la pression d’officines en recherche médicale, la porte est maintenant grande ouverte : il n’y a plus de limite à la reproduction de cellules embryonnaires, toujours issues d’embryons sacrifiés. On veut aussi aller jusqu’à autoriser la création d'embryons transgéniques ou l’introduction de cellules humaines dans des embryons d’animaux.
Ainsi on reconnaît de moins en moins à l’embryon une dignité propre à la personne : il entre dans la catégorie des objets manipulables et soumis aux lois du progrès technique et du marché : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
Le devoir de débattre et d’alerter
Il y aurait encore d’autres aspects du projet de loi à commenter. Mais ce qui précède est suffisamment grave pour que chacun, en tant que citoyen soucieux du bien commun, exprime publiquement ses convictions en les argumentant et que des actions collectives soient envisagées, avec force mais sans violence.
Il n’est pas dans la vocation de l’Eglise d’organiser habituellement des manifestations publiques, mais il existe des associations ou des collectifs, d’inspiration chrétienne ou non, pour défendre une saine conception de la personne et de la famille. C’est le cas pour la manifestation nationale du 6 octobre prochain.
L’espérance dans l’amour fraternel
Le désir d’enfant – qui n’équivaut pas à un droit à l’enfant – est un beau désir, un désir naturel qui est une expression du besoin d’aimer et d’être aimé, du besoin de se donner pour quelque chose de grand qui va plus loin que soi, dans un don désintéressé de soi-même. Ce désir, en particulier pour les femmes, de concevoir et d’enfanter est toujours à respecter dans son principe. Mais le bien supérieur de l’enfant n’autorise pas qu’il soit satisfait à n’importe quelle condition.
Accueillons comme des frères et des sœurs tous ceux et toutes celles qui ont ce désir dans le cœur et qui souffrent de ne pouvoir le réaliser. Notre sollicitude et notre amitié apaiseront plus « humainement » la tristesse du manque d’enfant que les « bricolages » souvent douloureux que pourrait nous offrir la technique, même avec la caution de lois de circonstance : seule la fraternité effective ouvre le chemin de l’espérance pour l’humanité !
À Luçon, le jour de la fête de saint Henri Dorie, 20 septembre 2019
Le cardinal Parolin "très désolé de la perte de foi dans notre Europe, dans notre culture, dans nos pays..."
par Belgicatho, 07/04/2021, extraits
Cardinal Parolin : Je suis triste de voir la perte de la foi et de la raison en Europe
Le cardinal Parolin a déclaré que la réponse de l'Église aux changements sociétaux devait être "d'offrir un témoignage cohérent et convaincu de la vie chrétienne."
CITÉ DU VATICAN - Le secrétaire d'État du Vatican a déclaré dans une interview cette semaine que les lois sur l'euthanasie et l'avortement en Europe représentent non seulement une perte de foi mais aussi une perte de raison.
"Je suis très désolé de la perte de foi dans notre Europe, dans notre culture, dans nos pays, et de ces changements anthropologiques qui se produisent, perdant l'identité de la personne humaine. Avant d'être une perte de foi, je dirais que c'est une perte de raison", a déclaré le cardinal Pietro Parolin dans une interview au réseau espagnol COPE publiée le 5 avril.
"Pourquoi ? Le pape l'a dit à plusieurs reprises. Cela m'a beaucoup marqué. Il dit par exemple : la question de l'avortement n'est pas une question religieuse. Ca l'est certainement aussi pour nous, chrétiens, depuis le début, depuis les premiers documents de l'Église, où il y a un rejet total de l'avortement, mais c'est un argument de raison. Il est probable qu'aujourd'hui, comme le disait Benoît XVI, le problème fondamental est la raison, pas la foi".
Le cardinal Parolin a déclaré que la réponse de l'Église à ces changements sociétaux devrait être "d'offrir un témoignage cohérent et convaincu de la vie chrétienne."
"Il me semble que la situation que nous vivons peut être comparée aux premiers siècles de l'Église, lorsque les Apôtres et les premiers disciples sont arrivés dans une société qui n'avait pas de valeurs chrétiennes, mais qui, par leur témoignage des premières communautés, ont réussi à changer la mentalité et à introduire les valeurs de l'Évangile dans la société de l'époque. Je pense que c'est ce que nous devons faire encore aujourd'hui", a-t-il commenté.
Au cours de l'entretien de 24 minutes en espagnol, le cardinal a décrit le pape François comme "un homme simple et sans protocole" qui prend grand soin d'être proche des gens.
"Son désir est de rendre l'Église plus crédible dans la proclamation de l'Évangile", a déclaré le cardinal.
Le cardinal Parolin, 66 ans, a occupé le poste de secrétaire d'État du Vatican au cours des huit dernières années. Il a déclaré qu'il considérait la diplomatie ecclésiastique comme une façon de vivre son sacerdoce.
"Nous sommes au service de la communion et aussi de la défense de la liberté de l'Église et de la liberté religieuse. C'est ma façon de voir la diplomatie", a-t-il déclaré. (...)
Journée mondiale des grands-parents et des personnes âgées
par P. Alexandre Awi Mello, 11/02/2021
La Journée mondiale instituée récemment par le pape dédiée aux grands-parents et aux personnes âgées
Ressource précieuse du peuple de Dieu
L’institution de la Journée mondiale des grands-parents et des personnes âgées, dont la célébration aura lieu au cœur de l’Année de la Famille Amoris laetitia, est un acte cohérent avec le magistère précédent du pape François et avec son ecclésiologie populaire et synodale. C’est ce que montre le choix de l’annoncer à proximité de la fête de la Présentation de Jésus au Temple, quand Siméon et Anne, éclairés par l’Esprit-Saint, reconnaissant et accueillent en Jésus le Messie. Les deux vieillards font partie de ces anawim qui peuplent les premiers chapitres de l’Évangile de Luc et forment le « peuple humble et pauvre » qui, selon le prophète Sophonie, « prendra pour abri le nom du Seigneur » (So 3, 12). Comme les bergers qui se serrent autour de la grotte de Bethléem, les personnes des périphéries dans la société de l’époque, mais centrales dans le dessein de Dieu au point que c’est justement à elles qu’il se manifeste.
Après l’Angelus du dimanche 31 janvier, soulignant que les grands-parents et les personnes âgées gardent « les racines des peuples », le Saint-Père a donné une clé pour comprendre plus profondément cette nouvelle initiative de son pontificat. En tant que porteurs et transmetteurs de la sagesse, de la culture et de l’expérience religieuse du peuple, les personnes âgées nous aident à vivre « l’intense expérience d’être un peuple, l’expérience d’appartenir à un peuple » (Evangelii gaudium, 270). En effet, dans une interview accordée à Antonio Spadaro, accompagnant le livre Nei tuoi occhi è la mia parola (2016), le pape François explique que « l’histoire est construite par ce processus de générations qui se succèdent au sein d’un peuple », un processus qui se fait « avec un engagement en vue d’un objectif ou d’un projet commun ». A partir de cette catégorie historique et mythique de « peuple », caractéristique de la teología del pueblo (la théologie du peuple, ndr), on comprend mieux le rôle des personnes âgées dans la société comme à l’intérieur du saint peuple fidèle de Dieu.
Dans la continuité d’Evangelii nuntiandi et des assemblées de l’épiscopat latino-américain, François approfondit l’ecclésiologie conciliaire du peuple de Dieu et contribue à le décrire à partir des visages et des expériences des hommes et des femmes. Les grands-parents et les personnes âgées (des mots en grande partie identiques dans le lexique de François) en font pleinement partie et sont souvent ceux qui transmettent la « piété populaire », expression d’ « un sens aigu des attributs profonds de Dieu » (EN, 48) et « manifestation d’une vie théologale animée par l’action de l’Esprit-Saint » (EG 125). Le pape croit en la force activement évangélisatrice de la piété populaire mais il la considère comme un patrimoine auquel on puise trop peu. C’est pourquoi il insiste sur la valeur de la prière des personnes âgées et sur leur tâche dans la transmission de la foi. Il identifie donc leur mission spécifique au sein des communautés ecclésiales et, d’une certaine façon, il distingue pour elles un espace défini.
Reconnaître la valeur ecclésiale de la foi vécue par les gens simples est l’un des traits de ce pontificat destinés à modeler l’avenir de l’Église. La Journée mondiale des pauvres et celle des grands-parents et des personnes âgées sont profondément en harmonie, car elles manifestent que les pauvres et les personnes âgées ne sont pas des « clients » de l’Église, mais une partie importante du laïcat catholique. C’est comme si le Saint-Père nous aidait à regarder des champs déjà dorés dont nous ne nous étions pas aperçus : un peuple nombreux qui accompagne la vie de nos communautés en les soutenant et que nous avons jusqu’à maintenant trop souvent ignoré. En regardant le peuple de Dieu, enrichi par la présence des pauvres et des personnes âgées, on le découvre plus vaste et composite et on s’ouvre à une vision moins pessimiste ou lointaine de la vie de l’Église. Dans cette perspective, on comprend mieux l’irritation du pape François lorsqu’il fait allusion à ce qui s’est produit pendant ces mois de pandémie, en particulier dans les résidences pour personnes âgées : « Elles ne devaient pas mourir ainsi ! », comme si elles ne faisaient pas partie du saint peuple fidèle de Dieu.
En ajoutant aux deux journées déjà mentionnées celle de la Parole de Dieu, on comprend que l’ecclésiologie du peuple de Dieu et la redécouverte de la Bible sont liées dans un projet qui plonge ses racines dans Vatican II.
Il est significatif, en outre, que le pape François parle des grands-mères dans la lettre qu’il a adressée au cardinal Ouellet à propos de la mission des laïcs (19 mars 2016). Cette mention confirme l’intuition selon laquelle les personnes âgées, même si elles sont privées de formation spécifique, mais enracinées dans l’Évangile, sont une portion importante du laïcat catholique. Véritables « protagonistes de l’histoire », nos ancêtres nous offrent des racines, nous empêchent de nous déraciner, surtout, mais pas uniquement, dans le cadre familial : « Ils ont été la mémoire vive de Jésus-Christ à l’intérieur de nos maisons. C’est dans le silence de la vie familiale que la majeure partie d’entre nous ont appris à prier, à aimer, à vivre leur foi ». Dans le texte, le pape parle de la nécessité de garder deux mémoires, celle de la foi et celle des ancêtres. Ces paroles reviennent souvent quand le pontife parle des personnes âgées et doivent se comprendre dans le même contexte. Le 27 janvier, à l’occasion de la Journée de la Mémoire, François a lancé un appel, disant que « se souvenir est l’expression d’une humanité. Se souvenir est un signe de civilisation. Se souvenir est la condition d’un avenir meilleur de paix et de fraternité » (audience générale).
La mémoire et les rêves sont le contenu du dialogue entre les générations, dont parle souvent le Saint-Père et les paroles qui viennent d’être citées sont une des déclinaisons possibles de ce souhait. Garder les racines des peuples est un chemin nécessaire pour comprendre quels ont été les rêves (de paix, de réconciliation, de liberté et de démocratie, de respect des droits de l’homme…) qui ont animé la génération de ceux qui ont vécu les tragiques années de la seconde guerre mondiale et qui ont été témoins de la Shoah ; et également pour essayer de les décliner au futur, imaginant une palingénésie analogue après la pandémie. Ainsi, ce seront les rêves des personnes âgées que les nouvelles générations poursuivront comme prophétie.
Les personnes âgées sont nos compagnons dans la foi et les gardiens de l’avenir. L’institution de la Journée qui leur est dédiée, qui devra être célébrée de manière extraordinaire une fois par an, invite à reconnaître la place privilégiée qui leur revient au sein du peuple, de nos familles et de la vie ordinaire de nos communautés, et à nourrir des sentiments d’estime et de gratitude à leur égard.
Ce n’est pas un problème de charité ou de justice (même si celles-ci sont nécessaires) : il s’agit d’honorer son père et sa mère, en cherchant à saisir la valeur de leur présence et de leur action dans l’histoire.
Les soins de base : le devoir d’alimentation et d’hydratation
par Congrégation pour la Doctrine de la Foi, 22/09/2020, extrait de Samaritanus Bonus
Le principe fondamental et incontournable de l’accompagnement du malade dans des conditions critiques et/ou terminales est la continuité de l’assistance à ses fonctions physiologiques essentielles. En particulier, un soin de base dû à chaque homme est d’administrer les aliments et les fluides nécessaires au maintien de l’homéostasie du corps, dans la mesure où et tant que cette administration s’avère atteindre son propre but, qui est de procurer au patient l’hydratation et la nutrition.
Lorsque l’apport de nutriments et de liquides physiologiques ne présente aucun avantage pour le patient parce que son corps n’est plus capable de les absorber ou de les métaboliser, leur administration doit être suspendue. Ainsi, la mort n’est pas illicitement anticipée en raison de la privation de l’hydratation et du soutien nutritionnel essentiels aux fonctions vitales, mais l’évolution naturelle de la maladie critique ou terminale est respectée. Sinon, la privation de ces soutiens devient une action injuste et peut être une source de grande souffrance pour ceux qui la subissent. L’alimentation et l’hydratation ne constituent pas une thérapie médicale au sens propre, car elles ne s’opposent pas aux causes d’un processus pathologique se déroulant dans le corps du patient, mais représentent un soin dû à la personne du patient, une attention clinique et humaine primordiale et incontournable. Le caractère obligatoire de ce soin du malade par une hydratation et une nutrition appropriées peut, dans certains cas, nécessiter l’utilisation d’une voie d’administration artificielle, à condition que celle-ci ne soit pas préjudiciable au malade ou ne lui cause pas de souffrances inacceptables.
Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris, jette un regard apaisé et apaisant sur la mort. La pandémie que nous venons de vivre a mis en lumière une peur panique de la mort comme si on avait finalement oublié son existence. Depuis déjà des décennies, la mort est occultée, cachée, comme si la toute puissance humaine pouvait la faire disparaître et la vaincre.
L’auteur nous propose de la regarder comme le prolongement de la vie, la vie véritable, celle qui est au-delà de la mort. Son expérience de médecin et de prêtre lui donnent de connaître les détresses et les aspirations de l’âme humaine.
Toute notre vie est une préparation à ce qui est un passage plutôt qu’une impasse. Cette réflexion est un message d’espérance universel.
Michel Aupetit, né en 1951, évêque catholique, est médecin de formation. Il est archevêque de Paris depuis 2017.
Introduction
Il peut sembler macabre d’aborder un tel sujet. On attend d’un prêtre qu’il parle plutôt de la vie. Mais les événements que nous venons de vivre avec cette pandémie mondiale nous ont fait prendre conscience d’une réalité que nous avions occultée : la mort. La terreur qui s’est répandue chez nos concitoyens et plus largement sur une grande partie d’une humanité qui se pensait invincible grâce à son génie technique et à son apparente maîtrise de la matière, nous oblige à considérer la mort comme une réalité existentielle. Elle refait surface cette mort que nous avions refoulée et elle se révèle terrible et impitoyable. La réponse que nous avons eue a été de nous protéger de la mort par tous les moyens. En réalité, nous nous sommes protégés de la vie. La vie est un risque, mais un risque magnifique. Le fameux principe de précaution désormais inscrit dans la constitution revient, au fond, à refuser de vivre vraiment pour ne pas risquer de mourir. Après cette expérience unique, nous devons nous poser la question : la mort n’est-elle pas le révélateur de la vie ?
Méditer sur la mort n’est pas un réflexe morbide engendré par la peur. C’est au contraire une façon réaliste de s’emparer de la vie, de sa propre vie et de l’habiter en profondeur. C’est l’intuition des moines d’Orient et des chartreux qui édifient leur propre tombe et viennent souvent se recueillir devant alors qu’ils sont encore jeunes et en bonne santé. C’est une façon pour eux de saisir déjà un au-delà, pour vivre dès ici-bas en ressuscité.
Telle est aussi l’intuition d’un sage comme Michel de Montaigne qui dans ses Essais osait affirmer : « Philosopher, c’est apprendre à mourir. » Cette étrange affirmation signifie que l’acceptation de la mort est une condition essentielle de la présence à sa propre vie. Il écrivait en outre : « Nous troublons la vie par le souci de la mort » qui va nous faire comprendre que l’obsession permanente de la mort, même enfouie, empêche de vivre pleinement. Il cite l’exemple de ces paysans qui ne dissertent pas sur la mort, mais savent s’y préparer paisiblement quand elle arrive.
Ceci permet de comprendre ce qui s’est passé pendant la pandémie durant laquelle les personnes mourantes ne pouvaient pas être accompagnées par l’affection de leurs proches sous prétexte de contraintes sanitaires. Et pour ceux qui avaient besoin d’un accompagnement spirituel, il fut interdit aux prêtres et aux aumôniers de leur donner les secours de la prière, des sacrements et de la juste préparation à ce passage qui n’est pas qu’un gouffre ouvrant sur le néant.
En réfléchissant sur l’exercice médical qui fut le mien, je m’aperçois que notre langage était impropre. Nous parlions de « sauver les vies ». En réalité, nous sauvions de la mort. Nous permettions à une vie de continuer sa course en sachant toutefois que le dernier combat contre la mort serait perdu. Quand je considère ma vie de prêtre aujourd’hui, je vois bien que je ne lutte pas contre la mort, mais que je mets en relation la vie avec la Vie.
C’est pourquoi, cette méditation sur la mort n’a pas d’autre but que d’apprendre à vivre, à vivre vraiment, à recevoir la « vie en abondance ».
Uruguay : pour les évêques, l'euthanasie est «éthiquement inacceptable»
par Vatican News, 29/06/2020, extraits
L’épiscopat uruguayen s’élève contre un projet de loi sur l’euthanasie et le suicide assisté en cours d’étude au Parlement. Les évêques veulent ainsi contribuer au débat public sur cette question de première importance.
«Il est éthiquement inacceptable de causer la mort d'une personne malade, même pour éviter la douleur et la souffrance, et même si elle le demande expressément »: c'est ce qu’affirme la conférence épiscopale d'Uruguay (CEU), dans une déclaration publiée à l'issue de son assemblée plénière et présentée aux journalistes par le secrétaire général de la CEU, Mgr Milton Tróccoli ainsi que l’évêque auxiliaire de Montevideo, Mgr Pablo Jourdan, également diplômé en médecine.
Un changement de la valeur absolue de la vie
«Ni le patient, ni le personnel médical, ni les membres de la famille n'ont le pouvoir de décider ou de causer la mort d'une personne- peut-on lire dans cette déclaration- un tel acte constitue une sorte de meurtre commis dans un contexte clinique». Dans le même temps, la CEU précise que l’acharnement thérapeutique, «qui consiste à vouloir à tout prix prolonger la vie du patient, sachant qu'on ne lui offre aucun bénéfice», ne s’avère guère plus éthique. «L'application de procédures diagnostiques et thérapeutiques disproportionnées ne sert qu'à prolonger inutilement l'agonie», affirment les évêques qui appellent de leurs vœux «un Uruguay qui accueille, protège, promeut et accompagne chaque personne tout au long de sa vie, y compris dans la phase finale, grâce à l'aide fondamentale de la famille, à la médecine palliative et à une véritable expérience religieuse».
Pour cette raison, la société doit «soutenir les lois qui empêchent et découragent tout type d'euthanasie et de suicide assisté», car de tels projets législatifs impliquent «un changement de la valeur absolue de la vie et de son caractère de droit humain fondamental auquel on ne peut renoncer sans aller contre la Constitution et les droits de l'homme eux-mêmes». «La vie de chaque personne est belle, unique, irremplaçable et irremplaçable», même lorsqu'elle est «limitée ou accompagnée de souffrance et de mort», assurent les prélats qui soutiennent les soins palliatifs, dans l’espoir que tous y aient accès. ...
L'assistance aux personnes mourantes
En outre, la CEU souligne que l'utilisation de termes génériques de “souffrance insupportable” ou de concepts vagues tels que “vie indigne d'être vécue” ou “mort digne” pour légaliser l'euthanasie et le suicide assisté «est trompeuse et ouvre la voie à une succession de violations de la dignité de la personne humaine». «Aucun de ces termes n'a, en fait, une interprétation claire et univoque - explique la déclaration - et l'expérience d'autres pays montre qu'ils finissent par donner lieu à divers abus». Les évêques d'Uruguay rappellent également l'importance de l'assistance religieuse aux personnes gravement malades et mourantes : «L'Église, au service de l'humanité, veut offrir la lumière de la vie éternelle qui émane du Christ mort et ressuscité, capable de remplir les situations les plus complexes et souvent douloureuses de l'existence humaine avec amour, miséricorde et espérance. Cela permet à la personne malade de se confier à Dieu le Père dans la paix et la dignité».
Enfin, la CEU invoque le Seigneur pour «éclairer les représentants du peuple, afin qu'ils puissent légiférer à la lumière de la dignité de la personne et des droits de l'homme». Les prélats prient Dieu de «guider et renforcer le personnel de santé, les communautés chrétiennes et les familles, afin qu'ils prennent soin des personnes mourantes et respectent leur valeur».
L’homélie poignante de Monseigneur Aupetit aux obsèques de la veuve du professeur Lejeune
par valeursactuelles.com, 13/05/2020
Mardi 12 mai, lors des obsèques de Mme Birthe Lejeune à St Germain l’Auxerrois (Paris 1er), Mgr Michel Aupetit a prononcé une homélie bouleversante pour rendre hommage à cette infatigable militante.
« Moi, je suis la Résurrection et la Vie » (Jn 11,25). Cette phrase de notre Seigneur devrait être inscrite sur le frontispice de toutes les églises en attendant qu’elles le soient dans le cœur de tous les hommes. Marthe dit à Jésus : « Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ». Elle croit que Jésus peut empêcher la mort, qu’il peut sauver des vies, un peu comme le font les médecins. Pourtant, il s’agit de bien plus que cela car les médecins savent tous que leur combat contre la mort sera perdu un jour. Non, Jésus va ressusciter Lazare, le faire revenir d’au-delà de la mort. Il est la Vie. Toute vie vient de lui et retourne à lui.
Et pourquoi ce parcours de la vie à la Vie ? Pour apprendre à aimer, à aimer comme Dieu, à aimer pour apprendre à habiter la vie, pour que Dieu qui est amour vienne vivre en nous : « Si quelqu’un m’aime le Père et moi nous viendrons chez lui et chez lui nous ferons notre demeure » (Jn 14,23).
Aimer, c’est passer de la mort à la vie. Aimer, c’est donner sa vie.
Birthe et Jérôme Lejeune ont voulu aimer pour vivre, ont voulu vivre pour aimer. Alors, pourquoi ont-ils connu tant d’opposition violentes ?
Qui est contre la vie ? Qui est contre l’amour ? Satan, qui défigure l’amour dans les cœurs. C’est pourquoi ils ont été attaqués par des gens qui se réfugiaient derrière de fausses compassions afin de masquer leur lâcheté et leur veulerie.
Satan déteste la vie. Toute la culture de mort, de l’avortement à l’euthanasie en passant par la destruction d’embryons surnuméraires et la réduction embryonnaire, est son œuvre dans des cœurs aveuglés par un monde qui ne sait plus voir la beauté de toute vie.
Dieu pourtant nous avait donné accès à l’arbre de vie dès le commencement, quand nous vivions dans son intimité. Il insiste ensuite en renouvelant l’alliance avec Moïse : « Voilà, je mets devant toi la vie et la mort. Choisis donc la vie ! » (Dt 30,19).
Qu’il est dur d’être désavoué par ses amis, par ceux qui devraient vous soutenir. A l’intérieur même de l’Église, certains aveuglés par une idéologie mortifère ou par la peur du monde ont combattu avec une incroyable violence ceux qui était porteurs de l’amour et de la vie au nom du Seigneur.
Comme le Christ fût trahi, abandonné, le disciple qui le suit fidèlement connaît la douleur de l’abandon et de la trahison. C’est alors qu’en son cœur il peut dire avec le psalmiste : « Si l’insulte me venait d’un ennemi je pourrais l’endurer ; si mon rival s’élevait contre moi, je pourrais me dérober. Mais toi, un homme de mon rang, mon familier, mon intime ! Que notre entente était bonne quand nous allions d’un même pas dans la maison de Dieu ! » (Ps 54, 13-15).
C’est en contemplant l’amour de Jésus qui va jusqu’au bout que Birthe Lejeune a continué ce combat pour la vie dans l’amour en étant fidèle à son époux qui l’avait inauguré courageusement.
Aujourd’hui, elle peut dire après saint Paul : « J’ai combattu le bon combat » (2 Tm 4,7) et entendre le Christ l’accueillir auprès de son époux : « Entre dans la joie de ton Maître » (Mt 25,23).
Euthanasie : l’Organisation des Frères de la Charité ne peut plus se déclarer « catholique »
par Gènéthique, 11 Mai 2020
Le Vatican « a informé l’organisation des Frères de la Charité, qui gère notamment les 15 hôpitaux psychiatriques fondés par la congrégation religieuse du même nom, qu’elle ne peut plus se prévaloir du qualificatif de ″catholique″ ». La cause : en 2017, le conseil d'administration des 15 hôpitaux, « composé de douze laïcs – parmi lesquels l’ancien premier ministre belge Herman Van Rompuy – et seulement trois frères consacrés de la congrégation », « avait approuvé un nouveau règlement permettant aux médecins d'y pratiquer l'euthanasie, considéré comme un "acte médical" ».
Cette décision « validée » par le Pape a été signifiée à l’organisation par un courrier du cardinal Luis Ladaria, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, « daté du 30 mars ». Elle met un point final au dialogue « engagé il y a trois ans ».
L’argument du conseil d’administration reposait sur « la volonté de conformer à la législation belge après qu’une maison de retraite catholique flamande a été contrainte de payer une amende pour avoir refusé l’euthanasie à une patiente de 74 ans atteinte d’un cancer du poumon ». Une position que déplore le frère René Stockman, supérieur général des Frères de la Charité, et jugée inacceptable par la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui rappelle que « l’Église catholique ″affirme la valeur sacrée de la vie humaine″, ″l’importance de soigner et d’accompagner les malades et les handicapés″ et ″l’inacceptabilité morale de l’euthanasie″ ainsi que ″l’impossibilité d’introduire cette pratique dans les hôpitaux catholiques, même dans des cas extrêmes, et de collaborer à cet égard avec les institutions civiles″ ».
La congrégation « devra probablement rompre les liens institutionnels qui l’unissaient encore à l’organisation qui pourrait elle-même avoir à changer de nom ». Et « nous allons sans doute demander aux quelques religieux qui participaient encore à sa gestion de la quitter », a déclaré le frère Stockman.
Comptant « 12 000 employés qui soignent ou éduquent 30 000 personnes en Belgique », l’organisation des Frères de la Charité est « un acteur très important des soins psychiatriques en Belgique, notamment en Flandre où elle gérerait 60 % des 3500 lits de psychiatrie ». « Ces hôpitaux sont l’origine de la congrégation, explique le religieux. Nous avons été les premiers à soigner les malades psychiatriques en Belgique en 1815. » « C'est à nous d'aider les malades en psychiatrie, certainement pas de recourir à l'euthanasie », a-t-il affirmé.
En 2002, la Belgique a dépénalisé l'euthanasie pour les personnes majeures, puis l’a étendue aux mineurs « sans limite d'âge » en 2014.
ONU : Mgr Auza s’élève contre l’euthanasie et le suicide assisté des personnes âgées
par Zenit, 17/04/2019
Mgr Bernardito Auza, observateur permanent du Saint-Siège aux Nations unies, est intervenu à la dixième séance de travail du Groupe de travail à composition non limitée sur le vieillissement, sur le point 5 : Mesures visant à renforcer la promotion et la protection des droits fondamentaux des personnes âgées, à New York, le 15 avril 2019.
Intervention de Mgr Bernardito Auza :
Monsieur le Président,
Le Saint-Siège est heureux de participer à cette dixième session de travail du Groupe de travail à composition non limitée sur le vieillissement et réitère son engagement à renforcer la promotion et la protection des droits fondamentaux et de la dignité des personnes âgées.
Le pape François nous a avertis à plusieurs reprises sur la façon dont nous avons « normalisé l’exclusion de nos personnes âgées » (1). Nous devons faire des progrès significatifs pour mettre fin à cette exclusion en faisant progresser les droits humains des personnes âgées et en reconnaissant leur contribution continue. Le travail que nous effectuerons au cours des prochains jours est d’une importance cruciale pour atteindre cet objectif.
Monsieur le Président,
Les personnes âgées sont touchées de façon disproportionnée par le fardeau de la pauvreté, de la maladie, de l’invalidité, de l’isolement social, de la violence, de l’abandon, des mauvais traitements et du manque d’accès à des ressources de base comme une nourriture et un logement adéquats, des soins de santé de qualité, des communications fiables, une compagnie enrichissante et un soutien efficace en cas de catastrophe ou de violence. Ces fardeaux sont aggravés lorsqu’ils pèsent sur ceux qui ont également connu une grande pauvreté dans leur jeunesse. À cet égard, ma délégation se félicite des deux domaines d’action spécifiques sur lesquels nous travaillons cette semaine :
L’axe d’intervention 1, consacré à « l’éducation, la formation, l’apprentissage tout au long de la vie et le renforcement des capacités », favorise le respect de la sagesse de l’âge et la valeur d’une pleine participation qui ne laisse aucun aîné en arrière. Les personnes âgées sont la « mémoire vivante de notre peuple » (2) et c’est pourquoi elles peuvent aider chacun à découvrir ses racines et à prendre conscience de sa propre dignité.
L’axe d’intervention 2, « Protection sociale et sécurité sociale », est également de la plus haute importance, car les mesures de protection sociale sont essentielles pour garantir que les personnes âgées ne se retrouvent jamais dans des conditions sans un niveau minimal de sécurité et de bien-être. Pourtant, cette protection et cette sécurité leur sont trop souvent refusées alors qu’elles baissent dans l’échelle des priorités politiques, parce qu’elles ne sont plus considérées comme des membres « productifs » et « utiles » de la société, et qu’elles sont même vues comme des fardeaux pour le gouvernement et la société.
L’absence d’une protection sociale et d’une sécurité sociale suffisantes pour garantir que les besoins fondamentaux des personnes âgées sont satisfaits témoigne de ce caractère non indispensable. De façon plus littérale et plus sinistre, on la trouve aussi dans les endroits où l’euthanasie et le suicide assisté tuent les personnes âgées qui sont malades et vulnérables. Le Saint-Siège condamne avec la plus grande fermeté ces pratiques et appelle à la protection des personnes âgées contre de telles attaques.
Monsieur le Président,
Plutôt que d’élaborer une nouvelle convention, ma délégation estime que le moyen le plus efficace de protéger les personnes âgées serait de veiller à ce que les droits qui existent déjà en droit international soient pleinement promus et garantis à toutes les étapes de la vie. La promotion et la protection des droits de l’homme des personnes âgées seront renforcées lorsqu’elles progresseront dans la force de la jeunesse, dans la maturité de l’âge adulte, dans la vulnérabilité de la maladie et dans la faiblesse des derniers moments de la vie.
Cette approche permettra d’éviter la fragmentation accrue du régime des droits de l’homme par la création d’ensembles multiples et spécialisés de droits nouveaux et concurrents. Redoubler nos efforts pour promouvoir les droits de l’homme pour tous contribuera également à promouvoir une solidarité intergénérationnelle qui ne sépare pas les générations les unes des autres, mais les lie les unes aux autres. Comme le dit le Pape François : « Nous ne pouvons jamais laisser les autres derrière nous, nous ne pouvons jamais passer d’une génération à l’autre, mais nous devons nous accompagner les uns les autres quotidiennement… Car si les jeunes sont appelés à ouvrir de nouvelles portes, ce sont les personnes âgées qui détiennent les clés » (3).
Dans les jours à venir, ce Groupe de travail à composition non limitée sur le vieillissement examinera la meilleure façon de concrétiser ses nobles objectifs dans les politiques, programmes et initiatives de la communauté internationale.
Merci, Monsieur le Président.
Pape François, Homélie à l’occasion de la fête de Notre-Dame de Guadalupe, Vatican, 12 décembre 2016. Pape François, Homélie du mercredi des Cendres, Rome, 14 février 2018. Pape François, Homélie à l’occasion de la fête de la Présentation du Seigneur, Vatican, 2 février 2018.
Académie pour la vie : promouvoir la diffusion d’une culture des soins palliatifs
par Marina Droujinina, Zenit, 18/03/2019
L’engagement de l’Académie pontificale pour la vie de promouvoir la diffusion d’une culture des soins palliatifs dans le monde a été au cœur de l’intervention de Mgr Vincenzo Paglia, président de l’Académie, ce 18 mars 2019 à Tirana, en Albanie, à la faculté de médecine de l’université catholique Notre-Dame-du-Bon-Conseil, indique un communiqué de l’Académie.
Intervenant sur le thème «Contre la culture du gaspillage pour une culture de l’amour. Soins palliatifs pour la promotion d’une culture de responsabilité sociale », Mgr Paglia a souligné que l’engagement sur le sujet répondait au mandat du pape François et que « les soins palliatifs (…) valorisent la personne ». Lors de la rencontre, le président de l’Académie a fait la première présentation publique du «Livre blanc» sur les soins palliatifs « qui sera envoyé aux universités et aux hôpitaux catholiques du monde entier pour améliorer leurs connaissances et leur pratique ».
L’Académie pontificale, dotée du projet Pal-Life, a expliqué le président, a déjà « organisé plusieurs manifestations internationales : à Houston, aux États-Unis, à Doha, au Qatar, à Rome et à Milan. En mai prochain, il y aura une réunion au Brésil pour une mise en œuvre en Amérique latine et fin septembre au Rwanda pour aborder la question sur le continent africain ».
Mgr Paglia a souligné « un aspect » important concernant « les soins palliatifs dans le contexte œcuménique et interreligieux. Deux déclarations communes ont déjà été signées entre l’Académie pontificale pour la vie et l’Église méthodiste américaine, ainsi qu’avec la Qatar Foundation. Une nouvelle déclaration interreligieuse est en cours d’élaboration avec les religions juive et islamique ».
Académie pour la vie : « Roboéthique. Les personnes, les machines et la santé »
par Marina Droujinina, 01/03/2019
« Nous ne sommes pas enfermés en nous-mêmes, nous sommes une Église en sortie, en chemin et dans la grande agora du débat contemporain ». C’est ce qu’a déclaré Mgr Vincenzo Paglia, président de l’Académie pontificale pour la vie, en clôturant les travaux de la 25e Assemblée qui avait pour thème « Roboéthique. Les personnes, les machines et la santé », indique un communiqué de l’Académie pour la vie le 27 février 2019.
L’Assemblée a eu lieu les 25 et 26 février, réunissant 250 membres et 14 orateurs d’Afrique, d’Asie, d’Europe et des Amériques, afin d’examiner les tendances et les problèmes de l’introduction des robots. La journée du mercredi a été réservée aux activités des cinq groupes de travail démarrés depuis plus d’un an sur les thèmes de la bioéthique mondiale, de l’édition de gènes, des neurosciences, des soins palliatifs et, enfin, des activités spécifiques à 14 jeunes académiciens.
La réflexion sur la bioéthique mondiale, qui a été annoncée, portera sur la migration et son impact sur la santé, l’identité de genre, l’impact des technologies convergentes sur les personnes et les inégalités sociales.
Pour l’édition de gènes, une conférence aura lieu à l’automne avec le projet d’exprimer une position fondée et motivée de l’Église, face aux expériences déjà en cours dans diverses parties du monde sur la modification des embryons.
Pour les neurosciences, l’Académie pontificale pour la vie a décidé d’étudier «le développement cognitif» avec une réflexion interdisciplinaire sur les aspects pharmacologiques, sanitaires, anthropologiques et éthiques.
En ce qui concerne les soins palliatifs, le groupe de travail de l’Académie pontificale a présenté la version anglaise du Livre blanc contenant des recommandations à l’intention des politiciens (pour une législation efficace ne favorisant pas l’aide au suicide, mais les soins palliatifs) ; des universités (pour la formation du personnel médical). Le Livre blanc sera présenté en mai lors du Congrès mondial de Berlin sur les soins palliatifs.
La prochaine assemblée de l’Académie aura lieu en février 2020 et traitera de l’intelligence artificielle, un thème lié à la roboéthique.
L’extrême-onction et les funérailles religieuses sont incompatibles avec l’euthanasie. C’est en substance le sens des nouvelles directives de plusieurs évêques canadiens concernant l’accompagnement pastoral des personnes demandant le suicide assisté ou l’euthanasie.
Les évêques canadiens des provinces de l’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest ont publié en français, le mois dernier, un texte qui avait été rendu public en anglais en septembre 2016. Ce document de trente-quatre pages se veut un « vade-mecum pour les prêtres et les paroisses ».
Les évêques évoquent la légalisation de l’aide médicale à mourir, votée par le Sénat canadien le 17 juin 2016. Elle est maintenant autorisée « sur le plan légal, mais cela ne change en rien la loi morale », écrivent-ils. « Ces pratiques sont de graves affronts à la dignité de la vie humaine ». Tant que le pénitent n’entend pas reconsidérer sa décision et choisit, en conscience, d’entreprendre ce chemin, le prêtre n’est donc pas admis à administrer les derniers sacrements. Concernant les funérailles, si l’Église les refusait, « elle ne le ferait pas pour punir cette personne, mais pour reconnaître sa décision qui est contraire à la foi chrétienne », expliquent les évêques.
Lettre pastorale aux catholiques du Québec proposant un parcours de réflexion sur les soins de fin de vie à la lumière de la Parole de Dieu
par Assemblée des évêques catholiques du Québec, décembre 2015
« L'Assemblée des évêques catholiques du Québec est intervenue à maintes reprises, au cours du débat entourant le projet de loi 52 sur l'aide médicale à mourir, pour redire sa conviction profonde — qui est celle de l'Église — que la vie humaine doit être protégée et respectée jusqu'à sa fin naturelle. Comme l'écrivait notre regretté président, Mgr Pierre-André Fournier, le 6 juin dernier au lendemain de l'adoption de la loi 52, “l'euthanasie, même légalisée, est tout à fait contraire à la dignité de la vie et de la personne”. » — Extrait de la déclaration du 6 février 2015 1 de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec
Pour de nombreux catholiques de chez nous, comme pour bien d'autres Québécois et Québécoises de toutes croyances et convictions, le débat des dernières années sur les soins à donner aux personnes qui sont en phase terminale et sur les conditions nécessaires pour « mourir dans la dignité » a été l'occasion d'une profonde réflexion et d'un douloureux questionnement.
D'une part, beaucoup partagent avec l'Église la conviction que la vie humaine doit être protégée et respectée jusqu'à sa fin naturelle sans intervention, médicale ou autre, pour provoquer directement la mort: l'euthanasie, même sous l'appellation d'« aide médicale à mourir », ne doit pas être considérée comme une option. Mais d'autre part, on reste toujours bouleversé par les souffrances physiques et psychologiques de personnes qui vivent une longue et difficile agonie et qui, si elles n'ont pas accès à de véritables soins palliatifs, demandent parfois qu'on mette fin à leur vie.
1. Témoigner de notre espérance
Ce débat a fait surgir des questions fondamentales qui sont parmi les plus délicates et les plus difficiles. Qu'est-ce que la compassion ? Qu'est-ce vraiment que la dignité ? Qu'est-ce, en vérité, que vivre et mourir dans la dignité ? Comment apporter soutien et réconfort aux grands malades incurables le plus humainement possible ? Comment accompagner avec empathie ceux et celles qui vont mourir ? Comment se préparer soi-même aux dernières étapes de cette vie et à la mort ?
Sur ces enjeux, bon nombre des opinions, des idées et des propositions qui circulent maintenant dans notre milieu ne font référence ni à Dieu, ni à l'Évangile de Jésus-Christ, ni à la foi de l'Église. Pour nous, catholiques du Québec, les occasions d'affirmer notre foi et de promouvoir nos convictions vont donc se multiplier dans une société dont les valeurs dominantes sont parfois différentes de celles que nous chérissons.
Dans ce contexte, les paroles de l'apôtre saint Pierre, dans sa première lettre, paraissent d'une grande actualité: « Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l'espérance qui est en vous; mais faites-le avec douceur et respect 2. »
C'est dans cette perspective que les évêques du Québec interviennent de nouveau aujourd'hui: d'une part, pour faire le point après l'adoption de la Loi concernant les soins de fin de vie (la « loi 52 ») et, d'autre part, pour proposer un parcours de réflexion sur ces soins à la lumière de la Parole de Dieu.
Certes, il se trouve bien des personnes, même parmi les catholiques, qui ont accueilli favorablement le projet de loi et ont applaudi son adoption par l'Assemblée nationale. Puissions-nous cheminer ensemble en toute sérénité, malgré les divergences d'opinion, à l'écoute de la Parole de Dieu et de l'expression des convictions portées par l'Église universelle 3.
2. La nouvelle situation légale au Québec
Au terme d'un long processus de consultation publique et après un débat sous des gouvernements successifs formés par deux partis politiques différents, la Loi concernant les soins de fin de vie a été adoptée par l'Assemblée nationale le 5 juin 2014 4 par un vote de quatre-vingt-quatorze voix contre vingt-deux. C'était une très nette majorité, mais non pas le consensus annoncé par les promoteurs du projet de loi. De fait, le conseil des ministres lui-même était profondément divisé sur la question puisque onze des vingt-sept ministres ont voté contre 5.
La nouvelle loi englobe sous l'appellation de « soins de fin de vie » à la fois les soins palliatifs et l'« aide médicale à mourir » qu'elle définit de la façon suivante 6 : - les soins palliatifs sont, selon les termes de cette loi, ... « les soins actifs et globaux dispensés par une équipe interdisciplinaire aux personnes atteintes d'une maladie avec pronostic réservé, dans le but de soulager leurs souffrances, sans hâter ni retarder la mort, de les aider à conserver la meilleure qualité de vie possible et d'offrir à ces personnes et à leurs proches le soutien nécessaire; » - et l'«aide médicale à mourir» consiste, toujours d'après cette loi, en ... « un soin consistant en l'administration de médicaments ou de substances par un médecin à une personne en fin de vie, à la demande de celle-ci, dans le but de soulager ses souffrances en entraînant son décès. »
La différence entre les deux pratiques saute aux yeux. Les soins palliatifs sont vraiment, comme leur nom l'indique, des soins; ils sont dispensés «dans le but de soulager les souffrances, sans hâter ni retarder la mort». L'«aide médicale à mourir», c'est le contraire: elle consiste à renoncer aux soins palliatifs, à cesser en fait tout soin au malade et à provoquer directement et délibérément sa mort.
Cette «aide médicale à mourir » que le médecin pourra pratiquer, à la demande d'une personne qui est en fin de vie, correspond de fait à la définition courante de l'euthanasie: « Euthanasie: usage de procédés qui permettent d'anticiper ou de provoquer la mort, pour abréger l'agonie d'un malade incurable, ou lui épargner des souffrances extrêmes 7. »
En termes clairs, donc : la Loi concernant les soins de fin de vie permet à une personne qui est en phase terminale de demander et d'obtenir d'être euthanasiée par un médecin.
L'Assemblée des évêques tient à redire aujourd'hui ce qu'elle a affirmé tout au long des débats et consultations des dernières années: ce que la nouvelle loi désigne sous le nom d'« aide médicale à mourir » est, en vérité, l'euthanasie sur demande. Ce n'est pas un soin et ne devrait jamais être associé, de quelque façon que ce soit, aux véritables soins de fin de vie que sont les soins palliatifs.
3. L'intervention de la Cour suprême
La loi québécoise sur les soins de fin de vie précise bien que l'« aide médicale à mourir » ne sera accessible qu'à des personnes qui sont déjà « en fin de vie ».
Mais la Cour suprême du Canada n'a pas repris cette condition dans son jugement du 6 février 2015.
En effet, appelée à statuer sur les articles du Code criminel interdisant l'euthanasie, la plus haute cour du pays les a invalidés « dans la mesure où ils prohibent l’aide d’un médecin pour mourir à une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition. 8 »
Il faut bien noter qu'il n'est pas seulement question ici d'un mourant ou d'un malade qui est en phase terminale, mais de quelqu'un ayant des « problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) ».
L'exemple des dérives observées en Belgique, où l'euthanasie en fin de vie a été légalisée il y a une douzaine d'années, vient alors à l'esprit. Le témoignage des évêques belges, dans une déclaration publiée récemment dans les journaux de leur pays, laisse entrevoir à ce sujet des perspectives fort inquiétantes: « Depuis la loi de 2002 sur l’euthanasie, le constat s’impose: la dérive prédite à l’époque est devenue réalité. Les limites de la loi sont systématiquement contournées, voire transgressées. L’éventail des groupes de patients entrant en ligne de compte pour l’euthanasie ne cesse de s’élargir. La souffrance existentielle, comme, par exemple, la fatigue de vivre, est ainsi placée sans hésitation dans le champ d’application de la loi sur l’euthanasie par des personnes ayant autorité dans la société – sans indice de désordre psychologique ou psychiatrique sous-jacent, ce qui d’ailleurs n’est pas de la compétence de la médecine.
« Demande est aussi faite d’un nouvel élargissement de la loi afin de pouvoir procéder à l’euthanasie de personnes démentes, et ce à un moment précédemment indiqué par elles, sur base d’une déclaration de volonté anticipée 9. »
4. L'aide dont les mourants ont vraiment besoin
« Le jugement rendu aujourd'hui par la Cour suprême du Canada ... nous incite à redoubler d'efforts pour promouvoir les soins palliatifs et pour insister pour qu'ils soient accessibles à tous, dans toutes nos régions. » Extrait de la déclaration du 6 février 2015 de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec
Aider les mourants, c'est d'abord en prendre soin. C'est les accompagner, les soulager, les consoler, les soutenir moralement et spirituellement, en leur offrant tous les soins médicalement et humainement possibles, y compris, le temps venu, les soins palliatifs, qui doivent absolument être accessibles à tous.
C'est aussi savoir renoncer à l'acharnement thérapeutique, c'est-à-dire cesser des traitements inutiles, disproportionnés, périlleux ou trop pénibles qui sont une sorte de refus de la mort qui doit venir en son temps. Cet arrêt de traitement est une décision tout à fait légitime qu'il ne faut surtout pas confondre avec l'« aide médicale à mourir ». Cesser un traitement qui ne sert à rien ou « débrancher » quelqu'un qui ne pourra jamais recouvrer la santé et qui est maintenu en vie artificiellement n'est pas de l'euthanasie; c'est tout simplement laisser mourir quand le temps est venu.
Comme le dit le Catéchisme de l'Église catholique, « on ne veut pas ainsi donner la mort; on accepte de ne pas pouvoir l'empêcher 10. »
Aider les mourants, c'est également les aider à se préparer à la mort et au passage dans la vie éternelle, en particulier par la prière pour eux et, s'ils le souhaitent, par les sacrements et la prière avec eux.
Aider les mourants, c'est les aider à bien mourir, en prenant bien soin d'eux, et non pas les faire mourir.
Il s'agit, pour reprendre les mots de conclusion du mémoire de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec à la commission spéciale de l'Assemblée nationale « sur la question de mourir dans la dignité » de rendre la fin de vie « la plus humaine et la plus humanisante possible, tant pour les individus que pour notre société. Nous pensons que ce sera le cas si cette fin survient à son heure : pas avant par euthanasie ou aide au suicide, pas après à cause d’acharnement thérapeutique 11. »
5. La grâce des sacrements
« Ainsi, comme les sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie constituent une unité appelée ‟les sacrements de l’initiation chrétienne”, on peut dire que la Pénitence, la Sainte Onction et l’Eucharistie, en tant que viatique, constituent, quand la vie chrétienne touche à son terme, ‟les sacrements qui préparent à la Patrie” ou les sacrements qui achèvent la pérégrination. » — Catéchisme de l'Église catholique, no 1525.
Dans l'aide pastorale et le soutien spirituel qu'on peut offrir à l'approche de la fin de cette vie, une place toute spéciale revient aux sacrements de la Pénitence et de la Réconciliation, de l'Onction des malades et de l'Eucharistie.
La célébration de l’Onction des malades, en particulier, est un signe privilégié de la tendresse de Dieu et de sa miséricorde. Aux personnes qui hésiteraient à recevoir ce sacrement ou à le demander pour un proche parce qu'il était autrefois associé uniquement à la mort imminente, on fera découvrir la sollicitude de l'Église qui, depuis le concile Vatican II (1962-1965), a revalorisé cette onction comme source d'« une grâce de réconfort, de paix et de courage pour vaincre les difficultés propres à l'état de maladie grave ou à la fragilité de la vieillesse 12 ».
C'est pour cette raison que le Concile a d'ailleurs recommandé de délaisser l'ancien nom d'Extrême-onction, lui préférant celui d'Onction des malades 13. Ce sacrement peut de fait être reçu plusieurs fois et à tous les âges de la vie.
« Si un malade qui a reçu l’Onction recouvre la santé, il peut, en cas de nouvelle maladie grave, recevoir de nouveau ce sacrement. Au cours de la même maladie, ce sacrement peut être réitéré si la maladie s’aggrave. (...) Il en va de même pour les personnes âgées dont la fragilité s’accentue 14. »
« Il arrive même à des jeunes, et cela a du sens, de demander à recevoir le sacrement des malades, si, par exemple, ils sont sur le point de subir une opération grave 15. »
Tous ceux et celles qui accompagnent et soignent des personnes âgées ou gravement malades peuvent témoigner des difficultés psychologiques ainsi que des hauts et des bas dont ces malades font l'expérience. On le sait, « la maladie peut conduire à l’angoisse, au repliement sur soi, parfois même au désespoir et à la révolte contre Dieu 16. »
Mais il est également vrai que la maladie peut aussi « rendre la personne plus mûre, l’aider à discerner dans sa vie ce qui n’est pas essentiel pour se tourner vers ce qui l’est. Très souvent, la maladie provoque une recherche de Dieu, un retour à Lui 17.» Le sacrement de l'Onction des malades pourra sans aucun doute contribuer à un tel retournement intérieur. Il a aussi pour effet « le pardon des péchés si le malade n'a pas pu l'obtenir par le sacrement de la Pénitence 18.»
L'Onction des malades peut être un secours très précieux et une étape décisive de la vie de foi « lorsque le fidèle commence à se trouver en danger de mort pour cause de maladie ou de vieillesse 19 ». La grâce reçue par ce sacrement « est un don du Saint-Esprit qui renouvelle la confiance et la foi en Dieu et fortifie contre les tentations du malin, tentation de découragement et d’angoisse de la mort 20. »
Elle pourra être déterminante pour donner la lucidité et le courage pour vivre cette étape ultime et cruciale de la vie et même pour refuser la possibilité de s'enlever la vie ou de demander de l'aide pour le faire.
« Tout chrétien est appelé à vivre son existence quotidienne en intime union avec Jésus-Christ. C'est encore vrai du chrétien malade 21.» La réception du sacrement de l'Eucharistie étant un sommet de l'union avec le Christ, elle est d'autant plus significative et importante qu'approchent la fin de cette vie et l'entrée dans la vie éternelle. C'est cette dernière communion qui est appelée le Viatique.
« Reçue à ce moment de passage vers le Père, la Communion au Corps et au Sang du Christ a une signification et une importance particulières. Elle est semence de vie éternelle et puissance de résurrection, selon les paroles du Seigneur : ‟Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et moi, je le ressusciterai au dernier jour 22.” »
6. Liberté de conscience et témoignage de foi
« Notre société devra maintenant relever le grand défi du respect de la liberté de conscience. Au personnel médical qui sera confronté à des demandes d'euthanasie, à tous ceux et celles qui ne peuvent pas accepter le suicide comme réponse de la médecine à la souffrance, nous souhaitons force et courage pour invoquer, le moment venu, le droit à l'objection de conscience. » — Extrait de la déclaration du 6 février 2015 de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec
Nous pensons d'une façon toute particulière aux catholiques œuvrant dans les milieux de soins de santé: médecins omnipraticiens, infirmières, infirmiers et préposés aux malades, oncologues et autres médecins spécialistes, mais aussi intervenants en soins spirituels, bénévoles et autres membres du personnel qui seront confrontés à des demandes d'« aide médicale à mourir ». Ils auront besoin de l'encouragement, du soutien et de la prière de leurs frères et sœurs dans la foi pour être capables d'aller, s'il le faut, jusqu'à l'objection de conscience.
Comme l'a rappelé le président de la Conférence des évêques catholiques du Canada dans son communiqué du 6 février 2015, il faut continuer à demander avec insistance aux autorités politiques ainsi qu'aux organisations professionnelles « de mettre en place des politiques et des directives qui respectent la liberté de conscience de tous les travailleurs et administrateurs de la santé qui ne voudront pas et qui ne pourront pas accepter le suicide comme une solution médicale à la souffrance et à la douleur 23. »
Portons dans notre prière personnelle et communautaire les personnes plus fragiles et vulnérables, affectées d'une façon ou d'une autre par la loi permettant l'« aide médicale à mourir », et en premier lieu les grands malades, les handicapés et les vieillards — qui pourront en être troublés, inquiétés, voire insécurisés — et particulièrement ceux et celles qui seraient tentés d'envisager de mettre fin à leurs jours.
Il faut aussi se préparer à accueillir et à aider tous ceux et celles qui auront été impliquées dans la mise en œuvre de l'euthanasie — membres des familles et du personnel médical, administrateurs et législateurs — et qui pourront par la suite avoir besoin d'accompagnement.
Enfin, nous prions et nous intercédons toujours, dans la solidarité de la communion des saints, pour les personnes qui s'enlèvent la vie, avec ou sans aide médicale, et nous les confions à l'amour et à la miséricorde du Seigneur.
« Vous êtes le sel de la terre » a dit Jésus à ses disciples dans son célèbre sermon sur la montagne. « Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? (...) Vous êtes la lumière du monde. (...) Que votre lumière brille devant les hommes: alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux 24. »
Ces paroles sont plus que jamais d'actualité.
« J’aime rappeler ce que saint François d’Assise disait à ses frères: Prêchez toujours l’Évangile et, si c’est nécessaire, aussi par les paroles”. Les paroles viennent... mais d’abord le témoignage : que les gens voient l’Évangile dans notre vie. » — Pape François 25
C'est pour aider à devenir de véritables témoins du Christ et de l'Évangile — des témoins dont notre Québec aura sûrement besoin quand il sera confronté à la réalité de la multiplication de l'euthanasie — que les évêques proposent aujourd'hui à ceux et celles qui voudront bien s'y engager un parcours de réflexion sur les soins de fin de vie à la lumière de la Parole de Dieu.
C'est une invitation à prendre du temps pour se laisser imprégner et travailler intérieurement par la Parole de Dieu et, si on le désire, pour en discuter avec d'autres, en famille, entre amis ou entre membres d'une communauté chrétienne.
Que l'Esprit Saint nous guide, chacun, chacune et tous ensemble, dans la découverte et l'approfondissement, à l'écoute et à l'exemple de Jésus-Christ, de l'authentique humanisme, seule voie pour vivre et mourir en toute dignité dans l'amour et la miséricorde de Dieu, Père, Fils et Esprit-Saint.
+ Paul Lortie
évêque de Mont-Laurier et président de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec,
le 8 décembre 2015, solennité de l'Immaculée Conception de la Vierge Marie et premier jour de l'année jubilaire de la miséricorde.
1 Cette déclaration, publiée à l'occasion du jugement de la Cour suprême du Canada qui a invalidé les articles du Code criminel interdisant le suicide assisté et l'euthanasie, était signée par Mgr André Rivest, évêque de Chicoutimi, vice-président de l'Assemblée, à la suite de la mort subite du président, Mgr Pierre-André Fournier, survenue le 10 janvier. L'Assemblée a élu un nouveau président en mars, en la personne de Mgr Paul Lortie, évêque de Mont-Laurier.
2 Première lettre de saint Pierre, chapitre 3, versets 15 et 16.
3 Voir surtout la section intitulée « Le drame de l'euthanasie » dans la lettre encyclique Evangelium Vitae (L'Évangile de la vie) du pape Jean-Paul II, aux paragraphes 64 à 67. On pourra également consulter la synthèse sur l'euthanasie et le suicide dans le Catéchisme de l'Église catholique, aux nos 2276 à 2283, et 2324-2325.
4 Un délai de 18 mois a été prévu avant son entrée en vigueur en décembre 2015.
5 Le compte rendu détaillé du vote, incluant la liste de tous les membres de l'Assemblée nationale qui ont voté pour ou contre le projet de loi, se trouve dans Le Journal des débats, en date du 5 juin 2014. On peut le consulter dans la section Travaux parlementaires du site Web de l'Assemblée nationale, à l'adresse www.assnat.qc.ca.
6 Les définitions sont données à l'article 3 de la Loi concernant les soins de fin de vie. Soulignement ajouté.
7 Le Petit Robert de la langue française. Édition 2015, page 958.
8 Carter c. Canada (Procureur général) [2015] 1 R.C.S. page 334. Voir la section «Jugements» du site Web de la Cour suprême, www.scc-csc.ca. Cette décision prendra effet le 6 février 2016, douze mois après la publication du jugement.
9 Extrait de la déclaration du 26 février 2015 des évêques catholiques de Belgique, intitulée « La dignité de la personne humaine, même démente », publiée dans les journaux le lundi 2 mars 2015. Source: www.cathobel.be/2015/03/02/la-dignite-de-la-personne-humaine-meme-demente/
10 Catéchisme de l'Église catholique, Édition définitive (1998), no 2278. Les paragraphes nos 2276 à 2279 ainsi que le no 2324 portent sur l'euthanasie.
11 Mémoire de l'AECQ présenté à la Commission sur la question de mourir dans la dignité. Déposé le 30 juin 2010. Présenté le 30 septembre 2010.
12 Catéchisme de l'Église catholique, no 1520.
13 Voir: Concile œcuménique Vatican II, Constitution sur la Sainte Liturgie (4 décembre 1963), no73: « “L’extrême-onction”, qu’on peut appeler aussi et mieux l’onction des malades, n’est pas seulement le sacrement de ceux qui se trouvent à la dernière extrémité. Aussi, le temps opportun pour le recevoir est déjà certainement arrivé lorsque le fidèle commence à être en danger de mort par suite d’affaiblissement physique ou de vieillesse. »
14 Catéchisme de l'Église catholique, no 1515.
15 Youcat - Catéchisme de l'Église catholique pour les jeunes, no 243.
16 Catéchisme de l'Église catholique, no 1501.
17 Catéchisme de l'Église catholique, no 1501.
18 Catéchisme de l'Église catholique, no 1532.
19 Catéchisme de l'Église catholique, no 1528. Les paragraphes nos 1499 à 1532 du Catéchisme traitent du sacrement de l'Onction des malades.
22 Catéchisme de l'Église catholique, no 1524. La citation biblique est de l'Évangile selon saint Jean, chapitre 6, verset 54.
23 Communiqué du 6 février 2015 du président de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC), Mgr Paul-André Durocher, archevêque de Gatineau (Québec) en réaction au jugement de la Cour suprême.
24 Évangile selon saint Matthieu, chapitre 5, versets 13 à 16.
25 Pape François, Discours aux catéchistes en pèlerinage à Rome, 27 septembre 2013. Source: www.vatican.va
Source : Assemblée des évêques catholiques du Québec
Après « l'affaire Alfie », une réflexion sur la fin de vie
par Entretien avec Mgr Bernard Ginoux, évêque de Montauban, propos recueillis par Odon de Cacqueray,
Mgr Ginoux a été en charge des Aumôneries d’Hôpitaux de son diocèse d’Avignon de 1994 à 2000, ce qui lui a permis de de voir comment se passe l'accompagnement des malades et des mourants, mais aussi de travailler avec les soins palliatifs. Déjà à cette époque surgissait la question de l’euthanasie. Selon lui, la situation qui n'était pas excellente s'est dégradée depuis. Il a accepté de revenir pour L'Homme Nouveau sur "l'affaire Alfie Evans".
Atteint d’une grave maladie neurovégétative, Alfie Evans, qui aurait eu deux ans ce mois-ci, a été l’objet d’un véritable combat entre ses tout jeunes parents et le corps médical de Liverpool (Angleterre). Malgré diverses interventions, dont celle du Pape et du gouvernement italien, le 28 avril peu après minuit, l’enfant reçoit quatre médicaments en intraveineuse. Alfie meurt quelques heures plus tard. Un drame qui soulève de nombreuses questions éthiques.
Dans un conflit entre les deux parties, le médecin et la famille, qui doit décider ?
Il y a plusieurs éléments à prendre en compte : l’état du patient, les probabilités de vie, la disproportion des soins donnés par rapport à la situation, etc. Les premiers responsables de la vie de l’enfant sont les parents, les équipes médicales doivent être au service de la vie. Il est donc nécessaire qu’un dialogue soit conduit entre les parents et l’équipe médicale. Pour le petit Alfie, ce dialogue a dû être rompu puisque c’est la justice qui a imposé sa décision. Or, l’enfant – hormis l’assistance respiratoire – n’était pas en état de « mort » puisqu’il a même respiré plusieurs heures sans aide. Le débrancher était un acte intentionnel de donner la mort, donc un acte euthanasique. Cet acte ne pouvait donc pas être approuvé par les parents et la justice humaine, en donnant raison à l’équipe médicale, a outrepassé sa mission.
Le Pape a parlé pour Alfie Evans. L’Église a-t-elle une légitimité pour parler dans ces affaires complexes ?
Le bienheureux Paul VI pouvait affirmer que l’Église était « experte en humanité ». L’Église n’oublie pas qu’elle est envoyée par le Christ pour annoncer la « Bonne Nouvelle » aux hommes de ce temps. Elle rappelle la valeur unique de toute créature humaine de sa conception à sa mort naturelle, elle plaide pour le respect de la vie des plus faibles, des plus démunis, des « sans-voix ». À travers son enseignement, à travers l’écoute et la pratique médicale (Académie pontificale des Sciences, Académie pontificale pour la Vie, hôpitaux, œuvres caritatives…), elle a sa place et son expérience dans le monde de la santé. Elle insiste sur le droit à la vie, le refus de la mort provoquée, le développement des soins palliatifs, l’accompagnement de celui qui meurt selon le principe même de la fraternité et de la solidarité. C’est la mise en pratique de l’Évangile du Bon Samaritain et de ce que Jésus demande explicitement : « Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). L’Église voit dans le malade le visage du Christ souffrant et lui porte secours. Elle reconnaît à chaque personne sa dignité intrinsèque et elle alerte sur l’eugénisme vers lequel nous glissons peu à peu.
Quel est le rôle de la loi et de la justice dans la décision médicale ?
Il est regrettable que la décision d’un juge entraîne la mort de quelqu’un. La confiance en la médecine en est ébranlée, le conflit autour d’une vie est sorti de la relation entre le soigné et le soignant. Si la justice est saisie par l’une ou l’autre des parties c’est en raison même d’un conflit. L’équipe médicale voulait arrêter l’aide respiratoire du petit Alfie Evans, les parents ne le voulaient pas. Il a donc fallu faire intervenir un jugement de justice. En France la loi insiste sur la nécessité du caractère collégial de la décision médicale. Il faut cependant reconnaître que nous irons de plus en plus vers de telles situations si l’euthanasie est légalisée.
Quelles sont les limites aux décisions médicales et au pouvoir médical ?
Cette question est capitale. Toutes les dérives sont possibles si notre société n’accepte pas de mettre l’homme au premier plan, mais pas l’homme comme un matériau à façonner, « l’homme augmenté », qui nous est promis aujourd’hui. La technique, les améliorations de la vie, l’intelligence artificielle, les progrès génétiques conduisent droit à « l’absolutisme technologique » (Benoît XVI, Caritas et Veritate). Les limites viendront d’une prise de conscience, d’une conversion vers un regard anthropologique nouveau, l’acceptation de l’homme comme créature à qui Dieu a donné la mission de construire une société fraternelle œuvrant pour le bien commun.
Ce 25 juillet l’Eglise célèbre le cinquantième anniversaire de la publication de l’encyclique Humanae Vitae, de Paul VI. Ce document devait donner une orientation aux fidèles de l’Eglise sur la question précise de la contraception hormonale, découverte une dizaine d’années auparavant.
Le moment de sa publication n’avait pas été des plus favorables : l’Eglise vivait les années mouvementées qui suivaient le concile, la société civile connaissait les troubles de mai 1968 et le monde vivait dans la peur de la surpopulation. Ces circonstances expliquent en partie la réception difficile de ce document. Mais l’accueil mitigé réservé à Humanae Vitae s’explique aussi — et sans doute surtout — par le fond de la thématique abordée, qui nous concerne tous : la dignité de la personne humaine, la grandeur de l’amour humain et de la vocation au mariage, la signification profonde de l’acte conjugal et de l’ouverture à la vie.
Avec le recul, Humanae Vitae a été qualifiée de « document prophétique ». L’encyclique a reçu ce titre en raison de son numéro 17, où Paul VI annonce tout ce que pourrait impliquer la mentalité contraceptive : l’augmentation de l’infidélité conjugale, le rabaissement généralisé de la moralité, la domination de l’homme sur la femme, les pressions des pays riches sur les pays pauvres en termes de natalité… Tout cela s’est vérifié.
Mais, Humanae Vitae est aussi prophétique d’un autre point de vue, plus fondamental : en affirmant le lien indissoluble entre les dimensions unitive et procréative de l’acte conjugal, elle a rappelé quelque chose de décisif pour notre temps, et pour toutes les époques : l’amour conjugal, qui est « l’archétype de l’amour » (Benoît XVI, Deus caritas est, n. 2), est don désintéressé de toute la personne, dans sa « totalité unifiée » (Jean-Paul II, Familiaris Consortio, n. 11). Cet amour de don total nous a été révélé dès le récit de la création dans la Genèse. Il a été manifesté en plénitude sur la Croix : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 13). Il nous est donné chaque jour dans l’Eucharistie, où l’Eglise — en chacun de ses fidèles — devient « une seule chair » avec le Christ.
Dans un monde pressé par la course à la prestation, au rendement, où prédominent l’utilitarisme et l’intérêt personnel, on perçoit chaque jour davantage le besoin de redécouvrir le paradigme de la gratuité, du désintéressement, du don authentique de soi, sans restriction. Il nous faut redécouvrir le cœur de toute vocation humaine : « (…) l’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même » (Concile Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et Spes, n. 24).
Il y a une nature humaine, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, et donc configurée par l’appel au don de soi. C’est cette nature qu’il nous faut respecter, comme l’a rappelé Benoît XVI : « L’importance de l’écologie est désormais indiscutée. Nous devons écouter le langage de la nature et y répondre avec cohérence. Je voudrais cependant aborder avec force un point qui aujourd’hui comme hier est — me semble-t-il — largement négligé : il existe aussi une écologie de l’homme. L’homme aussi possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté. L’homme n’est pas seulement une liberté qui se crée de soi. L’homme ne se crée pas lui-même. Il est esprit et volonté, mais il est aussi nature, et sa volonté est juste quand il respecte la nature, l’écoute et quand il s’accepte lui-même pour ce qu’il est, et qu’il accepte qu’il ne s’est pas créé de soi. C’est justement ainsi et seulement ainsi que se réalise la véritable liberté humaine » (Discours du Bundestag 22-9-11).
Le pape François a rappelé plus d’une fois son attachement à l’encyclique de Paul VI. Dans Amoris Laetitia, il nous invite à « redécouvrir le message de l’Encyclique Humanae Vitae » (nn. 82 et 222). Nous ne pouvons que nous joindre à ce souhait du Saint-Père et œuvrer pour qu’il se réalise.
Monseigneur Diarmuid Martin, Archeveque de Dublin, Irlande, lors du pélerinage diocésain à Knock
21/04/2018 (extrait)
... L'Église ne peut être une église de conformisme. L'Église est appelée à prêcher et à témoigner d'un message qui sera toujours contre-culture. Les croyants en Jésus-Christ ne devraient jamais se laisser glisser dans la conformité ou le compromis pour ce qui concerne les valeurs fondamentales.
À notre époque, l'Église et les croyants doivent être toujours pro-vie. La nouvelle famille de Jésus, l'Église, doit sans cesse être un phare de soutien pour la vie dans ses moments les plus vulnérables et un phare de soutien á chaque instant de vulnérabilité de toute femme ou homme au long de son chemin de vie.
L'Église doit être pro-vie quand il s'agit de l'enfant à naître et de ceux qui sont vulnérables à la fin de leur vie. En fait, l'Église doit être pro-vie à tant d'autres moments de la vie des personnes. Etre pro-vie signifie rappeler à chacun de nous la nécessité de réfléchir sur le sens profond de la vie et de rejeter les chemins de la superficialité qui mènent loin de l'accomplissement d'une vie.
L'Église est appelée à être pro-vie non seulement par des paroles, des déclarations et des manifestes, mais á être pro-vie en actes, en étant une Église qui reflète le soin affectueux qu'a Jésus spécialement envers ceux qui peinent á comprendre les défis de leur vie.
Être pro-vie n'est pas une position idéologique. C'est un chemin de conversion que nous sommes tous appelés à suivre. ...
L’Eglise doit être le « phare du combat pour la vie »
par fsspx.news, 27/04/2018
L’Eglise doit être le « phare du combat pour la vie ». C’est ce qu’a déclaré l’archevêque de Dublin, Mgr Diarmuid Martin, dans l’homélie prononcée à l’occasion du pèlerinage diocésain à Knock, insistant sur le fait que l’Eglise catholique ne saurait être « une Eglise du conformisme ».
L’archevêque de Dublin avait centré sa prédication sur le thème de la famille, « lieu où la foi est vécue et transmise de génération en génération ». A notre époque où les familles doivent faire face à de nombreux problèmes, le prélat a fait remarquer que la protection de la vie n’est pas facultative dans l’enseignement de l’Eglise, « qu’il s’agisse de défendre la vie de l’enfant à naître ou celle de la personne arrivée au terme de son existence ».
Mais qu’on ne se méprenne pas : « être pour la vie ne relève en rien de la posture idéologique », a pris soin de préciser le prélat qui voit là plutôt « un chemin de conversion », là où des institutions ecclésiastiques « ont failli par le passé à leur mission de protéger ceux qui leur étaient confiés », faisant allusion aux abus dénoncés ces dernières années.
« L’Eglise ne saurait être celle du conformisme » et son message se doit d’être « toujours à contre-courant » du monde, a encore affirmé le primat d'Irlande. Les familles chrétiennes et les disciples du Christ ne sauraient transiger ou se compromettre avec les valeurs du monde et de la culture ambiante, mais être d'abord fidèles à la loi du Christ et à ses valeurs fondamentales. Puissent ces fortes paroles être entendues de tous les pasteurs d’âmes parfois tentés de céder aux sirènes de la modernité !
Sources : The Irish Times/Archidioces of Dublin - FSSPX.Actualités
par Conférence des Évêques de France, 22/03/201, extraits
(...) Selon le Code de déontologie médicale : « Le médecin, au service de l’individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité. » Selon Paul Ricœur reprenant la tradition hippocratique, la relation de soin est par nature un « pacte de confiance » qui unit soignés et soignants et qui interdit à ces derniers, au nom de cette dignité, de faire volontairement du mal à autrui et encore moins de le faire mourir. Tuer, même en prétendant invoquer la compassion, n’est en aucun cas un soin. Il est urgent de sauvegarder la vocation de la médecine. (...)
5. Les tenants de l’aide au suicide et de l’euthanasie invoquent « le choix souverain du malade, son désir de maîtriser son destin ». Ils prétendent que « l’exercice de ce droit n’enlève rien à personne. C’est le type même de la liberté personnelle qui ne déborde pas sur la liberté d’autrui ». Mais qu’est-ce qu’une liberté qui, au nom d’une illusoire autonomie souveraine, enfermerait la personne vulnérable dans la solitude de sa décision ? L’expérience atteste que la liberté est toujours une liberté en relation grâce à laquelle le dialogue se noue afin que le soignant soit bienfaisant. Nos choix personnels, qu’on le veuille ou non, ont une dimension collective. Les blessures du corps individuel sont des blessures du corps social. Si certains font le choix désespéré du suicide, la société a avant tout le devoir de prévenir ce geste traumatisant. Ce choix ne doit pas entrer dans la vie sociale par le biais d’une coopération légale au geste suicidaire.
6. Réclamer sous quelque forme que ce soit une « aide médicale à mourir », c’est imaginer, comme c’est le cas dans des pays voisins, des institutions spécialisées dans la mort. Mais alors quelles institutions ? Et avec quel financement ? Ou bien, c’est conduire notre système de santé à imposer à nos soignants et à nos concitoyens une culpabilité angoissante, chacun pouvant être amené à s’interroger : « Ne devrais-je pas envisager un jour de mettre fin à ma vie ? » Cette question sera source d’inévitables tensions pour les patients, leurs proches et les soignants. Elle pèserait gravement sur la relation de soin.
Ne nous trompons donc pas d’urgence !
Face aux troubles et aux doutes de notre société, comme le recommande Jürgen Habermas, nous offrons le récit du « bon Samaritain » qui prend en charge « l’homme à demi-mort », le conduit dans une « auberge » hospitalière et exerce la solidarité face à la « dépense » qu’occasionnent ses « soins ». À la lumière de ce récit, nous appelons nos concitoyens et nos parlementaires à un sursaut de conscience pour que s’édifie toujours plus en France une société fraternelle où nous prendrons individuellement et collectivement soin les uns des autres. Cette fraternité inspira l’ambition de notre système solidaire de santé au sortir de la Seconde guerre mondiale. Que ferons-nous de cette ambition ? La fraternité relève d’une décision et d’une urgence politiques que nous appelons de nos vœux ».
Assemblée plénière de printemps 2018 : discours d’ouverture de Mgr Georges Pontier
par Monseigneur Georges Pontier, 20/03/201, extrait
(...)
Les Etats généraux de la bioéthique
Dans notre pays se déroulent durant cette année une grande réflexion sur le monde que nous voulons, sur la vie que nous souhaitons et cela en relation avec les progrès de la science et les possibilités qu’elle offre. Sans hésiter nous disons que nous voulons un monde fraternel, un monde d’espérance, un monde où personne n’est laissé seul, un monde où les solidarités font cesser les pensées de mort, de découragement, d’abandon.
Nous nous réjouissons des progrès scientifiques qui permettent à la médecine d’être toujours plus performante dans l’exercice du soin, dans le soulagement de la douleur, dans l’accompagnement des uns et des autres. C’est là sa grandeur. Elle est au service de la vie dans le respect des plus fragiles.
Dès sa conception, l’embryon mérite le respect dû à toute personne humaine. Il ne peut être considéré comme un matériau disponible pour des recherches ou des expériences qui ne respecteraient pas sa dignité profonde. A aucun moment de sa vie l’être humain ne peut être considéré indépendamment du caractère profond de sa dignité. Ne pas respecter cette dignité serait risquer d’aller vers une société où l’eugénisme deviendrait légitime, où la personne ayant le moindre handicap se sentirait de trop, où l’on déciderait pour elle qu’elle n’a pas sa place dans la société, où l’on ne saurait plus reconnaître ce que nous apportent ceux et celles qui sont fragiles, âgés, dépendants.
Seuls, nous ne sommes rien. Nous sommes des êtres humains confiés les uns aux autres du tout début jusqu’à la fin naturelle de notre existence terrestre. Quand cette solidarité ne se vit plus, ce sont des solutions de mort qui sont alors envisagées et même présentées comme des solutions de progrès et de liberté. Choisir ou donner la mort ne peut être que le signe du désespoir et d’une solitude profonde.
Nous invitons au courage de la tendresse et de la présence fraternelle qui permettent à celui qui en bénéficie de se reconnaitre aimé jusqu’au bout et digne d’affection. Nous entrons sereinement et avec toute la richesse de la tradition chrétienne dans ce temps de dialogue voulu par le gouvernement au moment où sont évaluées les questions liées aux lois de bioéthique et aux recherches touchant l’avenir de l’homme. Le plus grand service à rendre est de favoriser une réflexion permettant au plus grand nombre de dépasser des évidences trompeuses. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut percevoir les risques pour notre société de s’engager sur des chemins où les seuls désirs des uns et des autres feraient loi sans se soucier de ce que cela signifierait pour le plus grand nombre, pour les plus fragiles en particulier. On ne peut pas toucher à l’être humain, à sa conception, à sa filiation, à sa fin de vie sans se demander quel monde nous sommes en train de construire. Ce ne serait plus un monde humain et fraternel, mais un monde où le « chacun pour soi » se construirait sur le destin des autres. On ne peut accepter que tout progrès technique doive nécessairement déboucher sur une mise en œuvre concrète au risque de porter atteinte à la dignité incomparable de l’être humain et aux fondements même de la vie sociale.
Durant ces jours, nous prendrons le temps de partager sur la manière dont nous sommes engagés dans ces débats de société avec le désir de faire reconnaître avec d’autres les chemins porteurs de vie et d’espérance, les décisions qui rappellent qu’on ne peut avancer sur un chemin tant qu’on n’a pas pu vérifier tous les risques qu’il comporte pour l’avenir des générations futures. C’est ce qu’on pratique dans d’autres domaines et qu’on appelle : le principe de précaution.
Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Vatican, a envoyé une lettre au président de l’Académie pontificale pour la vie, Mgr Paglia, à l’occasion d’un congrès international intitulé « Soins palliatifs : partout et par tout le monde. Soins palliatifs dans toutes les régions. Soins palliatifs dans toutes les religions ou croyances ». Organisé par l’Académie pontificale pour la vie, il se tient à Rome les 28 février et 1er mars 2018.
Lettre du card. Pietro Parolin
Excellence,
Au nom du Saint-Père François et en mon nom personnel, je vous adresse mes salutations cordiales, ainsi qu’aux organisateurs et aux participants au congrès sur les soins palliatifs. Il s’agit de questions qui concernent les derniers moments de notre vie terrestre et qui mettent l’être humain face à une limite qui semble insurmontable pour la liberté, suscitant parfois rébellion et angoisse. C’est pourquoi, dans la société actuelle, on cherche de nombreuses manières à l’éviter et à le supprimer, négligeant d’écouter l’indication inspirée du psaume : « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse. » (89,12). Nous nous privons ainsi de la richesse qui, précisément se cache dans la finitude et d’une occasion de mûrir une manière de vivre plus sensée sur le plan personnel et social.
Les soins palliatifs, au contraire, ne cèdent pas à ce renoncement à la sagesse de la finitude et c’est là un autre motif de l’importance de ces thèmes. Ils indiquent en effet une redécouverte de la vocation plus profonde de la médecine, qui consiste avant tout à prendre soin : leur tâche est de toujours soigner, même s’il n’est pas toujours possible de guérir. Certes, l’entreprise médicale se base sur un engagement inlassable à acquérir de nouvelles connaissances et à combattre un nombre toujours plus grand de maladies. Mais les soins palliatifs attestent, à l’intérieur de la pratique clinique, de la conscience que la limite requiert non seulement d’être combattue et dépassée, mais aussi reconnue et acceptée. Et cela signifie de ne pas abandonner les personnes malades, mais au contraire d’être proche d’elles et de les accompagner dans la difficile épreuve qui se manifeste à la fin de la vie. Quand toutes les ressources du « faire » semblent épuisées, c’est précisément alors qu’émerge l’aspect le plus important dans les relations humaines, qui est celui de l’ « être » : être présent, être proche, être accueillant. Cela comporte aussi de partager l’impuissance de celui qui atteint le point extrême de sa vie. Alors la limite peut changer de signification : non plus le lieu de la séparation et de la solitude, mais une occasion de rencontre et de communion. La mort elle-même est introduite dans un horizon symbolique à l’intérieur duquel elle peut apparaît non pas tant comme le terme contre lequel la vie se brise et succombe, mais plutôt comme l’accomplissement d’une existence gratuitement reçue et amoureusement partagée.
La logique des soins rappelle en effet cette dimension de mutuelle dépendance d’amour qui émerge, certes, avec une particulière évidence dans les moments de maladie et de souffrance, surtout à la fin de la vie, mais qui en réalité traverse toutes les relations humaines et en constitue même la caractéristique la plus spécifique. « N’ayez de dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel, car celui qui aime les autres a pleinement accompli la Loi » (Rm 13,8) : c’est ainsi que nous avertit et nous réconforte l’apôtre. Il semble alors raisonnable de jeter un pont entre ces soins que l’on a reçus depuis le début de la vie et qui ont permis à celle-ci de se déployer pleinement et les soins à offrir de manière responsable aux autres, au long des générations jusqu’à embrasser toute la famille humaine. C’est sur ce chemin que peut s’allumer l’étincelle qui relie l’expérience du partage plein d’amour de la vie humaine jusqu’à son mystérieux départ, avec l’annonce évangélique qui voit tout le monde comme des enfants du même Père et qui reconnaît en chacun son image inviolable. Ce lien précieux défend une dignité humaine et théologale qui ne cesse de vivre, pas même avec la perte de la santé, du rôle social et du contrôle sur son propre corps. C’est alors que les soins palliatifs montrent leur valeur, non seulement pour la pratique médicale – pour que, même lorsqu’ils agissent avec efficacité en réalisant des guérisons parfois spectaculaires, on n’oublie pas cette attitude de fond qui est à la racine de toute relation de soins – mais aussi plus généralement pour toute la coexistence humaine.
Votre programme de ces journées met bien en évidence la multiplicité des dimensions qui entrent en jeu dans la pratique des soins palliatifs. Une tâche qui mobilise de nombreuses compétences scientifiques et d’organisation, relationnelles et communicationnelles, incluant l’accompagnement spirituel et la prière. Outre les différentes figures professionnelles, il faut souligner l’importance de la famille pour ce parcours. Elle revêt un rôle unique comme lieu où la solidarité entre les générations se présente comme constitutive de la communication de la vie et où l’aide réciproque s’expérimente aussi dans les moments de souffrance et de maladie. Et c’est précisément pour cela que, dans les phases finales de la vie, le réseau familial, pour fragile et désagrégé qu’il puisse apparaître dans le monde actuel, constitue cependant toujours un élément fondamental. Nous pouvons certainement apprendre beaucoup sur ce point des cultures où la cohésion familiale, même dans les moments de difficulté, est tenue en grande considération.
Un thème très actuel, pour les soins palliatifs, est celui de la thérapie de la douleur. Déjà le pape Pie XII avait clairement légitimé, la distinguant de l’euthanasie, l’administration d’analgésiques pour alléger des douleurs insupportables impossibles à traiter autrement, même si, dans la phase de mort imminente, ils devaient être la cause d’un raccourcissement de la vie (cf. Acta Apostolicae Sedis XLIX [1957],129-147). Aujourd’hui, après de nombreuses années de recherche, le raccourcissement de la vie n’est plus un effet collatéral fréquent mais la même interrogation est soulevée avec de nouveaux produits pharmaceutiques qui agissent sur l’état de conscience et rendent possible différentes formes de sédation. Le critère éthique ne change pas, mais l’emploi de ces procédures requiert toujours un discernement attentif et beaucoup de prudence. Elles sont en effet très exigeantes pour les malades comme pour les proches et pour les soignants : avec la sédation, surtout quand elle est prolongée et profonde, cette dimension relationnelle et communicative, que nous avons vu être cruciale dans l’accompagnement des soins palliatifs, est annulée. ...
La complexité et l’aspect délicat des thèmes présents dans les soins palliatifs demandent de continuer la réflexion et d’en diffuser la pratique pour en faciliter l’accès : un devoir où les croyants peuvent trouver des compagnons de route dans de nombreuses personnes de bonne volonté. Et il est significatif que, dans cette perspective, soient présents à votre rencontre des représentants de différentes religions et de différentes cultures, dans un effort d’approfondissement et dans un engagement partagé. Dans la formation des professionnels de la santé aussi, de ceux qui ont des responsabilités publiques et dans toute la société, il est important que ces efforts soient fournis ensemble.
Tout en recommandant de prier pour son ministère, le Saint-Père vous envoie de tout cœur, Excellence, ainsi qu’à tous les participants au congrès, la bénédiction apostolique. J’y unis mes vœux personnels et je vous adresse mes sentiments les plus sincères.
Académie pour la vie : pourquoi le chrétien défend la dignité de quiconque
Conférence de Mgr Vincenzo Paglia à Oxford
Marina Droujinina, 13/02/2018
« Le chrétien ne respecte pas l’autre et lui-même en fonction des biens ou de la santé, de ce qu’il peut apporter à lui-même ou à la société, mais parce qu’il est fils dans le Fils, premier-né d’entre les morts, image du Dieu invisible. »
C’est ce qu’a déclaré Mgr Vincenzo Paglia, président de l’Académie pontificale pour la vie, à la conférence sur le thème « Dignité humaine et bioéthique » donnée lundi 12 février 2018 à Oxford, au Royaume-Uni, indique un communiqué de l’Académie. Mgr Paglia a été invité par l’Institut Las Casas, le Centre Anscombe Bioethics et l’Université Sainte-Marie de Twickenham.
« La dignité filiale est le fondement de l’égalité de tous les humains, qui conduit à refuser toute discrimination, a affirmé le président. » ...
Selon Mgr Paglia : « la dignité est ontologiquement constitutive de l’être humain ».
« Aujourd’hui, le tabou n’est plus le sexe, mais Dieu »
Entré au séminaire à 39 ans, Michel Aupetit succède à André Vingt-Trois comme archevêque de Paris
Écolier, il détestait passer au tableau et préférait de loin faire rire ses camarades. Nommé archevêque de Paris par le pape François le 7 décembre 2017 et installé dans cette fonction le 6 janvier, Mgr Michel Aupetit est de ce fait devenu le point de mire de nombreux catholiques. Si en théorie l’évêque de Paris est un évêque parmi les autres, il occupe en pratique une place éminente dans l’Eglise catholique. À 66 ans, lui qui « n’aime pas trop être exposé » sera désormais l’une des voix les plus écoutées de cette institution. Cet ancien médecin, entré au séminaire à 39 ans et devenu évêque de Nanterre en 2014, succède à Mgr André Vingt-Trois.
Vous avez exercé pendant onze ans comme médecin généraliste avant d’entrer au séminaire. En quoi cette vie de laïc influence-t-elle votre approche de prêtre ?
Laïc, j’étais ce que l’on appelle dans l’Eglise un « consommateur ». Je rentrais chez moi à 22 heures le soir et j’étais donc assez peu investi dans la vie de l’Eglise. C’est mon péché ! Quant au reste, la médecine m’a appris à aimer les gens indépendamment de ce qu’ils sont. Quand vous êtes médecin, vous soignez des gentils et des pas gentils. Cela vous ouvre à tous, et l’Eglise est ouverte à tous. On ne demande pas leurs papiers ou leur certificat de baptême aux personnes qui entrent. L’hiver, les SDF viennent se réchauffer, on les laisse tranquilles. D’autres viennent simplement pour avoir un temps de repos et de silence. Il n’y a pas beaucoup de lieux comme ça où on peut se poser, gratuitement, paisiblement. Et la médecine m’avait déjà appris ça : accueillir de manière inconditionnelle les personnes qui frappent à votre porte.
Vous avez grandi dans une famille où la pratique religieuse n’était pas la règle. Cela vous donne-t-il une vision particulière de la transmission religieuse ?
C’est assez étonnant, car cela ne m’a jamais vraiment troublé. Ma maman était une femme de foi, elle allait à la messe assez souvent, pas forcément avec moi. Mais je sais qu’elle avait profondément la foi et je voyais l’influence que ça pouvait avoir dans sa vie. Alors que, du côté « mâle », on était plutôt incroyant. Mes amis non plus ne pratiquaient pas. Donc j’ai longtemps vécu ma foi de manière isolée. La transmission, je pense qu’elle s’est faite par la prière. Car dans la prière, on apprend à parler à Dieu. On entretient une relation. Alors que dans une relation de catéchisme, on apprend à parler « de » Dieu, c’est intellectuel. La seule chose que ma mère m’a apprise, c’est le Notre Père et le Je vous salue Marie. A partir de ces deux prières, j’ai appris à parler à Dieu. Mais en secret : personne n’en savait rien.
Quand j’ai quitté mon cabinet de médecin, j’ai dit pourquoi à mes patients. Plusieurs m’ont alors confié qu’ils priaient matin et soir depuis trente ans sans même que leur femme le sache ! Je me suis rendu compte que beaucoup de gens ont une vie spirituelle, mais ne le montrent pas.
L’accueil des migrants est un sujet qui mobilise ou qui trouble les croyants. Que leur dites-vous à ce sujet ?
C’est un sujet difficile. A Nanterre, j’ai relayé dès le lendemain l’appel du pape François [afin que les paroisses accueillent des réfugiés, en 2015]. J’ai été étonné des réponses positives immédiates. Des gens ont mis à disposition un appartement, d’autres ont accueilli quelqu’un dans leur pavillon, des écoles catholiques ont ouvert leur porte avec la cantine gratuite, des professeurs de français se sont mis à disposition. Ces gens étaient en danger de mort.
Il y a peut-être une différence dans l’accueil de gens qui sont dans une situation de détresse absolue, pour qui on ouvre toutes les portes, et ceux qui viennent pour des raisons économiques. Là, ça passe en effet moins bien chez les fidèles. Notre réflexion se base sur deux principes. Le premier, évangélique, c’est l’accueil inconditionnel des personnes. Le second, c’est le principe du bien commun : comment faire pour que chacun puisse trouver sa place, mais en pensant à tous les autres ?
Une partie des catholiques craignent la venue de migrants en trop grand nombre. Les évêques doivent-ils parler plus clairement ?
Il y a une crainte de l’insécurité culturelle. Lorsque j’étais médecin à Colombes, au départ, dans les cités, les gens vivaient très bien ensemble. On ne regardait pas qui était musulman ou chrétien. On se rendait des services entre personnes. Aujourd’hui, c’est ghettoïsé. Les mairies tentent de favoriser la mixité sociale, mais on est quand même très engagé vers le communautarisme.
Un imam m’a dit : « On n’a plus de contrôle sur nos jeunes, ce n’est plus nous qui les formons à la religion. Ils vont se former ailleurs. » Ailleurs, c’est sur Internet. Il y a là une vraie question. Nous avons des religieux et des religieuses dans les cités. Peu nombreux, mais reconnus comme tels. Ils essaient de faire du lien entre les personnes. Mais c’est vrai qu’il y a des zones de non-droit absolu, avec des choses terribles, où la police ne peut pas intervenir.
Les catholiques sont-ils désormais une minorité religieuse en France ?
Beaucoup de gens se disent catholiques même s’ils ne fréquentent pas l’Eglise. Qu’est-ce qu’un catholique ? Quelqu’un qui pratique ? Ou qui se reconnaît dans cette religion, car il est né dans cette culture, qu’il fait siennes les valeurs évangéliques, alors que son rapport à Dieu ou à l’Eglise est plus que ténu ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Moi, je n’en sais rien, je laisse cela à Dieu. Si on ne compte que ceux qui pratiquent, les catholiques sont incontestablement une minorité. Beaucoup sont investis sur des questions de solidarité, pas forcément avec l’étiquette « catholique », mais ils le sont quand même au nom de leur foi.
Comment s’adresser à ces « catholiques culturels » ?
S’ils se disent catholiques, c’est qu’il y a quelque chose, et il faut respecter ce quelque chose. Il ne faut pas éteindre la mèche qui brûle encore un peu. Parfois, à la fin de la messe, des gens venaient me voir pour me demander une bénédiction car l’un de leurs proches était malade ou leur conjoint les avait quittés… Pour répondre à cette souffrance, j’ai organisé à la cathédrale de Nanterre une grande prière de guérison et de délivrance. C’était plein ! Il y avait tous les milieux sociaux. Sommes-nous à l’écoute des attentes des gens, de leurs souffrances ? Plutôt que de leur proposer un produit fini, il faut être à l’écoute de leur soif, qui est aussi spirituelle.
La « guerre des laïcités » traduit-elle selon vous un rejet du religieux en général ou une méfiance envers l’islam ?
Mes deux grands-pères étaient anticléricaux jusqu’au bout des ongles, je connais donc un peu le système. Deux formes de laïcité sont aujourd’hui défendues. Celle de Jean-Louis Bianco [président de l’Observatoire de la laïcité] et d’Emmanuel Macron, qui doit permettre à chacun de pratiquer sa religion. L’autre, c’est celle d’une religion assignée à la sphère privée, qui ne doit apparaître nulle part.
La société française est divisée. La question de l’islam fait peur, à cause des attentats et de certains discours qui affirment que la France va devenir une terre d’islam – on retrouve la question de l’insécurité culturelle. Mais nous avons vécu dans le passé d’autres insécurités culturelles ! Sainte Geneviève, patronne de Paris, vivait à l’époque d’Attila et de Childéric, roi des Francs. Les Germains et les Francs qui arrivaient n’étaient pas du tout dans la culture gallo-romaine ni dans la culture chrétienne. C’était une transition colossale. L’Eglise, alors, a privilégié la culture évangélique, quitte à sacrifier la culture romaine. Cette période, bien pire que la nôtre, a aussi fait ce que nous sommes.
Le gouvernement veut étoffer l’enseignement du fait religieux à l’école. Quel rôle pouvez-vous avoir ?
Il est dans le rôle de l’Etat de contrôler ce que nous pouvons faire, et notamment s’il fait appel à des religieux. Il y a le fait religieux sous l’angle historique. C’est souvent par là que l’on passe. Mais je pense qu’il faudrait aller plus loin, jusqu’à l’espace théologique. Dans le RER, des musulmans m’interrogent en tant que prêtre. A la fin, ils me disent : « Merci d’avoir parlé de Dieu. » Les musulmans qui mettent leurs enfants dans une école catholique le font parce que, là, on peut « parler de Dieu ».
Il faut aller plus loin que le fait historique. Qu’est-ce que la transcendance ? Pourquoi l’homme prie ? Ne peut-on pas parler de Dieu ? C’est le tabou, Dieu, aujourd’hui ! Ce n’est plus le sexe, c’est Dieu. On n’a pas le droit de parler de Dieu, sinon on gêne. • Cécile Chambraud
« Ce qui se joue, c’est la question d’une société humaine »
Comment l’Eglise catholique abordera-t-elle les Etats généraux de la bioéthique, qui s’ouvrent le 18 janvier ?
Notre contribution doit toucher les intelligences et les cœurs. Ce qui se joue, c’est la question d’une société humaine. Le progrès technique, c’est très bien, mais c’est l’éthique qui nous dit ce qui est juste dans l’utilisation de ce progrès technique. Les questions les plus importantes porteront sur l’intelligence artificielle et la robotisation. Qu’est-ce qui distingue une intelligence artificielle d’une intelligence humaine ? Qu’est-ce qui fait que nous sommes humains ? C’est là-dessus que doit porter la réflexion. Ce qui distingue l’humain, c’est la capacité à intégrer la fragilité. C’est que nous sommes solidaires des plus faibles. Le code d’Hammourabi, la première loi écrite que nous connaissions [datant du XVIIIe siècle av. J.C], l’a été « pour que le fort n’opprime pas le faible ». Cela veut dire : sortir de la loi de la jungle, tout simplement. C’est là où s’introduit l’humanité.
Un sondage publié par « La Croix » le 3 janvier montre l’acceptation croissante de la procréation médicalement assistée (PMA), de la gestation pour autrui (GPA) ou encore du suicide assisté, y compris par les catholiques. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Ce n’est pas parce qu’une majorité pense quelque chose que cette chose est juste. « Tu ne suivras pas une majorité qui veut le mal », est-il écrit dans le livre de l’Exode. Ce sondage est un constat, il n’est pas rassurant. Le pape parle d’une civilisation du déchet. C’est vrai. On peut même parler de la société des encombrants ! Ceux qui nous encombrent, on les jette. Des amis belges m’ont dit que leurs parents avaient intégré le fait que, s’ils n’allaient pas bien, ils devaient disparaître. Ils trouvent normal qu’on les euthanasie. C’est quand même effrayant ! On élimine les personnes handicapées avant qu’elles naissent. Qu’est-ce que cela veut dire ? J’ai soigné des personnes handicapées pendant onze ans. Elles m’ont bien plus appris que tous mes autres patients. Qu’au-delà des apparences, il y a une humanité formidable. Avec eux, on ne peut ni tricher ni porter un masque. La mentalité change, effectivement, mais il y a un véritable enjeu. Il faut se poser, avoir une réflexion de fond sur tous ces sujets. • propos recueillis par Cé. C.
Regard de Mgr Aupetit sur le cas de M. Vincent Lambert
par Mgr Michel Aupetit, 26/06/2014
Réflexion de Mgr Michel Aupetit, évêque de Nanterre, médecin et membre du Conseil Famille et Société, sur la décision du Conseil d’Etat d’arrêter le traitement de Vincent Lambert. Décision suspendue par la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH).
M. Vincent Lambert est un homme de 38 ans victime d’un traumatisme crânien à la suite d’un accident. Son état correspond à ce que les médecins appellent l’état pauci-relationnel qu’on appelle aussi état de conscience minimale qui est à distinguer d’un état végétatif permanent. M. Lambert n’est pas en fin de vie. Il s’agit seulement de savoir si on arrête sa vie en supprimant l’alimentation et l’hydratation. La première question qui se pose est de savoir si le fait de nourrir et de faire boire constitue un traitement ou un soin.
Certains affirment que, s’il s’agit d’un traitement, l’alimentation et l’hydratation peuvent être considérées comme un acharnement thérapeutique si elles sont maintenues. En revanche, s’il s’agit d’un soin, le fait de lui donner à boire et à manger n’entre pas dans le cadre une obstination déraisonnable mais d’une attention à autrui qui est le propre de l’humanité. Certes, M. Lambert ne peut pas boire et manger tout seul étant donné son état de conscience voilà pourquoi le médecin qui le suit avait décidé d’arrêter.
La deuxième question est de savoir si ce que l’on fait en donnant à manger et à boire est vraiment au bénéfice de la personne soignée. Par exemple, il arrive que certains patients puissent faire une fausse route à la suite d’une alimentation invasive. Dans ce cas, cette alimentation lui est plus nuisible qu’utile. Tant que la personne n’est pas en fin de vie et que son alimentation et son hydratation lui sont plus bénéfiques que nuisibles, le fait de l’arrêter devient alors un acte grave puisqu’il entrainera inéluctablement et délibérément sa mort. Il est impossible actuellement de dire ce qu’un patient peut vivre encore de relations interpersonnelles dans un état de conscience minimale. Celles qui se tissent encore révèlent la profondeur de notre humanité qui est à l’origine de sa dignité. L’Académie Nationale de Médecine a rappelé que le droit des patients d’avoir accès à l’alimentation ne peut être conditionné par leurs capacités relationnelles. Cette position rejoint celle de l’Église qui persiste à défendre la dignité immuable de l’homme. Cette dignité ne vient pas d’un droit octroyé par un tiers : la société, les médecins ou les juges.
Enfin, il faut savoir que le cas de M. Vincent Lambert est un cas particulier à partir duquel il est difficile de légiférer. Il y a plus de 1500 personnes qui sont dans le même état. Ce que l’on va décider pour lui va-t-il impacter sur les autres patients ? On a voulu donner aux juges la décision finale. Or, s’il appartient aux juges de dire le droit, ils n’ont pas autorité pour définir le bien ou le mal. L’Église, protectrice de la vie et de la dignité, estime qu’« un patient en « état végétatif permanent » est une personne, avec sa dignité humaine fondamentale, à laquelle on doit donc procurer les soins ordinaires et proportionnés, qui comprennent, en règle générale, l’administration d’eau et de nourriture, même par voies artificielles ».
Communiqué de Mgr Aupetit à propos de l’affaire Vincent Lambert
Mgr Michel Aupetit, 11/06/2015
Nanterre, le 11 juin 2015
L’affaire Vincent Lambert illustre l’immense difficulté de notre époque à définir la dignité humaine. Le cas douloureux de cet homme divise sa famille, les médecins et les juges requis pour statuer sur ce qu’il convient de faire. Je rappelle les faits : en 2008, Vincent Lambert est victime d’un accident de la route. En 2013, un protocole de fin de vie par arrêt de l’alimentation est engagé en accord avec son épouse. Les parents informés saisissent les juges pour s’opposer à cette forme d’euthanasie. Après 31 jours l’arrêt de l’alimentation, la justice demande qu’elle soit rétablie. Il y aura une suite d’avis contraires jusqu’à celui du Conseil d’état, en juin 2014, qui juge légale la décision d’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation considérées comme un traitement. La Cour Européenne des Droits de l’Homme vient de statuer en donnant raison au Conseil d’état français.
Cela pose plusieurs questions : Ce jugement aura-t-il une conséquence pour les très nombreux patients qui sont dans un état comparable et pour lequel la famille demande la poursuite des soins ? Au minimum on peut craindre une forme d’exemplarité qui peut s’imposer moralement aux équipes soignantes.
L’autre question concerne la qualification comme soin ou comme traitement de l’alimentation et de l’hydratation artificielles. S’il s’agit d’un traitement, on peut parler d’acharnement thérapeutique. S’il s’agit de soins, ils sont dus à tout être humain. Il existe plusieurs formes d’alimentation artificielle dont les implications sont différentes. L’alimentation dite parentérale, c’est-à-dire par voie veineuse, qui est très contraignante et l’alimentation entérale qui utilisent les voies digestives. C’est cette dernière qui est utilisée pour nourrir Vincent Lambert.
L’ultime difficulté est de savoir maintenant qui va exécuter la sentence ? En effet, le médecin qui était à l’origine de la démarche d’arrêt de vie n’est plus dans le service où est hospitalisé Vincent Lambert. En outre, il semble que ce dernier puisse être transféré dans une unité de vie spécialisée où il serait attendu depuis deux ans. C’est dire que l’affaire n’est pas terminée.
Ce cas médical nous oblige à réfléchir sur la dignité de chaque vie humaine. La valeur d’une vie tient-elle à son utilité ou à son humanité ? Les juges de la Cour Européenne des Droits de l’Homme se sont déchirés sur la différence entre une personne humaine et une vie biologique. Nous chrétiens, nous savons que Dieu lui-même confère à tous une dignité insurpassable : celle de devenir ses enfants.
"L'euthanasie crée des pathologies sociales toxiques", selon le cardinal Müller
par Agence I.Media, 17/05/2017
Le Saint-Siège en bref : La légalisation de l’euthanasie est “tragique”, “toxique” et “mortelle” pour les plus faibles, affirme le cardinal Müller
Cardinal Müller sur l’euthanasie : La décision du Canada de légaliser l’euthanasie est “tragique” et “n’est pas seulement mauvaise en soit, mais crée aussi des pathologies sociales toxiques et mortelles qui affligent les plus faibles de la société”, a déclaré le cardinal Gerhard Müller, préfet de la Congrégation de la doctrine de la foi, le 15 mai 2017, rapporte le site canadien The Catholic register le 16 mai. Le haut prélat s’exprimait à Toronto (Canada) devant des bioéthiciens, théologiens, docteurs et infirmières. Il a appelé à inciter les citoyens à s’engager pour l’abrogation la loi. En juin 2016, le parlement canadien avait adopté une loi légalisant “l'aide médicale à mourir” pour les personnes de plus de 18 ans, atteintes d'une maladie en phase terminale et dont la mort est “raisonnablement prévisible”.
Le Cardinal Sgreccia dénonce les motifs de l’euthanasie
par Cardinal Elio Sgreccia, 03/05/2017 (extrait)
Le Cardinal Sgreccia est préfet émérite de l'Académie pontificale pour la vie. Dans un interview donné au quotidien italien La Repubblica le 3 mai 2017, il revient sur la question de l'euthanasie et du suicide assisté suite à la mort de DJ Fabo.
"Il faut aussi comprendre les motifs qui se trouvent derrière la pratique de l'euthanasie ou qui peuvent favoriser le suicide assisté.
Il y a aussi la question qu'étant donné le vieillissement croissant de notre société, il peut y avoir le souhait d'économiser en ne dépensant pas l'argent nécessaire aux soins. Tout cela n'est néanmoins pas admissible.
Si tout est gouverné par le fait de vouloir économiser de l'argent, alors nous ne sommes rien de plus que de la marchandise jetable."
ONU: le « respect de la vie » doit « guider » les politiques, par Mgr Bernardito Auza
Intervention à la 50e session de la Commission sur la population et le développement
« Le respect de la vie, du moment de la conception à la mort naturelle » doit « guider » les politiques, a réaffirmé Mgr Bernardito Auza.
L’observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations unies est intervenu à la Cinquantième session de la Commission sur la population et le développement sur le thème « Modification des structures de l’âge de la population et développement durable », le 5 avril 2017, à New York.
Le respect de la vie doit « guider les politiques mises en place par les gouvernements pour s’assurer qu’ils bénéficient de ‘dividendes démographiques’ », a dit Mgr Auza. Il a appelé à investir « non seulement dans l’éducation et les soins de santé, mais aussi dans un logement et un assainissement adéquats et dans l’accès à l’eau potable ». « Ces investissements répondent mieux aux causes profondes des conflits, de la pénurie de ressources et de la sur-urbanisation », a-t-il souligné.
« Ce droit à la vie, a poursuivi le nonce, doit aussi nous amener à garder les personnes âgées, les personnes handicapées et les plus vulnérables à l’avant-garde de nos politiques de développement. » Il a affirmé qu’ils devraient « être habilités par la société à intégrer et participer pleinement à tous les aspects de la vie » et que « leur valeur inhérente ne doit pas être réduite à la question de savoir ce qu’ils peuvent produire ou à leur capacité physique ».
Voici notre traduction complète de l’intervention de Mgr Bernardito Auza.
Intervention de Mgr Bernardito Auza :
Madame la Présidente,
Comme l’a souligné le récent rapport du Secrétaire général intitulé Modification des structures de l’âge de la population et développement durable (E / CN.9 / 2017/2), le monde continue de connaître des changements importants dans la répartition de la population selon l’âge et passe de populations plus jeunes en croissance, associées à des taux élevés de fécondité et de faible mortalité, à des populations ayant une nombre proportionnellement plus important de personnes âgées, liées à des niveaux de fécondité et de longévité beaucoup plus faibles, avec des conséquences marquées au niveau de la consommation et du rythme de la croissance économique. Bien que ces changements démographiques présentent un nouvel ensemble de défis et d’opportunités, le développement durable, l’élimination de la pauvreté et la défense de la dignité de la personne humaine doivent rester essentiels à notre réponse collective.
Pendant des décennies, le discours sur une bombe démographique imminente a conduit certains gouvernements à adopter des politiques qui encouragent les mesures de contrôle de la population, certaines draconiennes, comme la réponse la plus simple à la peur de la pénurie de ressources et du sous-développement. Tout en notant la complexité des problèmes en jeu, ma délégation souhaite souligner la nécessité de prendre en compte les différentes situations régionales et même spécifiques aux pays. Par exemple, les populations de certains pays continueront d’augmenter à court terme; d’autres se stabilisent autour d’une croissance nulle; et d’autres encore ont commencé à expérimenter un déclin démographique en spirale, avec les défis qui se posent de fournir des protections et des soins sociaux adéquats pour les personnes âgées, ainsi qu’un emploi significatif pour les jeunes face à une croissance économique stagnante due au vieillissement et au déclin de la population.
Madame la Présidente,
Bien qu’il soit vrai qu’une répartition inégale de la population et des ressources crée des obstacles au développement et à l’utilisation durable de l’environnement, il faut aussi reconnaître que la croissance démographique est totalement compatible avec la prospérité partagée. Les ressources sont suffisantes, mais elles sont souvent utilisées de manière inefficace et mal distribuées. Le monde développé, avec un niveau élevé de consommation et un faible niveau de pauvreté, est souvent responsable des déséquilibres commerciaux, de la répartition inéquitable des ressources et de la dégradation de l’environnement.
La corruption, les conflits prolongés et d’autres catastrophes causées par l’homme, en particulier dans le monde en développement, font beaucoup plus pour perpétuer l’injustice et enraciner la pauvreté qu’une population saine et en pleine croissance. En ce qui concerne ces causes profondes, qui influent sur le problème du développement durable, les meilleures réponses sont la solidarité, la paix et la sécurité. Cela présuppose, cependant, un changement considérable dans les politiques tant des pays développés que des pays en développement, en particulier en termes d’investissement dans le temps, les ressources et les politiques.
Madame la Présidente,
La transition démographique s’est produite dans le monde développé avant qu’il n’ait accès aux méthodes modernes de contraception. Elle s’est réalisée avec des progrès économiques et technologiques, ainsi que des investissements dans l’éducation, l’infrastructure et les institutions. Il est bien connu que la croissance économique correspond à des taux de fécondité plus faibles et que, lorsqu’elle est accompagnée d’investissements dans l’éducation et la santé, elle augmente la productivité et le bien-être des sociétés. Alors que la parentalité responsable et le comportement sexuel sont toujours des impératifs moraux, la réglementation coercitive de la fécondité, surtout sous le couvert de l’autonomisation et des droits, porte atteinte à la liberté et à la responsabilité individuelle. Le respect de la vie, du moment de la conception à la mort naturelle, même face au grand défi de la naissance, doit toujours informer les politiques, surtout en ce qui concerne l’aide internationale, qui devrait être mise à disposition selon les priorités réelles de la nation d’accueil, et non par une volonté imposée du donateur.
Ce respect pour la vie doit également guider les politiques mises en place par les gouvernements pour s’assurer qu’ils bénéficient de « dividendes démographiques ». L’investissement est le mieux placé non seulement dans l’éducation et les soins de santé, mais aussi dans un logement et un assainissement adéquats et dans l’accès à l’eau potable, en particulier dans les pays en développement. Ces investissements répondent mieux aux causes profondes des conflits, de la pénurie de ressources et de la sur-urbanisation. Ce sont les investissements qui rendront nos jeunes autonomes.
Ce droit à la vie doit aussi nous amener à garder les personnes âgées, les personnes handicapées et les plus vulnérables à l’avant-garde de nos politiques de développement. Non seulement ils doivent être habilités par la société à intégrer et participer pleinement à tous les aspects de la vie, mais leur valeur inhérente ne doit pas être réduite à la question de savoir ce qu’ils peuvent produire ou à leur capacité physique. Ne laisser personne en arrière signifie également reconnaître que la valeur de chaque personne est supérieure à sa contribution économique et que nos charges sont censées être partagées. Nous devons partir d’une approche du développement plus durable et axée sur l’homme, enracinée dans la solidarité et la responsabilité authentique pour les besoins de tous, en particulier des plus vulnérables.
MESSAGE DE SA SAINTETÉ JEAN-PAUL II POUR LE CARÊME 2005
Très chers Frères et Sœurs !
1. Chaque année, le Carême se propose à nous comme un temps propice à l'intensification de la prière et de la pénitence, en ouvrant notre cœur pour accueillir docilement la volonté divine. Le Carême nous indique un itinéraire spirituel qui nous prépare à revivre le grand mystère de la mort et de la résurrection du Christ, à travers surtout une écoute plus assidue de la Parole de Dieu et la pratique plus généreuse de la mortification, grâce à laquelle il nous est possible d'aider davantage notre prochain dans le besoin.
Je désire, cette année, proposer à votre attention, chers Frères et Sœurs, un thème plus que jamais actuel, et qui se trouve bien illustré par les versets suivants du Deutéronome : "Car là est ta vie, ainsi que la longue durée de ton séjour sur la terre " (30,20). Ce sont les mots que Moïse adresse au peuple pour l'inviter à nouer l'alliance avec Yahvé dans le pays de Moab, "pour que toi et ta postérité vous viviez, aimant Yahvé ton Dieu, écoutant sa voix, t'attachant a lui" (30,19-20). La fidélité à cette alliance divine est pour Israël la garantie de l’avenir "sur la terre que Yahvé a juré à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob, de leur donner" (30,20). Dans la vision de la Bible, atteindre l'âge mûr est un signe de la bénédiction aimante du Très-Haut. La longévité apparaît ainsi comme un don divin particulier.
Je voudrais vous inviter à réfléchir sur ce thème pendant le Carême, pour approfondir la conscience du rôle que les personnes âgées sont appelées à jouer dans la société et dans l'Eglise, et pour disposer ainsi votre âme à cet accueil aimant qu'elles doivent recevoir. Dans la société moderne, grâce aussi à la contribution des sciences et de la médecine, on constate un prolongement de la vie humaine et, par conséquent, une augmentation du nombre des personnes âgées. Cela demande une attention plus spécifique au monde dit du "troisième âge", afin d'aider ses membres à vivre pleinement leurs potentialités, en les mettant au service de la communauté tout entière. Les fidèles doivent avoir à cœur de soigner les personnes âgées, surtout lorsqu'elles connaissent des moments difficiles, spécialement dans les Communautés ecclésiales des sociétés occidentales, où le problème existe de façon particulière.
2. La vie de l'homme est un don précieux, qu'il faut aimer et défendre dans chacune de ses étapes. Le commandement "Tu ne tueras pas" demande qu'elle soit respectée et promue, toujours, depuis son début jusqu'à son crépuscule naturel. C'est un commandement qui vaut aussi en présence de la maladie, et lorsque l'affaiblissement de ses forces réduit l'être humain à ne plus être autonome. Si le vieillissement et ses limites inévitables sont accueillis en toute sérénité, à la lumière de la foi, ils peuvent devenir de précieuses occasions pour mieux comprendre le mystère de la Croix qui donne pleinement son sens à l'existence humaine.
La personne âgée a besoin d'être comprise et aidée dans cette perspective. Je veux dire ici combien j'apprécie tous ceux qui font leur possible pour satisfaire ces exigences et j'exhorte aussi toutes les personnes de bonne volonté à vouloir profiter du Carême pour apporter leur contribution personnelle. Cela permettra à bien des personnes âgées de ne pas se sentir un poids pour la communauté et, parfois même, pour leurs familles, dans une situation de solitude qui les expose à la tentation de se refermer sur soi et de se décourager.
Il faut s'engager à faire grandir dans l'opinion publique la conscience que les personnes âgées constituent, dans tous les cas, une ressource qui doit être mise en valeur. Aussi, faut-il renforcer les soutiens économiques et les initiatives législatives qui leur permettent de ne pas être exclues de la vie sociale. Pour dire la vérité, au cours des dernières décennies, la société est devenue plus attentive à leurs exigences, et la médecine a développé des soins palliatifs qui, dans une approche intégrale du malade, se révèlent particulièrement bénéfiques pour les malades hospitalisés à long terme.
3. Disposant de plus de temps à ce stade de leur existence, les personnes âgées ont l'occasion d'affronter des questions de fond qui avaient été sans doute négligées auparavant, en raison d'intérêts pressants ou reconnus comme prioritaires. La conscience de se rapprocher du but final pousse les personnes âgées à se concentrer sur ce qui est essentiel, en reconnaissant l'importance de tout ce qui n'est pas détruit par l'usure des ans.
C'est justement à cause de la condition qui est la leur que les personnes âgées peuvent jouer un rôle dans la société. S'il est vrai que chacun et chacune vit de l'héritage de ceux qui l'ont précédé, et que son avenir dépend de façon déterminante de la manière dont lui ont été transmises les valeurs de la culture de son peuple d'appartenance, la sagesse et l'expérience des personnes âgées peuvent illuminer son avancée sur la route du progrès qui mène à une forme de civilisation toujours plus complète.
Combien il est important de redécouvrir cet enrichissement mutuel des différentes générations ! Avec son invitation ferme à la conversion et à la solidarité, le Carême nous conduit cette année à nous concentrer sur ces thèmes importants qui concernent tous les hommes. Qu'arriverait-il si le Peuple de Dieu acceptait une certaine mentalité courante qui considère ces frères et ces sœurs âgés comme quasiment inutiles, lorsqu'ils se retrouvent avec des capacités réduites par les inconvénients de l'âge ou de la maladie ? Et au contraire, combien la communauté serait différente, à commencer par la famille, si elle s'efforçait de rester toujours ouverte et accueillante à leur égard !
4. Très chers Frères et Sœurs : pendant ce Carême, et en nous aidant de la Parole de Dieu, réfléchissons sur l’importance pour chaque communauté d’accompagner les personnes vieillissantes, avec amour et compréhension. Il faut, en outre, nous habituer à concevoir le mystère de la mort avec confiance, pour que la rencontre définitive avec Dieu se réalise dans un climat de paix intérieure, avec la conscience que nous sommes accueillis par Celui "qui nous a tissé au sein de notre mère" (cf. Ps 139,13b) et qui a voulu que nous soyons "à son image comme sa ressemblance" (cf. Gn 1,26).
Que Marie, notre guide tout au long de cet itinéraire quadragésimal, conduise tous les croyants, et spécialement les plus âgés, à une connaissance toujours plus profonde du Christ mort et ressuscité, raison ultime de notre existence. Qu'elle intercède pour chacun de nous, elle, la Servante fidèle de son divin Fils, avec sainte Anne et saint Joachim, "maintenant et à l'heure de notre mort".
Déclaration du Président de la Conférence des Evêques Catholique du Canada
sur l'adoption récente du projet de loi C-14
qui légalise l’euthanasie et le suicide assisté
par Monseigneur Douglas Crosby OMI, 27/06/2016
L'adoption récente du projet de loi C-14, qui légalise l'euthanasie et le suicide assisté dans notre pays, est une décision historique déplorable qui atteste l'échec de notre gouvernement et, en effet, de notre société d'assurer une protection humaine authentique pour les personnes souffrantes et vulnérables parmi nous.
Nous vivons dans un pays où la grande majorité des mourants n'ont pas accès à des soins palliatifs ou des soins à domicile de qualité, où le taux de suicide dans plusieurs communautés autochtones atteint des niveaux alarmants, et où on suggère que la vie de personnes chroniquement malades, vulnérables ou handicapées ne mérite pas d'être vécue. Il est paradoxal et très malheureux que la loi de notre société consacre désormais l'homicide comme une manière acceptable de mettre fin à la souffrance. On ne peut qu'être stupéfait et profondément troublé de constater que notre pays est de moins en moins capable de reconnaître le caractère sacré de la vie humaine.
Nulle institution, nul individu, nulle idéologie, nulle législation n'ont le droit de menacer ou de miner le caractère sacré de la dignité de chaque personne et du don de la vie elle-même. Nous sommes appelés, en tant que société formée d'individus capables de compassion, à respecter et à protéger la vie humaine de la conception à la mort naturelle en honorant une vision de la personne humaine qui embrasse aussi bien son existence terrestre actuelle que la vie outre-tombe. Les catholiques, comme toutes les personnes de bonne volonté, ont le devoir moral et social de protéger les personnes vulnérables, de consoler celles qui souffrent et d'accompagner celles qui sont à l'article de la mort. Les évêques du Canada prient et espèrent qu'avec tous nos sœurs et frères catholiques et nos concitoyennes et concitoyens canadiens, chacune et chacun de nous et l'ensemble de notre société puissent vivre une profonde conversion du cœur et en viennent à reconnaître l'image de Dieu imprimée profondément en chaque vie humaine, quel que soit l'état de la personne, son niveau de confort, son degré de productivité ou sa contribution à la société.
La mise à mort intentionnelle d'une vie humaine – qu'il s'agisse d'une personne âgée, d'un enfant, d'un adulte vulnérable, d'un embryon ou d'une personne mourante – est un acte grave et moralement injustifiable. Notre société doit rejeter tout ce qui porte atteinte à la vie elle-même : le meurtre, le génocide, le suicide, l'avortement, l'euthanasie et l'aide médicale à mourir. La suppression délibérée de la vie humaine par une intervention directe n'a rien d'un geste humanitaire. Il faut plutôt chercher à réduire au minimum la douleur et la souffrance des personnes mourantes et de celles qui sont tentées de s'enlever la vie, et non à supprimer leur existence. Efforçons-nous d'aider les personnes malades et handicapées à trouver un sens à leur vie, même et surtout dans leur souffrance. Consolons ceux et celles qui vivent une maladie terminale ou une condition chronique par notre présence authentique, un amour humain et l'aide médicale. Comme société et en tant qu'individus, choisissons de cheminer avec eux dans leur souffrance et ne contribuons pas à mettre fin au don de la vie.
Faire de l'aide médicale au suicide un « droit » n'est ni un vrai soin ni un gage d'humanité. C'est fondamentalement une forme faussée de pitié, une déformation de la bonté envers nos frères et sœurs. La nouvelle loi laisse entendre qu'un être humain, une personne, cesse d'être une personne et perd sa dignité simplement en raison de la perte ou de la diminution de certaines capacités physiques et mentales. C'est faux. La vérité, c'est que notre propre humanité se détériore quand nous omettons de prendre soin des faibles et des mourants, et quand nous évitons délibérément de voir en eux, avec leurs maladies et leurs limites, des personnes dignes de vivre. La vraie compassion humaine consiste à partager la douleur de l'autre, à l'accompagner dans son cheminement – et non à s'en débarrasser. Le suicide assisté est une insulte à ce qu'il y a de plus noble et de plus précieux dans l'existence humaine, et constitue une injustice grave et une violation de la dignité de chaque personne humaine dont la tendance naturelle et intrinsèque est de préserver la vie. Il faut entourer nos personnes malades, mourantes, vulnérables et handicapées, d'amour et d'attention, de sollicitude et d'une compassion vraiment porteuse de vie. C'est pourquoi les soins palliatifs restent incontestablement le seul choix moral, efficace et indispensable, la seule option de vraie compassion, maintenant que notre pays s'est engagé sur ce chemin périlleux.
Saint Joseph, patron du Canada et patron de la bonne mort, priez pour nous.
Mgr Douglas Crosby, OMI Évêque de Hamilton Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada
Création d'un nouveau dicastère pour les laïcs, la famille et la vie
par Radio Vatican, le 04/06/2016
(RV) Le projet était régulièrement abordé ou revenait fréquemment à chaque réunion du C9, le conseil des cardinaux chargés d’aider le Pape à réformer la Curie romaine : la création d’un grand dicastère réunissant les laïcs, la famille et la vie. Ce samedi 4 juin 2016, le Pape François a, sur proposition du conseil des cardinaux, approuvé ad experimentum, les statuts qui donneront naissance le 1er septembre prochain à ce nouveau dicastère. Il réunira les actuels conseils pontificaux pour les laïcs et pour la famille qui cesseront de fait, d’exister, les articles 131-134 et 139-141 de la constitution Pastor Bonus étant abrogés. L’Académie pour la Vie, elle, ne sera pas abrogée, mais reliée au nouveau dicastère.
Ce nouveau dicastère aura à sa tête un préfet et un secrétaire, qui pourrait être un laïc, assistés de trois sous-secrétaires, tous laïcs, et en charge des sections dédiées aux laïcs, à la famille et à la santé. Le texte officiel précise bien que ses membres pourront être issus du clergé, mais qu'il y aura aussi des fidèles laïcs, hommes et femmes, célibataires ou mariés, engagés dans divers champs d’activité et venant des quatre coins du monde, afin de respecter le caractère universel de l’Église.
Son rôle sera de promouvoir et d’organiser des conférences internationales et autres initiatives concernant l’apostolat des laïcs, l’institution du mariage et la réalité de la famille et de la vie dans le milieu ecclésial et dans la société.
Ce dicastère encouragera la promotion des vocations et de la mission des laïcs dans l’Église et dans le monde, ainsi que la conscience de la coresponsabilité pour la vie et la mission de l’Église. Il devra ainsi promouvoir la participation des laïcs au catéchisme, à la vie liturgique et sacramentelle, à l’action missionnaire, aux œuvres de miséricorde, de charité et de promotion humaine et sociale. La présence active et responsable dans les organes consultatif de l’Église doit également être soutenue.
Concernant la famille, le nouveau dicastère protègera la dignité et le bien de la famille basés sur le sacrement du mariage. Il offrira des lignes directrices sur la préparation au mariage, sur les programmes pastoraux qui soutiennent la famille dans la formation des jeunes à la vie de la foi et à la vie ecclésiale et civile, en prêtant une attention toute particulière aux pauvres et aux laissés pour compte.
Le décret précise que ce dicastère aura un lien direct avec l’Institut pontifical Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille, «pour promouvoir une direction commune dans les études sur le mariage, la famille et la vie».
Il soutiendra et coordonnera des «initiatives en faveur de la procréation responsable» et sur «la protection de la vie humaine de sa conception jusqu’à sa fin naturelle», et «encouragera les organisations et associations qui aident la femme et la famille à accueillir et à prendre soin du don de la vie, spécialement dans les cas de grossesse difficile, et à prévenir le recours à l’avortement», tout en soutenant des initiatives vouées à aider les femmes qui auraient avorté.
Enfin il est précisé que ce dicastère développera une formation «sur la base de la doctrine morale catholique et du Magistère de l’Église» sur les questions de bioéthique et de droit à la vie, notamment concernant les idéologies qui se développent concernant la vie humaine et le genre.
« Aide à mourir » : pas de date butoir pour la dignité
Le 6 juin prochain, la décision de la Cour suprême du Canada concernant l’« aide médicale à mourir » prendra effet avec ou sans loi fédérale pour l’encadrer.
L’adoption de la loi C-14 ou l’entrée en vigueur de la décision Carter, donnera certainement lieu à des recours judiciaires afin d’élargir la portée de l’euthanasie au Québec, accessible chez nous depuis déjà 5 mois. Des pressions viendront également pour recourir au suicide assisté, tel que défini par C-14 : « de prescrire ou de fournir une substance à une personne, à la demande de celle-ci, afin qu’elle se l’administre et cause ainsi sa mort. »
Je désire m’adresser aujourd’hui particulièrement aux personnes affectées « de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap)1 » causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables.
La vie que vous avez reçue, le souffle qui vous habite, la personnalité qui vous caractérise sont empreints de beauté, de noblesse et de grandeur. L’amour reçu, l’amour donné sont toujours présents et font de vous, comme de chacun de nous, des êtres revêtus d’une grande dignité en toutes circonstances. Ce que vous avez été, ce que vous êtes maintenant requièrent, entre autres, le respect, l’accompagnement et des soins appropriés pour vous aider à grandir jusqu’à la fin.
Afin de respecter la primauté de la vie, l’Église catholique s’oppose fermement à l’euthanasie et au suicide assisté. Elle déplore que tous les scénarios envisagés par le gouvernement fédéral permettent éventuellement à un nombre croissant de personnes de demander à mettre fin à leurs jours.
Je le répète souvent, la position de l’Église n’est pas de valoriser la souffrance. Oui, la foi peut lui donner un sens, mais les chrétiens et chrétiennes, tout comme Jésus, souhaitent l’éviter lorsque cela est possible : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne » (Luc 22, 42). J’ai la ferme conviction que Dieu nous aime d’un amour éternel, tels que nous sommes ici et maintenant, et ce, jusqu’à notre mort où il nous accueillera les bras grands ouverts. Il suffit d’écouter sur notre webtélé diocésaine ECDQ.tv la récente conférence de notre archevêque émérite Mgr Maurice Couture pour s’en convaincre.
D’ici le 6 juin prochain, je nous lance collectivement un grand défi. Vous connaissez sûrement une personne qui pourrait se reconnaître dans les critères québécois et (bientôt) canadiens d’accessibilité à l’aide médicale à mourir. Écoutez et accueillez jusqu’au bout l’expression de sa souffrance, de sa peur. Dites-lui qu’elle a du prix à vos yeux, qu’elle pourra toujours compter sur votre présence. Rappelez-lui votre amour inconditionnel.
Les demandes d’aide à mourir s’effacent habituellement lorsque les personnes souffrantes sont bien accompagnées. Ce sont les médecins et le personnel soignant en soins palliatifs qui me l’ont partagé à maintes reprises. Je les remercie de poursuivre leur rôle dans le nouveau contexte législatif au Québec. Leurs efforts pour soulager la souffrance physique et morale portent de réels fruits et les investissements en soins palliatifs doivent se poursuivre. Pour celles et ceux d’entre eux (toujours une majorité) qui s’opposent à l’euthanasie, leur objection de conscience doit être protégée. Si un médecin ne souhaite pas référer un patient vers sa mort médicalement provoquée, son choix doit être respecté sans remise en question.
Merci également à tous les proches aidants. Les débats actuels risquent de faire oublier leur dévouement, leur courage, leur force, mais surtout leur sens de l’autre et du respect de la vie. Ces personnes ont énormément besoin d’être reconnues et soutenues.
Mon accompagnement de personnes en fin de vie me confirme qu’il est périlleux d’accorder la permission de provoquer la mort d’une autre personne, même avec son consentement. Non seulement une loi dicte, mais elle éduque et elle imprime la revendication du droit et la suggestion du devoir. Avec le temps, les moeurs sont affectées et la rareté du geste cède le pas à l’habitude. C’est, à mon humble avis, un bien triste « progrès ». Nous avons la responsabilité, la mission d’accompagner avec douceur et tendresse la vie de nos proches qui souffrent, et ce, sans recours à une loi qui incite à la mort. Dans ce contexte, nous sommes invités à prévenir ce mode suicidaire en choisissant de reconnaître la dignité de la vie.
Cardinal Gérald C. Lacroix Archevêque de Québec 30 mai 2016
1 Description correspondant à la décision de la Cour suprême canadienne qui amendera le 6 juin notre code criminel pour offrir « une aide médicale à mourir ».
... Le président de la CECC et évêque de Hamilton, Mgr Douglas Crosby, a publié une Lettre aux familles catholiques canadiennes à l’occasion de la Semaine de la vie et de la famille.
Il note que c’est « un moment tout spécial de réflexion et de prière, le temps de se rappeler que la famille et la vie sont elles-mêmes deux cadeaux inestimables de Dieu ».
« En cette Année du Jubilé de la Miséricorde, il est particulièrement approprié de se pencher sur le rôle irremplaçable de la famille en tant que première école de la miséricorde de Dieu », souligne-t-il.
Mgr Douglas Crosby parle d’« innombrables » défis auxquels sont confrontées les familles d’aujourd’hui. « Nous n’avons qu’à penser au débat sur l’euthanasie et le suicide assisté qui secoue notre pays, précise-t-il. Le fait que tant de personnes s’appuient sur la possibilité d’avoir accès au suicide assisté pour vivre une bonne mort illustre bien que notre société vit un immense désenchantement face à l’amour et à la miséricorde. Les personnes qui se sentent aimées choisissent rarement la mort. Le monde a besoin de compassion ! »
« Le Christ est la plénitude de la miséricorde, rappelle Mgr Crosby. Jésus est le chemin. Son enseignement, sa vie, sa mort et sa Résurrection l’illustrent bien. Chacun de nous est appelé à imiter la justice du Seigneur qui donne la vie et le don qu’il fait de lui-même par amour compatissant. Nous sommes invités à le faire au quotidien : à la maison, à l’école, au travail. » ...
Parole d’évêque – Mgr D’Ornellas « la Fin de Vie, un Enjeu de Fraternité »
par Monseigneur d'Ornellas, 13/04/2016
Retour sur ce samedi 9 avril, à Chabeuil à la Maison Nazareth, où les Services Diocésains de Pastorale de la Santé, des diocèses de Viviers et Valence, proposait une journée d’étude.
Extraits de l’interventions de Mgr d’Ornellas
Nous naissons accompagné et nous partons accompagné à cause de notre fragilité humaine. Nécessité d’intégrer et d’apprivoiser la notion de Soins Palliatifs. Ils sont un élément essentiel des soins de santé. Le Palliatif commence bien avant le curatif, il est le premier soin à donner. Dans la loi, une nouveauté, les bénévoles ont toute leur place s la démarche des Soins Palliatifs. Accompagner l’angoisse ce n’est pas la supprimer. Nécessiter d’intégrer les personnes en fin de vie dans notre Vivre Ensemble. Aimer le malade sans se laisser submerger par ses souffrances.
« La Fin de Vie, un Enjeu de Fraternité »
« Où va cette personne que j’ai la mission d’accompagner ? » La réponse nous pouvons la trouver dans l’Evangile. Cette personne va vers des séparations. C’est bien le lieu de l’angoisse. Séparer : acte souverain de Dieu Créateur. C’est un acte fondamental. Si Dieu sépare c’est pour consacre. La mort c’est Dieu qui consacre une vie. L’amour est présent dans tout parcours de vie humaine. C’est le moment de dire merci pour cette vie. L’accompagnement permet à la personne de comprendre que sa vie est aimable. Vient le moment où je peux remettre ma vie en disant merci « En tes mains je remets mon Esprit » nous dit le psalmiste (31,5) ou Luc 23, 46 « … Jésus s’écria d’une voix forte : Père, je remets mon esprit entre tes mains. Et, en disant ces paroles, il expira. « On peut dire que la mort est une action de grâce dans l’amour.
Difficulté de la technique. La technique n’est pas faite pour être vulnérable, alors que l’humain est vulnérable. La technique a tendance à tout englober , elle devient tentation car nous sommes vulnérables. Je ne possède pas ma vie… ;je la reçois. Pourquoi je suis vulnérable, ? pourquoi j’ai peur, quand je touche la vulnérabilité de l’autre, parce que je suis moi-même vulnérable. Il faut que j’assume ma peur, cette vulnérabilité La technique devient un outil quand la technique est considérée comme étant vulnérable. A ce moment là « la mort est une victoire du soin »
L’autonomie d’une personne . Cette autonomie fait partie de la dignité de l’être humain. cette autonomie existe chez tout être. C’est un bien précieux. C’est la richesse d’un être en relation. J’existe dans la relation. Je suis posé dans une relation. L’autonomie est toujours relationnelle. Quelle autonomie pour une personne qui vit des vulnérabilités ? C’est s’abandonner à une relation.
En conclusion, Mgr d’Ornellas nous renvoi au n°74 de l’Encyclique de Benoît XVI Caritas In Veritate
Message important de l’Archevêque sur l’euthanasie et le suicide assisté ; neuvaine demandée
Neuvaine à Saint-Joseph(demandée par l’archevêque; à réciter du 10 au 18 mars) O glorieux saint Joseph, vous dont la puissance sait rendre possibles les choses impossibles, venez à notre aide dans l’embarras et la détresse où nous nous trouvons; prenez sous votre protection les affaires importantes et difficiles que nous vous recommandons afin qu’elles aient une heureuse issue. (Exprimez votre demande à saint Joseph) O notre bien-aimé Père, toute notre confiance est en vous; qu’il ne soit pas dit que nous vous ayons invoqué en vain; et, puisque vous pouvez tout auprès de Jésus et de Marie, montrez que votre bonté égale votre pouvoir. Amen.
St Joseph, priez pour nous !
Message important de l’archevêque d’Ottawa:
Chers frères et sœurs dans le Christ,
Le 6 février 2015, la Cour suprême du Canada a redéfini l’éthique médicale en suspendant l’interdiction du Code criminel du Canada pour le suicide assisté. Cette décision provoque de l’inquiétude parce que les autorités pourraient interpréter le langage subjectif de la décision de la Cour et autoriser l’euthanasie, avec peu ou pas de contraintes. Le résultat ? La société abandonnerait les personnes à leur stade le plus vulnérable, plutôt que de leur fournir des soins médicaux pour alléger leurs souffrances et leurs besoins. C’est précisément la façon dont la Commission parlementaire, qui a récemment publié ses recommandations le 25 février, a vu la décision de la Cour suprême.
Non seulement dans une perspective catholique mais dans n’importe quel point de vue rationnel, l’acte intentionnel et délibéré, de se tuer soi-même ou de tuer un autre être humain est clairement immoral. Comment une société juste peut-elle approuvée que l’État puisse permettre à nos médecins d’enlever la vie ? Lorsque toute vie est vulnérable et peut être prise à volonté, la dignité de la vie a sérieusement dégradée. Le respect de toute vie humaine dans notre société est fortement compromis.
Les défenseurs de l’euthanasie et du suicide assisté soulèvent souvent la question de la gestion de la douleur grave ou chronique. Ils proposent de mettre fin à la vie du patient comme le meilleur « traitement médical ». Beaucoup de gens en effet, ont peur de la douleur physique, mais l’Église enseigne que les patients en phase terminale de la maladie peuvent recevoir du soulagement pour la douleur si nécessaire, même si, indirectement, cela pourrait raccourcir leur vie. Le principe en cause ici est simple et clair : le but du médicament vise à soulager la douleur du patient, et non pas à accélérer sa mort.
Le «Catéchisme de l’Église Catholique » nous enseigne explicitement, “que quel qu’en soit les motifs ou les moyens, l’euthanasie direct qui consiste à mettre fin à la vie des personnes handicapées, malades ou mourante est moralement inacceptable”(n ° 2277). Le droit à la vie n’est pas une question pour les chrétiens seulement. C’est un droit humain pour tous. De coopérer formellement dans le meurtre de personnes handicapées, fragiles, malades, ou souffrante, même si motivé par une compassion déplacée, exige que l’on ait fait le jugement préalable que cette vie n’a pas de valeur et qu’elle n’est pas digne d’être vécue. Mais toute vie humaine a une valeur. La loi devrait protéger toute vie. Personne ne perd le droit à la vie en raison de maladie ou d’invalidité.
L’Église catholique ne préconise pas de prolonger la vie à tout prix. Plutôt, l’Église est guidée par le principe de la qualité de vie qui tient compte de la personne tout entière et non pas simplement de garder le corps en vie par n’importe quel moyen. En tant que chrétiens catholiques rationnels, avant d’accepter un traitement pour prolonger la vie ou non, nous nous posons cette question: Y a-t-il un espoir raisonnable de soulagement sans douleur excessive ou autre problème grave?
En tant que votre évêque et votre frère en Jésus-Christ, je vous exhorte à jeûner et à prier pour que nos parlementaires tiennent compte de nos préoccupations. S’il vous plaît prenez part à une neuvaine à Saint Joseph, entre le 10 et le 18 mars. Prions pour que nos législateurs aux niveaux nationaux et provinciaux, protègent la vie, particulièrement celle des personnes les plus vulnérables et qu’ils respectent le droit des professionnels de la santé de refuser de prendre part au suicide assisté.
Que pouvez-vous faire d’autre? Présentez ces préoccupations à votre député et aux membres du Parlement Provincial. Vous pouvez aussi commencer un groupe ou vous joindre à un groupe pro-vie dans votre paroisse pour prendre en charge la résistance à la culture de mort et nourrir la culture de la vie au Canada. Parler à vos amis et collègues de travail de la menace grave à la dignité humaine et à la vie que l’euthanasie et le suicide assisté représentent pour nos voisins les plus vulnérables. Expliquez à vos enfants, à vos petits-enfants, à vos amis et vos associés de l’importance de respecter la vie humaine de sa conception dans l’utérus jusqu’à sa mort naturelle.
Je vous encourage à être un agent de la miséricorde dans cette année jubilaire de la miséricorde – “nourrir les affamés, donner à boire à l’assoiffé, vêtir les nus, accueillir l’étranger, réconforter les malades, visiter les prisonniers et enterrer les morts. » Les catholiques, comme tous les autres citoyens, ont le droit et le devoir de participer à la vie politique de notre démocratie. Nous devons agir pour faire respecter la dignité de toute vie humaine.
Prenez courage. N’ayons pas peur de se mettre debout pour la valeur et la dignité de la vie. Les Chrétiens catholiques ont un rôle particulier à jouer pour s’opposer à cette culture de la mort. J’invite tous les catholiques à être de fervents défenseurs et promoteurs de l’Évangile de la vie. Faites entendre votre voix.
Pas d’onction des malades en cas de suicide assisté, prévient un évêque canadien
par La Croix, avec presse canadienne, 29/02/2016
Alors que la Conférence épiscopale canadienne a vivement dénoncé un nouveau rapport recommandant la légalisation du suicide assisté dans le pays, l’archevêque d’Ottawa, Mgr Terrence Prendergast, a souligné que ceux qui demandaient à mourir ainsi n’étaient pas en mesure de recevoir les derniers sacrements.
« Demander à être tué est gravement désordonné et constitue un rejet de l’espoir que le rite (de l’onction des malades, NDLR) demande et essaie d’apporter », a assuré l’archevêque d’Ottawa, Mgr Terrence Prendergast, dans une interview à l’agence Canadian Catholic News reprise par la presse spécialisée le 27 février.
Une personne cherchant à se tuer elle-même « ne se trouve pas dans la disposition appropriée » pour recevoir ce sacrement, a confirmé Mgr Prendergast. « Demander à un prêtre d’être présent à quelque chose qui est en contradiction directe avec les valeurs catholiques n’est pas juste pour le pasteur ».
Mgr Prendergast a ainsi rappelé qu’on ne peut « être pardonné en avance pour quelque chose que l’on va faire, comme demander le suicide assisté, alors que le suicide est un péché grave ».
Cette prise de position a été mise en avant alors qu’une commission gouvernementale canadienne a remis, deux jours plus tôt, un rapport final sur le sujet contenant plusieurs recommandations en faveur du suicide assisté et de l’euthanasie.
Vives oppositions de l’épiscopat au suicide assisté
Ce document a suscité de vives réactions de la part de l’épiscopat canadien, qui lutte depuis plusieurs mois contre cette évolution législative.
Des leaders religieux de toutes confessions se sont unis à la lutte menée par les évêques contre la légalisation de ces pratiques.
Les députés canadiens préparent actuellement un nouveau texte de loi qui pourrait devenir l’un des plus libéraux au monde en la matière. S’il est voté, il concernerait aussi les établissements catholiques.
Début février 2015, la Cour suprême du Canada avait déjà invalidé l’article du Code criminel qui interdit à un médecin d’aider quelqu’un à s’enlever la vie dans des circonstances bien précises. La décision définitive du parlement quant à l’extension du droit au suicide assisté et à l’euthanasie devrait être prise en juin.
Déclaration pastorale pour les catholiques du Canada sur le rapport « L’aide médicale à mourir : une approche centrée sur le patient »
par Mgr Douglas Crosby OMI, 26/02/2016
Chers frères et sœurs,
Le 25 février dernier, le Comité mixte spécial du gouvernement du Canada sur « l'aide médicale à mourir » a publié son rapport intitulé L'aide médicale à mourir : une approche centrée sur le patient. Le rapport recommande notamment :
- Que le suicide assisté soit accessible aux personnes atteintes d'une maladie psychiatrique (Recommandation 3) - Que les souffrances psychologiques soient au nombre des critères ouvrant droit au suicide assisté (Recommandation 4) - Que d'ici environ trois ans le suicide assisté soit accessible aux adolescents et peut-être également aux enfants qui pourraient être considérés comme des « personnes mineures matures » (Recommandation 6) - Que tous les professionnels de la santé soient tenus à tout le moins d'« aiguiller correctement » les patients qui demandent le suicide assisté (Recommandation 10) - Que tous les établissements de santé subventionnés par l'État au Canada offrent le suicide assisté (Recommandation 11)
Par ailleurs, le rapport n'indique pas comment les soins palliatifs et les soins à domicile peuvent offrir de véritables options aux personnes qui sont tentées par le suicide, et il ne demande pas de plan national pour prévenir les suicides. Au Canada, le taux de suicide est sept fois plus élevé chez les jeunes des Premières Nations que chez les jeunes non-Autochtones, alors que le taux de suicide chez les jeunes Inuit est parmi le plus élevé au monde, à 11 fois la moyenne nationale canadienne.
L'enseignement de l'Église catholique et la position des évêques catholiques du Canada sont clairs. Le suicide n'est pas un soin de santé. Tuer les personnes souffrant de maladies physiques ou mentales, qu'elles soient jeunes ou âgées, est contraire à la sollicitude et à l'amour pour nos frères et sœurs. La dignité de la personne humaine et l'épanouissement de la communauté humaine exigent : 1) la protection et le respect de chaque vie humaine de la conception à la mort naturelle; et 2) la liberté de conscience et de religion pour chaque personne et pour chaque établissement. Le bien-être social, la sécurité personnelle et le bien commun – accompagnés de la foi religieuse – signifient protéger la vie de ceux et celles qui souffrent et non de la menacer.
Les recommandations qui précèdent et l'idée maîtresse du rapport ne sont absolument pas « centrées sur le patient »; elles ne soutiennent et n'aident en aucun point les mourants et les personnes vulnérables. Pour rependre les mots du pape François, les recommandations du rapport suivent l'approche d'une société du « jetable ». Elles ne révèlent pas le visage de la miséricorde de Dieu.
Avec mes frères évêques, catholiques et orthodoxes, et avec les dirigeants des communautés religieuses protestantes évangéliques, juives et musulmanes, et plusieurs autres croyants et non-croyants, je vous exhorte de faire savoir à vos représentants élus pourquoi l'euthanasie, le suicide assisté et les recommandations susmentionnées sont complètement inacceptables.
Mgr Douglas Crosby, OMI Évêque de Hamilton Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada
(RV) Entretien - Il y a quelques années encore, l’ensemble du parlement canadien était contre l’idée d’envisager une loi sur l’euthanasie . Mais depuis le 6 février 2015, la Cour suprême du Canada l’a rendu possible.
Les juges suprêmes ont déclaré inconstitutionnelle la loi interdisant la possibilité de recourir au suicide assisté dans le pays, et ont donné un an aux forces politiques pour établir une nouvelle loi. Cette décision avait reçu un appui massif des élites politiques et médiatiques.
Mais les évêques catholiques invitent leurs fidèles à s’interroger sur ce moment décisif et crucial pour le pays, et à préférer les soins palliatifs à l’euthanasie.
Mgr Lionel Gendron, évêque de Saint-Jean-Longueuil, au Québec, nous parle de la mobilisation de l’épiscopat canadien sur cette question délicate. Il répond à Caroline Chabir.