« À l’occasion de la prochaine solennité du 15 août, je porte dans ma prière, de manière particulière, la France, dont la Vierge de l’Assomption est la Patronne.
Que Notre-Dame garde toujours ses enfants dans la foi, et qu’elle les aide à construire leur vie et leur société sur le Roc qu’est le Christ, unique espérance des Nations.
par le Réseau Mondial de Prière du Pape (Apostolat de la Prière), 30/06/2022
Ce mois-ci, le Pape nous parle à la première personne pour nous transmettre son intention de prière : il fait partie des personnes âgées, un groupe qui n’a « jamais été aussi nombreux dans l’histoire de l’humanité ». La société, nous dit François, leur offre « de nombreuses propositions d’assistance pour vivre la vieillesse mais peu de projets d’existence », oublieuse de la grande contribution que les personnes âgées peuvent encore apporter. Elles « sont le pain qui nourrit nos vies et la sagesse cachée d’un peuple » ajoute le Pape qui nous invite à « les fêter » lors de la « Journée qui leur est consacrée » : la Journée Mondiale des Grands-Parents et des personnes âgées. Partager cette vidéo revient à les remercier pour tout ce qu’elles sont et font dans nos familles.
« Nous ne pouvons pas parler de la famille sans parler de l’importance que les personnes âgées ont parmi nous.
Nous n’avons jamais été aussi nombreux dans l’histoire de l’humanité, et nous ne savons pas comment bien gérer cette nouvelle étape de la vie. Il y a de nombreuses propositions d’assistance pour vivre la vieillesse mais peu de projets d’existence.
En tant que personnes âgées, nous sommes particulièrement sensibles à l’attention à l’autre, à la réflexion et à l’affection. Nous sommes, ou pouvons devenir, des maîtres de tendresse. Et à quel point !
Dans ce monde habitué à la guerre, nous avons besoin d’une véritable révolution de la tendresse.
À cet égard, nous avons une grande responsabilité envers les nouvelles générations. Souvenons-nous que les grands-parents et les personnes âgées sont le pain qui nourrit nos vies et la sagesse cachée d’un peuple. Et c’est parce qu’il convient de les fêter, que j’ai instauré une journée qui leur est consacrée.
Prions pour les personnes âgées, afin qu’elles se transforment en maîtres de tendresse et que leur expérience et leur sagesse aident les plus jeunes à regarder l'avenir avec espérance et responsabilité » .
Sainte-Marthe : le pape prie pour les personnes âgées qui souffrent de solitude et de peur
17/03/2020
En pleine pandémie du Coronavirus Covid-19, qui voit le confinement de plus en plus de nations, le pape François a prié pour les personnes âgées souffrant de la solitude et de la peur, lors de la messe matinale qu’il célébrait en la chapelle de la Maison Sainte-Marthe, ce 17 mars 2020.
Introduisant la célébration retransmise en direct streaming, le pape a invité : « Je voudrais qu’aujourd’hui nous priions pour les personnes âgées qui souffrent particulièrement de cette période, avec une très grande solitude intérieure et parfois beaucoup de peurs. »
« Prions le Seigneur, a-t-il ajouté, afin qu’il soit proche de nos grands-pères, de nos grands-mères, de toutes les personnes âgées et qu’il leur donne la force. Ils nous ont donné la sagesse, la vie, l’histoire. Nous aussi soyons proches d’eux par la prière. »
Place Saint-Pierre Dimanche de la Divine Miséricorde, 28 avril 2019, extraits
Chers frères et sœurs, bonjour!
L’Evangile d’aujourd’hui (cf. Jn 20, 19-31) raconte que, le jour de Pâques, Jésus apparaît à ses disciples au cénacle, le soir, en apportant trois dons: la paix, la joie, la mission apostolique. ...
...Comme si Jésus nous disait à tous: «Si tu n’es pas en paix, touche mes plaies».
Toucher les plaies de Jésus, qui sont les nombreux problèmes, difficultés, persécutions, maladies, dont souffrent tant de personnes. Tu n’es pas en paix ? Va, va rendre visite à quelqu’un qui est le symbole de la plaie de Jésus. Touche la plaie de Jésus. De ces plaies jaillit la miséricorde. C’est pour cela qu’aujourd’hui est le dimanche de la miséricorde. ...
Nous avons tous besoin de la miséricorde, nous le savons. Approchons-nous de Jésus et touchons ses plaies dans nos frères qui souffrent. Les plaies de Jésus sont un trésor: c’est de là que sort la miséricorde. Soyons courageux et touchons les plaies de Jésus. Avec ces plaies, il se tient devant le Père, il les montre au Père, comme s’il disait: «Père, c’est le prix, ces plaies sont ce que j’ai payé pour mes frères». Avec ses plaies, Jésus intercède devant le Père. Il nous donne la miséricorde si nous nous approchons, et il intercède pour nous. N’oubliez pas les plaies de Jésus. ...
Source : vatican.va
PAPE FRANÇOIS
REGINA CÆLI
Place Saint-Pierre Dimanche de la Divine Miséricorde, 28 avril 2019
[Multimédia]
Chers frères et sœurs, bonjour!
L’Evangile d’aujourd’hui (cf. Jn 20, 19-31) raconte que, le jour de Pâques, Jésus apparaît à ses disciples au cénacle, le soir, en apportant trois dons: la paix, la joie, la mission apostolique.
Ses premières paroles sont: «Paix à vous!» (v. 21). Le Ressuscité apporte la paix authentique, car par son sacrifice sur la croix, il a réalisé la réconciliation entre Dieu et l’humanité et il a vaincu le péché et la mort. Telle est la paix. Ses disciples avaient les premiers besoin de cette paix, parce qu’après l’arrestation et la condamnation à mort du Maître, ils étaient tombés dans l’égarement et dans la peur. Jésus se présente vivant au milieu d’eux et, montrant ses plaies — Jésus a voulu conserver ses plaies —, dans son corps glorieux, il donne la paix comme fruit de sa victoire. Mais ce soir-là l’apôtre Thomas n’était pas présent. Informé de cet événement extraordinaire, incrédule devant le témoignage des autres apôtres, il prétend vérifier en personne la vérité de ce qu’ils affirment. Huit jours plus tard, c’est-à-dire précisément comme aujourd’hui, l’apparition se répète: Jésus vient à la rencontre de l’incrédulité de Thomas, en l’invitant à toucher ses plaies. Elles constituent la source de la paix, parce qu’elles sont le signe de l’amour immense de Jésus qui a vaincu les forces hostiles à l’homme, le péché, la mort. Il l’invite à toucher ses plaies. C’est un enseignement pour nous, comme si Jésus nous disait à tous: «Si tu n’es pas en paix, touche mes plaies».
Toucher les plaies de Jésus, qui sont les nombreux problèmes, difficultés, persécutions, maladies, dont souffrent tant de personnes. Tu n’es pas en paix? Va, va rendre visite à quelqu’un qui est le symbole de la plaie de Jésus. Touche la plaie de Jésus. De ces plaies jaillit la miséricorde. C’est pour cela qu’aujourd’hui est le dimanche de la miséricorde. Un saint disait que le corps de Jésus crucifié est comme un sac de miséricorde, qui parvient à nous tous à travers ses plaies. Nous avons tous besoin de la miséricorde, nous le savons. Approchons-nous de Jésus et touchons ses plaies dans nos frères qui souffrent. Les plaies de Jésus sont un trésor: c’est de là que sort la miséricorde. Soyons courageux et touchons les plaies de Jésus. Avec ces plaies, il se tient devant le Père, il les montre au Père, comme s’il disait: «Père, c’est le prix, ces plaies sont ce que j’ai payé pour mes frères». Avec ses plaies, Jésus intercède devant le Père. Il nous donne la miséricorde si nous nous approchons, et il intercède pour nous. N’oubliez pas les plaies de Jésus.
Le deuxième don que Jésus apporte aux disciples est la joie. L’évangéliste rapporte que «les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur» (v. 20). Et il y a aussi un verset, dans la version de Luc, qui dit qu’ils ne pouvaient pas croire à leur joie. Peut-être que nous aussi, quand il s’est passé quelque chose d’incroyable, de beau, avons envie de dire: «Je ne peux pas y croire, ce n’est pas vrai!». Les disciples étaient ainsi, ils ne pouvaient pas croire à leur joie. C’est la joie que nous apporte Jésus. Si tu es triste, si tu n’es pas en paix, regarde Jésus crucifié, regarde Jésus ressuscité, regarde ses plaies et prends cette joie.
Et puis, au-delà de la paix et de la joie, Jésus apporte aussi aux disciples la mission. Il leur dit: «Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie» (v. 21). La résurrection de Jésus est le commencement d’un nouveau dynamisme d’amour, capable de transformer le monde par la présence de l’Esprit Saint.
En ce deuxième dimanche de Pâques, nous sommes invités à nous approcher du Christ avec foi, en ouvrant notre cœur à la paix, à la joie et à la mission. Mais n’oublions pas les plaies de Jésus, parce que d’elles sortent la paix, la joie et la force pour la mission. Confions cette prière à l’intercession maternelle de la Vierge Marie, reine du ciel et de la terre.
Vendredi de la miséricorde : le Pape visite un « village » pour l’inclusion des malades d’Alzheimer
par Anne Kurian, 12/04/2019
Le pape François a visité le « Village Emanuele« , dédié aux personnes malades d’Alzheimer, dans la périphérie nord de Rome, dans l’après midi de ce 12 avril 2019 : un nouveau geste de « Vendredi de la miséricorde », indique le Saint-Siège dans un communiqué.
Accompagné de Mgr Rino Fisichella, président du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, le pape s’est rendu dans ce complexe situé à Bufalotta. Organisé en village de 14 maisons – accueillant chacune 6 personnes – le centre permet aux malades de vivre « dans des conditions normales », de « garder un pont de communication avec l’extérieur » et de promouvoir leur « socialisation » et « inclusion ».
A son arrivée, précise la note, le pape a été accueilli avec « stupéfaction » par les résidents et le personnel. Il a salué les malades, « échangeant avec chacun des paroles de réconfort ».
Le pape a ensuite visité le village : certains hôtes « qui se reposaient dans leurs chambres ont reçu cette visite inattendue et ont pu s’entretenir avec le pape » ; d’autres, impliqués dans diverses activités, « ont montré au pape leurs occupations quotidiennes ». Il est également entré dans les services proposés – un petit supermarché, un bar, un restaurant et un salon de beauté.
« La présence du pape, note le Saint-Siège, a été vécue par tous comme un don et un moment de joie ». L’initiative avait pour but d’exprimer l’attention du pape pour les conditions de vie des personnes atteintes, risquant « l’exclusion et la solitude », la « désorientation » et la « souffrance ». Il s’agissait aussi de plaider pour un plus grand « respect des besoins et de la dignité de celui qui vit cette maladie et de celui qui se trouve au côté du malade ».
Avant de quitter le Village Emanuele, le pape a offert un parchemin contenant une pensée écrite à la main et une toile représentant la Nativité.
Le Village Emanuele a pris le nom de son fondateur, le professeur Emmanuele F.M. Emanuele – présent durant la visite du pape. Les patients, appelés « résidents », peuvent faire leurs courses au supermarché, aider en cuisine, s’occuper des tâches domestiques, en gardant ainsi « le sens de la réalité et de leur identité ».
Les logements sont créés pour être des lieux « familiaux » et bénéficient de personnel de santé, de médecins, d’assistants sociaux, d’éducateurs. Diverses activités comme l’art, la musique, le sport, la lecture, sont proposées. L’hébergement y est gratuit.
Comment fait-on pour ne pas juger, ne pas condamner et pardonner? " Donnez et l’on vous donnera " Soyez généreux en donnant. Non seulement l'aumône matérielle, mais aussi l'aumône spirituelle: perdre du temps avec qui en a besoin, visiter une personne malade, sourire. #SantaMarta
Le pape exhorte à la « tendresse » car « l’amour est le sens de la vie »
Le Pape François aux participants du Congrès “La théologie de la tendresse chez le pape François”, ce 13 septembre 2018.
Chers frères et sœurs,
Je vous salue cordialement et je remercie le cardinal Bassetti pour les paroles courtoises qu’il m’a adressées en votre nom, et également pour vos paroles, qui m’ont mis au courant du travail que vous faites. Vous avez réfléchi ces derniers jours sur la théologie de la tendresse, et je voudrais simplement vous dire quelque chose, parce que quand j’ai vu le thème, j’ai commencé à étudier. Vous m’avez fait lire ce livre pour comprendre ce que c’était. Un beau livre, vous le connaissez, celui de Rocchetta. Il est bien… C’est lui? [applaudissements]
Moi, je voudrais simplement vous proposer trois points.
Le premier concerne l’expression théologie de la tendresse. Théologie et tendresse semblent deux mots distincts : la première semble rappeler le domaine académique, la seconde les relations interpersonnelles. En réalité notre foi les relie indissolublement. La théologie, en effet, ne peut pas être abstraite – si elle était abstraite, elle serait idéologie –, parce qu’elle naît d’une connaissance existentielle, elle naît de la rencontre avec le Verbe fait chair ! La théologie est alors appelée à communiquer le caractère concret de Dieu amour. Et la tendresse est un bon “existentiel concret”, pour traduire à notre époque l’affection que le Seigneur nourrit pour nous.
Aujourd’hui, en effet, nous nous concentrons moins, contrairement au passé, sur le concept ou sur la pratique, et plus sur le “sentiment”. On peut ne pas aimer, mais c’est un donné de fait : on part de ce que l’on sent. La théologique ne peut certainement pas se réduire à un sentiment, mais elle ne peut non plus ignorer qu’en de nombreux endroits du monde l’approche des questions vitales ne commence plus par des questions ultimes ou des exigences sociales, mais de ce que la personne ressent émotionnellement. La théologie est appelé à accompagner cette recherche existentielle, en apportant la lumière qui vient de la Parole de Dieu. Et une bonne théologie de la tendresse peut décliner la charité divine en ce sens. C’est possible, parce que l’amour de Dieu n’est pas un principe général abstrait, mais personnel et concret, que l’Esprit-Saint communique dans l’intime. En effet, il rejoint et transforme les sentiments et les pensées de l’homme. Quelle teneur pourrait donc avoir une théologie de la tendresse ? Deux me semblent important, et ce sont les deux autres points que je voudrais vous offrir : la beauté de nous sentir aimés par Dieu et la beauté de nous sentir aimer au nom de Dieu.
Nous sentir aimés. C’est un message qui nous est parvenu plus fort ces derniers temps : du Sacré-Cœur, de Jésus miséricordieux, de la miséricorde comme propriété essentielle de la Trinité et de la vie chrétienne. Aujourd’hui la liturgie nous rappelait la parole de Jésus : « Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6,36). La tendresse peut justement indiquer la façon de transposer aujourd’hui la miséricorde divine. La tendresse nous révèle, à côté du visage paternel, le visage maternel de Dieu, d’un Dieu amoureux de l’homme, qui nous aime d’un amour infiniment plus grand que celui qu’a une mère pour son enfant (cf. Is 49,15). Quoiqu’il arrive, quoi que nous fassions, nous sommes certains que Dieu est proche, prêt à s’émouvoir pour nous. Tendresse est un mot bénéfique, c’est l’antidote à la peur à l’égard de Dieu, parce que « dans l’amour il n’y a pas de peur » (1 Jn 4,18), parce que la confiance vainc la peur. Nous sentir aimés signifie donc apprendre à nous confier à Dieu, à lui dire, comme Il le veut : “Jésus, je me confie à toi”.
Cela, et d’autres considérations, peut approfondir la recherche : pour donner à l’Eglise une théologie “savoureuse”; pour nous aider à vivre une foi consciente, ardente d’amour et d’espérance ; pour nous exhorter à fléchir les genoux, touchés et blessés par l’amour divin. En ce sens la tendresse renvoie à la Passion. La Croix est en effet le sceau de la tendresse divine, qui puise dans les plaies du Seigneur. Ses blessures visibles sont les fenêtres qui ouvrent tout grand son amour invisible. Sa Passion nous invite à transformer notre cœur de pierre en cœur de chair, à nous passionner de Dieu. Et de l’homme, par amour de Dieu.
Voici alors le dernier point : nous sentir aimer. Quand l’homme se sent vraiment aimé, il se sent porté aussi à aimer. D’ailleurs, si Dieu est infinie tendresse, l’homme aussi, créé à son image, est capable de tendresse. La tendresse, alors, loin de se réduire à du sentimentalisme, est le premier pas pour dépasser le repli sur soi, pour sortir de l’égocentrisme qui défigure la liberté humaine. La tendresse de Dieu nous porte à comprendre que l’amour est le sens de la vie. Nous comprenons ainsi que la racine de notre liberté n’est jamais auto-référentielle. Et nous nous sentons appelés à déverser dans le monde l’amour reçu du Seigneur, à le décliner dans l’Eglise, dans la famille, dans la société, à le conjuguer dans le service et dans le don. Tout cela non pas par devoir, mais par amour, par amour pour celui par lequel nous sommes tendrement aimés.
Ces brefs points orientent vers une théologie en chemin : une théologie qui sort des chaussées rétrécies ou elle s’est parfois renfermée et qui se tourne vers Dieu avec dynamisme, en prenant l’homme par la main ; une théologie non pas narcissique, mais tendue vers le service de la communauté ; une théologie qui ne se contente pas de répéter les paradigmes du passé, mais qui soit Parole incarnée. Certainement la Parole de Dieu ne change pas (cf. Hb 1,1-2;13,8), mais la chair qu’elle est appelée à assumer, elle si. Elle change à chaque époque. Il y a beaucoup de travail, donc, pour la théologie et pour sa mission aujourd’hui : incarner la Parole de Dieu pour l’Eglise et pour l’homme du troisième millénaire. Aujourd’hui plus que jamais il faut une révolution de la tendresse. Cela nous sauvera.
Confions l’approfondissement de vos travaux à la Vierge, Mère de tendresse. Je vous bénis, ainsi que les communautés dont vous venez, en vous demandant de prier et de faire prier pour moi. Merci.
33ème Dimanche du Temps Ordinaire 18 novembre 2018
Un pauvre crie, le Seigneur entend
1. «Un pauvre crie; le Seigneur entend.» (Ps 33, 7). Les paroles du psalmiste deviennent les nôtres lorsque nous rencontrons des situations de souffrance et de marginalisation, dans lesquelles vivent tant de frères et de sœurs que nous avons coutume de désigner par l’appellation générique de «pauvres». Celui qui écrit ces mots n’est pas étranger à cette condition, bien au contraire. Il fait l’expérience directe de la pauvreté et la transforme cependant en un chant de louange et d’action de grâce au Seigneur. A nous qui sommes concernés par tant de formes de pauvretés, ce Psaume nous donne de comprendre qui sont les véritables pauvres vers qui nous sommes invités à tourner le regard pour entendre leur cri et reconnaitre leurs besoins.
Il nous a d’abord été dit que le Seigneur entend les pauvres qui crient vers Lui, et qu’Il est bon avec ceux qui cherchent refuge en Lui, le cœur brisé par la tristesse, la solitude et l’exclusion. Il écoute ceux dont la dignité est foulée, et qui ont cependant la force d’élever leur regard vers le haut pour recevoir lumière et réconfort. Il écoute ceux qui sont persécutés par une justice inique, opprimés par des politiques indignes de ce nom et dans la peur de la violence, tout en considérant Dieu comme leur Sauveur. Ce qui jaillit de cette prière est d’abord un sentiment d’abandon confiant en un Père qui écoute et accueille. C’est sur la même longueur d’onde que nous pouvons comprendre ce que Jésus a proclamé à travers cette béatitude: «Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.» (Mt 5, 3).
C’est en raison de cette expérience unique, et par bien des aspects imméritée et impossible à exprimer entièrement, qu’on ressent le désir de la partager, et d’abord à ceux qui, comme le Psalmiste, sont pauvres, exclus et marginalisés. De fait, nul ne doit se considérer comme exclu de l’amour du Père, tout particulièrement dans un monde pour qui la richesse, qui enferme sur soi, est élevée au rang d’objectif premier.
2. Le Psaume exprime l’attitude du pauvre et sa relation à Dieu avec trois verbes. D’abord «crier». Le fait d’être pauvre ne peut se résumer en un seul mot: c’est un cri qui traverse les cieux et rejoint Dieu. Qu’exprime le cri du pauvre, sinon la souffrance et la solitude, sa déception et son espérance? Nous pouvons nous demander: comment se fait-il que ce cri qui monte jusqu’à Dieu ne parvient pas à nos oreilles et nous laisse indifférents et impassibles? Au cours d’une telle Journée, nous sommes appelés à un sérieux examen de conscience pour saisir si nous sommes réellement capables d’écouter les pauvres.
Pour reconnaître leur voix, nous avons besoin du silence de l’écoute. Plus nous parlons, plus nous aurons du mal à les entendre. J’ai souvent peur que beaucoup d’initiatives, cependant nécessaires et vertueuses, servent davantage à nous satisfaire nous-mêmes qu’à entendre réellement le cri du pauvre. Dans cette situation, lorsque les pauvres font entendre leur cri, notre réaction manque de cohérence et est incapable de rejoindre réellement leur condition. Nous sommes à ce point prisonniers d’une culture qui nous fait nous regarder dans la glace et ne s’occuper que de soi, qu’on ne peut imaginer qu’un geste altruiste puisse satisfaire pleinement, sans être directement compromis.
3. «Répondre» est un deuxième verbe. Le Seigneur, dit le Psalmiste, non seulement entend le cri du pauvre, mais il répond. Sa réponse, ainsi que l’atteste toute l’histoire du salut, est un partage plein d’amour, de la condition du pauvre. Ce fut ainsi lorsque Abraham exprima à Dieu son désir d’une descendance, alors que lui et son épouse Sara, désormais âgés, n’avaient pas d’enfant (cf Gn 15, 1-6). C’est ce qui s’est produit lorsque Moïse, à travers le feu du buisson ardent, a reçu la révélation du nom divin et la mission de faire sortir son peuple de l’Egypte (cf Ex 3, 1-15). Cette réponse fut confirmée tout au long de la marche du peuple à travers le désert : quand il ressentait la morsure de la faim et de la soif (cf Ex 16, 1-16; 17, 1-7), et quand il tombait dans une misère pire encore, l’infidélité à l’alliance et l’idolâtrie (cf Ex 32, 1-14).
La réponse de Dieu au pauvre est toujours une intervention de salut pour soigner les blessures de l’âme et du corps, pour rétablir la justice et pour aider à reprendre une vie digne. La réponse de Dieu est aussi un appel pour que quiconque croit en lui puisse faire de même dans les limites de l’humanité. La Journée Mondiale des Pauvres se veut une modeste réponse de toute l’Eglise, dispersée de par le monde, adressée aux pauvres de toutes sortes et de tous lieux, afin que nul ne croit que son cri s’est perdu dans le vide. Il s’agit sans doute d’une goutte d’eau dans l’océan de la pauvreté. Elle peut être cependant comme un signe partagé par tous ceux qui sont dans le besoin, afin qu’ils ressentent la présence active d’un frère et d’une sœur. On ne répond pas aux besoins des pauvres par procuration, mais en écoutent leur cri et en s’engageant personnellement. La sollicitude des croyants ne peut pas se résumer à une assistance - même si elle est nécessaire et un droit social dans un premier temps - mais appelle cette «attention aimante» (Exhortation Apostolique Evangelii gaudium, 199) qui honore l’autre en tant que personne et recherche son bien.
4. «Libérer» est un troisième verbe. Le pauvre de la Bible vit dans la certitude que Dieu intervient en sa faveur pour lui redonner sa dignité. La pauvreté n’est pas recherchée mais elle est le fruit de l’égoïsme, de l’orgueil, de l’avidité et de l’injustice. Des maux aussi vieux que l’humanité, qui sont toujours des péchés qui blessent tant d’innocents, ont des conséquences sociales dramatiques. L’agir du Seigneur qui libère est une œuvre de salut à l’égard de ceux qui Lui manifestent leur tristesse et leur angoisse. La prison de la pauvreté est détruite par la puissance de l’intervention de Dieu. De nombreux Psaumes racontent et célèbrent l’histoire du salut qui trouve écho dans la vie personnelle du pauvre: «Il n'a pas rejeté, il n'a pas réprouvé le malheureux dans sa misère; il ne s'est pas voilé la face devant lui, mais il entend sa plainte.» (Ps 21, 25). Pouvoir contempler le visage de Dieu est signe de son amitié, de sa proximité, de son salut. «Tu vois ma misère et tu sais ma détresse; devant moi, tu as ouvert un passage.» (Ps 30, 8-9). Ouvrir au pauvre «un passage», c’est le libérer des «filets du chasseur» (cf Ps 90, 3), lui éviter le piège tendu sous ses pas, pour qu’il puisse ainsi avancer d’un pas léger et voir la vie avec un regard serein. Le salut de Dieu prend la forme d’une main tendue vers le pauvre, une main qui accueille, protège, et donne de percevoir l’amitié dont on a besoin. C’est à partir de cette proximité concrète et tangible que peut être entrepris un authentique chemin de libération: «Chaque chrétien et chaque communauté sont appelés à être instruments de Dieu pour la libération et la promotion des pauvres, de manière à ce qu’ils puissent s’intégrer pleinement dans la société ; ceci suppose que nous soyons dociles et attentifs à écouter le cri du pauvre et à le secourir.» (Exhortation Apostolique Evangelii gaudium, 187).
5. Je suis ému par le fait de savoir que beaucoup de pauvres se sont identifiés à Bartimée, dont parle l’évangéliste Marc (cf 10, 46-52). Bartimée «un aveugle qui mendiait, était assis au bord du chemin. (v. 46), et ayant entendu Jésus passer « se mit à crier » et à invoquer le « Fils de David» pour qu’il ait pitié de lui (cf v. 47). «Beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire, mais il criait de plus belle» (v. 48). Le Fils de Dieu entendit son cri: «Que veux-tu que je fasse pour toi ?». Et l’aveugle lui répondit: «Rabbouni, que je retrouve la vue!» (v. 51). Ce passage d’évangile donne à voir ce que le Psaume annonçait comme une promesse. Bartimée est un pauvre privé de ses capacités fondamentales: voir et travailler. Combien de situations aujourd’hui encore produisent des états de précarité. Le manque des moyens de base de subsistance, la marginalisation due au manque de travail, les différentes formes d’esclavage social, malgré les avancées accomplies par l’humanité… Comme Bartimée, beaucoup de pauvres sont aujourd’hui au bord de la route et cherchent un sens à leur condition. Combien s’interrogent sur les raisons de leur descente dans un tel abysse, et sur la manière d’en sortir! Ils attendent que quelqu’un s’approchent d’eux et leur disent: «Confiance, lève-toi; il t’appelle.» (v. 49).
Au contraire, on constate pourtant souvent que les voix qui s’entendent sont celles des reproches et de l’invitation à se taire et à subir. Ce sont des voix qui sonnent faux, dictées par la peur des pauvres, considérés non seulement comme indigents, mais aussi source d’insécurité, d’instabilité, de changement des habitudes, et qu’il faut pour cela repousser et tenir à distance. On crée ainsi une distance entre eux et nous, sans se rendre compte qu’on s’éloigne ainsi du Seigneur Jésus, qui ne les repousse pas, mais les appelle à lui et les console. Les paroles du prophète sur le mode de vie des croyants trouvent ici une résonance: «faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprimés, briser tous les jougs[…] partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement» (Is 58, 6-7). Cette façon d’agir fait que les péchés sont pardonnés (cf 1 P4, 8), que la justice poursuive son chemin et lorsque nous crierons vers le Seigneur, qu’Il nous réponde: Me voici ! (cf Is 58, 9).
6. Les pauvres sont les premiers capables de reconnaître la présence de Dieu et de témoigner de sa proximité dans leur vie. Dieu demeure fidèle à sa promesse, et jusque dans l’obscurité de la nuit, la chaleur de son amour et de sa consolation ne fait jamais défaut. Pour que les pauvres sortent de leur condition dégradante, il leur faut percevoir la présence de frères et de sœurs qui s’occupent d’eux, et ouvrant la porte de leur cœur et de leur vie, les considèrent comme des amis et des familiers. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons découvrir «la force salvifique de leurs existences» et «les mettre au centre du cheminement de l’Église» ( Exhortation Apostolique Evangelii gaudium, 198).
En cette Journée Mondiale, nous sommes invités à donner corps aux paroles du Psaume: «Les pauvres mangeront: ils seront rassasiés» (Ps 21, 27). Au Temple de Jérusalem, nous savons qu’après le rite du sacrifice, un banquet avait lieu. C’est une expérience que de nombreux diocèses ont faite l’année dernière, qui a enrichi la célébration de la première Journée Mondiales des Pauvres. Beaucoup ont trouvé la chaleur d’une maison, la joie d’un repas festif, et la solidarité auprès de ceux qui ont voulu partager la nourriture d’une façon simple et fraternelle. Je voudrais que cette année encore, et à l’avenir, cette Journée soit placée sous le signe de la joie et d’une capacité renouvelée à se retrouver. Prier ensemble en communauté et partager le repas du dimanche. C’est une expérience qui nous ramène à la première communauté chrétienne, dont l’évangéliste Luc décrivait l’originalité et la simplicité: «Ils étaient assidus à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. […] Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun; ils vendaient leurs biens et leurs possessions, et ils en partageaient le produit entre tous en fonction des besoins de chacun» (Ac 2, 42.44-45).
7. On ne compte plus les initiatives que la communauté chrétienne prend quotidiennement pour manifester sa proximité et soulager tant de formes de pauvreté que nous avons sous les yeux. La collaboration avec d’autres instances, qui ne sont pas animées par la foi mais par la solidarité humaine, permet d’apporter une aide que nous ne pourrions pas réaliser seuls. Dans ce monde immense de la pauvreté, reconnaître les limites, la faiblesse, et l’insuffisance de nos moyens, invite à une collaboration réciproque qui nous permet ainsi d’être davantage efficaces. C’est la foi et l’impératif de la charité qui nous animent, mais nous savons travailler avec d’autres formes d’aide et de solidarité qui partage en partie les mêmes objectifs, pourvu que nous ne mettions pas de côté ce qui nous est propre: conduire tous à Dieu et à la sainteté. Le dialogue entre des expériences différentes, ainsi que la collaboration que nous offrons avec humilité, hors de toute prétention, est la réponse ajustée et pleinement évangélique que nous pouvons donner.
Il ne s’agit pas de vouloir jouer les premiers rôles face aux pauvres, mais il nous faut reconnaître humblement que c’est l’Esprit qui suscite des gestes qui expriment la réponse et la proximité de Dieu. Lorsqu’il nous est donné de nous faire proche des pauvres, sachons reconnaître que c’est Lui, le premier, qui a ouvert nos yeux et notre cœur à la conversion. Les pauvres n’ont pas besoin de compétiteurs, mais d’un amour qui sache demeurer discret et oublier le bien accompli. Les véritables acteurs sont le Seigneur et les pauvres. Celui qui se met au service est l’instrument entre les mains de Dieu pour faire reconnaître sa présence et son salut. C’est ce que nous rappelle saint Paul lorsqu’il écrit aux chrétiens de Corinthe qui rivalisaient entre eux au sujet des charismes les plus grands: «L’œil ne peut pas dire à la main: «Je n’ai pas besoin de toi»; la tête ne peut pas dire aux pieds: «Je n’ai pas besoin de vous» (1 Co 12, 21). L’Apôtre fait une observation importante lorsqu’il observe que les membres du corps qui paraissent les plus faibles sont les plus nécessaires (cf v. 22) ; et que les parties du corps «qui passent pour moins honorables, ce sont elles que nous traitons avec plus d’honneur; celles qui sont moins décentes, nous les traitons plus décemment; pour celles qui sont décentes, ce n’est pas nécessaire.» (vv. 23-24). En livrant un enseignement fondamental sur les charismes, Paul apprend aussi à la communauté l’attitude évangélique à adopter à l’égard de ses membres les plus faibles et dans le besoin. Les disciples du Christ sont loin d’avoir à les mépriser ou à s’apitoyer sur eux. Ils sont bien au contraire appelés à les honorer, leur donner la première place, convaincus d’être réellement en présence de Jésus. «Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait». (Mt 25, 40).
8. On comprend ainsi quelle distance il y a entre notre mode de vie et celui du monde qui fait la louange, aspire à imiter ceux qui ont le pouvoir et la richesse, et qui marginalise les pauvres, les considère comme des déchets qui font honte. Les mots de l’Apôtre nous invitent à donner toute sa plénitude évangélique à la solidarité à l’égard des membres les plus faibles et moins bien pourvus du Corps du Christ: «Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie.» (1 Co 12, 26). De la même manière, dans la Lettre aux Romains, il exhorte : «Soyez joyeux avec ceux qui sont dans la joie, pleurez avec ceux qui pleurent. Soyez bien d’accord les uns avec les autres; n’ayez pas le goût des grandeurs, mais laissez-vous attirer par ce qui est humble» (12,15-16). C’est la vocation du disciple du Christ, l’idéal vers lequel tendre constamment, pour adopter toujours plus en nous les «dispositions qui sont dans le Christ Jésus» (Ph 2, 5).
9. C’est une parole d’espérance que la foi nous indique comme épilogue naturel. Souvent les pauvres mettent en cause notre indifférence, fruit d’une vision de la vie trop immanente et liée au présent. Le cri du pauvre est aussi un cri d’espérance par lequel il manifeste la certitude d’être libéré. C’est l’espérance fondée sur l’amour de Dieu qui n’abandonne pas celui qui se confie en Lui (cf Rm 8, 31-39). Sainte Thérèse d’Avila écrivait dans son Chemin de la perfection: «La pauvreté d'esprit est un bien qui renferme en soi tous les biens du monde. Elle confère une souveraineté suprême, car c'est être le souverain de tous les biens du monde que de les mépriser» (2, 5). C’est dans la mesure où nous sommes capables de discerner le bien véritable que nous devenons riches devant Dieu et sages devant les autres et nous-mêmes. C’est précisément dans la mesure où l’on parvient à donner à la richesse son sens véritable et juste que l’on grandit en humanité et capable de partager.
10. J’invite mes frères évêques, les prêtres et les diacres en particulier, à qui on a imposé les mains pour le service des pauvres, (cf Ac 6, 1-7), avec les consacrés et tant de laïcs qui donnent corps à la réponse de l’Eglise au cri des pauvres, dans les paroisses, les associations et les mouvements, à vivre cette Journée Mondiale comme un moment privilégié de nouvelle évangélisation. Les pauvres nous évangélisent, en nous aidant à découvrir chaque jour la beauté de l’Evangile. Ne passons pas à côté de cette occasion de grâce. En ce jour, considérons-nous comme leurs débiteurs. Se tendre la main les uns et les autres, c’est vivre une rencontre de salut qui soutient la foi, rend effective la charité, donne l’espérance pour avancer sur le chemin où le Seigneur vient à notre rencontre.
Défense de la vie : le Pape appelle à être « plus conscient » « en ce moment de destruction de l’humanité »
Anne Kurian, 04/02/2018 (traduction revue par christophore.com)
Angélus du 04/02/2018
Lors de l’angélus de ce 4 février 2018, le pape François a appelé à être « plus conscient » de la nécessité de la défense de la vie.
Après la prière mariale, le pape a en effet salué la « Journée pour la vie » organisée par la Conférence épiscopale italienne sur le thème « L’Evangile de la vie, joie pour le monde ».
Il a exprimé son « appréciation » et son « encouragement » aux « diverses réalités ecclésiales qui promeuvent et soutiennent la vie de tant de façons », en particulier « le Mouvement pour la Vie ».
Notant que ces représentants étaient « peu nombreux » place Saint-pierre, le pape a alors confié sa préoccupation : « Il ne sont pas nombreux ceux qui luttent pour la vie, a-t-il lancé, dans un monde où chaque jour on construit plus d’armes, où chaque jour on fait plus de lois contre la vie, où chaque jour l’on poursuit cette culture du rejet, de la mise à l’écart de ce qui ne sert pas, de ce qui ennuie. »
« S’il vous plaît, prions pour que notre peuple soit plus conscient de la défense de la vie en ce moment de destruction et de rebut de l’humanité », a-t-il ajouté.
PÈLERINAGE DU PAPE FRANÇOIS AU SANCTUAIRE DE NOTRE-DAME DE FÁTIMA à l'occasion du centenaire des apparitions de la Bienheureuse Vierge Marie à la Cova da Iria (12-13 mai 2017)
BÉNÉDICTION DES BOUGIES
SALUT DU SAINT-PÈRE
Petite chapelle des Apparitions, Fátima Vendredi 12 mai 2017
Chers pèlerins de Marie et avec Marie !
Merci de m’accueillir parmi vous et de vous unir à moi en ce pèlerinage vécu dans l’espérance et dans la paix. Dès maintenant, je désire assurer tous ceux qui s’unissent à moi, ici ou ailleurs, que je vous porte tous dans mon cœur. Je sens que Jésus vous a confiés à moi (cf. Jn 21, 15-17), et je vous embrasse et vous confie tous à Jésus, “spécialement ceux qui en ont le plus besoin” – comme la Vierge nous a enseigné à prier (Apparition de juillet 1917). Mère douce et attentive à tous ceux qui sont dans le besoin, qu’elle leur obtienne la bénédiction du Seigneur ! Sur chacun des déshérités et des malheureux à qui a été volé le temps présent, sur chacune des personnes exclues et abandonnées à qui est nié l’avenir, sur chacun des orphelins et des victimes de l’injustice à qui il n’est pas permis d’avoir un passé, que descende la bénédiction de Dieu incarnée en Jésus Christ : « Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en sa grâce ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » (Nb 6, 24-26).
Cette bénédiction s’est accomplie pleinement dans la Vierge Marie, puisqu’aucune autre créature n’a vu resplendir sur elle le visage de Dieu comme elle, qui a donné un visage humain au Fils du Père éternel ; et nous, maintenant, nous pouvons le contempler successivement dans les moments joyeux, lumineux, douloureux et glorieux de sa vie, que nous revisitons dans la récitation du Rosaire. Avec le Christ et Marie, demeurons en Dieu ! En effet, « si nous voulons être chrétiens, nous devons être marials, c’est-à-dire que nous devons reconnaître le rapport essentiel, vital, providentiel qui unit la Vierge à Jésus et qui nous ouvre le chemin qui nous conduit à Lui » (Paul VI, Discours lors de la visite au sanctuaire de la Vierge de Bonaria,Cagliari, 24 avril 1970). Ainsi, chaque fois que nous récitons le Rosaire, en ce lieu béni ou partout ailleurs, l’Evangile reprend sa route dans la vie de chacun, dans la vie des familles, des peuples et du monde.
Pèlerins avec Marie… Quelle Marie ? Une Maîtresse de vie spirituelle, la première qui a suivi le Christ sur la “voie étroite” de la croix, nous donnant l’exemple, ou alors une Dame “inaccessible” et donc inimitable ? La “Bienheureuse pour avoir cru” toujours et en toutes circonstances aux paroles divines (cf. Lc 1, 42.45), ou au contraire une “image pieuse” à laquelle on a recours pour recevoir des faveurs à bas coût ? La Vierge Marie de l’Evangile, vénérée par l’Eglise priante, ou au contraire une Marie esquissée par des sensibilités subjectives qui la voit tenir ferme le bras justicier de Dieu prêt à punir : une Marie meilleure que le Christ, vu comme un juge impitoyable ; plus miséricordieuse que l’Agneau immolé pour nous ?
On commet une grande injustice contre Dieu et contre sa grâce quand on affirme en premier lieu que les pécheurs sont punis par son jugement sans assurer auparavant – comme le montre l’Evangile – qu’ils sont pardonnés par sa miséricorde ! Nous devons faire passer la miséricorde avant le jugement et, de toute façon, le jugement de Dieu sera toujours fait à la lumière de sa miséricorde. Evidemment la miséricorde de Dieu ne nie pas la justice, parce que Jésus a pris sur lui les conséquences de notre péché avec le châtiment mérité. Il n’a pas nié le péché mais il a payé pour nous sur la Croix. Et ainsi, dans la foi qui nous unit à la Croix du Christ, nous sommes libérés de nos péchés ; mettons de côté toute forme de peur et de crainte, parce que cela ne convient pas à celui qui est aimé (cf. 1 Jn 4, 18). Comme je l’ai rappelé dans l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium, « chaque fois que nous regardons Marie nous voulons croire en la force révolutionnaire de la tendresse et de l’affection. En elle, nous voyons que l’humilité et la tendresse ne sont pas les vertus des faibles, mais des forts, qui n’ont pas besoin de maltraiter les autres pour se sentir importants. […] Cette dynamique de justice et de tendresse, de contemplation et de marche vers les autres, est ce qui fait d’elle un modèle ecclésial pour l’évangélisation » (n. 288). Que chacun de nous puisse devenir, avec Marie, signe et sacrement de la miséricorde de Dieu qui pardonne toujours, qui pardonne tout.
Pris par la main de la Vierge Mère et sous son regard, nous pouvons chanter avec joie les miséricordes du Seigneur. Nous pouvons lui dire : Mon âme chante pour toi, Seigneur ! La miséricorde que tu as eue envers tous tes saints et envers le peuple fidèle tout entier, est aussi arrivée jusqu’à moi. A cause de l’orgueil de mon cœur, j’ai vécu distrait derrière mes ambitions et mes intérêts, mais je n’ai occupé aucun trône, ô Seigneur ! L’unique possibilité d’exaltation que j’ai, c’est que ta Mère me prenne dans ses bras, me couvre de son manteau et me place à côté de ton Cœur. Ainsi soit-il !
« Après le sabbat, à l’heure où commençait à poindre le premier jour de la semaine, Marie Madeleine et l’autre Marie vinrent pour regarder le sépulcre » (Mt 28, 1). Nous pouvons imaginer ces pas… : le pas typique de celui qui va au cimetière, un pas fatigué de confusion, un pas affaibli de celui qui ne se convainc pas que tout soit fini de cette manière… Nous pouvons imaginer leurs visages pâles, baignés de larmes… Et la question : comment est-ce possible que l’Amour soit mort ?
À la différence des disciples, elles sont là – comme elles ont accompagné le dernier soupir du Maître sur la croix et puis Joseph d’Arimathie pour lui donner une sépulture - ; deux femmes capables de ne pas fuir, capables de résister, d’affronter la vie telle qu’elle se présente et de supporter la saveur amère des injustices. Et les voici, devant le sépulcre, entre la douleur et l’incapacité de se résigner, d’accepter que tout doive finir ainsi pour toujours.
Et si nous faisons un effort d’imagination, dans le visage de ces femmes, nous pouvons trouver les visages de nombreuses mères et grand-mères, le visage d’enfants et de jeunes qui supportent le poids et la douleur de tant d’injustices si inhumaines. Nous voyons reflétés en eux les visages de ceux qui, marchant par la ville, sentent la douleur de la misère, la douleur de l’exploitation et de la traite. En eux, nous voyons aussi les visages de ceux qui font l’expérience du mépris, parce qu’ils sont immigrés, orphelins de patrie, de maison, de famille ; les visages de ceux dont le regard révèle solitude et abandon, parce qu’ils ont les mains trop rugueuses. Elles reflètent le visage de femmes, de mères qui pleurent en voyant que la vie de leurs enfants reste ensevelie sous le poids de la corruption qui prive de droits et brise de nombreuses aspirations, sous l’égoïsme quotidien qui crucifie et ensevelit l’espérance de beaucoup, sous la bureaucratie paralysante et stérile qui ne permet pas que les choses changent. Dans leur douleur, elles ont le visage de tous ceux qui, en marchant par la ville, voient leur dignité crucifiée.
Dans le visage de ces femmes, il y a de nombreux visages, peut-être trouvons-nous ton visage et le mien. Comme elles, nous pouvons nous sentir poussés à marcher, à ne pas nous résigner au fait que les choses doivent finir ainsi. Certes, nous portons en nous une promesse et la certitude de la fidélité de Dieu. Mais aussi nos visages parlent de blessures, parlent de nombreuses infidélités – les nôtres et celles des autres – parlent de tentatives et de batailles perdues. Notre cœur sait que les choses peuvent être autres, mais sans nous en rendre compte, nous pouvons nous habituer à cohabiter avec le sépulcre, à cohabiter avec la frustration. De plus, nous pouvons arriver à nous convaincre que c’est la loi de la vie, en nous anesthésiant grâce à des évasions qui ne font rien d’autre qu’éteindre l’espérance mise par Dieu dans nos mains. Ainsi sont, tant de fois, nos pas, ainsi est notre marche, comme celle de ces femmes, une marche entre le désir de Dieu et une triste résignation. Ce n’est pas uniquement le Maître qui meurt : avec lui meurt notre espérance.
« Et voilà qu’il y eut un grand tremblement de terre » (Mt 28, 2). Subitement, ces femmes ont reçu une forte secousse, quelque chose et quelqu’un a fait trembler la terre sous leurs pieds. Quelqu’un, encore une fois, est venu à leur rencontre pour leur dire : ‘‘N’ayez pas peur’’, mais cette fois-ci en ajoutant : ‘‘Il est ressuscité comme il l’avait dit’’. Et voici l’annonce dont, de génération en génération, cette Nuit nous fait le don : N’ayons pas peur, frères, il est ressuscité comme il avait dit ! La vie arrachée, détruite, annihilée sur la croix s’est réveillée et arrive à frémir de nouveau (Cf. R. Guardini, Il Signore, Milano, 1984, p. 501). Le fait que le Ressuscité frémit s’offre à nous comme un don, comme un cadeau, comme un horizon. Le fait que le Ressuscité frémit est ce qui nous est donné et qu’il nous est demandé de donner à notre tour comme force transformatrice, comme ferment d’une nouvelle humanité. Par la Résurrection, le Christ n’a pas seulement ôté la pierre du sépulcre, mais il veut aussi faire sauter toutes les barrières qui nous enferment dans nos pessimismes stériles, dans nos mondes de calculs conceptuels qui nous éloignent de la vie, dans nos recherches obsessionnelles de sécurité et dans les ambitions démesurées capables de jouer avec la dignité des autres.
Lorsque le Grand Prêtre, les chefs religieux en complicité avec les romains avaient cru pouvoir tout calculer, lorsqu’ils avaient cru que le dernier mot était dit et qu’il leur revenait de le déterminer, Dieu fait irruption pour bouleverser tous les critères et offrir ainsi une nouvelle possibilité. Dieu, encore une fois, vient à notre rencontre pour établir et consolider un temps nouveau, le temps de la miséricorde. C’est la promesse faite depuis toujours, c’est la surprise de Dieu pour son peuple fidèle : réjouis-toi, car ta vie cache un germe de résurrection, un don de vie qui attend d’être réveillé.
Et voici ce que cette nuit nous appelle à annoncer : le frémissement du Ressuscité, Christ est vivant ! Et c’est ce qui a changé le pas de Marie Madeleine et de l’autre Marie : c’est ce qui les fait repartir en hâte et les fait courir pour apporter la nouvelle (cf. Mt 28, 8) ; c’est ce qui les fait revenir sur leurs pas et sur leurs regards ; elles retournent en ville pour rencontrer les autres.
Comme avec elles, nous sommes entrés dans le sépulcre, ainsi avec elles, je vous invite à aller, à revenir en ville, à revenir sur nos propres pas, sur nos regards. Allons avec elles annoncer la nouvelle, allons… Partout où il semble que le tombeau a eu le dernier mot et où il semble que la mort a été l’unique solution. Allons annoncer, partager, révéler que c’est vrai : le Seigneur est vivant. Il est vivant et veut ressusciter dans beaucoup de visages qui ont enseveli l’espérance, ont enseveli les rêves, ont enseveli la dignité. Et si nous ne sommes pas capables de laisser l’Esprit nous conduire par ce chemin, alors nous ne sommes pas chrétiens.
Allons et laissons-nous surprendre par cette aube différente, laissons-nous surprendre par la nouveauté que seul le Christ peut offrir. Laissons sa tendresse et son amour guider nos pas, laissons le battement de son cœur transformer notre faible frémissement.
MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS POUR LA XXVe JOURNÉE MONDIALE DU MALADE 2017
Émerveillement pour tout ce que Dieu accomplit : « Le Puissant fit pour moi de grandes choses … » (Lc 1,49)
Chers frères et sœurs,
Le 11 février prochain sera célébrée, dans toute l’Église et de façon particulière à Lourdes, la XXVème Journée mondiale du malade, sur le thème : Émerveillement pour tout ce que Dieu accomplit : « Le Puissant fit pour moi de grandes choses … » (Lc 1,49).Instituée par mon prédécesseur saint Jean-Paul II en 1992, et célébrée pour la première fois justement à Lourdes le 11 février 1993, cette Journée constitue une occasion d’attention spéciale à la condition des malades et, plus généralement, de ceux qui souffrent ; et en même temps elle invite qui se prodigue en leur faveur, à commencer par les proches, les personnels de santé et les volontaires, à rendre grâce pour la vocation reçue du Seigneur d’accompagner les frères malades. En outre, cette occasion renouvelle dans l’Église la vigueur spirituelle pour développer toujours mieux cette part fondamentale de sa mission qui comprend le service envers les derniers, les infirmes, les souffrants, les exclus et les marginaux (cf. Jean-Paul II Motu proprio Dolentium hominum, 11 février 1985, n. 1). Les moments de prière, les Liturgies eucharistiques et l’Onction des malades, le partage avec les malades et les approfondissements bioéthiques et théologico-pastoraux qui auront lieu à Lourdes en ces jours offriront certainement une nouvelle et importante contribution à ce service.
Me plaçant dès à présent spirituellement près de la Grotte de Massabielle, devant l’effigie de la Vierge Immaculée, en qui le Tout-Puissant a fait de grandes choses pour la rédemption de l’humanité, je désire exprimer ma proximité à vous tous, frères et sœurs qui vivez l’expérience de la souffrance, et à vos familles ; comme aussi mon appréciation à tous ceux qui, dans leurs différents rôles et dans toutes les structures sanitaires répandues dans le monde, agissent avec compétence, responsabilité et dévouement pour votre soulagement, votre traitement et votre bien-être quotidien. Je désire vous encourager tous, malades, personnes qui souffrent, médecins, infirmières, proches, volontaires, à contempler en Marie, Salut des malades, la garante de la tendresse de Dieu pour chaque être humain et le modèle de l’abandon à sa volonté ; et à trouver toujours dans la foi, nourrie par la Parole et par les Sacrements, la force d’aimer Dieu et les frères aussi dans l’expérience de la maladie.
Comme sainte Bernadette, nous sommes sous le regard de Marie. L’humble jeune fille de Lourdes raconte que la Vierge, qu’elle a appelée “la Belle Dame”, la regardait comme on regarde une personne. Ces simples paroles décrivent la plénitude d’une relation. Bernadette, pauvre, analphabète et malade, se sent regardée par Marie comme une personne. La Belle Dame lui parle avec grand respect, sans prendre un air supérieur. Cela nous rappelle que chaque malade est et reste toujours un être humain, et doit être traité comme tel. Les infirmes, comme les porteurs de handicaps même très lourds, ont leur inaliénable dignité et leur mission dans la vie, et ne deviennent jamais de simples objets, même si parfois ils peuvent sembler seulement passifs, mais en réalité, ce n’est jamais ainsi.
Bernadette, après être allée à la Grotte, grâce à la prière transforme sa fragilité en soutien pour les autres, grâce à l’amour devient capable d’enrichir son prochain, et surtout, elle offre sa vie pour le salut de l’humanité. Le fait que la Belle Dame lui demande de prier pour les pécheurs nous rappelle que les infirmes, les personnes qui souffrent, ne portent pas seulement en eux le désir de guérir mais aussi celui de vivre chrétiennement leur vie, en arrivant à la donner comme d’authentiques disciples missionnaires du Christ. Marie donne à Bernadette la vocation de servir les malades et l’appelle à être Sœur de la Charité, une mission qu’elle exprime dans une mesure si haute qu’elle devient un modèle auquel chaque agent de santé peut se référer. Demandons donc à l’Immaculée Conception la grâce de savoir nous mettre toujours en relation avec le malade comme avec une personne qui, certainement, a besoin d’aide, parfois aussi pour les choses les plus élémentaires, mais qui porte en elle un don personnel à partager avec les autres.
Le regard de Marie, Consolatrice des affligés, illumine le visage de l’Église dans son engagement quotidien pour les personnes dans le besoin et celles qui souffrent. Les fruits précieux de cette sollicitude de l’Église pour le monde de la souffrance et de la maladie sont un motif de remerciement au Seigneur Jésus, qui s’est fait solidaire avec nous, en obéissance à la volonté du Père et jusqu’à la mort de la croix, afin que l’humanité soit rachetée. La solidarité du Christ, Fils de Dieu né de Marie, est l’expression de la toute-puissance miséricordieuse de Dieu qui se manifeste dans notre vie – surtout quand elle est fragile, blessée, humiliée, marginalisée, souffrante – infusant en elle la force de l’espérance qui nous fait nous relever et nous soutient.
Tant de richesse d’humanité et de foi ne doit pas être perdue, mais plutôt nous aider à nous confronter à nos faiblesses humaines et, en même temps, aux défis présents dans le monde de la santé et de la technologie. À l’occasion de la Journée Mondiale du Malade nous pouvons trouver un nouvel élan pour contribuer à la diffusion d’une culture respectueuse de la vie, de la santé et de l’environnement ; une impulsion nouvelle à lutter pour le respect de l’intégralité et de la dignité des personnes, également à travers une approche juste des questions bioéthiques, de la protection des plus faibles et de la sauvegarde de l’environnement.
À l’occasion de la XXVème Journée mondiale du Malade, je renouvelle ma proximité dans la prière et mon encouragement aux médecins, aux infirmiers, aux volontaires et à toutes les personnes consacrées engagées au service des malades et des indigents ; aux institutions ecclésiales et civiles qui œuvrent dans ce domaine ; et aux familles qui prennent soin avec amour de leurs proches malades. À tous, je souhaite d’être toujours des signes joyeux de la présence et de l’amour de Dieu, en imitant le témoignage lumineux de tant d’amis de Dieu parmi lesquels je rappelle saint Jean de Dieu et saint Camille de Lellis, patrons des hôpitaux et du personnel de santé, et sainte Mère Teresa de Calcutta, missionnaire de la tendresse de Dieu.
Frères et sœurs, tous, malades, personnels de santé et volontaires, élevons ensemble notre prière à Marie, afin que sa maternelle intercession soutienne et accompagne notre foi et nous obtienne du Christ son Fils l’espérance sur le chemin de la guérison et de la santé, le sens de la fraternité et de la responsabilité, l’engagement pour le développement humain intégral et la joie de la gratitude chaque fois qu’elle nous émerveille par sa fidélité et sa miséricorde.
O Marie, notre Mère, qui, dans le Christ, accueille chacun de nous comme un enfant, soutiens l’attente confiante de notre cœur, secours-nous dans nos infirmités et nos souffrances, guide-nous vers le Christ ton fils et notre frère, et aide-nous à nous confier au Père qui accomplit de grandes choses.
Je vous assure tous de mon souvenir constant dans la prière et je vous adresse de grand cœur la Bénédiction apostolique.
Le 8 décembre 2016, Fête de l’Immaculée Conception.
Parc Jordan de Błonia à Cracovie Vendredi 29 juillet 2016
« J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi. » (Mt 25, 35-36).
Ces paroles de Jésus répondent à l’interrogation qui résonne souvent dans notre esprit et dans notre cœur : « Où est Dieu ? ». Où est Dieu, si dans le monde il y a le mal, s’il y a des hommes qui ont faim, qui ont soif, sans toit, des déplacés, des réfugiés ? Où est Dieu, lorsque des personnes innocentes meurent à cause de la violence, du terrorisme, des guerres ? Où est Dieu, lorsque des maladies impitoyables rompent des liens de vie et d’affection ? Ou bien lorsque les enfants sont exploités, humiliés, et qu’eux aussi souffrent à cause de graves pathologies ? Où est Dieu, face à l’inquiétude de ceux qui doutent et de ceux qui sont affligés dans l’âme ? Il existe des interrogations auxquelles il n’y a pas de réponses humaines. Nous ne pouvons que regarder Jésus, et l’interroger lui. Et voici la réponse de Jésus : ‘‘Dieu est en eux’’, Jésus est en eux, il souffre en eux, profondément identifié à chacun. Il est si uni à eux, presqu’au point de former ‘‘un seul corps’’.
Jésus a choisi lui-même de s’identifier à ces frères et sœurs éprouvés par la douleur et par les angoisses, en acceptant de parcourir le chemin douloureux vers le calvaire. Lui, en mourant sur la croix, se remet entre les mains du Père et porte sur lui et en lui, avec un amour qui se donne, les plaies physiques, morales et spirituelles de l’humanité entière. En embrassant le bois de la croix, Jésus embrasse la nudité et la faim, la soif et la solitude, la douleur et la mort des hommes et des femmes de tous les temps. Ce soir, Jésus, et nous avec lui, embrasse avec un amour spécial nos frères syriens, qui ont fui la guerre. Nous les saluons et nous les accueillons avec une affection fraternelle et avec sympathie.
En parcourant de nouveau la Via Crucis de Jésus, nous avons redécouvert l’importance de nous configurer à lui, à travers les 14 œuvres de miséricorde. Elles nous aident à nous ouvrir à la miséricorde de Dieu, à demander la grâce de comprendre que sans miséricorde on ne peut rien faire, sans miséricorde, moi, toi, nous tous, nous ne pouvons rien faire. Regardons d’abord les sept œuvres de miséricorde corporelle: donner à manger à ceux qui ont faim ; donner à boire à ceux qui ont soif ; vêtir celui qui est nu ; offrir l’hospitalité aux pèlerins, visiter les malades ; visiter les détenus ; ensevelir les morts. Nous avons reçu gratuitement, donnons gratuitement. Nous sommes appelés à servir Jésus crucifié dans chaque personne marginalisée, à toucher sa chair bénie dans celui qui est exclu, qui a faim, qui a soif, qui est nu, détenu, malade, sans travail, persécuté, déplacé, migrant. Nous trouvons là notre Dieu, nous touchons là le Seigneur. Jésus lui-même nous l’a dit, en expliquant quel sera le ‘‘protocole’’ sur la base duquel nous serons jugés : chaque fois que nous aurons fait cela au plus petit de nos frères, c’est à lui que nous l’aurons fait (cf. Mt 25, 31-46).
Les œuvres de miséricorde corporelle sont suivies des œuvres de miséricorde spirituelle : conseiller ceux qui sont dans le doute, instruire les ignorants, exhorter les pécheurs, consoler les affliger, pardonner les offenses, supporter avec patience les personnes ennuyeuses, prier Dieu pour les vivants et pour les morts. Dans l’accueil du marginalisé qui est blessé dans son corps, dans l’accueil du pécheur qui est blessé dans son âme, se joue notre crédibilité en tant que chrétiens. Dans l’accueil du marginalisé qui est blessé dans son corps, et dans l’accueil du pécheur qui est blessé dans son âme, se joue notre crédibilité en tant que chrétiens. Pas dans les idées, [mais] là !
Aujourd’hui, l’humanité a besoin d’hommes et de femmes, et de manière particulière de jeunes comme vous, qui ne veulent pas vivre leur vie ‘‘à moitié’’, des jeunes prêts à consacrer leur vie au service gratuit des frères les plus pauvres et les plus faibles, à imitation du Christ, qui s’est donné tout entier pour notre salut. Face au mal, à la souffrance, au péché, l’unique réponse possible pour le disciple de Jésus est le don de soi, y compris de la vie, à imitation du Christ ; c’est l’attitude du service. Si quelqu’un, qui se dit chrétien, ne vit pas pour servir, sa vie ne vaut pas la peine d’être vécue. Par sa vie, il renie Jésus Christ.
Ce soir, chers jeunes, le Seigneur vous renouvelle l’invitation à devenir des protagonistes dans le service ; il veut faire de vous une réponse concrète aux besoins et à la souffrance de l’humanité ; il veut que vous soyez un signe de son amour miséricordieux pour notre temps ! Pour accomplir cette mission, il vous indique le chemin de l’engagement personnel et du sacrifice de vous-mêmes : c’est le Chemin de la croix. Le Chemin de la croix est celui du bonheur de suivre le Christ jusqu’au bout, dans les circonstances souvent dramatiques de la vie quotidienne ; c’est le chemin qui ne craint pas les échecs, les marginalisations ou la solitude, parce qu’il remplit le cœur de l’homme de la plénitude de Jésus. Le Chemin de la croix est celui de la vie et du style de Dieu, que Jésus fait parcourir y compris par des sentiers d’une société parfois divisée, injuste et corrompue.
Le Chemin de la croix n’est pas une pratique sadomasochiste ; le Chemin de la croix est l’unique qui vainc le péché, le mal et la mort, parce qu’il débouche sur la lumière radieuse de la résurrection du Christ, en ouvrant les horizons de la vie nouvelle et pleine. C’est le Chemin de l’espérance pour l’avenir et pour l’humanité. Celui qui le parcourt avec générosité et avec foi, donne espérance et avenir à l’humanité. Celui qui le parcourt, avec générosité et avec foi, sème l’espérance. Et je voudrais que vous soyez des semeurs d’espérance.
Chers jeunes, ce vendredi saint-là, beaucoup de disciples sont retournés tristes dans leurs maisons, d’autres ont préféré aller à la maison de campagne pour oublier un peu la croix. Je vous pose la question – mais vous répondez en silence, dans votre cœur, chacun en son cœur – : comment voulez-vous retourner ce soir dans vos maisons, dans vos lieux d’hébergement, sous vos tentes ? comment voulez-vous retourner ce soir pour vous rencontrer avec vous-mêmes ? Le monde nous regarde. Il revient à chacun de vous de répondre au défi de cette question.
« Avec le Christ, je suis crucifié. Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 19-20). L’apôtre Paul utilise des mots très forts pour exprimer le mystère de la vie chrétienne : tout est résumé dans le dynamisme pascal de mort et de résurrection, reçu dans le Baptême. En effet, avec l’immersion dans l’eau, c’est comme si chacun était mort et enseveli avec le Christ (cf. Rm 6, 3-4), tandis que, lorsqu’il en émerge, il manifeste la vie nouvelle dans l’Esprit Saint. Cette condition de renaissance touche l’existence tout entière, dans chacun de ses aspects : la maladie, la souffrance et la mort sont aussi insérées dans le Christ, et trouvent en lui leur ultime sens. Aujourd’hui, en la journée jubilaire consacrée à ceux qui portent les signes de la maladie et du handicap, cette Parole de vie trouve dans notre Assemblée une résonnance particulière.
En réalité, tous, tôt ou tard, nous sommes appelés à nous confronter - parfois à nous affronter - à la fragilité et aux maladies en nous-mêmes et chez les autres. Et que de visages différents prennent ces expériences si typiquement et dramatiquement humaines ! En tout cas, de manière plus aiguë et pressante, elles posent une interrogation sur le sens de l’existence. Une attitude cynique peut aussi gagner notre esprit, comme si tout pouvait se résoudre en supportant ou en comptant seulement sur nos propres forces. D’autres fois, au contraire, toute la confiance se reporte sur les découvertes de la science, en pensant que sûrement quelque part dans le monde, il existe un médicament à même de guérir la maladie. Malheureusement, il n’en est pas ainsi, et même s’il y avait un tel médicament, il serait accessible à très peu de personnes.
La nature humaine, blessée par le péché, porte inscrite en elle-même la réalité de la limite. Nous connaissons l’objection qui, surtout ces temps-ci, est soulevée face à une existence marquée par de fortes limitations physiques. On considère qu’une personne malade ou portant un handicap ne peut pas être heureuse, parce qu’elle est incapable de mener le style de vie imposé par la culture du plaisir et du divertissement. À cette époque où un certain soin du corps est devenu un mythe de masse et donc une affaire économique, ce qui est imparfait doit être masqué, parce que cela porte atteinte au bonheur et à la sérénité des privilégiés et met en crise le modèle dominant. Il vaut mieux maintenir ces personnes séparées, dans une ‘‘enceinte’’ – peut-être dorée – ou dans les ‘‘réserves’’ du piétisme et de l’assistantialisme, afin qu’elles n’entravent pas le rythme du faux bien-être. Dans certains cas, on soutient même qu’il vaut mieux s’en débarrasser le plus tôt possible, parce qu’elles deviennent un poids économique insoutenable en un temps de crise. Mais, en réalité, quelle illusion vit l’homme d’aujourd’hui lorsqu’il ferme les yeux face à la maladie et au handicap ! Il ne comprend pas le vrai sens de la vie, qui comporte aussi l’acceptation de la souffrance et de la limite. Le monde ne devient pas meilleur, parce que composé uniquement de personnes apparemment ‘‘parfaites’’, pour ne pas dire “maquillées”, mais lorsque la solidarité entre les hommes, l’acceptation réciproque et le respect croissent. Comme sont vraies les paroles de l’apôtre : « Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort » (1 Co 1, 27) !
L’Évangile de ce dimanche (Lc 7, 36-8, 3), présente également une situation particulière de faiblesse. La femme pécheresse est jugée et marginalisée, tandis que Jésus l’accueille et la défend : « Elle a montré beaucoup d’amour » (v. 47). Voilà la conclusion de Jésus, attentif à la souffrance et aux pleurs de cette personne. Sa tendresse est signe de l’amour que Dieu réserve à ceux qui souffrent et sont exclus. Il n’y a pas que la souffrance physique ; aujourd’hui, l’une des plus fréquentes pathologies est aussi celle qui touche l’esprit. C’est une souffrance qui touche l’esprit et le rend triste parce qu’il est privé d’amour. La pathologie de la tristesse. Lorsqu’on fait l’expérience de la déception ou de la trahison dans les relations importantes, alors on se découvre vulnérables, faibles et sans défense. La tentation de se replier sur soi devient très forte, et l’on risque de perdre l’occasion de la vie : aimer malgré tout. Aimer malgré tout !
Le bonheur que chacun désire, par ailleurs, peut s’exprimer de tant de manières et peut être atteint uniquement si nous sommes capables d’aimer. C’est cela la route. C’est toujours une question d’amour, il n’y a pas d’autre voie. Le vrai défi est celui de qui aime le plus. Que de personnes avec un handicap et souffrantes s’ouvrent de nouveau à la vie dès qu’elles découvrent qu’elles sont aimées ! Et que d’amour peut jaillir d’un cœur même seulement pour un sourire ! La thérapie du sourire. Alors, la fragilité elle-même peut devenir un réconfort et un soutien à notre solitude. Jésus, dans sa passion, nous a aimés jusqu’au bout (cf. Jn 13, 1) ; sur la croix, il a révélé l’Amour qui se donne sans limites. Que pourrions-nous reprocher à Dieu pour nos infirmités et nos souffrances qui ne soit déjà imprimé sur le visage de son Fils crucifié ? À sa souffrance physique, s’ajoutent la dérision, la marginalisation et la commisération, tandis qu’il répond par la miséricorde qui accueille tous et pardonne à tous : « par ses blessures, nous sommes guéris » (Is 53, 5 ; 1P 2, 24). Jésus est le médecin qui guérit avec le médicament de l’amour, parce qu’il prend sur lui notre souffrance et la rachète. Nous savons que Dieu sait comprendre nos infirmités, parce que lui-même les a éprouvées personnellement (cf. He 4, 15).
La manière dont nous vivons la maladie et le handicap est un indice de l’amour que nous sommes disposés à offrir. La manière dont nous affrontons la souffrance et la limitation est un critère de notre liberté de donner sens aux expériences de la vie, même lorsqu’elles nous semblent absurdes et imméritées. Ne nous laissons pas troubler, par conséquent, par ces épreuves (cf. 1 Th 3, 3). Sachons que dans la faiblesse nous pouvons devenir forts (cf. 2 Co 12, 10), et recevoir la grâce de compléter en nous ce qui manque aux souffrances du Christ, en faveur de l’Église son corps (cf. Col 1, 24) ; un corps qui, à l’image de celui du Seigneur ressuscité, garde les plaies, signe de la lutte dure, mais qui sont des plaies transfigurées pour toujours par l’amour.
Nous réfléchissons aujourd’hui sur la parabole du bon samaritain (cf. Lc 10, 25-37). Un docteur de la Loi met à l’épreuve Jésus, avec cette question : « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » (v. 25). Jésus lui demande de donner lui-même la réponse, et celui-ci la donne parfaitement : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain comme toi-même » (v. 27). Jésus conclut alors : « Fais ainsi et tu vivras » (v. 28).
Alors, cet homme pose une autre question, qui devient très précieuse pour nous : « Et qui est mon prochain ? » (v. 29), en sous-entendant : « Mes parents ? Mes concitoyens ? Ceux de ma religion ?... ». En somme, il veut une règle claire qui lui permette de classifier les autres entre les « prochains » et les « non-prochains », entre ceux qui peuvent devenir prochains et ceux qui ne peuvent pas devenir prochains.
Et Jésus répond par une parabole, qui met en scène un prêtre, un lévite et un samaritain. Les deux premiers sont des figures liées au culte du temple ; le troisième est un juif schismatique, considéré comme un étranger, païen et impur, c’est-à-dire le samaritain. Sur la route de Jérusalem, à Jéricho, le prêtre et le lévite rencontrent un homme à moitié mort, que des brigands ont attaqué, dérobé et abandonné. Dans une telle situation, la Loi du Seigneur prévoyait l’obligation de lui porter secours, mais tous deux passent leur chemin sans s’arrêter. Ils étaient pressés... Sans doute le prêtre a-t-il regardé sa montre et a dit : « Je vais arriver en retard à la Messe... Je dois dire la Messe ». Et l’autre a dit : « Je ne sais pas si la Loi me le permet, parce qu’il y a du sang ici, et je serai impur... ». Ils changent de chemin et ne s’approchent pas. Ici, la parabole nous offre un premier enseignement : celui qui fréquente la maison de Dieu et connaît sa miséricorde ne sait pas automatiquement aimer son prochain. Ce n’est pas automatique ! Tu peux connaître toute la Bible, tu peux connaître toutes les rubriques liturgiques, tu peux connaître toute la théologie, mais connaître ne signifie pas automatiquement aimer : aimer est un autre chemin, il faut de l’intelligence, mais aussi quelque chose en plus... Le prêtre et le lévite voient, mais ignorent ; ils regardent, mais ne prévoient pas. Pourtant, il n’existe pas de véritable culte si celui-ci ne se traduit pas en service au prochain. Ne l’oublions jamais : face à la souffrance de tant de personnes épuisées par la faim, par la violence et par les injustices, nous ne pouvons pas demeurer spectateurs. Ignorer la souffrance de l’homme, qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie ignorer Dieu ! Si je ne m’approche pas de cet homme, de cette femme, de cet enfant, de cette homme âgé ou de cette femme âgée qui souffre, je ne m’approche pas de Dieu.
Mais venons-en au cœur de la parabole : le samaritain, c’est-à-dire précisément celui qui est méprisé, celui sur lequel personne n’aurait rien parié, et qui, par ailleurs, avait lui aussi ses occupations et des choses à faire, quand il vit l’homme blessé, ne passa pas son chemin, comme les deux autres, qui étaient liés au Temple, mais « il fut saisi de compassion » (v. 33). L’Évangile dit : « Il fut saisi de compassion », c’est-à-dire que son cœur, ses entrailles se sont émus ! Voilà la différence. Les deux autres « virent », mais leur cœur demeura fermé, froid. En revanche, le cœur du samaritain était en accord avec le cœur même de Dieu. En effet, la « compassion » est une caractéristique essentielle de la miséricorde de Dieu. Dieu a de la compassion pour nous. Qu’est-ce que cela veut dire ? Il souffre avec nous, il sent nos souffrances. Compassion signifie : « souffrir avec ». Le verbe indique que les entrailles s’émeuvent et tressaillent à la vue du mal de l’homme. Et dans les gestes et dans les actions du bon samaritain, nous reconnaissons l’action miséricordieuse de Dieu dans toute l’histoire du salut. C’est la même compassion avec laquelle le Seigneur vient à la rencontre de chacun de nous: Il ne nous ignore pas, il connaît nos douleurs, il sait combien nous avons besoin d’aide et de réconfort. Il vient près de nous et ne nous abandonne jamais. Que chacun de nous se pose la question et réponde dans son cœur : « Est-ce que j’y crois ? Est-ce que je crois que le Seigneur a de la compassion pour moi, tel que je suis, pécheur, avec beaucoup de problèmes et tant de choses ? ». Pensons à cela et la réponse est : « Oui ! ». Mais chacun doit regarder dans son cœur pour voir s’il a la foi dans cette compassion de Dieu, du Dieu bon qui s’approche, nous guérit, nous caresse. Et si nous le refusons, Il attend : Il est patient et Il est toujours à nos côtés.
Le samaritain se comporte avec une véritable miséricorde : il panse les blessures de cet homme, le porte jusqu’à une auberge, en prend soin personnellement et se charge de son assistance. Tout cela nous enseigne que la compassion, l’amour, n’est pas un vague sentiment, mais signifie prendre soin de l’autre jusqu’à payer de sa personne. Cela signifie se compromettre en accomplissant tous les pas nécessaires pour « s’approcher » de l’autre jusqu’à s’identifier à lui : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Voilà le Commandement du Seigneur.
Ayant conclu la parabole, Jésus renverse la question du docteur de la Loi et lui demande : « Lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l’homme tombé aux mains des bandits ? » (v. 36). La réponse est finalement sans équivoque : « Celui qui a fait preuve de pitié envers lui » (v. 37). Au début de la parabole, pour le prêtre et le lévite, le prochain était le mourant ; au terme de celle-ci, le prochain est le samaritain qui s’est fait proche. Jésus renverse la perspective : ne cherche pas à classifier les autres pour voir qui est le prochain et qui ne l’est pas. Tu peux devenir le prochain de toute personne que tu rencontres qui est dans le besoin, et tu le seras dans ton cœur si tu as de la compassion, c’est-à-dire si tu as la capacité de souffrir avec l’autre.
Cette parabole est un merveilleux cadeau pour nous tous, mais elle est aussi exigeante ! À chacun de nous, Jésus répète ce qu’il dit au docteur de la Loi : « Va, et toi aussi, fais de même » (v. 37). Nous sommes tous appelés à parcourir le même chemin que le bon samaritain, qui est la figure du Christ : Jésus s’est penché sur nous, il est devenu notre serviteur, et ainsi, il nous a sauvés, afin que nous aussi, nous puissions nous aimer comme Il nous a aimés, de la même façon.
...
Frères et sœurs, ne soyons pas indifférents aux souffrances des personnes que nous rencontrons. À l’exemple de Jésus, notre bon Samaritain qui se penche sur nous pour guérir nos blessures, sachons éprouver de la compassion et leur porter secours.
Le Pape François invite à résister aux persécutions symboliques et à «la grande apostasie»
Radio Vatican, 12/04/2016
(RV) «La persécution est le pain quotidien de l’Église» : le Pape l’a répété lors de la messe de ce mardi 12 avril, célébrée dans la chapelle de la Maison Sainte-Marthe.
Comme c’est arrivé à Étienne, le premier martyr, ou aux «petits martyrs» tués par Hérode, aussi aujourd’hui, a affirmé le Pape, de nombreux chrétiens sont tués pour leur foi en Christ, et d’autres sont persécutés idéologiquement, parce qu’ils veulent manifester la valeur du fait d’être enfants de Dieu.
Il existe des persécutions sanguinaires, comme le fait d’être dévorés par des fauves pour la joie du public dans les tribunes, ou pulvérisés par une bombe à la sortie de la messe. Et il y a «des persécutions en gants blancs, des persécutions culturelles, celles qui te confinent dans un recoin de la société, qui en viennent à te faire perdre ton travail si tu n’adhères pas aux lois qui vont contre Dieu Créateur», a affirmé le Saint-Père.
Martyrs de tous les jours
Le récit du martyre d’Étienne, décrit dans l’extrait des Actes des Apôtres proposé par la liturgie, pousse le Pape à des considérations nouvelles sur une réalité qui depuis 2000 ans fait partie de l’histoire de la foi chrétienne : la persécution.
«La persécution, je dirais, est le pain quotidien de l’Église. Jésus l’a dit. Nous, quand nous faisons un peu de tourisme à Rome et allons au Colisée, nous pensons que les martyrs étaient ceux qui étaient tués avec les lions. Mais les martyrs n’ont pas été seulement ceux-là. Ce sont des hommes et femmes de tous les jours : aujourd’hui, le jour de Pâques, il y a à peine trois semaines… Ces chrétiens qui fêtaient Pâques au Pakistan ont été martyrisés justement parce qu’ils fêtaient le Christ Ressuscité. Et ainsi l’histoire de l’Église avance avec ses martyrs.»
Des persécutions «éduquées»
Le martyre d’Étienne amorça une cruelle persécution antichrétienne à Jérusalem, analogue à celles subies par ceux qui aujourd’hui ne sont pas libres de professeur leur foi en Jésus. «Mais, a observé François, il y a une autre persécution dont on ne parle pas tellement», une persécution «travestie de culture, travestie de modernité, travestie de progrès».
«C’est une persécution, je dirais un peu ironiquement, "éduquée". C’est quand l’homme est persécuté non pas pour avoir confessé le nom du Christ, mais pour avoir voulu manifesté les valeurs du Fils de Dieu. C’est une persécution contre Dieu le Créateur, dans la personne de ses enfants ! Et ainsi nous voyons tous les jours que les puissances font des lois qui obligent à aller sur cette voie, et une nation qui ne suit pas ces lois modernes, ou au moins qui ne veut pas les avoir dans sa législation, en vient à être accusée, à être persécutée "poliment". C’est la persécution qui coupe à l’homme la liberté de l’objection de conscience», a martelé le Pape François
La grande apostasie
«Cela, c’est la persécution du monde» qui «coupe la liberté», alors que «Dieu nous fait libres» de donner le témoignage «du Père qui nous a créés, et du Christ qui nous a sauvés». Et cette persécution, a-t-il souligné, «a aussi un chef» :
«Le chef de la persécution polie, éduquée, Jésus l’a nommé : "le prince de ce monde". Et quand les puissances veulent imposer des attitudes, des lois contre la dignité des enfants de Dieu, ils persécutent ceux-ci et vont contre le Dieu Créateur, a répété le Souverain pontife. C’est la grande apostasie. Ainsi la vie des chrétiens avance avec ces deux persécutions. Mais le Seigneur nous a promis de ne pas s’éloigner de nous : "Soyez attentifs, soyez attentifs ! Ne tombez pas dans l’esprit du monde. Soyez attentifs ! Mais allez de l’avant ! Moi, Je serai avec vous”».
DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS À LA COMMUNAUTÉ DE SANT'EGIDIO
Basilique Saint-Marie du Trastevere Dimanche 15 juin 2014
Chers amis,
Je viens rendre visite à la communauté de Sant’Egidio, ici, à Trastevere, où elle est née. Merci pour votre accueil chaleureux!
Nous sommes réunis ici autour du Christ qui, du haut de la mosaïque, nous contemple avec un regard tendre et profond, avec la Vierge Marie, qu’il entoure de son bras. Cette antique basilique est devenu un lieu de prière quotidienne pour de nombreux Romains et pèlerins. Prier au centre de la ville ne signifie pas oublier les périphéries humaines et urbaines. Cela signifie écouter et accueillir ici l’Evangile de l’amour pour rencontrer les frères et sœurs dans les périphéries de la ville et du monde!
Chaque église, chaque communauté est appelée à cela dans la vie agitée et parfois confuse de la ville. Tout commence par la prière. La prière préserve l’homme anonyme de la ville des tentations qui peuvent également être les nôtres: le protagonisme, qui fait que tout tourne autour de soi, l’indifférence, le victimisme. La prière est la première œuvre de votre communauté, elle consiste à écouter la Parole de Dieu — ce pain, le pain qui nous donne la force, qui nous fait aller de l’avant — mais également à tourner son regard vers Lui, comme dans cette basilique: «Qui regarde vers lui resplendira et sur son visage point de honte» dit le Psaume (34, 5).
Qui regarde le Seigneur voit les autres. Vous aussi vous avez appris à voir les autres, en particulier les plus pauvres; et je vous souhaite de vivre ce qu’a dit Andrea Riccardi, qu’entre vous celui qui aide se confond avec celui qui est aidé. Un effort qui lentement, cesse d’être un effort pour devenir une rencontre, une accolade: celui qui aide se confond avec celui qui est aidé. Qui est le protagoniste? Tous les deux, ou, pour être plus précis, l’accolade.
Dans les pauvres est présent Jésus, qui s’identifie avec lui. Saint Jean Chrysostome écrit: «Le Seigneur s’approche de toi dans une attitude de pauvre...» (In Matthaeum Homil. LXVI, pg 58, 629). Vous êtes et demeurez une communauté avec les pauvres. Je vois parmi vous également de nombreuses personnes âgées. Je suis heureux que vous soyez pour eux des amis et des proches. La façon de traiter les personnes âgées, comme celle de traiter les enfants, est un indice révélateur de la qualité d’une société. Lorsque les personnes âgées sont mises au rebut, lorsque les personnes âgées sont isolées et que parfois, elles s’éteignent sans affection, c’est un mauvais signe! Comme est belle en revanche l’alliance que je vois entre les jeunes et les personnes âgées, dans laquelle tous reçoivent et donnent! Les personnes âgées et leur prière sont une richesse pour Sant’Egidio. Un peuple qui ne prend pas soin de ses personnes âgées, qui ne prend pas soin de ses jeunes, est un peuple sans avenir, un peuple sans espérance. Parce que les jeunes — les enfants, les jeunes — et les personnes âgées font avancer l’histoire. Les enfants, les jeunes avec leur force biologique, cela est juste. Les personnes âgées, en leur donnant la mémoire. Mais lorsqu’une société perd la mémoire, elle est finie, elle est finie. C’est triste de voir une société, un peuple, une culture qui a perdu la mémoire. La grand-mère de 90 ans, qui a parlé — bravo! — nous a dit qu’il y avait ce recours au rebut, cette culture du rebut. Pour maintenir un tel équilibre, où au centre de l’économie mondiale, il n’y a pas l’homme et la femme, mais il y a l’idole de l’argent, il est nécessaire de mettre des choses au rebut. On met les enfants au rebut: pas d’enfants. Il suffit de penser au taux de croissance de la natalité en Europe: en Italie, en Espagne, en France... Et on met au rebut les personnes âgées, à travers des attitudes derrière lesquelles se cache une euthanasie masquée, une forme d’euthanasie. Elles ne servent pas, et ce qui ne sert pas est mis au rebut. Ce qui ne produit pas est mis au rebut. Et aujourd’hui, la crise est si grave que l’on met les jeunes au rebut: lorsque nous pensons à ces 75 millions de jeunes âgés de moins de 25 ans, qui n’ont «ni-ni», ni travail, ni études. Ils sont sans. C’est ce qui a lieu aujourd’hui, dans cette Europe fatiguée, comme vous l’avez dit. Dans cette Europe qui s’est lassée; non, elle n’a pas vieilli, elle s’est lassée. Elle ne sait pas quoi faire. Un ami me demandait, il y a quelque temps: pourquoi est-ce que je ne parle pas de l’Europe. Je lui ai posé une question piège, je lui ai dit: «Avez-vous entendu lorsque j’ai parlé de l’Asie», et il s’est aperçu que c’était un piège! Aujourd’hui, je parle de l’Europe. L’Europe est fatiguée. Nous devons l’aider à rajeunir, à trouver ses racines. C’est vrai: elle a renié ses racines. C’est vrai. Mais nous devons l’aider à les retrouver.
C’est à partir des pauvres et des personnes âgées que l’on commence à changer la société. Jésus dit de lui-même: «La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle» (Mt 21, 42). Les pauvres sont eux aussi d’une certaine façon les «pierres d’angle» pour la construction de la société. Aujourd’hui malheureusement, une économie de type spéculatif les rend toujours plus pauvres, les privant de l’essentiel, comme la maison et le travail. Cela est inacceptable! Qui vit la solidarité ne l’accepte pas et agit. Et ce mot «solidarité», nous voulons tant de fois l’ôter du dictionnaire, parce que pour une certaine culture, il ressemble à un gros mot. Non! C’est un mot chrétien, la solidarité! Et c’est pour cela que vous êtes la famille des sans abris, les amis des porteurs de handicap, qui expriment — s’ils sont aimés — tant d’humanité. Je vois ici en outre de nombreux «nouveaux européens», des migrants arrivés après des voyages douloureux et dangereux. La communauté les accueille avec sollicitude et montre que l’étranger est notre frère qu’il faut connaître et aimer. Et cela nous rajeunit.
D’ici, de Santa Maria in Trastevere, j’adresse mon salut à tous ceux qui participent à votre communauté dans d’autres pays du monde. Je les encourage eux aussi à être amis de Dieu, des pauvres et de la paix: celui qui vit ainsi trouvera une bénédiction dans la vie et sera une bénédiction pour les autres.
Dans certains pays qui souffrent à cause de la guerre, vous vous efforcez de maintenir vivante l’espérance de la paix. Œuvrer pour la paix ne donne pas de résultats rapides, mais c’est l’œuvre d’artisans patients, qui recherchent ce qui unit et mettent de côté ce qui divise, comme le disait Jean XXIII.
Il faut davantage de prière et de dialogue: cela est nécessaire. Le monde étouffe sans dialogue. Mais le dialogue n’est possible qu’à partir de sa propre identité. Je ne peux pas faire semblant d’avoir une autre identité pour dialoguer. Non, on ne peut pas dialoguer ainsi. Je suis avec cette identité, mais je dialogue, parce que je suis une personne, parce que je suis un homme, je suis une femme, et l’homme et la femme ont cette possibilité de dialoguer sans négocier leur identité. Le monde étouffe sans dialogue: c’est pourquoi vous aussi vous apportez votre contribution pour promouvoir l’amitié entre les religions.
Allez de l’avant sur cette voie: prière, pauvres et paix. Et sur ce chemin, vous aidez à faire croître la compassion dans le cœur de la société — qui est la véritable révolution, celle de la compassion et de la tendresse —, à faire croître l’amitié au lieu du spectre de l’inimitié et de l’indifférence.
Que le Seigneur Jésus qui, du haut de la mosaïque, enlace sa Très Sainte Mère, vous soutienne partout et vous embrasse tous avec elle dans sa miséricorde. Nous en avons besoin. Nous en avons tant besoin. C’est le temps de la miséricorde. Je prie pour vous et vous, priez pour moi! Merci.
MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS POUR LA CÉLÉBRATION DE LA XLIXe JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX
1er JANVIER 2016
Gagne sur l’indifférence et remporte la paix !
1. Dieu n’est pas indifférent ! Dieu accorde de l’importance à l’humanité, Dieu ne l’abandonne pas ! Au début de l’année nouvelle, je voudrais accompagner de cette profonde conviction les vœux d’abondantes bénédictions et de paix, sous le signe de l’espérance, pour l’avenir de tout homme et de toute femme, de toute famille, peuple et nation du monde, ainsi que des Chefs d’État et de Gouvernement et des Responsables des religions. En effet, ne perdons pas l’espérance de voir en 2016 chacun, engagé fermement et avec confiance, à différents niveaux, à réaliser la justice et à œuvrer pour la paix. Oui, celle-ci est don de Dieu et œuvre des hommes. La paix est don de Dieu, mais don confié à tous les hommes et à toutes les femmes qui sont appelés à le réaliser.
Préserver les raisons de l’espérance
2. Les guerres et les actions terroristes, avec leurs tragiques conséquences, les séquestrations de personnes, les persécutions pour des motifs ethniques ou religieux, les prévarications, ont marqué l’année passée du début à la fin, se multipliant douloureusement en de nombreuses régions du monde, au point de prendre les traits de ce qu’on pourrait appeler une « troisième guerre mondiale par morceaux ». Mais certains événements des années passées et de l’année qui vient de s’achever m’invitent, dans la perspective de l’année nouvelle, à renouveler l’exhortation à ne pas perdre l’espérance dans la capacité de l’homme, avec la grâce de Dieu, à vaincre le mal et à ne pas s’abandonner à la résignation et à l’indifférence. Les événements auxquels je me réfère représentent la capacité de l’humanité à œuvrer dans la solidarité au-delà des intérêts individuels, de l’apathie et de l’indifférence vis-à-vis des situations critiques.
Parmi ceux-ci je voudrais rappeler l’effort fait pour favoriser la rencontre des leaders mondiaux, dans le cadre de la COP 21, afin de chercher de nouvelles voies pour affronter les changements climatiques et sauvegarder le bien être de la Terre, notre maison commune. Et cela renvoie à deux événements précédents au niveau global : le Sommet d’Addis Abeba pour réunir des fonds pour le développement durable du monde ; et l’adoption par les Nations Unies de l’Agenda 2030 pour le Développement Durable, visant à assurer, avant cette date, une existence plus digne à tous, surtout aux populations pauvres de la planète.
2015 a été aussi une année spéciale pour l’Église, parce qu’elle a été marquée par le 50ème anniversaire de la publication de deux documents du Concile Vatican II qui expriment de manière très éloquente le sens de la solidarité de l’Église avec le monde. Le Pape Jean XXIII, au début du Concile, a voulu ouvrir tout grand les fenêtres de l’Église pour que la communication entre elle et le monde soit plus ouverte. Les deux documents, Nostra aetateet Gaudium et spes, sont des expressions emblématiques de la nouvelle relation de dialogue, de solidarité et d’accompagnement que l’Église veut introduire à l’intérieur de l’humanité. Dans la Déclaration Nostra aetate l’Église a été appelée à s’ouvrir au dialogue avec les expressions religieuses non chrétiennes. Dans la Constitution pastorale Gaudium et spes, puisque « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ » [1], l’Église désire instaurer un dialogue avec la famille humaine sur les problèmes du monde, en signe de solidarité et de respectueuse affection. [2]
Dans cette même perspective, avec le Jubilé de la Miséricorde, je veux inviter l’Église à prier et à travailler pour que tout chrétien puisse mûrir un cœur humble et compatissant, capable d’annoncer et de témoigner la miséricorde, de « pardonner et de donner », de s’ouvrir « à ceux qui vivent dans les périphéries existentielles les plus différentes, que le monde moderne a souvent créées de façon dramatique » sans tomber « dans l’indifférence qui humilie, dans l’habitude qui anesthésie l’âme et empêche de découvrir la nouveauté dans le cynisme destructeur» [3].
Il y a de multiples raisons pour croire en la capacité de l’humanité à agir ensemble, en solidarité, dans la reconnaissance de sa propre interconnexion et interdépendance, ayant à cœur les membres les plus fragiles et la sauvegarde du bien commun. Cette attitude de coresponsabilité solidaire est à la racine de la vocation fondamentale à la fraternité et à la vie commune. La dignité et les relations interpersonnelles nous constituent comme êtres humains, voulus par Dieu à son image et ressemblance. En tant que créatures dotées d’une inaliénable dignité, nous existons en relation avec nos frères et sœurs, envers lesquels nous avons une responsabilité, et avec lesquels nous agissons en solidarité. En dehors de cette relation, nous serions des êtres moins humains. C’est justement ainsi que l’indifférence constitue une menace pour la famille humaine. Alors que nous nous mettons en marche vers une année nouvelle, je voudrais inviter chacun à reconnaître ce fait, pour vaincre l’indifférence et conquérir la paix.
Certaines formes d’indifférence
3. Il est certain que l’attitude de l’indifférent, de celui qui ferme le cœur pour ne pas prendre en considération les autres, de celui qui ferme les yeux pour ne pas voir ce qui l’entoure ou qui s’esquive pour ne pas être touché par les problèmes des autres, caractérise une typologie humaine assez répandue et présente à chaque époque de l’histoire. Cependant, de nos jours, cela a dépassé nettement le domaine individuel pour prendre une dimension globale et produire ce phénomène de la « globalisation de l’indifférence ».
La première forme d’indifférence dans la société humaine est l’indifférence envers Dieu, dont procède l’indifférence envers le prochain et envers la création. Et ceci est l’un des graves effets d’un faux humanisme et d’un matérialisme pratique, combinés à une pensée relativiste et nihiliste. L’homme pense être l’auteur de lui-même, de sa propre vie et de la société ; il se sent autosuffisant, et il cherche non seulement à se substituer à Dieu, mais à le faire disparaître complètement ; par conséquent, il pense ne rien devoir à personne, excepté à lui-même, et il prétend avoir seulement des droits [4]. Contre cette auto-compréhension erronée de la personne, Benoît XVI rappelait que ni l’homme ni son développement sont capables de se donner à soi-même leur propre signification ultime [5]. Et avant lui, Paul VI avait affirmé qu’« il n’est d’humanisme vrai qu’ouvert à l’Absolu, dans la reconnaissance d’une vocation, qui donne l’idée vraie de la vie humaine» [6].
L’indifférence envers le prochain prend différents visages. Il y a celui qui est bien informé, écoute la radio, lit les journaux ou assiste aux programmes télévisés, mais il le fait de manière tiède, presque dans une condition d’accoutumance : ces personnes connaissent vaguement les drames qui affligent l’humanité mais elles ne se sentent pas impliquées, elles ne vivent pas la compassion. Cela, c’est l’attitude de celui qui sait mais, qui garde son regard, sa pensée et son action tournés vers lui-même. Malheureusement, nous devons constater que l’augmentation des informations, propre à notre époque, ne signifie pas, en soi, une augmentation d’attention aux problèmes, si elle n’est pas accompagnée d’une ouverture des consciences dans un sens solidaire [7]. Bien plus, elle peut entraîner une certaine saturation qui anesthésie et, dans une certaine mesure, relativise la gravité des problèmes. « Certains se satisfont simplement en accusant les pauvres et les pays pauvres de leurs maux, avec des généralisations indues, et prétendent trouver la solution dans une “éducation” qui les rassure et les transforme en êtres apprivoisés et inoffensifs. Cela devient encore plus irritant si ceux qui sont exclus voient croître ce cancer social qui est la corruption profondément enracinée dans de nombreux pays – dans les gouvernements, dans l’entreprise et dans les institutions – quelle que soit l’idéologie politique des gouvernants» [8].
Dans d’autres cas, l’indifférence se manifeste comme un manque d’attention vis-à-vis de la réalité environnante, surtout la plus lointaine. Certaines personnes préfèrent ne pas chercher, ne pas s’informer, et vivent leur bien-être et leur confort, sourdes au cri de douleur de l’humanité souffrante. Presque sans nous en apercevoir, nous sommes devenus incapables d’éprouver de la compassion pour les autres, pour leurs drames ; prendre soin d’eux ne nous intéresse pas, comme si ce qui leur arrive était d’une responsabilité extérieure à nous, qui ne nous revient pas [9]. « Quand nous allons bien et nous prenons nos aises, nous oublions sûrement de penser aux autres (ce que Dieu le Père ne fait jamais), nous ne nous intéressons plus à leurs problèmes, à leurs souffrances et aux injustices qu’ils subissent… Alors notre cœur tombe dans l’indifférence : alors que je vais relativement bien et que tout me réussit, j’oublie ceux qui ne vont pas bien » [10].
En vivant dans une maison commune, nous ne pouvons pas ne pas nous interroger sur son état de santé, comme j’ai cherché à le faire dans Laudato si’. La pollution des eaux et de l’air, l’exploitation sans discernement des forêts, la destruction de l’environnement, sont souvent le fruit de l’indifférence de l’homme envers les autres, parce que tout est lié. Comme, aussi, le comportement de l’homme avec les animaux a une influence sur ses relations avec les autres [11] , pour ne pas parler de celui qui se permet de faire ailleurs ce qu’il n’ose pas faire chez lui [12].
Dans ces cas, et dans d’autres, l’indifférence provoque surtout une fermeture et un désengagement, et finit ainsi par contribuer à l’absence de paix avec Dieu, avec le prochain et avec la création.
La paix menacée par l’indifférence globalisée
4. L’indifférence envers Dieu dépasse la sphère intime et spirituelle de la personne individuelle, et elle investit la sphère publique et sociale. Comme l’affirmait Benoît XVI, « il existe un lien intime entre la glorification de Dieu et la paix des hommes sur la terre» [13]. En effet, « sans une ouverture transcendante, l’homme devient facilement la proie du relativisme et, ensuite, il réussit difficilement à agir selon la justice et à s’engager pour la paix» [14]. L’oubli et la négation de Dieu qui conduisent l’homme à ne plus reconnaître aucune norme au-dessus de lui et à se prendre lui-même comme seule norme, ont produit des cruautés et des violences sans mesure [15].
Au niveau individuel et communautaire l’indifférence envers le prochain, fille de l’indifférence envers Dieu, prend l’aspect de l’inertie et du désengagement qui alimentent la prolongation de situations d’injustice et de grave déséquilibre social. Ces situations, à leur tour, peuvent conduire à des conflits, ou en tout cas, générer un climat d’insatisfaction qui risque de déboucher tôt ou tard sur des violences et de l’insécurité.
En ce sens, l’indifférence et le désengagement qui en est la conséquence constituent un manque grave au devoir que toute personne a de contribuer, dans la mesure de ses capacités et de son rôle dans la société, au bien commun, en particulier à la paix, qui est l’un des biens les plus précieux de l’humanité [16].
Quand, ensuite, l’indifférence envers l’autre, envers sa dignité, ses droits fondamentaux et sa liberté, investit le niveau institutionnel, dans une culture imprégnée de profit et d’hédonisme, elle favorise et parfois justifie des actions et des politiques qui finissent par constituer des menaces à la paix. Un tel comportement d’indifférence peut aussi en arriver à justifier certaines politiques économiques déplorables, annonciatrices d’injustices, de divisions et de violences, en vue de l’obtention de son propre bien être ou de celui de la nation. Souvent, en effet, les projets économiques et politiques des hommes ont pour fin la conquête ou le maintien du pouvoir et des richesses, même au prix de piétiner les droits et les exigences fondamentales des autres. Quand les populations voient leurs propres droits élémentaires niés, comme la nourriture, l’eau, l’assistance sanitaire ou le travail, elles sont tentées de se les procurer par la force [17].
De plus, l’indifférence vis-à-vis de l’environnement naturel, qui favorise la déforestation, la pollution et les catastrophes naturelles qui déracinent des communautés entières de leur milieu de vie en les contraignant à la précarité et à l’insécurité, crée de nouvelles pauvretés, de nouvelles situations d’injustice aux conséquences souvent néfastes en termes de sécurité et de paix sociale. Combien de guerres ont été conduites et combien seront encore faites à cause du manque de ressources ou pour répondre à l’insatiable recherche de ressources naturelles [18] ?
De l’indifférence à la miséricorde : la conversion du cœur
5. Quand, il y a un an, dans le Message pour la Journée Mondiale de la Paix, “Non plus esclaves mais frères”, j’évoquais la première icône biblique de la fraternité humaine, celle de Caïn et Abel (cf. Gn 4, 1-16), c’était pour attirer l’attention sur la manière dont cette première fraternité a été trahie. Caïn et Abel sont frères. Ils proviennent tous deux du même sein, ils sont égaux en dignité et créés à l’image et ressemblance de Dieu ; mais leur fraternité de créature est rompue. « Non seulement Caïn ne supporte pas son frère Abel, mais il le tue par envie » [19]. Le fratricide devient alors la forme de trahison, et le refus par Caïn de la fraternité d’Abel est la première rupture dans les relations familiales de fraternité, de solidarité et de respect réciproque.
Dieu intervient alors, pour appeler l’homme à la responsabilité à l’égard de son semblable, comme il a fait lorsqu’Adam et Ève, les premiers parents, ont rompu la communion avec le Créateur. « Le Seigneur dit à Caïn : “Où est ton frère Abel ?”. Il répondit : “Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? ”. Le Seigneur reprit : “Qu’as-tu fait ! Écoute le sang de ton frère crier vers moi du sol ! ” (Gn 4, 9-10).
Caïn dit ne pas savoir ce qui est arrivé à son frère, il dit ne pas être son gardien. Il ne se sent pas responsable de sa vie, de son sort. Il ne se sent pas impliqué. Il est indifférent envers son frère, bien qu’ils soient liés par l’origine commune. Quelle tristesse ! Quel drame fraternel, familial, humain ! C’est la première manifestation de l’indifférence entre frères. Dieu, au contraire, n’est pas indifférent : le sang d’Abel a grande valeur à ses yeux et il demande à Caïn d’en rendre compte. Donc Dieu se révèle depuis les débuts de l’humanité comme Celui qui s’intéresse au sort de l’homme. Quand plus tard, les fils d’Israël se trouvent en esclavage en Égypte, Dieu intervient à nouveau. Il dit à Moïse : « J’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte. J’ai entendu son cri devant ses oppresseurs ; oui, je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste, vers une terre qui ruisselle de lait et de miel » (Ex 3, 7-8). Il est important de noter les verbes qui décrivent l’intervention de Dieu : il observe, il entend, il connaît, il descend, il libère. Dieu n’est pas indifférent. Il est attentif et il agit.
De la même façon, en son Fils Jésus, Dieu est descendu parmi les hommes, il s’est incarné et il s’est montré solidaire de l’humanité, en toute chose, excepté le péché. Jésus s’identifie avec l’humanité : « l’aîné d’une multitude de frères » (Rm 8, 29). Il ne se contente pas d’enseigner aux foules, mais il se préoccupe d’elles, spécialement quand il les voyait affamées (cf. Mc 6, 34-44) ou sans travail (cf. Mt 20, 3). Son regard n’était pas tourné seulement vers les hommes, mais aussi vers les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les plantes et les arbres, petits et grands ; il embrassait le créé tout entier. Il voit, certainement, mais il ne se limite pas à cela, parce qu’il touche les personnes, il parle avec elles, agit en leur faveur et fait du bien à celui qui est dans le besoin. Non seulement, mais il se laisse émouvoir et il pleure (cf. Jn 11, 33-44). Et il agit pour mettre fin à la souffrance, à la tristesse, à la misère et à la mort.
Jésus nous enseigne à être miséricordieux comme le Père (cf. Lc 6, 36). Dans la parabole du bon samaritain (cf. Lc 10, 29-37), il dénonce l’omission d’aide devant l’urgente nécessité de ses semblables : « Il le vit et passa outre » (cf. Lc 10, 31.32). En même temps, à l’aide de cet exemple, il invite ses auditeurs, et en particulier ses disciples, à apprendre à s’arrêter devant les souffrances de ce monde pour les soulager, devant les blessures des autres pour les soigner, avec les moyens dont on dispose, à commencer par son temps, malgré les nombreuses occupations. L’indifférence, en effet, cherche souvent des prétextes : dans l’observance des préceptes rituels, dans la quantité de choses qu’il faut faire, dans les antagonismes qui nous tienne éloignés les uns des autres, dans les préjudices de tout genre qui nous empêchent de nous faire proche.
La miséricorde est le cœur de Dieu. Elle doit donc être aussi le cœur de tous ceux qui se reconnaissent membres de l’unique grande famille de ses enfants ; un cœur qui bat fort partout où la dignité humaine – reflet du visage de Dieu dans ses créatures – est en jeu. Jésus nous avertit : l’amour pour les autres – les étrangers, les malades, les prisonniers, les sans-domicile-fixe, même les ennemis – est l’unité de mesure de Dieu pour juger nos actions. De cela dépend notre destin éternel. Il n’y a pas à s’étonner que l’apôtre Paul invite les chrétiens de Rome à se réjouir avec ceux qui se réjouissent et à pleurer avec ceux qui pleurent (cf. Rm 12, 15), ou qu’il recommande à ceux de Corinthe d’organiser des collectes en signe de solidarité avec les membres souffrants de l’Église (cf. 1 Co 16, 2-3). Et saint Jean écrit : « Si quelqu’un, jouissant des biens de ce monde, voit son frère dans la nécessité et lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeurait-il en lui ? » (1 Jn 3, 17 ; cf. Jc 2, 15-16).
Voilà pourquoi « il est déterminant pour l’Eglise et pour la crédibilité de son annonce de vivre et de témoigner elle-même de la miséricorde. Son langage et ses gestes doivent transmettre la miséricorde pour pénétrer le cœur des personnes et les inciter à retrouver le chemin du retour au Père. La vérité première de l’Eglise est l’amour du Christ. De cet amour, qui va jusqu’au pardon et au don de soi, l’Eglise se fait servante et médiatrice auprès des hommes. En conséquence, là où l’Eglise est présente, la miséricorde du Père doit être manifeste. Dans nos paroisses, les communautés, les associations et les mouvements, en bref, là où il y a des chrétiens, quiconque doit pouvoir trouver une “oasis de miséricorde”» [20].
Ainsi, nous aussi, nous sommes appelés à faire de l’amour, de la compassion, de la miséricorde et de la solidarité un vrai programme de vie, un style de comportement dans nos relations les uns avec les autres [21]. Cela demande la conversion du cœur : c’est à dire que la grâce de Dieu transforme notre cœur de pierre en un cœur de chair (cf. Ex 36, 26), capables de s’ouvrir aux autres avec une solidarité authentique. Cela en effet, est beaucoup plus qu’un « sentiment de compassion vague ou d’attendrissement superficiel pour les maux subis par tant de personnes, proches ou lointaines » [22]. La solidarité « est la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun, c’est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables de tous » [23], parce que la compassion jaillit de la fraternité.
Ainsi comprise, la solidarité constitue l’attitude morale et sociale qui répond le mieux à la prise de conscience des plaies de notre temps et de l’incontestable interdépendance qui existe toujours plus, spécialement dans un monde globalisé, entre la vie de l’individu et de sa communauté dans un lieu déterminé et celle des autres hommes et femmes dans le reste du monde [24].
Promouvoir une culture de solidarité et de miséricorde pour vaincre l’indifférence
6. La solidarité comme vertu morale et attitude sociale, fruit de la conversion personnelle, exige un engagement d’une multiplicité de sujets, qui ont une responsabilité de caractère éducatif et formateur.
Ma première pensée va aux familles, appelées à une mission éducative première et incontournable. Elles constituent le premier lieu où se vivent et se transmettent les valeurs de l’amour et de la fraternité, de la convivialité et du partage, de l’attention et du soin de l’autre. Elles sont aussi le milieu privilégié pour la transmission de la foi, en commençant par ces simples gestes de dévotion que les mères enseignent à leurs enfants [25].
Pour ce qui concerne les éducateurs et les formateurs qui, à l’école ou dans les différents centres de socialisation infantile et juvénile, ont la tâche exigeante d’éduquer des enfants et des jeunes, ils sont appelés à être conscients que leur responsabilité regarde les dimensions morales, spirituelles et sociales de la personne. Les valeurs de la liberté, du respect réciproque et de la solidarité peuvent être transmises dès le plus jeune âge. S’adressant aux responsables des institutions qui ont des tâches éducatives, Benoît XVI a affirmé : « Que chaque structure éducative puisse être un lieu d’ouverture au transcendant et aux autres ; un lieu de dialogue, de cohésion et d’écoute, où le jeune se sente valorisé dans ses propres potentialités et ses richesses intérieures, et apprenne à estimer vraiment ses frères. Que ce lieu puisse enseigner aussi à goûter la joie qui jaillit du fait de vivre, jour après jour, dans la charité et dans la compassion envers le prochain, et dans la participation active à la construction d’une société plus humaine et fraternelle » [26].
Les agents culturels et des moyens de communication sociale ont aussi une responsabilité dans le domaine de l’éducation et de la formation, spécialement dans la société contemporaine, où l’accès aux instruments d’information et de communication est toujours plus répandu. C’est leur tâche de se mettre par-dessus tout au service de la vérité et non d’intérêts particuliers. Les moyens de communication en effet, « non seulement informent, mais ils façonnent aussi l’esprit de leurs destinataires et ils peuvent donc contribuer de façon notable à l’éducation des jeunes. Il est important de retenir que le lien entre éducation et communication est très étroit : l’éducation advient en effet par les moyens de communication, qui influent sur la formation de la personne d’une manière positive ou négative »[27]. Les agents culturels et des media devraient être aussi vigilants afin que la manière dont ils obtiennent et diffusent les informations soit toujours juridiquement et moralement licite.
La paix : fruit d’une culture de solidarité, de miséricorde et de compassion
7. Conscients de la menace d’une globalisation de l’indifférence, nous ne pouvons pas ne pas reconnaître que, dans le scenario décrit ci-dessus, s’insèrent aussi de nombreuses intiatives et actions positives qui témoignent la compassion, la miséricorde et la solidarité dont l’homme est capable.
Je voudrais rappeler quelques exemples d’engagement louable, qui montrent comment chacun peut vaincre l’indifférence lorsqu’il choisit de ne pas détourner le regard de son prochain, et qui constituent de bonnes pratiques sur le chemin vers une société plus humaine.
Il y a beaucoup d’organisations non grouvernementales et de groupes caritatifs, à l’intérieur de l’Église et en dehors d’elle, dont les membres, à l’occasion d’épidémies, de calamités ou de conflits armés, affrontent difficultés et dangers pour soigner les blessés et les malades et pour enterrer les défunts. À côté d’elles, je voudrais mentionner les personnes et les associations qui portent secours aux migrants qui traversent des déserts et sillonnent des mers à la recherche de meilleures conditions de vie. Ces actions sont des oeuvres de miséricorde corporelle et spirituelle, sur lesquelles nous serons jugés à la fin de notre vie.
Ma pensée va aux journalistes et aux photographes qui informent l’opinion publique sur les situations difficiles qui interpellent les consciences, et à ceux qui s’engagent pour la défense des droits humains, en particulier ceux des minorités ethniques et religieuses, des peuples indigènes, des femmes et des enfants, et de tous ceux qui vivent dans des conditions de plus grande vulnérabilité. Parmi eux, il y a aussi beaucoup de prêtres et de missionnaires qui, comme des bons pasteurs, restent à côté de leurs fidèles et les soutiennent malgré les dangers et les difficultés, en particulier durant les conflits armés.
Combien de familles, ensuite, au milieu de nombreuses difficultés sociales et de travail, s’engagent concrètement pour éduquer leurs enfants “à contre-courant”, au prix de beaucoup de sacrifices, aux valeurs de la solidarité, de la compassion et de la fraternité ! Combien de familles ouvrent leurs cœurs et leurs maisons à celui qui est dans le besoin, comme aux réfugiés et aux migrants ! Je veux remercier de façon particulière toutes les personnes, les familles, les paroisses, les communautés religieuses, les monastères et les sanctuaires, qui ont répondu rapidement à mon appel à accueillir une famille de réfugiés [28].
Enfin, je voudrais mentionner les jeunes qui s’unissent pour réaliser des projets de solidarité et tous ceux qui ouvrent leurs mains pour aider le prochain dans le besoin dans leurs villes, dans leurs pays ou dans d’autres régions du monde. Je veux remercier et encourager tous ceux qui s’engagent dans des actions de ce genre, même si elles ne font pas l’objet de publicité : leur faim et soif de justice sera rassasiée, leur miséricorde leur fera trouver miséricorde et, en tant qu’artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu (cf. Mt 5, 6-9).
La paix dans le signe du Jubilé de la Miséricorde
8. Dans l’esprit du Jubilé de la Miséricorde, chacun est appeler à reconnaître comment l’indifférence se manifeste dans sa propre vie, et à adopter un engagement concret pour contribuer à améliorer la réalité dans laquelle il vit, à partir de sa propre famille, de son voisinage ou de son milieu de travail.
Les États sont aussi appelés à des gestes concrets, à des actes de courage à l’égard des personnes les plus fragiles de leurs sociétés, comme les prisonniers, les migrants, les chômeurs et les malades.
Pour ce qui concerne les détenus, dans beaucoup de cas, il semble urgent d’adopter des mesures concrètes pour améliorer leurs conditions de vie dans les prisons, accordant une attention spéciale à ceux qui sont privés de liberté en attente de jugement [29], ayant à l’esprit la finalité de rééducation de la sanction pénale et évaluant la possibilité d’insérer dans les législations nationales des peines alternatives à la détention carcérale. Dans ce contexte, je désire renouveler l’appel aux autorités étatiques pour l’abolition de la peine de mort, là où elle est encore en vigueur, et à considérer la possibilité d’une amnistie.
En ce qui concerne les migrants, je voudrais inviter à repenser les législations sur les migrations, afin qu’elles soient animées par la volonté de l’accueil, dans le respect des devoirs et des responsabilités réciproques, et puissent faciliter l’intégration des migrants. Dans cette perspective, une attention spéciale devrait être portée aux conditions de séjour des migrants, se rappelant que la clandestinité risque de les entraîner vers la criminalité.
Je désire, en outre, en cette Année jubilaire, formuler un appel pressant aux responsables des États à accomplir des gestes concrets en faveur de nos frères et sœurs qui souffrent à cause du manque de travail, de terre et de toit. Je pense à la création de postes de travail décent, pour lutter contre la plaie sociale du chômage, qui écrase un grand nombre de familles et de jeunes et a des conséquences très importantes sur le maintien de la société tout entière. Le manque de travail entame lourdement le sens de la dignité et de l’espérance, et peut être compensé seulement partiellement par des subsides, également nécessaires, destinés aux chômeurs et à leurs familles. Une attention spéciale devrait être donnée aux femmes – malheureusement encore discriminées dans le domaine du travail – et à certaines catégories de travailleurs, dont les conditions sont précaires ou dangereuses et dont les rétributions ne sont pas proportionnées à l’importance de leur mission sociale.
Enfin, je voudrais inviter à accomplir des actions efficaces pour améliorer les conditions de vie des malades, garantissant à tous l’accès à des soins médicaux et aux médicaments indispensables à la vie, y compris la possibilité de soins à domicile.
Tournant leur regard au-delà de leurs propres frontières, les responsables des États sont aussi appelés à renouveler leurs relations avec les autres peuples, permettant à tous une participation effective et une inclusion à la vie de la communauté internationale, afin que la fraternité se réalise également à l'intérieur de la famille des nations.
Dans cette perspective, je désire adresser un triple appel à s'abstenir d'entraîner les autres peuples dans des conflits ou des guerres qui en détruisent non seulement les richesses matérielles, culturelles et sociales, mais aussi – et pour longtemps – l'intégrité morale et spirituelle ; à l'effacement ou à la gestion soutenable de la dette internationale des pays les plus pauvres ; à l'adoption de politiques de coopération qui, au lieu de se plier à la dictature de certaines idéologies, soient respectueuses des valeurs des populations locales et qui, dans chaque cas, ne portent pas atteinte au droit fondamental et inaliénable des enfants à naître à la vie.
Je confie ces réflexions, ainsi que mes meilleurs vœux pour la nouvelle année, à l'intercession de Marie, la Très Sainte, Mère attentive aux besoins de l'humanité, afin qu'elle obtienne de son Fils Jésus, Prince de la Paix, d’exaucer nos supplications et de bénir notre engagement quotidien pour un monde fraternel et solidaire.
Du Vatican, le 8 décembre 2015 Solennité de l'Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie Ouverture du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde
[7] « La société toujours plus globalisée nous rapproche, mais elle ne nous rend pas frères. La raison, à elle seule, est capable de comprendre l’égalité entre les hommes et d’établir une communauté de vie civique, mais elle ne parvient pas à créer la fraternité » (Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate, n.19).
[17] « Tant que ne s’éliminent pas l’exclusion sociale et la disparité sociale, dans la société et entre les divers peuples, il sera impossible d’éradiquer la violence. On accuse les pauvres et les populations les plus pauvres de la violence, mais, sans égalité de chances, les différentes formes d’agression et de guerre trouveront un terrain fertile qui tôt ou tard provoquera l’explosion. Quand la société – locale, nationale ou mondiale – abandonne dans la périphérie une partie d’elle-même, il n’y a ni programmes politiques, ni forces de l’ordre ou d’intelligence qui puissent assurer sans fin la tranquillité. Cela n’arrive pas seulement parce que la disparité sociale provoque la réaction violente de ceux qui sont exclus du système, mais parce que le système social et économique est injuste à sa racine. De même que le bien tend à se communiquer, de même le mal auquel on consent, c'est-à-dire l’injustice, tend à répandre sa force nuisible et à démolir silencieusement les bases de tout système politique et social, quelle que soit sa solidité » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 59).
Il ne dort pas, le Seigneur, il veille, le Gardien de son peuple (cf. Ps 121, 4), pour le faire sortir de l’esclavage et lui ouvrir le chemin de la liberté.
Le Seigneur veille et avec la puissance de son amour il fait passer le peuple à travers la Mer Rouge ; et il fait passer Jésus à travers l’abîme de la mort et des enfers.
Nuit de veille que fut cette nuit pour les disciples de Jésus. Nuit de douleur et de peur. Les hommes sont restés enfermés dans le Cénacle. Les femmes, au contraire, à l’aube du jour qui suit le sabbat, sont allées au tombeau pour oindre le corps de Jésus. Leur cœur était rempli d’émotion et elles se demandaient : “ Comment ferons-nous pour entrer ? Qui nous roulera la pierre du tombeau ?...”. Mais voici le premier signe de l’Événement : la grosse pierre avait déjà été roulée et la tombe était ouverte !
« En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc… » (Mc 16, 5). Les femmes furent les premières à voir ce grand signe : le tombeau vide ; et elles furent les premières à y entrer…
“ En entrant dans le tombeau ”. Cela nous fait du bien, en cette nuit de veille, de nous arrêter à réfléchir sur l’expérience des disciples de Jésus, qui nous interpelle nous aussi. C’est pour cela en effet, que nous sommes ici : pour entrer, entrer dans le Mystère que Dieu a accompli avec sa veille d’amour.
On ne peut vivre la Pâque sans entrer dans le mystère. Ce n’est pas un fait intellectuel, ce n’est pas seulement connaître, lire… C’est plus, c’est beaucoup plus !
“Entrer dans le mystère”, signifie capacité d’étonnement, de contemplation ; capacité d’écouter le silence et d’entendre le murmure d’un fin silence sonore dans lequel Dieu nous parle (cf. 1 R 19, 12).
Entrer dans le mystère nous demande de ne pas avoir peur de la réalité : de ne pas se fermer sur soi-même, de ne pas fuir devant ce que nous ne comprenons pas, de ne pas fermer les yeux devant les problèmes, de ne pas les nier, de ne pas éliminer les points d’interrogation…
Entrer dans le mystère signifie aller au-delà de ses propres sécurités confortables, au-delà de la paresse et de l’indifférence qui nous freinent, et se mettre à la recherche de la vérité, de la beauté et de l’amour, chercher un sens imprévisible, une réponse pas banale aux questions qui mettent en crise notre foi, notre fidélité et notre raison.
Pour entrer dans le mystère, il faut de l’humilité, l’humilité de s’abaisser, de descendre du piédestal de notre moi si orgueilleux, de notre présomption ; l’humilité de se redimensionner, en reconnaissant ce que nous sommes effectivement: des créatures, avec des qualités et des défauts, des pécheurs qui ont besoin de pardon. Pour entrer dans le mystère, il faut cet abaissement qui est impuissance, dépossession de ses propres idolâtries… adoration. Sans adorer, on ne peut entrer dans le mystère.
Les femmes disciples de Jésus nous enseignent tout cela. Elles ont veillé, cette nuit, avec la Mère. Et elle, la Vierge Mère, les a aidés à ne pas perdre la foi et l’espérance. Ainsi elles ne sont pas restées prisonnières de la peur et de la douleur, mais aux premières lueurs de l’aube, elles sont sorties, portant dans les mains leurs parfums et avec le cœur oint d’amour. Elles sont sorties et elles ont trouvé le tombeau ouvert. Et elles sont entrées. Elles ont veillé, elles sont sorties et elles sont entrées dans le Mystère. Apprenons d’elles à veiller avec Dieu et avec Marie, notre Mère, pour entrer dans le Mystère qui nous fait passer de la mort à la vie.
CÉLÉBRATION DU DIMANCHE DES RAMEAUX ET DE LA PASSION DU SEIGNEUR
HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS
Place Saint-Pierre XXXe Journée mondiale de la Jeunesse Dimanche 29 mars 2015
Au centre de cette célébration, qui apparaît si festive, il y a la parole que nous avons entendue dans l’hymne de la Lettre aux Philippiens : « Il s’est abaissé » (2, 8). L’abaissement de Jésus.
Cette parole nous révèle le style de Dieu et, en conséquence, ce que doit être celui du chrétien : l’humilité. Un style qui ne finira jamais de nous surprendre et de nous mettre en crise : on ne s’habitue jamais à un Dieu humble !
S’abaisser est avant tout le style de Dieu : Dieu s’abaisse pour marcher avec son peuple, pour supporter ses infidélités. On le voit bien en lisant l’histoire de l’Exode : quel abaissement pour le Seigneur que d’écouter tous ces murmures, ces lamentations ! Ils étaient dirigés contre Moïse, mais au fond, ils allaient contre Lui, leur Père, qui les avait fait sortir de la condition d’esclavage et les guidait sur le chemin à travers le désert jusqu’à la terre de la liberté.
En cette Semaine, la Semaine Sainte, qui nous conduit à Pâques, nous irons sur ce chemin de l’abaissement de Jésus. Et seulement ainsi, elle sera “sainte” aussi pour nous !
Nous entendrons le mépris des chefs de son peuple et leurs tromperies pour le faire tomber. Nous assisterons à la trahison de Judas, un des Douze, qui le vendra pour trente deniers. Nous verrons le Seigneur arrêté et emmené comme un malfaiteur ; abandonné des disciples ; traîné devant le sanhédrin, condamné à mort, battu et outragé. Nous entendrons que Pierre, le “roc” des disciples, le reniera par trois fois. Nous entendrons les cris de la foule, incitée par les chefs, qui demande que Barabbas soit libre, et que lui soit crucifié. Nous le verrons raillé par les soldats, couvert d’un manteau de pourpre, couronné d’épines. Et puis, le long de la Via dolorosa et sous la croix, nous entendrons les insultes des gens et des chefs, qui se moquent de son être de Roi et de Fils de Dieu.
C’est le chemin de Dieu, le chemin de l’humilité. C’est la route de Jésus, il n’y en a pas d’autre. Et il n’existe pas d’humilité sans humiliation.
En parcourant jusqu’au bout cette route, le Fils de Dieu a assumé la “condition de serviteur” (cf. Ph 2, 7). En effet, humilité veut dire aussi service, veut dire laisser de la place à Dieu se dépouillant de soi-même, “se vidant”, comme dit l’Écriture (v. 7). Cela – se vider ‑ est l’humiliation la plus grande.
Il y a un autre chemin, contraire au chemin du Christ : la mondanité. La mondanité nous offre le chemin de la vanité, de l’orgueil, du succès… C’est l’autre chemin. Le malin l’a proposé aussi à Jésus, durant les quarante jours dans le désert. Mais Jésus l’a repoussé sans hésitations. Et avec lui, seulement avec sa grâce, avec son aide, nous aussi nous pouvons vaincre cette tentation de la vanité, de la mondanité, non seulement dans les grandes occasions, mais dans les circonstances ordinaires de la vie.
Ce qui nous aide et nous réconforte en cela, c’est l’exemple de beaucoup d’hommes et de femmes qui, dans le silence et de façon cachée, chaque jour renoncent à eux-mêmes pour servir les autres : un parent malade, un ancien seul, une personne avec un handicap, un sans-abri…
Pensons aussi à l’abaissement de tous ceux qui, en raison de leur comportement fidèle à l’Évangile, sont discriminés et paient de leur personne. Et pensons à nos frères et sœurs persécutés parce que chrétiens, les martyrs d’aujourd’hui – il y en a beaucoup ‑ : ils ne renient pas Jésus et supportent avec dignité des insultes et des outrages. Ils le suivent sur son chemin. Nous pouvons parler en vérité d’“une nuée de témoins” : les martyrs d’aujourd’hui (cf. He 12, 1).
Durant cette Semaine, nous aussi, mettons-nous résolument avec eux sur cette route de l’humilité, avec beaucoup d’amour pour Lui, notre Seigneur et Sauveur. Ce sera l’amour qui nous guidera et nous donnera la force. Et là où il est, Lui, nous serons nous aussi (cf. Jn 12, 26).
Le Pape François pleure les chrétiens coptes assassinés
par Radio Vatican, 16/02/2015
(RV) - Entretien - Le Pape François a téléphoné lundi après-midi au patriarche copte-orthodoxe Tawadros II pour « manifester sa profonde participation à la douleur de l’Eglise copte, après le récent assassinat barbare de chrétiens coptes par des fondamentalistes islamistes » en Libye. Le Directeur de la salle de presse du Saint-Siège, le père Federico Lombardi précise que le Saint-Père « a assuré de ses prières aussi demain, jour de la célébration des funérailles des victimes ».
Le Pape avait fait part lundi matin d’un profond sentiment de tristesse, en évoquant les 21 Egyptiens coptes exécutés sauvagement par l’Etat islamique, sur les rives de la mer Méditerranée, en Libye. Et de se rappeler de leurs paroles : « Jésus, aide-moi ».
« Ils ont été assassinés pour le seul fait d’être chrétiens, a déploré le Souverain Pontife. Le sang de nos frères chrétiens est un témoignage qui hurle. Qu’ils soient catholiques, orthodoxes, coptes, luthériens, peu importe : ils sont chrétiens ! Et le sang est le même. Donner son sang, c’est témoigner du Christ. »
En se rappelant de ces frères morts pour avoir témoigné du Christ, François « demande de s’encourager les uns les autres à aller de l’avant avec cet œcuménisme, l’œcuménisme du sang qui nous encourage ».
La diffusion dimanche soir des images de l'exécution, par l'État islamique, de 21 otages présentés comme des chrétiens coptes égyptiens suscite la stupeur et la réprobation en Égypte. Le président Abdel Fattah Al-Sissi a décrété sept jours de deuil national, alors que les rumeurs d'une intervention militaire en Libye se multiplient. L'achat par l'Égypte de 24 avions Rafale, qui sera finalisé ce lundi par la visite du ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, cristallise la volonté égyptienne de s'affirmer comme la principale puissance militaire de la région. Des frappes de l'aviation égyptienne auraient été menées ce lundi matin sur les positions de l'État islamique en Libye.
Interrogé par Cyprien Viet, l'évêque auxiliaire copte-catholique d'Alexandrie, Mgr Youhanna Golta exprime la peine des Égyptiens après l'annonce de ces exécutions et son inquiétude face au risque de déstabilisation de l'Égypte.
Charlie Hebdo : le Pape François condamne un « horrible attentat »
par Radio Vatican, 08/01/2015
(RV) Le Pape François a exprimé mercredi soir sa « plus ferme condamnation pour l’horrible attentat » qui a frappé dans la matinée la rédaction de Charlie Hebdo, faisant au moins 12 morts, « semant la mort, jetant dans la consternation toute la société française, bouleversant profondément tous les amants de la paix, bien au-delà des frontières de la France ».
Par la voie du directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, le Souverain Pontife affirme « participer dans la prière à la souffrance des blessés et des familles des défunts et exhorter tout le monde à s’opposer par tous les moyens à la diffusion de la haine et de toute forme de violence, physique et morale, qui détruit la vie humaine, viole la dignité des personnes, mine radicalement le bien fondamental de la cohabitation pacifique entre les personnes et les peuples, malgré les différences de nationalité, de religion et de culture ».
« Quelle que soit la motivation, a poursuivi le Saint-Père, la violence assassine est abominable, jamais justifiable, la vie et la dignité de chacun doivent être garanties et protégées avec décision, toute instigation à la haine doit être refusée, le respect d’autrui cultivé ».
Le Pape a enfin exprimé « sa proximité, sa solidarité spirituelle et son soutien pour tous ceux qui, selon leurs responsabilités, continuent de s’engager pour la paix, la justice et le droit, pour guérir en profondeur les sources et les causes de la haine, en ce moment douloureux et dramatique, en France et dans chaque partie du monde marquée par des tensions et des violences ».
MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS POUR LA CÉLÉBRATION DE LA XLVIIIe JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX
1er JANVIER 2015
NON PLUS ESCLAVES, MAIS FRÈRES
1. Au début d’une nouvelle année, que nous accueillons comme une grâce et un don de Dieu à l’humanité, je désire adresser à chaque homme et femme, ainsi qu’à chaque peuple et à chaque nation du monde, aux Chefs d’État et de Gouvernement ainsi qu’aux responsables des diverses religions, mes vœux fervents de paix, que j’accompagne de ma prière afin que cessent les guerres, les conflits et les nombreuses souffrances provoqués soit par la main de l’homme soit par de vieilles et nouvelles épidémies comme par les effets dévastateurs des calamités naturelles. Je prie de manière particulière pour que, répondant à notre vocation commune de collaborer avec Dieu et avec tous les hommes de bonne volonté pour la promotion de la concorde et de la paix dans le monde, nous sachions résister à la tentation de nous comporter de manière indigne de notre humanité.
Dans le message pour le 1er janvier dernier, j’avais observé qu’au « désir d’une vie pleine… appartient une soif irrépressible de fraternité, qui pousse vers la communion avec les autres, en qui nous ne trouvons pas des ennemis ou des concurrents, mais des frères à accueillir et à embrasser »[1]. L’homme étant un être relationnel, destiné à se réaliser dans le contexte de rapports interpersonnels inspirés par la justice et la charité, il est fondamental pour son développement que soient reconnues et respectées sa dignité, sa liberté et son autonomie. Malheureusement, le fléau toujours plus répandu de l’exploitation de l’homme par l’homme blesse gravement la vie de communion et la vocation à tisser des relations interpersonnelles empreintes de respect, de justice et de charité. Cet abominable phénomène, qui conduit à piétiner la dignité et les droits fondamentaux de l’autre et à en anéantir la liberté et la dignité, prend de multiples formes sur lesquelles je désire réfléchir brièvement, afin que, à la lumière de la Parole de Dieu, nous puissions considérer tous les hommes « non plus esclaves, mais frères ».
À l’écoute du projet de Dieu sur l’humanité.
2. Le thème que j’ai choisi pour le présent message rappelle la Lettre de saint Paul à Philémon, dans laquelle l’Apôtre demande à son collaborateur d’accueillir Onésime, autrefois esclave de Philémon et maintenant devenu chrétien, et donc, selon Paul, digne d’être considéré comme un frère. Ainsi, l’Apôtre des gentils écrit : « Il t’a été retiré pour un temps qu’afin de t’être rendu pour l’éternité, non plus comme un esclave, mais bien mieux qu’un esclave, comme un frère très cher » (Phm 1, 15-16). Onésime est devenu frère de Philémon en devenant chrétien. Ainsi la conversion au Christ, le début d’une vie de disciple dans le Christ, constitue une nouvelle naissance (cf. 2 Co 5, 17 ; 1 P 1, 3) qui régénère la fraternité comme lien fondateur de la vie familiale et fondement de la vie sociale.
Quand, dans le Livre de la Genèse (cf. 1, 27-28), nous lisons que Dieu créa l’homme homme et femme et les bénit, afin qu’ils grandissent et se multiplient, il fit d’Adam et d’Êve des parents qui, en accomplissant la bénédiction de Dieu d’être féconds et de se multiplier, ont généré la première fraternité, celle de Caïn et Abel. Caïn et Abel sont frères, parce qu’ils viennent du même sein, et donc ils ont la même origine, la même nature et la même dignité que leurs parents, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu.
Mais la fraternité exprime aussi la multiplicité et la différence qui existent entre les frères, bien que liés par la naissance et ayant la même nature et la même dignité. En tant que frères et sœurs, toutes les personnes sont donc par nature en relation avec les autres, dont elles se différencient mais avec lesquelles elles partagent la même origine, la même nature et la même dignité. C’est en raison de cela que la fraternité constitue le réseau de relations fondamentales pour la construction de la famille humaine créée par Dieu.
Malheureusement, entre la première création racontée dans le Livre de la Genèse et la nouvelle naissance dans le Christ, qui rend les croyants frères et sœurs du «premier-né d’une multitude de frères» (Rm 8, 29), il y a la réalité négative du péché qui, à plusieurs reprises, rompt la fraternité issue de la création et déforme continuellement la beauté et la noblesse du fait d’êtrefrères et sœurs de la même famille humaine. Non seulement Caïn ne supporte pas son frère Abel, mais il le tue par envie en commettant le premier fratricide. « Le meurtre d’Abel par Caïn atteste tragiquement le rejet radical de la vocation à être frères. Leur histoire (cf. Gn 4, 1-16) met en évidence la tâche difficile à laquelle tous les hommes sont appelés, de vivre unis, en prenant soin l’un de l’autre »[2].
Pareillement, dans l’histoire de la famille de Noé et de ses fils (cf. Gn 9, 18-27), c’est l’impiété de Cham à l’égard de son père Noé qui pousse celui-ci à maudire le fils irrévérencieux et à bénir les autres, ceux qui l’avaient honoré, en créant ainsi une inégalité entre frères nés du même sein.
Dans le récit des origines de la famille humaine, le péché d’éloignement de Dieu, de la figure du père et du frère devient une expression du refus de la communion et se traduit par la culture de l’asservissement (cf. Gn 9, 25-27), avec les conséquences que cela implique et qui se prolongent de génération en génération : refus de l’autre, maltraitance des personnes, violation de la dignité et des droits fondamentaux, institutionnalisation d’inégalités. D’où la nécessité d’une continuelle conversion à l’Alliance, accomplie par l’oblation du Christ sur la croix, confiants que « là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé… par Jésus Christ Notre Seigneur » (Rm 5, 20.21). Lui, le « Fils aimé » (cf. Mt 3, 17), est venu révéler l’amour du Père pour l’humanité. Quiconque écoute l’Évangile et répond à l’appel à la conversion devient pour Jésus « un frère, une sœur et une mère » (Mt 12, 50), et par conséquent fils adoptif de son Père (cf. Ep 1, 5).
On ne devient cependant pas chrétien, fils du Père et frères dans le Christ, par une disposition divine autoritaire, sans l’exercice de la liberté personnelle, c’est-à-dire sans se convertir librement au Christ. Le fait d’être fils de Dieu suit l’impératif de la conversion : « Convertissez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez alors le don du Saint Esprit » (Ac 2, 38). Tous ceux qui ont répondu, par la foi et dans la vie, à cette prédication de Pierre sont entrés dans la fraternité de la première communauté chrétienne (cf. 1 P 2, 17 ; Ac 1, 15.16 ; 6, 3 ; 15, 23) : juifs et grecs, esclaves et hommes libres (cf. 1 Co 12, 13 ; Ga 3, 28), dont la diversité d’origine et de condition sociale ne diminue pas la dignité propre à chacun ni n’exclut personne de l’appartenance au peuple de Dieu. La communauté chrétienne est donc le lieu de la communion vécue dans l’amour entre les frères (cf. Rm 12, 10 ; 1 Th 4, 9 ; He 13, 1 ; 1 P 1, 22 ; 2 P 1, 7).
Tout cela démontre que la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, par qui Dieu fait « toutes choses nouvelles » (Ap 21, 5)[3], est aussi capable de racheter les relations entre les hommes, y compris celle entre un esclave et son maître, en mettant en lumière ce que tous deux ont en commun : la filiation adoptive et le lien de fraternité dans le Christ. Jésus lui-même a dit à ses disciples : « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; mais je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (Jn 15, 15).
Les multiples visages de l’esclavage hier et aujourd’hui
3. Depuis les temps immémoriaux, les diverses sociétés humaines connaissent le phénomène de l’asservissement de l’homme par l’homme. Il y a eu des époques dans l’histoire de l’humanité où l’institution de l’esclavage était généralement acceptée et régulée par le droit. Ce dernier établissait qui naissait libre et qui, au contraire, naissait esclave, et également dans quelles conditions la personne, née libre, pouvait perdre sa liberté ou la reconquérir. En d’autres termes, le droit lui-même admettait que certaines personnes pouvaient ou devaient être considérées comme la propriété d’une autre personne, laquelle pouvait en disposer librement ; l’esclave pouvait être vendu et acheté, cédé et acquis comme s’il était une marchandise.
Aujourd’hui, suite à une évolution positive de la conscience de l’humanité, l’esclavage, crime de lèse- humanité[4], a été formellement aboli dans le monde. Le droit de chaque personne à ne pas être tenue en état d’esclavage ou de servitude a été reconnu dans le droit international comme norme contraignante.
Et pourtant, bien que la communauté internationale ait adopté de nombreux accords en vue de mettre un terme à l’esclavage sous toutes ses formes, et mis en marche diverses stratégies pour combattre ce phénomène, aujourd’hui encore des millions de personnes – enfants, hommes et femmes de tout âge – sont privées de liberté et contraintes à vivre dans des conditions assimilables à celles de l’esclavage.
Je pense aux nombreux travailleurs et travailleuses, même mineurs, asservis dans les divers secteurs, au niveau formel et informel, du travail domestique au travail agricole, de l’industrie manufacturière au secteur minier, tant dans les pays où la législation du travail n’est pas conforme aux normes et aux standards minimaux internationaux que, même illégalement, dans les pays où la législation protège le travailleur.
Je pense aussi aux conditions de vie de nombreux migrants qui, dans leur dramatique parcours, souffrent de la faim, sont privés de liberté, dépouillés de leurs biens ou abusés physiquement et sexuellement. Je pense à ceux d’entre eux qui, arrivés à destination après un voyage dans des conditions physiques très dures et dominé par la peur et l’insécurité, sont détenus dans des conditions souvent inhumaines. Je pense à ceux d’entre eux que les diverses circonstances sociales, politiques et économiques poussent à vivre dans la clandestinité, et à ceux qui, pour rester dans la légalité, acceptent de vivre et de travailler dans des conditions indignes, spécialement quand les législations nationales créent ou permettent une dépendance structurelle du travailleur migrant par rapport à l’employeur, en conditionnant, par exemple, la légalité du séjour au contrat de travail… Oui, je pense au « travail esclave ».
Je pense aux personnescontraintes de se prostituer, parmi lesquelles beaucoup sont mineures, et aux esclaves sexuels ; aux femmes forcées de se marier, à celles vendues en vue du mariage ou à celles transmises par succession à un membre de la famille à la mort du mari sans qu’elles aient le droit de donner ou de ne pas donner leur propre consentement.
Je ne peux pas ne pas penser à tous ceux qui, mineurs ou adultes, font l’objet de trafic et de commerce pour le prélèvement d’organes, pour être enrôlés comme soldats, pour faire la mendicité, pour des activités illégales comme la production ou la vente de stupéfiants, ou pour des formes masquées d’adoption internationale.
Je pense enfin à tous ceux qui sont enlevés et tenus en captivité par des groupes terroristes, asservis à leurs fins comme combattants ou, surtout en ce qui concerne les jeunes filles et les femmes, comme esclaves sexuelles. Beaucoup d’entre eux disparaissent, certains sont vendus plusieurs fois, torturés, mutilés, ou tués.
Quelques causes profondes de l’esclavage
4. Aujourd’hui comme hier, à la racine de l’esclavage, il y a une conception de la personne humaine qui admet la possibilité de la traiter comme un objet. Quand le péché corrompt le cœur de l’homme, et l’éloigne de son Créateur et de ses semblables, ces derniers ne sont plus perçus comme des êtres d’égale dignité, comme frères et sœurs en humanité, mais sont vus comme des objets. La personne humaine, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, par la force, par la tromperie ou encore par la contrainte physique ou psychologique, est privée de sa liberté, commercialisée, réduite à être la propriété de quelqu’un, elle est traitée comme un moyen et non comme une fin.
À côté de cette cause ontologique – refus de l’humanité dans l’autre –, d’autres causes concourent à expliquer les formes contemporaines d’esclavage. Parmi elles, je pense surtout à la pauvreté, au sous-développement et à l’exclusion, spécialement quand ils se combinent avec le manque d’accès à l’éducation ou avec une réalité caractérisée par de faibles, sinon inexistantes, opportunités de travail. Fréquemment, les victimes de trafic et de d’asservissement sont des personnes qui ont cherché une manière de sortir d’une condition de pauvreté extrême, en croyant souvent à de fausses promesses de travail, et qui au contraire sont tombées entre les mains de réseaux criminels qui gèrent le trafic d’êtres humains. Ces réseaux utilisent habilement les technologies informatiques modernes pour appâter des jeunes, et des très jeunes, partout dans le monde.
De même, la corruption de ceux qui sont prêts à tout pour s’enrichir doit être comptée parmi les causes de l’esclavage. En effet, l’asservissement et le trafic des personnes humaines requièrent une complicité qui souvent passe par la corruption des intermédiaires, de certains membres des forces de l’ordre ou d’autres acteurs de l’État ou de diverses institutions, civiles et militaires. « Cela arrive quand au centre d’un système économique se trouve le dieu argent et non l’homme, la personne humaine. Oui, au centre de tout système social ou économique doit se trouver la personne, image de Dieu, créée pour être le dominateur de l’univers. Quand la personne est déplacée et qu’arrive le dieu argent se produit ce renversement des valeurs »[5].
D’autres causes de l’esclavage sont les conflits armés, les violences, la criminalité et le terrorisme. De nombreuses personnes sont enlevées pour être vendues, ou enrôlées comme combattantes, ou bien exploitées sexuellement, tandis que d’autres sont contraintes à émigrer, laissant tout ce qu’elles possèdent : terre, maison, propriétés, ainsi que les membres de la famille. Ces dernières sont poussées à chercher une alternative à ces conditions terribles, même au risque de leur dignité et de leur survie, en risquant d’entrer ainsi dans ce cercle vicieux qui en fait une proie de la misère, de la corruption et de leurs pernicieuses conséquences.
Un engagement commun pour vaincre l’esclavage.
5. Souvent, en observant le phénomène de la traite des personnes, du trafic illégal des migrants et d’autres visages connus et inconnus de l’esclavage, on a l’impression qu’il a lieu dans l’indifférence générale.
Si, malheureusement, cela est vrai en grande partie, je voudrais cependant rappeler l’immense travail silencieux que de nombreuses congrégations religieuses, surtout féminines, réalisent depuis de nombreuses années en faveur des victimes. Ces instituts œuvrent dans des contextes difficiles, dominés parfois par la violence, en cherchant à briser les chaînes invisibles qui lient les victimes à leurs trafiquants et exploiteurs ; des chaînes dont les mailles sont faites de mécanismes psychologiques subtils qui rendent les victimes dépendantes de leurs bourreaux par le chantage et la menace, pour eux et leurs proches, mais aussi par des moyens matériels, comme la confiscation des documents d’identité et la violence physique. L’action des congrégations religieuses s’articule principalement autour de trois actions : le secours aux victimes, leur réhabilitation du point de vue psychologique et de la formation, et leur réintégration dans la société de destination ou d’origine.
Cet immense travail, qui demande courage, patience et persévérance, mérite l’estime de toute l’Église et de la société. Mais à lui seul, il ne peut naturellement pas suffire pour mettre un terme au fléau de l’exploitation de la personne humaine. Il faut aussi un triple engagement, au niveau institutionnel, de la prévention, de la protection des victimes et de l’action judiciaire à l’égard des responsables. De plus, comme les organisations criminelles utilisent des réseaux globaux pour atteindre leurs objectifs, de même l’engagement pour vaincre ce phénomène requiert un effort commun et tout autant global de la part des divers acteurs qui composent la société.
Les États devraient veiller à ce que leurs propres législations nationales sur les migrations, sur le travail, sur les adoptions, sur la délocalisation des entreprises et sur la commercialisation des produits fabriqués grâce à l’exploitation du travail soient réellement respectueuses de la dignité de la personne. Des lois justes sont nécessaires, centrées sur la personne humaine, qui défendent ses droits fondamentaux et les rétablissent s’ils sont violés, en réhabilitant la victime et en assurant sa sécurité, ainsi que des mécanismes efficaces de contrôle de l’application correcte de ces normes, qui ne laissent pas de place à la corruption et à l’impunité. Il est aussi nécessaire que soit reconnu le rôle de la femme dans la société, en œuvrant également sur le plan de la culture et de la communication pour obtenir les résultats espérés.
Les organisations intergouvernementales, conformément au principe de subsidiarité, sont appelées à prendre des initiatives coordonnées pour combattre les réseaux transnationaux du crime organisé qui gèrent la traite des personnes humaines et le trafic illégal des migrants. Une coopération à divers niveauxdevient nécessaire, qui inclue les institutions nationales et internationales, ainsi que les organisations de la société civile et le monde de l’entreprise.
Les entreprises[6], en effet, ont le devoir de garantir à leurs employés des conditions de travail dignes et des salaires convenables, mais aussi de veiller à ce que des formes d’asservissement ou de trafic de personnes humaines n’aient pas lieu dans les chaînes de distribution. La responsabilité sociale de l’entreprise est accompagnée par la responsabilité sociale du consommateur. En effet, chaque personne devrait avoir conscience qu’« acheter est non seulement un acte économique mais toujours aussi un acte moral »[7].
Les organisations de la société civile, de leur côté, ont le devoir de sensibiliser et de stimuler les consciences sur les pas nécessaires pour contrecarrer et éliminer la culture de l’asservissement.
Ces dernières années, le Saint-Siège, en accueillant le cri de douleur des victimes du trafic et la voix des congrégations religieuses qui les accompagnent vers la libération, a multiplié les appels à la communauté internationale afin que les différents acteurs unissent leurs efforts et coopèrent pour mettre un terme à ce fléau[8]. De plus, certaines rencontres ont été organisées dans le but de donner une visibilité au phénomène de la traite des personnes et de faciliter la collaboration entre divers acteurs, dont des experts du monde académique et des organisations internationales, des forces de l’ordre de différents pays de provenance, de transit et de destination des migrants, et des représentants des groupes ecclésiaux engagés en faveur des victimes. Je souhaite que cet engagement continue et se renforce dans les prochaines années.
Globaliser la fraternité, non l’esclavage ni l’indifférence
6. Dans son œuvre d’« annonce de la vérité de l’amour du Christ dans la société »[9], l’Église s’engage constamment dans les actions de caractère caritatif à partir de la vérité sur l’homme. Elle a la tâche de montrer à tous le chemin vers la conversion, qui amène à changer le regard sur le prochain, à reconnaître dans l’autre, quel qu’il soit, un frère et une sœur en humanité, à en reconnaître la dignité intrinsèque dans la vérité et dans la liberté, comme nous l’illustre l’histoire de Joséphine Bakhita, la sainte originaire de la région du Darfour au Soudan, enlevée par des trafiquants d’esclaves et vendue à des maîtres terribles dès l’âge de neuf ans, et devenue ensuite, à travers de douloureux événements, ‘‘libre fille de Dieu’’ par la foi vécue dans la consécration religieuse et dans le service des autres, spécialement des petits et des faibles. Cette sainte, qui a vécu entre le XIXème et le XXème siècle, est aujourd’hui un témoin et un modèle d’espérance[10] pour les nombreuses victimes de l’esclavage, et elle peut soutenir les efforts de tous ceux qui se consacrent à la lutte contre cette « plaie dans le corps de l’humanité contemporaine, une plaie dans la chair du Christ »[11].
Dans cette perspective, je désire inviter chacun, dans son rôle et dans ses responsabilités particulières, à faire des gestes de fraternité à l’égard de ceux qui sont tenus en état d’asservissement. Demandons-nous comment, en tant que communauté ou comme individus, nous nous sentons interpellés quand, dans le quotidien, nous rencontrons ou avons affaire à des personnes qui pourraient être victimes du trafic d’êtres humains, ou quand nous devons choisir d’acheter des produits qui peuvent, en toute vraisemblance, avoir été fabriqués par l’exploitation d’autres personnes. Certains d’entre nous, par indifférence ou parce qu’assaillis par les préoccupations quotidiennes, ou pour des raisons économiques, ferment les yeux. D’autres, au contraire, choisissent de faire quelque chose de positif, de s’engager dans les associations de la société civile ou d’effectuer de petits gestes quotidiens – ces gestes ont tant de valeur ! – comme adresser une parole, une salutation, un « bonjour », ou un sourire, qui ne nous coûtent rien mais qui peuvent donner l’espérance, ouvrir des voies, changer la vie d’une personne qui vit dans l’invisibilité, et aussi changer notre vie par la confrontation à cette réalité.
Nous devons reconnaître que nous sommes en face d’un phénomène mondial qui dépasse les compétences d’une seule communauté ou nation. Pour le combattre, il faut une mobilisation de dimensions comparables à celles du phénomène lui-même. Pour cette raison, je lance un appel pressant à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté, et à tous ceux qui, de près ou de loin, y compris aux plus hauts niveaux des institutions, sont témoins du fléau de l’esclavage contemporain, à ne pas se rendre complices de ce mal, à ne pas détourner le regard face aux souffrances de leurs frères et sœurs en humanité, privés de la liberté et de la dignité, mais à avoir le courage de toucher la chair souffrante du Christ[12], qui se rend visible à travers les innombrables visages de ceux que Lui-même appelle « ces plus petits de mes frères » (Mt 25, 40.45).
Nous savons que Dieu demandera à chacun de nous : Qu’as-tu fait de ton frère ? (cf. Gn 4, 9-10). La mondialisation de l’indifférence, qui aujourd’hui pèse sur les vies de beaucoup de sœurs et de frères, requiert que nous nous fassions tous les artisans d’une mondialisation de la solidarité et de la fraternité, qui puisse leur redonner l’espérance, et leur faire reprendre avec courage le chemin à travers les problèmes de notre temps et les perspectives nouvelles qu’il apporte et que Dieu met entre nos mains.
[10] « Par la connaissance de cette espérance, elle était « rachetée », elle ne se sentait plus une esclave, mais une fille de Dieu libre. Elle comprenait ce que Paul entendait lorsqu'il rappelait aux Éphésiens qu'avant ils étaient sans espérance et sans Dieu dans le monde – sans espérance parce que sans Dieu» (Benoît XVI, Lett. enc. Spe salvi, n. 3).
À l'occasion des fêtes de Noël, le pape François a écrit une lettre aux chrétiens du Moyen-Orient, sachant que « pour beaucoup d'entre eux les chants de Noël se mêleront aux larmes et aux soupirs ». Le Saint-Père a rappelé les conflits qui tourmentent une région du monde qui a toujours connu la tribulation aggravée ces derniers temps par un terrorisme qui « commet toute sorte d'abus et de pratiques indignes de l'homme », qui obligent les autres groupes religieux et ethniques à abandonner leurs propres terres et leurs pays d'origine, et pour cela « vous avez le devoir et le droit de participer pleinement à la vie et à la croissance de votre nation ». Il rappelle également que les chrétiens d'Orient « sont protagonistes de la vie de l'Église » qui compte sur le soutient et les prières de toute la communauté ecclésiale. Le Saint-Père lance de nouveau un appel à la communauté internationale pour trouver une solution globale aux problèmes de la région : « Pendant combien de temps le Moyen-Orient devra-t-il encore souffrir à cause du manque de paix ? »
Nous vous présentons le texte intégral de la lettre:
« Chers frères et sœurs: “Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toute notre tribulation, afin que, par la consolation que nous-mêmes recevons de Dieu, nous puissions consoler les autres en quelque tribulation que ce soit”. Ces paroles de l’apôtre Paul me sont venues à l’esprit quand j’ai pensé à vous écrire, frères chrétiens du Moyen-Orient. Je le fais à l’approche de Noël, sachant que pour beaucoup d’entre vous, aux chants de Noël se mêleront les larmes et les soupirs. Cependant, la naissance du Fils de Dieu dans notre chair humaine est un ineffable mystère de consolation : “La grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, s’est manifestée”.
L’affliction et la tribulation n’ont malheureusement pas manqué dans un passé même récent du Moyen-Orient. Elles se sont aggravées ces derniers mois à cause des conflits qui tourmentent la région, mais surtout du fait d’une plus récente et préoccupante organisation terroriste, de dimensions autrefois inimaginables, qui commet toutes sortes d’abus et de pratiques indignes de l’homme, en frappant de manière particulière certains d’entre vous qui ont été chassés de façon brutale de leurs propres terres, où les chrétiens sont présents depuis les temps apostoliques.
En m’adressant à vous, je ne peux pas oublier non plus d’autres groupes religieux et ethniques qui subissent également la persécution et les conséquences de ces conflits. Je suis quotidiennement les nouvelles de l’immense souffrance de beaucoup de personnes au Moyen-Orient. Je pense spécialement aux enfants, aux mères, aux personnes âgées, aux personnes déplacées et aux réfugiés, à tous ceux qui souffrent de la faim, à ceux qui doivent affronter la rigueur de l’hiver sans un toit sous lequel se protéger. Cette souffrance crie vers Dieu et fait appel à l’engagement de tous, à travers la prière et toutes sortes d’initiatives. À tous, je veux exprimer ma proximité et ma solidarité ainsi que celles de l’Église, et offrir une parole de consolation et d’espérance.
Chers frères et sœurs, qui avec courage rendez témoignage à Jésus en votre terre bénie par le Seigneur, notre consolation et notre espérance c’est le Christ lui-même. Je vous encourage donc à rester attachés à Lui, comme les sarments à la vigne, certains que ni la tribulation, ni l’angoisse, ni la persécution ne peuvent vous séparer de Lui. Puisse l’épreuve que vous traversez fortifier la foi et la fidélité de vous tous !
Je prie pour que vous puissiez vivre la communion fraternelle à l’exemple de la première communauté de Jérusalem. L’unité voulue par notre Seigneur est plus que jamais nécessaire en ces moments difficiles; c’est un don de Dieu qui interpelle notre liberté et attend notre réponse. Que la Parole de Dieu, les sacrements, la prière et la fraternité nourrissent et renouvellent continuellement vos communautés.
La situation dans laquelle vous vivez est un appel fort à la sainteté de vie, comme l’attestent saints et martyrs de toute appartenance ecclésiale. Je me souviens avec affection et vénération des pasteurs et des fidèles auxquels, ces derniers temps, a été demandé le sacrifice de la vie, souvent pour le seul fait d’être chrétiens. Je pense aussi aux personnes séquestrées, parmi elles des évêques orthodoxes et des prêtres de divers rites. Puissent-ils retourner bientôt sains et saufs dans leurs maisons et dans leurs communautés. Je demande à Dieu que tant de souffrance unie à la croix du Seigneur donne de bons fruits pour l’Église et pour les peuples du Moyen-Orient.
Au milieu des inimitiés et des conflits, la communion vécue entre vous en fraternité et simplicité est signe du Royaume de Dieu. Je suis heureux des bonnes relations et de la collaboration entre les patriarches des Églises Orientales catholiques et ceux des Églises Orthodoxes ; comme aussi entre les fidèles des diverses Églises. Les souffrances endurées par les chrétiens apportent une contribution inestimable à la cause de l’unité. C’est l’œcuménisme du sang, qui demande un abandon confiant à l’action de l’Esprit Saint. Puissiez-vous toujours rendre témoignage à Jésus à travers les difficultés ! Votre présence même est précieuse pour le Moyen-Orient. Vous êtes un petit troupeau, mais avec une grande responsabilité en cette terre, où est né et où s’est répandu le christianisme. Vous êtes comme le levain dans la pâte. Avant même beaucoup d’œuvres de l’Église dans les domaines éducatif, sanitaire ou d’assistance, appréciées par tous, la richesse la plus grande pour la région, ce sont les chrétiens, c’est vous. Merci de votre persévérance !
Votre effort pour collaborer avec des personnes d’autres religions, avec les juifs et avec les musulmans, est un autre signe du Royaume de Dieu. Le dialogue interreligieux est d’autant plus nécessaire que la situation est plus difficile. Il n’y a pas d’autre voie. Le dialogue fondé sur une attitude d’ouverture, dans la vérité et dans l’amour, est aussi le meilleur antidote à la tentation du fondamentalisme religieux, qui est une menace pour les croyants de toutes les religions. Le dialogue est en même temps un service à la justice et une condition nécessaire pour la paix tant désirée.
La plupart d’entre vous vit dans un milieu à majorité musulmane. Vous pouvez aider vos concitoyens musulmans à présenter avec discernement une image plus authentique de l’Islam, comme le veulent beaucoup d’entre eux, lesquels répètent que l’Islam est une religion de paix qui peut s’accommoder du respect des droits humains et favoriser la cohabitation entre tous. Ce sera un bien pour eux et pour la société tout entière. La situation dramatique que vivent nos frères chrétiens en Irak, mais aussi les Yazidis et les membres d’autres communautés religieuses et ethniques, exige une prise de position claire et courageuse de la part de tous les responsables religieux, pour condamner de façon unanime et sans aucune ambiguïté ces crimes et dénoncer la pratique d’invoquer la religion pour les justifier.
Bien-aimés, presque tous, vous êtes des citoyens natifs de vos pays et vous avez pour cela le devoir et le droit de participer pleinement à la vie et à la croissance de votre nation. Dans la région, vous êtes appelés à être artisans de paix, de réconciliation et de développement, à promouvoir le dialogue, à construire des ponts, selon l’esprit des Béatitudes, à proclamer l’Évangile de la paix, ouverts à une collaboration avec toutes les autorités nationales et internationales.
Je désire vous exprimer de manière particulière mon estime et ma gratitude, très chers frères patriarches, évêques, prêtres, religieux et sœurs religieuses, qui accompagnez avec sollicitude le chemin de vos communautés. Comme elle est précieuse la présence et l’activité de celui qui s’est consacré totalement au Seigneur et le sert dans les frères, surtout les plus nécessiteux, en témoignant sa grandeur et son amour infini ! Comme elle est importante la présence des pasteurs aux côtés de leur troupeau, surtout dans les moments de difficultés !
À vous, jeunes, j’envoie une accolade paternelle. Je prie pour votre foi, pour votre croissance humaine et chrétienne, et pour que vos meilleurs projets puissent se réaliser. Et je vous le répète : N’ayez pas peur ni honte d’être chrétiens. La relation avec Jésus vous rendra disponibles pour collaborer sans réserve avec vos concitoyens, quelle que soit leur appartenance religieuse.
À vous, personnes âgées, je fais parvenir mes sentiments d’estime. Vous êtes la mémoire de vos peuples ; je souhaite que cette mémoire soit semence de croissance pour les nouvelles générations.
Je voudrais encourager tous ceux d’entre vous qui œuvrent dans les domaines très importants de la charité et de l’éducation. J’admire le travail que vous faites, spécialement à travers les Caritas et avec l’aide des organisations caritatives catholiques de divers pays, en aidant chacun sans préférence. À travers le témoignage de la charité, vous offrez le soutien le plus valable à la vie sociale et vous contribuez aussi à la paix dont la région a faim comme de pain. Mais aussi, dans le domaine de l’éducation l’avenir de la société est en jeu. Comme l’éducation à la culture de la rencontre, au respect de la dignité de la personne et au respect de la valeur absolue de chaque être humain est importante ! Bien-aimés, même si vous êtes peu numériquement, vous êtes protagonistes de la vie de l’Église et des pays dans lesquels vous vivez. Toute l’Église vous est proche et vous soutient, avec grande affection et estime pour vos communautés et votre mission. Nous continuerons à vous aider par la prière et avec les autres moyens disponibles.
En même temps, je continue à exhorter la communauté internationale à répondre à vos besoins et à ceux des autres minorités qui souffrent ; en premier lieu, en promouvant la paix à travers la négociation et le travail diplomatique, en cherchant à contenir et arrêter le plus tôt possible la violence qui a causé déjà trop de dégâts. Je réitère la plus ferme condamnation des trafics d’armes. Nous avons plutôt besoin de projets et d’initiatives de paix, pour promouvoir une solution globale aux problèmes de la région. Pendant combien de temps le Moyen-Orient devra-t-il encore souffrir à cause du manque de paix ? Nous ne pouvons pas nous résigner aux conflits comme si un changement n’était pas possible ! Dans le sillage de mon pèlerinage en Terre Sainte et de la rencontre de prière qui s’en est suivie, au Vatican, avec les Présidents israélien et palestinien, je vous invite à continuer de prier pour la paix au Moyen-Orient. Que celui qui a été contraint à laisser ses propres terres, puisse y retourner et y vivre dans la dignité et dans la sécurité. Puisse l’assistance humanitaire s’accroître, en mettant toujours au centre le bien de la personne et de chaque pays dans le respect de sa propre identité, sans faire passer avant d’autres intérêts. Que l’Église tout entière et la communauté internationale deviennent toujours plus conscientes de l’importance de votre présence dans la région.
Chères sœurs et chers frères chrétiens du Moyen-Orient, vous avez une grande responsabilité et vous n’êtes pas seuls à l’affronter. C’est pourquoi, j’ai voulu vous écrire pour vous encourager et pour vous dire combien votre présence et votre mission sont précieuses en cette terre bénie par le Seigneur. Votre témoignage me fait beaucoup de bien. Merci ! Chaque jour, je prie pour vous et à vos intentions. Je vous remercie parce que je sais que, dans vos souffrances, vous priez pour moi et pour mon service de l’Église. J’espère beaucoup avoir la grâce de venir personnellement vous visiter et vous réconforter. Que la Vierge Marie, la Toute Sainte Mère de Dieu et notre Mère, vous accompagne et vous protège toujours par sa tendresse. À vous tous et à vos familles, j’envoie la Bénédiction apostolique et je vous souhaite de vivre Noël dans l’amour et dans la paix du Christ Sauveur. »
CONFÉRENCE DE PRESSE DU SAINT-PÈRE AU COURS DU VOL DE RETOUR DE TURQUIE
Dimanche 30 novembre 2014
(extrait)
Je crois qu’avec l’orthodoxie nous sommes en chemin. Ils ont les sacrements, ils ont la succession apostolique… nous sommes en chemin. Que devons-nous attendre ? Que les théologiens se mettent d’accord ? Ce jour n’arrivera jamais, je vous l’assure, je suis sceptique. Ils travaillent bien, les théologiens, mais je me rappelle de ce qu’on disait à propos de ce qu’avait dit Athenagoras à Paul VI : « Nous, avançons seuls ; et mettons tous les théologiens sur une île, qu’ils réfléchissent ! ». Je croyais que ce n’était pas vrai, mais Bartholomée m’a dit : « Non, c’est vrai, il a parlé ainsi ». On ne peut pas attendre : l’unité est un chemin, un chemin que l’on doit faire, que l’on doit faire ensemble. Et c’est cela l’œcuménisme spirituel : prier ensemble, travailler ensemble, il y a beaucoup d’œuvres de charité, beaucoup de travail… Enseigner ensemble… Aller de l’avant ensemble. C’est l’œcuménisme spirituel. Puis, il y a l’œcuménisme du sang, quand on tue les chrétiens ; nous avons tant de martyrs… à commencer par ceux de l’Ouganda, canonisés il y a 50 ans : ils étaient pour moitié anglicans, et pour moitié catholiques ; mais ceux-là [qui les ont tués] n’ont pas dit : « Tu es catholique… Tu es anglican… ». Non : « Tu es chrétien », et le sang se mélange. C’est l’œcuménisme du sang. Nos martyrs crient : « Nous sommes un ! Déjà nous avons une unité, dans l’esprit et aussi dans le sang ». Je ne sais pas si j’ai raconté ici l’anecdote d’Hambourg, du curé d’Hambourg… Je l’ai racontée ? Quand j’étais en Allemagne, j’ai dû aller à Hambourg pour faire un baptême. Et le curé s’occupait de la cause de canonisation d’un prêtre qui avait été guillotiné par les nazis parce qu’il enseignait le catéchisme aux enfants. Et à un certain point, dans son étude, il a découvert que derrière lui, dans la file, il y avait un pasteur luthérien, condamné à la guillotine pour le même motif. Le sang des deux s’était mélangé. Et ce curé est allé voir l’évêque et a dit : « Je ne poursuis pas cette cause seulement pour le prêtre : ou pour les deux ou pour personne ! ». C’est l’œcuménisme de sang, qui nous aide beaucoup, qui nous dit beaucoup. Et je crois que nous devons aller courageusement sur ce chemin. Oui, partager les chaires universitaires, il le faut, mais de l’avant, de l’avant…
Je dirai une chose que peut-être l’un ou l’autre ne pourra pas comprendre, mais… Les Églises catholiques orientales ont le droit d’exister, c’est vrai. Mais l’uniatisme est un mot d’une autre époque. Aujourd’hui on ne peut pas parler ainsi. On doit trouver une autre route.
L’évangile de la résurrection de Jésus Christ commence par la marche des femmes vers le sépulcre, à l’aube du jour qui suit le sabbat. Elles vont au tombeau, pour honorer le corps du Seigneur, mais elles le trouvent ouvert et vide. Un ange puissant leur dit : « Vous, soyez sans crainte ! » (Mt 28, 5), et il leur demande d’aller porter la nouvelle aux disciples : « Il est ressuscité d’entre les morts ; il vous précède en Galilée » (v. 7). Vite, les femmes courent, et le long du chemin, Jésus lui-même vient à leur rencontre et dit : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront » (v. 10). “N’ayez pas peur”, “soyez sans crainte”: c’est une voix qui encourage à ouvrir le cœur pour recevoir cette annonce.
Après la mort du Maître ; les disciples s’étaient dispersés ; leur foi s’était brisée, tout semblait fini, les certitudes écroulées, les espérances éteintes. Mais maintenant, cette annonce des femmes, bien qu’incroyable, arrivait comme un rayon de lumière dans l’obscurité. La nouvelle se répand : Jésus est ressuscité ; comme il avait prédit… Et aussi cet ordre d’aller en Galilée ; par deux fois les femmes l’avaient entendu, d’abord de l’ange, puis de Jésus lui-même : « Qu’ils aillent en Galilée, là ils me verront ». “Soyez sans crainte” et “allez en Galilée”.
La Galilée est le lieu du premier appel, où tout avait commencé ! Revenir là, revenir au lieu du premier appel. Sur la rive du lac, Jésus était passé, tandis que les pécheurs étaient en train de réparer leurs filets. Il les avait appelés, et eux avaient tout laissé et l’avaient suivi (cf. Mt 4, 18-22).
Revenir en Galilée veut dire tout relire à partir de la croix et de la victoire ; sans peur, “soyez sans crainte”. Tout relire – la prédication, les miracles, la nouvelle communauté, les enthousiasmes et les défections, jusqu’à la trahison – tout relire à partir de la fin, qui est un nouveau commencement,à partir de ce suprême acte d’amour.
Pour chacun de nous aussi, il y a une “Galilée” à l’origine de la marche avec Jésus. “Aller en Galilée” signifie quelque chose de beau, cela signifie pour nous redécouvrir notre Baptême comme source vive, puiser une énergie nouvelle à la racine de notre foi et de notre expérience chrétienne. Revenir en Galilée signifie surtout revenir là, à ce point incandescent où la grâce de Dieu m’a touché au début du chemin. C’est à cette étincelle que je puis allumer le feu pour l’aujourd’hui, pour chaque jour, et porter chaleur et lumière à mes frères et à mes sœurs. À cette étincelle s’allume une joie humble, une joie qui n’offense pas la douleur et le désespoir, une joie bonne et douce.
Dans la vie du chrétien, après le Baptême, il y a aussi une autre “Galilée”, une “Galilée” plus existentielle : l’expérience de la rencontre personnelle avec Jésus Christ, qui m’a appelé à le suivre et à participer à sa mission. En ce sens, retourner en Galilée signifie garder au cœur la mémoire vivante de cet appel, quand Jésus est passé sur ma route, m’a regardé avec miséricorde, m’a demandé de le suivre ; retourner en Galilée signifie retrouver la mémoire de ce moment où ses yeux ont croisé les miens, le moment où il m’a fait sentir qu’il m’aimait.
Aujourd’hui, en cette nuit, chacun de nous peut se demander : quelle est ma Galilée ? Il s’agit de faire mémoire, de retourner en arrière par le souvenir. Où est ma Galilée ? Est-ce que je m’en souviens ? L’ai-je oubliée ? Cherche-la et tu la trouveras ! Là, le Seigneur t’attend. Je suis allé par des routes et des sentiers qui me l’ont fait oublier. Seigneur, aide-moi : dis-moi quelle est ma Galilée ; tu sais, je veux y retourner pour te rencontrer et me laisser embrasser par ta miséricorde. N’ayez pas peur, soyez sans crainte, retournez en Galilée !
L’évangile est clair : il faut y retourner, pour voir Jésus ressuscité, et devenir témoins de sa résurrection. Ce n’est pas un retour en arrière, ce n’est pas une nostalgie. C’est revenir au premier amour, pour recevoir le feu que Jésus a allumé dans le monde, et le porter à tous, jusqu’aux confins de la terre. Retourner en Galilée sans peur.
« Galilée des gentils » (Mt 4, 15 ; Is 8, 23) : horizon du Ressuscité, horizon de l’Église ; désir intense de rencontre… Mettons-nous en chemin !
En ce jour du Jeudi saint, où le Christ nous a aimés jusqu’au bout (cf. Jn13, 1), nous faisons mémoire de l’heureux jour de l’Institution du sacerdoce et de celui de notre Ordination sacerdotale. Le Seigneur nous a oints dans le Christ avec l’huile de joie et cette onction nous invite à recevoir ce grand don et à nous en faire porteurs : la joie, l’allégresse sacerdotale. La joie du prêtre est un bien précieux non seulement pour lui mais aussi pour tout le peuple fidèle de Dieu : ce peuple fidèle au milieu duquel le prêtre est appelé pour être oint et auquel il est envoyé pour oindre.
Oints avec l’huile de joie pour oindre avec l’huile de joie. La joie sacerdotale a sa source dans l’Amour du Père, et le Seigneur désire que la joie de cet Amour « soit en nous », et soit « pleine » (Jn 15, 11). J’aime penser à la joie en contemplant la Vierge : Marie, la « Mère de l’Évangile vivant est source de joie pour les petits » (Exhort. Ap.Evangelii gaudium,n. 288), et je crois que nous n’exagérons pas si nous disons que le prêtre est une personne très petite : l’incommensurable grandeur du don qui nous est fait par le ministère nous relègue parmi les plus petits des hommes. Le prêtre est le plus pauvre des hommes si Jésus ne l’enrichit pas de sa pauvreté, il est le serviteur le plus inutile si Jésus ne l’appelle pas ami, le plus insensé des hommes si Jésus ne l’instruit pas patiemment comme Pierre, le plus sans défense des chrétiens si le Bon Pasteur ne le fortifie pas au milieu de son troupeau. Personne n’est plus petit qu’un prêtre laissé à ses seules forces ; donc notre prière de protection contre tout piège du Malin est la prière de notre Mère : je suis prêtre parce qu’il a regardé avec bonté ma petitesse (cf. Lc 1, 48). Et à partir de cette petitesse, nous accueillons notre joie. Joie de notre petitesse !
Je trouve trois caractéristiques significatives dans notre joie sacerdotale : c’est une joie qui nous oints (non pas qui nous rend onctueux, imposants, et présomptueux), c’est une joie incorruptible et c’est une joie missionnaire qui rayonne sur tous et qui attire tous, en commençant à l’envers : par ceux qui sont le plus loin.
Une joie qui nous oint. Cela veut dire : elle a pénétré à l’intime de notre cœur, l’a configuré et fortifié sacramentellement. Les rites de la liturgie de l’ordination nous parlent du désir maternel qu’a l’Église de transmettre et de communiquer tout ce que le Seigneur nous a donné : l’imposition des mains, l’onction avec le saint Chrême, la vêture avec les ornements sacrés, la participation immédiate à la première Consécration… La grâce nous comble et se répand intègre, abondante et pleine en chaque prêtre. Oints jusqu’aux os… et notre joie, qui jaillit de l’intérieur, est l’écho de cette onction.
Une joie incorruptible. L’intégrité du Don, auquel personne ne peut rien enlever ni ajouter, est source incessante de joie : une joie incorruptible, que le Seigneur a promis que personne ne pourra nous ôter (cf. Jn 16, 22). Elle peut être endormie ou étouffée par le péché ou par les préoccupations de la vie mais, au fond, elle reste intacte comme la braise d’un cep brûlé sous les cendres, et peut toujours être réveillée. La recommandation de Paul à Timothée reste toujours actuelle : je t’invite à raviver le feu du don du Dieu qui est déposé en toi par l’imposition de mes mains (cf. 2 Tm 1, 6).
Une joie missionnaire. Cette troisième caractéristique, je veux la partager et la souligner d’une façon particulière : la joie du prêtre est située en relation intime avec le saint peuple fidèle de Dieu parce qu’il s’agit d’une joie éminemment missionnaire. L’onction est en vue d’oindre le saint peuple fidèle de Dieu : pour baptiser et confirmer, pour prendre soin et consacrer, pour bénir, pour consoler et évangéliser.
Et puisque c’est une joie qui coule seulement quand le pasteur se tient au milieu de son troupeau (même dans le silence de la prière, le pasteur qui adore le Père est au milieu de ses brebis) et pour cela, c’est une “joie gardée” par ce même troupeau. Même dans des moments de tristesse, où tout semble s’obscurcir et où le vertige de l’isolement nous séduit, ces moments d’apathie et d’ennui que parfois nous connaissons dans la vie sacerdotale (et à travers lesquels moi aussi je suis passé), même en ces moments le peuple de Dieu est capable de garder la joie, il est capable de te protéger, de t’embrasser, de t’aider à ouvrir ton cœur et à retrouver une joie renouvelée.
“Joie gardée” par le troupeau et gardée aussi par trois sœurs qui l’entourent, la protègent, la défendent : sœur pauvreté, sœur fidélité et sœur obéissance.
La joie du prêtre est une joie qui a pour sœur la pauvreté. Le prêtre est pauvre de joie simplement humaine : il a renoncé à beaucoup ! Et parce qu’il est pauvre, lui, qui donne tant de choses aux autres, sa joie il doit la demander au Seigneur et au peuple fidèle de Dieu. Il ne doit pas se la procurer par lui-même. Nous savons que notre peuple est très généreux pour remercier les prêtres pour les plus petits gestes de bénédiction et, de façon spéciale, pour les Sacrements. Beaucoup, en parlant de la crise de l’identité sacerdotale, ne tiennent pas compte que l’identité suppose l’appartenance. Il n’y a pas d’identité – et donc de joie de vivre – sans appartenance active et engagée envers le peuple fidèle de Dieu (cf. Exhort. Ap.Evangelii gaudium,n. 268). Le prêtre qui prétend trouver l’identité sacerdotale en la recherchant introspectivement dans sa propre intériorité ne trouve peut-être rien d’autre que des panneaux qui disent “sortie” : sors de toi-même, sors à la recherche de Dieu dans l’adoration, sors et donne à ton peuple ce qui t’a été confié, et ton peuple aura soin de te faire sentir et goûter qui tu es, comment tu t’appelles, quelle est ton identité et il te fera te réjouir avec le cent pour un que le Seigneur a promis à ses serviteurs. Si tu ne sors pas de toi-même, l’huile devient rance, et l’onction ne peut être féconde. Sortir de soi-même demande de se dépouiller de soi, comporte pauvreté.
La joie sacerdotale est une joie qui a pour sœur la fidélité. Pas tant dans le sens que nous serions tous “immaculés” (puissions-nous l’être avec la grâce de Dieu !), parce que nous sommes pécheurs, mais plutôt dans le sens d’une fidélité toujours renouvelée à l’unique Épouse, l’Église. Là est la clef de la fécondité. Les enfants spirituels que le Seigneur donne à chaque prêtre, ceux qu’il a baptisés, les familles qu’il a bénies et aidées à cheminer, les malades qu’il soutient, les jeunes avec qui il partage la catéchèse et la formation, les pauvres qu’il secourt… sont cette “Épouse” qu’il est heureux de traiter comme préférée et unique aimée, et de lui être toujours fidèle de façon nouvelle. C’est l’Église vivante, avec prénom et nom, dont le prêtre prend soin dans sa paroisse ou dans la mission qui lui a été confiée, c’est elle qui lui donne de la joie quand il lui est fidèle, quand il fait tout ce qu’il doit faire et laisse tout ce qu’il doit laisser pour rester au milieu des brebis que le Seigneur lui a confiées : « Pais mes brebis » (Jn 21, 16.17).
La joie sacerdotale est une joie qui a pour sœur l’obéissance. Obéissance à l’Église dans la hiérarchie qui nous donne, pour ainsi dire, non seulement le milieu plus extérieur de l’obéissance : la paroisse à laquelle je suis envoyé, les facultés du ministère, cette charge particulière... mais aussi l’union avec Dieu le Père, de qui vient toute paternité. Mais aussi l’obéissance à l’Église dans le service : disponibilité et promptitude pour servir tous, toujours et de la meilleure façon, à l’image de “Notre Dame de la promptitude ” (cf. Lc 1, 39 : meta spoudes), qui accourt pour servir sa cousine et est attentive à la cuisine de Cana où il manque le vin. La disponibilité du prêtre fait de l’Église la Maison aux portes ouvertes, refuge pour les pécheurs, foyer pour ceux qui vivent dans la rue, maison de soin pour les malades, camping pour les jeunes, salle de catéchèse pour les enfants de la première Communion… Là où le peuple de Dieu a un désir ou une nécessité, se trouve le prêtre qui sait écouter (ob-audire) et entend un mandat amoureux du Christ qui l’envoie secourir avec miséricorde ce besoin ou soutenir ces bons désirs avec une charité créative.
Celui qui est appelé sait qu’il existe en ce monde une joie simple et pleine : celle d’être pris par le peuple qu’on aime pour être envoyé à lui comme dispensateur des dons et des consolations de Jésus, l’unique Bon Pasteur qui, plein de profonde compassion pour tous les petits et les exclus de cette terre, fatigués et opprimés comme des brebis sans pasteur, a voulu associer beaucoup de personnes à son ministère pour rester et agir Lui-même, dans la personne de ses prêtres, pour le bien de son peuple.
En ce Jeudi Saint, je demande au Seigneur Jésus qu’il fasse découvrir à beaucoup de jeunes cette ardeur du cœur qui fait surgir la joie dès qu’on a l’heureuse audace de répondre avec promptitude à son appel.
En ce Jeudi Saint, je demande au Seigneur Jésus qu’il conserve l’éclat joyeux dans les yeux des nouveaux ordonnés, qui partent pour “se manger” le monde, pour se consumer au milieu du peuple fidèle de Dieu, qu’ils se réjouissent en préparant la première homélie, la première Messe, le premier Baptême, la première Confession… c’est la joie de pouvoir partager – émerveillés – pour la première fois comme oints, le trésor de l’Évangile et de sentir que le peuple fidèle te revient pour oindre d’une autre manière : avec leurs demandes, inclinant la tête pour que tu les bénisses, te serrant les mains, t’amenant leurs enfants, demandant pour leurs malades… Seigneur, conserve dans tes jeunes prêtres la joie du départ, la joie de faire toute chose comme nouvelle, la joie de consumer leur vie pour toi.
En ce Jeudi sacerdotal, je demande au Seigneur Jésus de confirmer la joie sacerdotale de ceux qui ont de nombreuses années de ministère. Cette joie qui, sans disparaître de leurs yeux, repose sur les épaules de tous ceux qui supportent le poids du ministère, ces prêtres qui ont déjà pris le pouls du travail, qui rassemblent leurs forces et se rechargent : “ils changent d’air”, comme disent les sportifs. Conserve Seigneur la profondeur et la sage maturité de la joie des prêtres adultes. Qu’ils sachent prier comme Néhémie : la joie du Seigneur est notre rempart (cf. Ne 8, 10).
Enfin, en ce Jeudi sacerdotal, je demande au Seigneur Jésus que resplendisse la joie des prêtres âgés, bien portants ou malades. C’est la joie de la Croix, qui provient de la conscience d’avoir un trésor incorruptible dans un vase d’argile qui va en se défaisant. Qu’ils sachent être bien quel que soit l’endroit où ils sont, discernant dans la fugacité du temps le goût de l’éternel (Guardini). Qu’ils ressentent, Seigneur, la joie de passer le flambeau, la joie de voir grandir les enfants des enfants et de saluer, dans un sourire et avec douceur, les promesses, dans cette espérance qui ne déçoit pas.
CÉLÉBRATION DU DIMANCHE DES RAMEAUX ET DE LA PASSION DU SEIGNEUR
HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS
Dimanche 13 avril 2014
Cette semaine commence par la procession festive avec les rameaux d’olivier : tout le peuple accueille Jésus. Les enfants, les jeunes gens chantent, louent Jésus.
Mais cette semaine avance dans le mystère de la mort de Jésus et de sa résurrection. Nous avons écouté la Passion du Seigneur. Il sera bon de nous poser seulement une question : qui suis-je ? Qui suis-je, devant mon Seigneur ? Qui suis-je, devant Jésus qui entre en fête à Jérusalem ? Suis-je capable d’exprimer ma joie, de le louer ? Ou est-ce que je prends de la distance ? Qui suis-je, devant Jésus qui souffre ?
Nous avons entendu beaucoup de noms, beaucoup de noms. Le groupe des dirigeants, quelques prêtres, quelques pharisiens, quelques maîtres de la loi, qui avaient décidé de le tuer. Ils attendaient l’opportunité de le prendre. Suis-je comme l’un d’eux ?
Nous avons entendu aussi un autre nom : Judas. Trente pièces de monnaie. Suis-je comme Judas ? Nous avons entendu d’autres noms : les disciples qui ne comprenaient rien, qui s’endormaient alors que le Seigneur souffrait. Ma vie est-elle endormie ? Ou suis-je comme les disciples, qui ne comprenaient pas ce qu’était trahir Jésus ? Comme cet autre disciple qui voulait tout résoudre par l’épée : suis-je comme eux ? Suis-je comme Judas, qui fait semblant d’aimer et embrasse le Maître pour le livrer, pour le trahir. Suis-je un traître ? Suis-je comme ces dirigeants qui en hâte font un tribunal et cherchent de faux témoins : suis-je comme eux ? Et quand je fais ces choses, si je les fais, est-ce que je crois que par là je sauve le peuple ?
Suis-je comme Pilate ? Est-ce que quand je vois que la situation est difficile, je me lave les mains et je ne sais pas assumer ma responsabilité et je laisse condamner – ou je condamne – les personnes ?
Suis-je comme cette foule qui ne savait pas bien si elle était dans une réunion religieuse, dans un jugement ou dans un cirque, et choisit Barrabas ? Pour eux c’est la même chose : c’était plus divertissant, pour humilier Jésus.
Suis-je comme les soldats qui frappent le Seigneur, lui enlèvent ses vêtements, l’insultent, se divertissent par l’humiliation du Seigneur ?
Suis-je comme le Cyrénéen qui revenait du travail, fatigué, mais qui a eu la bonne volonté d’aider le Seigneur à porter la croix ?
Suis-je comme ceux qui passaient devant la croix et se moquaient de Jésus : « Il était si courageux ! Qu’il descende de la croix et nous croirons en lui ! » Se moquer de Jésus…
Suis-je comme ces femmes courageuses, et comme la Maman de Jésus, qui étaient là et souffraient en silence ?
Suis-je comme Joseph, le disciple caché, qui porte le corps de Jésus avec amour, pour lui donner une sépulture ?
Suis-je comme les deux Marie qui demeurent devant le sépulcre pleurant, priant ?
Suis-je comme ces chefs qui le lendemain sont allés chez Pilate pour dire : « Regarde ce que celui-ci disait, qu’il ressusciterait. Qu’il n’y ait pas une autre tromperie ! », et ils bloquent la vie, ils bloquent le sépulcre pour défendre la doctrine, pour que la vie ne sorte pas ?
Où est mon cœur ? A laquelle de ces personnes je ressemble ? Que cette question nous accompagne durant toute la semaine.
Les malades du cancer au coeur des prières du Pape
par Radio Vatican, 12/04/2014
Le Pape François pense et prie pour tous les malades du cancer. Il l’a assuré en recevant ce samedi matin un groupe d’oncologues italiens réunis en congrès à Rome. Le Saint-Père a salué les progrès de la recherche scientifique en matière de prévention et de thérapie. Mais il a tenu à rappeler que la personne humaine est composée de deux dimensions étroitement unies : le corps et l’esprit qui peuvent être distinguées mais jamais séparées.
Ainsi, la maladie, la douleur, la souffrance ne concernent pas seulement la dimension corporelle de l’homme mais son ensemble. D’où l’exigence de veiller à ce que les soins médicaux s’accompagnent d’un soutien humain, psychologique et social, d’un suivi spirituel et d’une assistance aux familles. Citant Jean-Paul II, le Pape François a souhaité que les professionnels de santé soient guidés par une vision intégralement humaine de la maladie. La beauté de la vie humaine comprend aussi sa fragilité. Il faut savoir reconnaitre la dignité et la valeur de chaque être, en toute situation, de la conception jusqu’à la mort. «Tant de fois, comme Dostoïevski, a-t-il lancé, je me demande avec angoisse pourquoi les enfants souffrent. Seul le Christ peut donner une réponse au scandale de la douleur innocente ».
La sagesse de Benoît XVI « est un don de Dieu », comme « les grands-parents qui par leur sagesse, leurs conseils, renforcent la famille et ne méritent pas de finir dans une maison de retraite.» estime le pape François.
Dans un entretien publié à la Une du quotidien italien Corriere della sera ce 5 mars 2014, le pape plaide pour institutionnaliser le statut du « pape émérite » : « le pape émérite n'est pas une statue dans un musée. C'est une institution. Nous n'y étions pas habitués ».
Tout comme le statut d' « évêque émérite » qui n'existait pas avant le Concile Vatican II, le « pape émérite » doit aussi devenir « une institution » : « Benoît est le premier et il y en aura peut-être d'autres. Nous ne le savons pas. »
Le pape François précise qu'il lui est arrivé de demander conseil à Benoît XVI : « Sa sagesse est un don de Dieu. Certains auraient voulu qu'il se retire dans une abbaye bénédictine loin du Vatican. J'ai pensé aux grands-parents qui par leur sagesse, leurs conseils, renforcent la famille et ne méritent pas de finir dans une maison de retraite. »
Benoît XVI « est discret, humble, il ne veut pas déranger », ajoute le pape qui explique leur décision commune : « Nous en avons parlé et nous avons décidé ensemble qu'il serait mieux qu'il voie des gens, qu'il sorte et qu'il participe à la vie de l’Église. »
Ainsi, le pape émérite s’est joint à la bénédiction de la statue de saint Michel Archange au Vatican (cf. Zenit du 5 juillet 2013), puis est venu déjeuner à Sainte-Marthe avec le pape François, après Noël (cf. Zenit du 27 décembre).
« Je l'ai invité à participer au consistoire et il a accepté », poursuit le pape. Benoît XVI était en effet présent au consistoire pour la création de 19 cardinaux, le 22 février dernier, où il a donné un témoignage fort : prenant place sur un siège semblable à ceux des autres cardinaux, le pape émérite a retiré sa calotte blanche pour saluer le pape François venu à lui fraternellement, avant et après la célébration. Une façon de montrer son respect devant le seul pape ‘régnant’ (cf. Zenit du 26 février 2014).
A quelque niveau et à quelqu'étape de vie que ce soit, mourir de faim oude soif est intolérable
DAVOS (Suisse) - Le pape François a appelé mardi les élites politiques et économiques réunies cette semaine à Davos pour le 44e forum économique mondial à faire preuve de détermination et de clairvoyance pour lutter contre l'exclusion sociale.
Dans un message lu par le cardinal Peter Turkson lors de la cérémonie d'ouverture du Forum, le pape a salué la contribution des entreprises à l'amélioration du bien-être de la population dans les domaines de la santé, de l'éducation et de la communication.
Néanmoins, les succès qui ont été atteints, même s'ils ont réduit la pauvreté pour un grand nombre de gens, ont souvent conduit à une exclusion sociale largement répandue, a observé François.
Le souverain pontife a plaidé pour une meilleure distribution de la richesse et la création de sources d'emploi.
Il est intolérable que des milliers de gens continuent de mourir de faim chaque jour alors que des quantités importantes de nourriture sont disponibles, et souvent tout simplement gâchées, a-t-il déploré avant d'évoquer le sort tragique des réfugiés qui souvent périssent pendant leurs déplacements.
Une quinzaine de chefs spirituels issus de toutes les confessions vont prendre part à cette nouvelle édition du forum économique mondial qui réunit quelque 2.500 participants de mercredi à samedi dans la petite station de ski huppée des Alpes suisses.
Le conflit en Syrie, le changement climatique, la santé, mais aussi les interrogations sur la vigueur de la reprise économique sont au coeur des débats du Forum.
MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS POUR LA CÉLÉBRATION DE LA XLVIIe JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX
1er JANVIER 2014
LA FRATERNITE, FONDEMENT ET ROUTE POUR LA PAIX
1. Dans mon premier message pour la Journée mondiale de la Paix je désire adresser à tous, personnes et peuples, le vœu d’une existence pleine de joie et d’espérance. Dans le cœur de chaque homme et de chaque femme habite en effet le désir d’une vie pleine, à laquelle appartient une soif irrépressible de fraternité, qui pousse vers la communion avec les autres, en qui nous ne trouvons pas des ennemis ou des concurrents, mais des frères à accueillir et à embrasser.
En effet, la fraternité est une dimension essentielle de l’homme, qui est un être relationnel. La vive conscience d’être en relation nous amène à voir et à traiter chaque personne comme une vraie sœur et un vrai frère ; sans cela, la construction d’une société juste, d’une paix solide et durable devient impossible. Et il faut immédiatement rappeler que la fraternité commence habituellement à s’apprendre au sein de la famille, surtout grâce aux rôles responsables et complémentaires de tous ses membres, en particulier du père et de la mère. La famille est la source de toute fraternité, et par conséquent elle est aussi le fondement et la première route de la paix, puisque par vocation, elle devrait gagner le monde par son amour.
Le nombre toujours croissant d’interconnexions et de communications qui enveloppent notre planète rend plus palpable la conscience de l’unité et du partage d’un destin commun entre les nations de la terre. Dans les dynamismes de l’histoire, de même que dans la diversité des ethnies, des sociétés et des cultures, nous voyons ainsi semée la vocation à former une communauté composée de frères qui s’accueillent réciproquement, en prenant soin les uns des autres. Mais une telle vocation est encore aujourd’hui souvent contrariée et démentie par les faits, dans un monde caractérisé par cette “ mondialisation de l’indifférence ”, qui nous fait lentement nous “ habituer ” à la souffrance de l’autre, en nous fermant sur nous-mêmes.
Dans de nombreuses parties du monde, la grave atteinte aux droits humains fondamentaux, surtout au droit à la vie et à la liberté religieuse ne semble pas connaître de pause. Le tragique phénomène du trafic des êtres humains, sur la vie et le désespoir desquels spéculent des personnes sans scrupules, en représente un exemple inquiétant. Aux guerres faites d’affrontements armés, s’ajoutent des guerres moins visibles, mais non moins cruelles, qui se livrent dans le domaine économique et financier avec des moyens aussi destructeurs de vies, de familles, d’entreprises.
Comme l’a affirmé Benoît XVI, la mondialisation nous rend proches, mais ne nous rend pas frères.[1] En outre, les nombreuses situations d’inégalités, de pauvreté et d’injustice, signalent non seulement une carence profonde de fraternité, mais aussi l’absence d’une culture de la solidarité. Les idéologies nouvelles, caractérisées par un individualisme diffus, un égocentrisme et un consumérisme matérialiste affaiblissent les liens sociaux, en alimentant cette mentalité du “ déchet ”, qui pousse au mépris et à l’abandon des plus faibles, de ceux qui sont considérés comme “ inutiles ”. Ainsi le vivre ensemble humain devient toujours plus semblable à un simple ‘do ut des’ pragmatique et égoïste.
En même temps, il apparaît clairement que les éthiques contemporaines deviennent aussi incapables de produire des liens authentiques de fraternité, puisqu’une fraternité privée de la référence à un Père commun, comme son fondement ultime, ne réussit pas à subsister.[2] Une fraternité véritable entre les hommes suppose et exige une paternité transcendante. À partir de la reconnaissance de cette paternité, se consolide la fraternité entre les hommes, c’est-à-dire l’attitude de se faire le “ prochain ” qui prend soin de l’autre.
« Où est ton frère » (Gn 4, 9)
2. Pour mieux comprendre cette vocation de l’homme à la fraternité, pour reconnaître de façon plus adéquate les obstacles qui s’opposent à sa réalisation et découvrir les chemins de leur dépassement, il est fondamental de se laisser guider par la connaissance du dessein de Dieu, tel qu’il est présenté de manière éminente dans la Sainte Écriture.
Selon le récit des origines, tous les hommes proviennent de parents communs, d’Adam et Ève, couple créé par Dieu à son image et à sa ressemblance (cf.Gn 1, 26), de qui naissent Caïn et Abel. Dans l’événement de la famille primitive, nous lisons la genèse de la société, l’évolution des relations entre les personnes et les peuples.
Abel est berger, Caïn est paysan. Leur identité profonde et à la fois leur vocation, est celle d’être frères, aussi dans la diversité de leur activité et de leur culture, de leur manière de se rapporter à Dieu et au créé. Mais le meurtre d'Abel par Caïn atteste tragiquement le rejet radical de la vocation à être frères. Leur histoire (cf. Gn 4, 1-16) met en évidence la tâche difficile à laquelle tous les hommes sont appelés, de vivre unis, en prenant soin l’un de l’autre. Caïn, n’acceptant pas la prédilection de Dieu pour Abel qui lui offrait le meilleur de son troupeau – « le Seigneur agréa Abel et son offrande, mais il n’agréa pas Caïn et son offrande » (Gn 4, 4-5) – tue Abel par jalousie. De cette façon, il refuse de se reconnaître frère, d’avoir une relation positive avec lui, de vivre devant Dieu, en assumant ses responsabilités de soin et de protection de l’autre. À la question : « Où es ton frère ? », avec laquelle Dieu interpelle Caïn, lui demandant compte de son œuvre, il répond : « Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 9). Puis nous dit la Genèse, « Caïn se retira de la présence du Seigneur » (4, 16).
Il faut s’interroger sur les motifs profonds qui ont entrainé Caïn à méconnaître le lien de fraternité et, aussi le lien de réciprocité et de communion qui le liait à son frère Abel. Dieu lui-même dénonce et reproche à Caïn une proximité avec le mal : « le péché n’est-il pas à ta porte ? » (Gn 4, 7). Caïn, toutefois, refuse de s’opposer au mal et décide de « se jeter sur son frère Abel » (Gn 4, 8), méprisant le projet de Dieu. Il lèse ainsi sa vocation originaire à être fils de Dieu et à vivre la fraternité.
Le récit de Caïn et d’Abel enseigne que l’humanité porte inscrite en elle une vocation à la fraternité, mais aussi la possibilité dramatique de sa trahison. En témoigne l’égoïsme quotidien qui est à la base de nombreuses guerres et de nombreuses injustices : beaucoup d’hommes et de femmes meurent en effet par la main de frères et de sœurs qui ne savent pas se reconnaître tels, c’est-à-dire comme des êtres faits pour la réciprocité, pour la communion et pour le don.
« Et vous êtes tous des frères » (Mt 23, 8)
3. La question surgit spontanément : les hommes et les femmes de ce monde ne pourront-ils jamais correspondre pleinement à la soif de fraternité, inscrite en eux par Dieu Père ? Réussiront-ils avec leurs seules forces à vaincre l’indifférence, l’égoïsme et la haine, à accepter les différences légitimes qui caractérisent les frères et les sœurs ?
En paraphrasant ses paroles, nous pourrions synthétiser ainsi la réponse que nous donne le Seigneur Jésus : puisqu’il y a un seul Père qui est Dieu, vous êtes tous des frères (cf. Mt 23, 8-9). La racine de la fraternité est contenue dans la paternité de Dieu. Il ne s’agit pas d’une paternité générique, indistincte et inefficace historiquement, mais bien de l’amour personnel, précis et extraordinairement concret de Dieu pour chaque homme (cf. Mt 6, 25-30). Il s’agit donc d’une paternité efficacement génératrice de fraternité, parce que l’amour de Dieu, quand il est accueilli, devient le plus formidable agent de transformation de l’existence et des relations avec l’autre, ouvrant les hommes à la solidarité et au partage agissant.
En particulier, la fraternité humaine est régénérée en et par Jésus Christ dans sa mort et résurrection. La croix est le “lieu” définitif de fondation de la fraternité, que les hommes ne sont pas en mesure de générer tout seuls. Jésus Christ, qui a assumé la nature humaine pour la racheter, en aimant le Père jusqu’à la mort, et à la mort de la croix (cf. Ph 2, 8), nous constitue par sa résurrection comme humanité nouvelle, en pleine communion avec la volonté de Dieu, avec son projet, qui comprend la pleine réalisation de la vocation à la fraternité.
Jésus reprend depuis le commencement le projet du Père, en lui reconnaissant le primat sur toutes choses. Mais le Christ, dans son abandon à la mort par amour du Père, devient principe nouveau et définitif de nous tous, appelés à nous reconnaître en Lui comme frères parce qu’enfants du même Père. Il est l’Alliance même, l’espace personnel de la réconciliation de l’homme avec Dieu et des frères entre eux. Dans la mort en croix de Jésus, il y a aussi le dépassement de la séparation entre peuples, entre le peuple de l’Alliance et le peuple des Gentils, privé d’espérance parce que resté étranger jusqu’à ce moment aux engagements de la Promesse. Comme on lit dans la Lettre aux Éphésiens, Jésus Christ est celui qui réconcilie en lui tous les hommes. Il est la paix puisque des deux peuples il en a fait un seul, abattant le mur de séparation qui les divisait, c’est-à-dire l’inimitié. Il a créé en lui-même un seul peuple, un seul homme nouveau, une seule humanité nouvelle (cf. 2, 14-16).
Celui qui accepte la vie du Christ et vit en Lui, reconnaît Dieu comme Père et se donne lui-même totalement à Lui, en l’aimant au-dessus de toute chose. L’homme réconcilié voit en Dieu le Père de tous et, par conséquent, il est incité à vivre une fraternité ouverte à tous. Dans le Christ, l’autre est accueilli et aimé en tant que fils ou fille de Dieu, comme frère ou sœur, non comme un étranger, encore moins comme un antagoniste ou même un ennemi. Dans la famille de Dieu, où tous sont enfants d’un même Père, et parce que greffés dans le Christ, fils dans le Fils, il n’y a pas de “vies de déchet”. Tous jouissent d’une dignité égale et intangible. Tous sont aimés de Dieu, tous ont été rachetés par le sang du Christ, mort et ressuscité pour chacun. C’est la raison pour laquelle on ne peut rester indifférent au sort des frères.
La fraternité, fondement et route pour la paix
4. Cela posé, il est facile de comprendre que la fraternité est fondement et route pour la paix. Les Encycliques sociales de mes prédécesseurs offrent une aide précieuse dans ce sens. Il serait suffisant de se référer aux définitions de la paix de Populorum progressiode Paul VI ou de Sollicitudo rei socialisde Jean-Paul II. De la première nous retirons que le développement intégral des peuples est le nouveau nom de la paix.[3] De la seconde, que la paix est opus solidaritatis.[4]
Paul VI affirmait que non seulement les personnes mais aussi les nations doivent se rencontrer dans un esprit de fraternité. Et il explique : « Dans cette compréhension et cette amitié mutuelles, dans cette communion sacrée, nous devons […] œuvrer ensemble pour édifier l’avenir commun de l’humanité ».[5] Ce devoir concerne en premier lieu les plus favorisés. Leurs obligations sont enracinées dans la fraternité humaine et surnaturelle et se présentent sous un triple aspect : le devoir de solidarité, qui exige que les nations riches aident celles qui sont moins avancées ; le devoir de justice sociale qui demande la recomposition en termes plus corrects des relations défectueuses entre peuples forts et peuples faibles ; le devoir de charité universelle, qui implique la promotion d’un monde plus humain pour tous, un monde dans lequel tous aient quelque chose à donner et à recevoir, sans que le progrès des uns constitue un obstacle au développement des autres.[6]
Ainsi, si on considère la paix comme opus solidaritatis, de la même manière, on ne peut penser en même temps, que la fraternité n’en soit pas le fondement principal. La paix, affirme Jean-Paul II, est un bien indivisible. Ou c’est le bien de tous ou il ne l’est de personne. Elle peut être réellement acquise et goûtée, en tant que meilleure qualité de la vie et comme développement plus humain et durable, seulement si elle crée de la part de tous, « une détermination ferme et persévérante à s’engager pour le bien commun »[7]. Cela implique de ne pas se laisser guider par « l’appétit du profit » et par « la soif du pouvoir ». Il faut avoir la disponibilité de « “se perdre” en faveur de l’autre au lieu de l’exploiter, et de “le servir” au lieu de l’opprimer pour son propre avantage. […] L’“autre” – personne, peuple ou nation – [n’est pas vu] comme un instrument quelconque dont on exploite à peu de frais la capacité de travail et la résistance physique pour l’abandonner quand il ne sert plus, mais comme notre “semblable”, une “aide”.[8]
La solidarité chrétienne suppose que le prochain soit aimé non seulement comme « un être humain avec ses droits et son égalité fondamentale à l’égard de tous, mais [comme] l’image vivante de Dieu le Père, rachetée par le sang du Christ et objet de l’action constante de l’Esprit Saint »[9], comme un autre frère. « Alors – rappelle Jean-Paul II ‑ la conscience de la paternité commune de Dieu, de la fraternité de tous les hommes dans le Christ, “fils dans le Fils”, de la présence et de l’action vivifiante de l’Esprit Saint, donnera à notre regard sur le monde comme un nouveau critère d’interprétation »,[10] pour le transformer.
Fraternité, prémisse pour vaincre la pauvreté
5. Dans Caritas in veritate, mon Prédécesseur rappelait au monde combien le manque de fraternité entre les peuples et les hommes est une cause importante de la pauvreté.[11]Dans de nombreuses sociétés, nous expérimentons une profonde pauvreté relationnelle due à la carence de solides relations familiales et communautaires. Nous assistons avec préoccupation à la croissance de différents types de malaise, de marginalisation, de solitude et de formes variées de dépendance pathologique. Une semblable pauvreté peut être dépassée seulement par la redécouverte et la valorisation de rapports fraternels au sein des familles et des communautés, à travers le partage des joies et des souffrances, des difficultés et des succès qui accompagnent la vie des personnes.
En outre, si d’un côté on rencontre une réduction de la pauvreté absolue, d’un autre, on ne peut pas ne pas reconnaître une grave croissance de la pauvreté relative, c’est-à-dire des inégalités entre personnes et groupes qui vivent dans une même région, ou dans un même contexte historico-culturel. En ce sens, sont aussi utiles des politiques efficaces qui promeuvent le principe de la fraternité, assurant aux personnes – égales dans leur dignité et dans leurs droits fondamentaux – d’accéder aux « capitaux », aux services, aux ressources éducatives, sanitaires, technologiques afin que chacun ait l’opportunité d’exprimer et de réaliser son projet de vie, et puisse se développer pleinement comme personne.
On reconnaît aussi la nécessité de politiques qui servent à atténuer une répartition inéquitable excessive du revenu. Nous ne devons pas oublier l’enseignement de l’Église sur ce qu’on appelle l’hypothèque sociale, sur la base de laquelle, comme le dit saint Thomas d’Aquin, il est permis et même nécessaire « que l’homme ait la propriété des biens »[12], quant à l’usage, « il ne doit jamais tenir les choses qu’il possède comme n’appartenant qu’à lui, mais les regarder aussi comme communes, en ce sens qu’elles puissent profiter non seulement à lui mais aussi aux autres ».[13]
Enfin, il y a une dernière manière de promouvoir la fraternité – et ainsi de vaincre la pauvreté – qui doit être à la base de toutes les autres. C’est le détachement de celui qui choisit d’adopter des styles de vie sobres et basés sur l’essentiel, de celui qui, partageant ses propres richesses, réussit ainsi à faire l’expérience de la communion fraternelle avec les autres. Cela est fondamental pour suivre Jésus Christ et être vraiment des chrétiens. C’est le cas non seulement des personnes consacrées qui font vœux de pauvreté, mais aussi de nombreuses familles et de nombreux citoyens responsables, qui croient fermement que c’est la relation fraternelle avec le prochain qui constitue le bien le plus précieux.
La redécouverte de la fraternité dans l’économie.
6. Les graves crises financières et économiques contemporaines – qui trouvent leur origine, d’un côté dans l’éloignement progressif de l’homme vis-à-vis de Dieu et du « prochain », ainsi que dans la recherche avide des bien matériels, et, de l’autre, dans l’appauvrissement des relations interpersonnelles et communautaires – ont poussé de nombreuses personnes à rechercher la satisfaction, le bonheur et la sécurité dans la consommation et dans le gain, au-delà de toute logique d’une saine économie. Déjà en 1979 Jean Paul II dénonçait l’existence d’ « un danger réel et perceptible : tandis que progresse énormément la domination de l’homme sur le monde des choses, l’homme risque de perdre les fils conducteurs de cette domination, de voir son humanité soumise de diverses manières à ce monde, et de devenir ainsi lui-même l’objet de manipulations multiformes – pas toujours directement perceptibles – à travers toute l’organisation de la vie communautaire, à travers le système de production, par la pression des moyens de communication sociale ».[14]
La succession des crises économiques doit conduire à d’opportunes nouvelles réflexions sur les modèles de développement économique, et à un changement dans les modes de vie. La crise d’aujourd’hui, avec son lourd héritage pour la vie des personnes, peut être aussi une occasion propice pour retrouver les vertus de prudence, de tempérance, de justice et de force. Elles peuvent aider à dépasser les moments difficiles et à redécouvrir les liens fraternels qui nous lient les uns aux autres, avec la confiance profonde dont l’homme a besoin et est capable de quelque chose de plus que la maximalisation de ses propres intérêts individuels. Surtout ces vertus sont nécessaires pour construire et maintenir une société à la mesure de la dignité humaine.
La fraternité éteint la guerre
7. Dans l’année qui vient de s’écouler, beaucoup de nos frères et sœurs ont continué à vivre l’expérience déchirante de la guerre, qui constitue une grave et profonde blessure portée à la fraternité.
Nombreux sont les conflits qui se poursuivent dans l’indifférence générale. Á tous ceux qui vivent sur des terres où les armes imposent terreur et destructions, j’assure ma proximité personnelle et celle de toute l’Église. Cette dernière a pour mission de porter la charité du Christ également aux victimes sans défense des guerres oubliées, à travers la prière pour la paix, le service aux blessés, aux affamés, aux réfugiés, aux personnes déplacées et à tous ceux qui vivent dans la peur. L’Église élève aussi la voix pour faire parvenir aux responsables le cri de douleur de cette humanité souffrante, et pour faire cesser, avec les hostilités, tout abus et toute violation des droits fondamentaux de l’homme[15].
Pour cette raison, je désire adresser un appel fort à tous ceux qui, par les armes, sèment la violence et la mort : redécouvrez votre frère en celui qu’aujourd’hui vous considérez seulement comme un ennemi à abattre, et arrêtez votre main ! Renoncez à la voie des armes et allez à la rencontre de l’autre par le dialogue, le pardon, et la réconciliation, pour reconstruire la justice, la confiance et l’espérance autour de vous ! « Dans cette optique, il apparaît clair que, dans la vie des peuples, les conflits armés constituent toujours la négation délibérée de toute entente internationale possible, en créant des divisions profondes et des blessures déchirantes qui ont besoin de nombreuses années pour se refermer. Les guerres constituent le refus concret de s’engager pour atteindre les grands objectifs économiques et sociaux que la communauté internationale s’est donnée »[16].
Cependant, tant qu’il y aura une si grande quantité d’armement en circulation, comme actuellement, on pourra toujours trouver de nouveaux prétextes pour engager les hostilités. Pour cette raison, je fais mien l’appel de mes prédécesseurs en faveur de la non prolifération des armes et du désarmement de la part de tous, en commençant par le désarmement nucléaire et chimique.
Mais nous ne pouvons pas ne pas constater que les accords internationaux et les lois nationales, bien que nécessaires et hautement souhaitables, ne sont pas suffisants à eux seuls pour mettre l’humanité à l’abri du risque de conflits armés. Une conversion des cœurs est nécessaire, qui permette à chacun de reconnaître dans l’autre un frère dont il faut prendre soin, avec lequel travailler pour construire une vie en plénitude pour tous. Voilà l’esprit qui anime beaucoup d’initiatives de la société civile, y compris les organisations religieuses, en faveur de la paix. Je souhaite que l’engagement quotidien de tous continue à porter du fruit et que l’on puisse parvenir à l’application effective, dans le droit international, du droit à la paix, comme droit humain fondamental, condition préalable nécessaire à l’exercice de tous les autres droits.
La corruption et le crime organisé contrecarrent la fraternité
8. L’horizon de la fraternité renvoie à la croissance en plénitude de tout homme et de toute femme. Les justes ambitions d’une personne, surtout si elle est jeune, ne doivent pas être frustrées ni blessées, l’espérance de pouvoir les réaliser ne doit pas être volée. Cependant, l’ambition ne doit pas être confondue avec la prévarication. Au contraire, il convient de rivaliser dans l’estime réciproque (cf. Rm 12, 10). De même, dans les querelles, qui sont un aspect inévitable de la vie, il faut toujours se rappeler d’être frères, et, en conséquence, éduquer et s’éduquer à ne pas considérer le prochain comme un ennemi ou comme un adversaire à éliminer.
La fraternité génère la paix sociale, parce qu’elle crée un équilibre entre liberté et justice, entre responsabilité personnelle et solidarité, entre bien des individus et bien commun. Une communauté politique doit, alors, agir de manière transparente et responsable pour favoriser tout cela. Les citoyens doivent se sentir représentés par les pouvoirs publics dans le respect de leur liberté. Inversement, souvent, entre citoyen et institutions, se glissent des intérêts de parti qui déforment cette relation, favorisant la création d’un climat de perpétuel conflit.
Un authentique esprit de fraternité est vainqueur de l’égoïsme individuel qui empêche les personnes de vivre entre elles librement et harmonieusement. Cet égoïsme se développe socialement, soit dans les multiples formes de corruption, aujourd’hui partout répandues, soit dans la formation des organisations criminelles – des petits groupes jusqu’aux groupes organisés à l’échelle globale – qui, minant en profondeur la légalité et la justice, frappent au cœur la dignité de la personne. Ces organisations offensent gravement Dieu, nuisent aux frères et lèsent la création, et encore plus lorsqu’elles ont une connotation religieuse.
Je pense au drame déchirant de la drogue sur laquelle on s’enrichit dans le mépris des lois morales et civiles, à la dévastation des ressources naturelles et à pollution en cours, à la tragédie de l’exploitation dans le travail. Je pense aux trafics illicites d’argent comme à la spéculation financière, qui souvent prend un caractère prédateur et nocif pour des systèmes économiques et sociaux entiers, exposant des millions d’hommes et de femmes à la pauvreté. Je pense à la prostitution qui chaque jour fauche des victimes innocentes, surtout parmi les plus jeunes, leur volant leur avenir. Je pense à l’abomination du trafic des êtres humains, aux délits et aux abus contre les mineurs, à l’esclavage qui répand encore son horreur en tant de parties du monde, à la tragédie souvent pas entendue des migrants sur lesquels on spécule indignement dans l’illégalité. Jean XXIII a écrit à ce sujet : « Une société fondée uniquement sur des rapports de force n’aurait rien d’humain : elle comprimerait nécessairement la liberté des hommes, au lieu d’aider et d’encourager celle-ci à se développer et à se perfectionner »[17]. Mais l’homme peut se convertir et il ne faut jamais désespérer de la possibilité de changer de vie. Je voudrais que ce message soit un message de confiance pour tous, aussi pour ceux qui ont commis des crimes atroces, parce que Dieu ne veut pas la mort du pêcheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive (cf. Ez 18, 23).
Dans le vaste contexte de la société humaine, en ce qui concerne le délit et la peine, on pense aussi aux conditions inhumaines de tant de prisons, où le détenu est souvent réduit à un état sous-humain, sa dignité d’homme se trouvant violée, étouffé aussi dans son expression et sa volonté de rachat. L’Église fait beaucoup dans tous ces domaines, et le plus souvent en silence. J’exhorte et j’encourage à faire toujours plus, dans l’espérance que de telles actions mises en œuvre par tant d’hommes et de femmes courageux puissent être toujours plus loyalement et honnêtement soutenues aussi par les pouvoirs civils.
La fraternité aide à garder et à cultiver la nature
9. La famille humaine a reçu en commun un don du Créateur : la nature. La vision chrétienne de la création comporte un jugement positif sur la licéité des interventions sur la nature pour en tirer bénéfice, à condition d’agir de manière responsable, c'est-à-dire en en reconnaissant la “grammaire”qui est inscrite en elle, et en utilisant sagement les ressources au bénéfice de tous, respectant la beauté, la finalité et l’utilité de chaque être vivant et de sa fonction dans l’écosystème. Bref, la nature est à notre disposition, et nous sommes appelés à l’administrer de manière responsable. Par contre, nous sommes souvent guidés par l’avidité, par l’orgueil de dominer, de posséder, de manipuler, de tirer profit ; nous ne gardons pas la nature, nous ne la respectons pas, nous ne la considérons pas comme un don gratuit dont nous devons prendre soin et mettre au service des frères, y compris les générations futures.
En particulier, le secteur agricole est le secteur productif premier qui a la vocation vitale de cultiver et de garder les ressources naturelles pour nourrir l’humanité. À cet égard, la persistance honteuse de la faim dans le monde m’incite à partager avec vous cette demande : de quelle manière usons-nous des ressources de la terre ? Les sociétés doivent aujourd’hui réfléchir sur la hiérarchie des priorités auxquelles on destine la production. En effet, c’est un devoir contraignant d’utiliser les ressources de la terre de manière à ce que tous soient délivrés de la faim. Les initiatives et les solutions possibles sont nombreuses et ne se limitent pas à l’augmentation de la production. Il est bien connu que celle-ci est actuellement suffisante ; et pourtant il y a des millions de personnes qui souffrent et meurent de faim, et ceci est un vrai scandale. Il est donc nécessaire de trouver les moyens pour que tous puissent bénéficier des fruits de la terre, non seulement pour éviter que s’élargisse l’écart entre celui qui a plus et celui qui doit se contenter des miettes, mais aussi et surtout en raison d’une exigence de justice, d’équité et de respect envers tout être humain. En ce sens, je voudrais rappeler à tous cette nécessaire destination universelle des biens qui est un des principes cardinaux de la doctrine sociale de l’Église. Respecter ce principe est la condition essentielle pour permettre un efficace et équitable accès à ces biens essentiels et premiers dont tout homme a besoin et a droit.
Conclusion
10. La fraternité a besoin d’être découverte, aimée, expérimentée, annoncée, et témoignée. Mais c’est seulement l’amour donné par Dieu qui nous permet d’accueillir et de vivre pleinement la fraternité.
Le nécessaire réalisme de la politique et de l’économie ne peut se réduire à une technique privée d’idéal, qui ignore la dimension transcendante de l’homme. Quand manque cette ouverture à Dieu, toute activité humaine devient plus pauvre et les personnes sont réduites à un objet dont on tire profit. C’est seulement si l’on accepte de se déplacer dans le vaste espace assuré par cette ouverture à Celui qui aime chaque homme et chaque femme, que la politique et l’économie réussiront à se structurer sur la base d’un authentique esprit de charité fraternelle et qu’elles pourront être un instrument efficace de développement humain intégral et de paix.
Nous les chrétiens nous croyons que dans l’Église nous sommes tous membres les uns des autres, tous réciproquement nécessaires, parce qu’à chacun de nous a été donnée une grâce à la mesure du don du Christ, pour l’utilité commune (cf. Ep 4, 7.25 ; 1Co 12, 7). Le Christ est venu dans le monde pour nous apporter la grâce divine, c'est-à-dire la possibilité de participer à sa vie. Ceci implique de tisser une relation fraternelle, empreinte de réciprocité, de pardon, de don total de soi, selon la grandeur et la profondeur de l’amour de Dieu offert à l’humanité par celui qui, crucifié et ressuscité, attire tout à lui : « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jn 13, 34-35). C’est cette bonne nouvelle qui réclame de chacun un pas de plus, un exercice persistant d’empathie, d’écoute de la souffrance et de l’espérance de l’autre, y compris de celui qui est plus loin de moi, en s’engageant sur le chemin exigeant de l’amour qui sait se donner et se dépenser gratuitement pour le bien de tout frère et de toute sœur.
Le Christ embrasse tout l’homme et veut qu’aucun ne se perde. « Dieu a envoyé son fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3, 17). Il le fait sans opprimer, sans contraindre personne à lui ouvrir les portes de son cœur et de son esprit. « Le plus grand d’entre vous doit prendre la place du plus jeune, et celui qui commande, la place de celui qui sert » – dit Jésus-Christ – « moi je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Lc 22, 26.27). Toute activité doit être, alors, contresignée d’une attitude de service des personnes, spécialement celles qui sont les plus lointaines et les plus inconnues. Le service est l’âme de cette fraternité qui construit la paix.
Que Marie, Mère de Jésus, nous aide à comprendre et à vivre tous les jours la fraternité qui surgit du cœur de son Fils, pour porter la paix à tout homme sur notre terre bien-aimée.
Le pape François encourage l’allaitement en public
Par Stadire, 19/12/2013
Pour le pape François, entre allaiter son enfant en public et le faire attendre alors qu'il a faim, la question ne se pose pas. En effet le souverain pontife a récemment déclaré à la Stampa :
Il y a tellement d'enfants qui pleurent parce qu'ils ont faim. Lors de l'audience générale du mercredi, l'autre jour, il y avait une mère et son enfant de quelques mois de l'autre côté des barrières. L'enfant pleurait vraiment beaucoup quand je suis passé. La mère le câlinait. Je lui ai dit : « Madame, je pense que l'enfant a faim ». « Oui, il est probablement temps » a-t-elle affirmé. « S'il vous plait, donnez-lui quelque chose à manger » lui ai-je répondu.
Elle était intimidée et ne voulait pas allaiter en public tandis que le pape passait. J'aimerais dire la même chose à l'Humanité : Donnez aux gens de quoi manger ! Cette femme avait du lait à donner à son enfant comme nous avons assez de nourriture dans le monde pour tous nous nourrir.
Notons que ce n'est pas la première fois que l'homme n'est absolument pas dérangé par l'allaitement, il avait été pris en photo lors d'une messe à Buenos Aires, en mars 2005 tandis qu'il était à l'époque Cardinal en Argentine.
Le pape François ne laisse décidément aucun sujet échapper à sa vigilance et à son anticonformisme. S’appuyant sur une anecdote personnelle –une jeune maman qui craignait d’allaiter son bébé devant lui- il recommande aux femmes de ne pas craindre de donner le sein en public. « Je leur dis comme à tous : donner à manger à ceux qui ont faim » poursuit-il dans une interview accordée à La Stampa.
« Que cessent les conflits armés qui ensanglantent la terre, que se taisent les armes! Entendons le cri de ceux qui pleurent, souffrent et meurent à cause de la violence, du terrorisme ou de la guerre, en Terre Sainte, tant aimée de Saint François, en Syrie, dans l'ensemble du Moyen-Orient, dans le monde », a supplié le pape François au cours de la messe célébrée en plein air sur la Place de la Basilique Saint-François à Assise.
« Que Saint François nous enseigne à être des instruments de paix, de la paix qui a sa source en Dieu, la paix que nous a amenée le Seigneur Jésus », a-t-il insisté devant les quelques 60 000 à 100 000 fidèles.
Comme saint François huit siècles auparavant, - à une période où les privilèges et les scandales étaient également nombreux dans l'Église – ce pape semble avoir entendu lui aussi la voix de Dieu lui dire: « Va et répare mon église ».
En expliquant le choix de son saint patron, Jorge Mario Bergoglio livre ce qui l'inspire :
« La rencontre avec Jésus le conduisit à se dépouiller d'une vie aisée et insouciante, pour épouser « Dame Pauvreté » et vivre en vrai fils du Père qui est aux cieux. Pour saint François, ce choix indiquait une manière radicale d'imiter le Christ, de se revêtir de Celui qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre afin de nous enrichir par sa pauvreté (cf. 2Co 8, 9). Durant toute la vie de François aimer les pauvres et imiter le Christ allait de pair, étaient deux éléments inséparables, les deux faces d'une même médaille. »
« Comme je voudrais une Église pauvre pour les pauvres ! », avait lancé le nouveau pape aussitôt après son élection. En l'espace d'une journée, à Assise, il a réaffirmé toutes ses priorités. A ses côtés : les huit membres du « Conseil des cardinaux » avec lesquels il s'est réuni pendant trois jours pour discuter du gouvernement de l'Eglise et des réformes à venir.
Dès son arrivée, le pape a plaidé pour une Église solidaire avec les handicapés et les personnes marginalisées, et avec « tous ceux qui fuient l'esclavage, la faim pour trouver la liberté, et trouvent la mort », en allusion à la journée de deuil décrétée en Italie, au lendemain du naufrage à Lampedusa, qui a vraisemblablement coûté la vie à quelque 350 migrants.
Le chemin de François vers le Christ, explique-t-il, « part du regard de Jésus sur la croix », Jésus qui « n'a pas les yeux fermés, mais ouverts, grand ouverts » qui « parlent au cœur ... d'une mort qui est vie, qui engendre la vie, parce qu'elle nous parle d'amour, parce que c'est l'Amour de Dieu incarné, et que l'Amour ne meurt pas, au contraire, il triomphe du mal et de la mort.».
Dans cette pièce où le Poverello, en 1206, se délesta de ses vêtements devant son père pour montrer qu'il renonçait aux biens terrestres, le pape priera une fois encore le Seigneur de donner à tous les hommes le courage de « se dépouiller », notamment de « la mondanité spirituelle » qui n'est qu' « idolâtrie » :
« Le danger de la mondanité est un très grand péril (...) Nous devons tous nous dépouiller de cet esprit du monde qui est contraire aux Béatitudes et à l'Esprit de Jésus. Cet esprit mondain nous rend malades (...) c'est un « tue-l'âme » pour les hommes et l'Eglise (...) la lèpre, le cancer de la société, l'ennemi de Jésus ».
Et à ceux, comme certains médias, qui disent que le pape dépouillera l'Eglise, il répond en improvisant :
« Mais de quoi le Pape pourrait-il donc dépouiller l'Eglise? des vêtements du Pape, des Cardinaux et des Evêques ! Mais l'Eglise, c'est nous tous, les baptisés, qui devons suivre le chemin de Jésus, un chemin de dépouillement jusqu'à l'humiliation de la croix. Pour être vraiment des chrétiens, il n'existe pas d'autre voie. Serait-il possible d'avoir un christianisme plus humain, se demandent certains, c'est à dire sans croix, sans Jésus et sans dépouillement ? Ce serait alors un christianisme de vitrine, doucereux, où les chrétiens seraient comme de jolis gâteaux en devanture. Un christianisme peut-être superbe mais pas chrétien. Alors de quoi donc l'Eglise devrait-elle se dépouiller ? Je réponds qu'elle doit se dépouiller maintenant d'un gravissime péché, qui menace chacun de ses membres. Ce danger c'est la mondanité, l'esprit du monde ».
Et le pape d'insister: « Lorsque les media parlent d'elle, ils croient que l'Eglise ne sont que le clergé et les religieux, les évêques, les cardinaux et le Pape. Or, comme je viens de le dire, l'Eglise c'est nous tous. Nous devons donc tous nous dépouiller de l'esprit du monde »
Un peu auparavant, lors de la première étape de son « pèlerinage » à Assise, le pape François avait rendu visite à plusieurs dizaines d'enfants handicapés et malades de l'Institut Séraphique. Il y avait lancé un appel à « soigner » les « plaies de Jésus », ces plaies qui ont besoin « d'être écoutées, d'être reconnues », a-t-il déclaré : « Jésus est caché dans ces jeunes, dans ces enfants, dans ces personnes. Sur l'autel nous adorons la Chair de Jésus, en eux nous trouvons les plaies de Jésus... le chrétien qui adore Jésus, qui le cherche, saura reconnaître ses plaies », a-t-il souligné avec force.
Elle s'appelle Gabriela Caballero, elle a 38 ans et vit depuis trois ans dans l'unité 47 de la prison "San Martin" près de Buenos Aires. Le Pape François, selon le blog 'il sismografo', entendit parler pour la première fois de cette femme et de son atelier de fabrication d'hosties le 16 juillet dernier. L'évêque de San Isidro, Mgr Oscar Vicente Ojea, lors d'un petit déjeuner avec le Pape, lui parla de cette femme qui purge une peine de 7 ans et de son travail pour le moins singulier. « J'ai remis au Pape la lettre et les photographies de l'atelier que m'avait remises Gabriela », déclare Mgr Ojea.
« Le Pape fut touché par le fait que cette femme confectionne les hosties avec lesquelles nous célébrons la messe. Et il a tout simplement prit le paquet sans l'ouvrir et l'a porté personnellement dans ses appartements », poursuit Mgr Ojea. Ainsi le 18 juillet, le Pape célébra la messe avec ces osties et le 19 juillet il écrivit de sa main une courte lettre de remerciements à l'adresse de Gabriela. « Ce qui m'a le plus impressionné dans la lettre du Pape, commente Mgr Ojea, c'est la phrase dans laquelle il dit être certain qu'elle prie pour lui. J'ai été frappé que le Saint-Père se sente sûr d'une personne pas sûre, dans la mesure où elle privée de sa liberté. Un paradoxe : se sentir sûr de la prière d'une personne qui souffre ».
"D'une prison on peut arriver au Vatican"
Dans le seul entretien qu'a donné Gabriela, la jeune femme dit connaître Mgr Ojea, « car il vient souvent nous rendre visite. Quand j'ai su qu'il allait voir le Pape, je n'ai eu aucun doute : c'était l'occasion d'offrir au Pape nos hosties artisanales et quelques photos de notre atelier. » « Sincèrement, je n'imaginais pas un instant qu'il puisse me répondre. Je ne me berçais pas d'illusions. J'ai écrit au Pape une lettre et mes compagnes de détention me disaient que le Pape me répondrait. Que ce Pape veut être présent à tous et partout. Qu'il désire être proche des gens, du peuple, et que nous sommes ce peuple. Tu vois Gabriela, ce pape est différent des autres, c'est tout le contraire ».
Gabriela raconte alors dans l'entretien l'histoire de l'atelier où elle travaille avec ses co-détenues et souligne que les machines pour fabriquer les hosties sont très vieilles, et qu'elles leur ont été prêtées par des religieuses. « Nos osties sont artisanales, car nous les confectionnons avec ces vieux moules en fer. Pas de technologie. Elles sortent grandes ou petites, mais ensuite on les recoupe avec précision. » Commentant la lettre reçue du Pape, elle ajoute : « Quelle joie de savoir que cette réponse m'était adressée personnellement. Lire en haut de la lettre ce 'cher Gabriela' fut une vraie émotion pour moi qui suis privée de liberté, dans un lieu où l'on passe de si longs moments sombres. Je suis tellement heureuse de savoir que d'une prison on puisse arriver au Vatican ».
Le pape téléphone en Argentine à une femme victime d'un viol
par A.D. avec AFP, 28/08/2013
Le pape François a appelé pendant une demi-heure une femme argentine victime d'un viol qui avait porté plainte en vain contre un policier, ont rapporté mercredi plusieurs sites proches du Vatican. Alejandra Pereyra, 44 ans, a raconté sa surprise totale à une chaîne argentine quand le pape l'a appelée en personne dimanche dernier: "il m'a semblé être saisie par la main de Dieu", a-t-elle dit, selon ses propos rapportés par le site Il Simografo.
Elle lui avait écrit un mail il y a dix jours dans lequel elle affirmait avoir été deux fois victime: d'abord d'un viol d'un policier et, ensuite, après avoir porté plainte, objet de menaces, de pressions et même de perquisitions. Alejandra Pereyra, originaire de Villa del Rosario, près de Cordoba, a raconté: "mon portable a sonné. J'ai demandé qui était au téléphone et j'ai été prétrifiée d'entendre: le pape". "Le pape a écouté avec beaucoup d'attention mon récit. Il m'a dit que je n'étais pas seule et m'a demandé d'avoir confiance dans la justice", a-t-elle rapporté.
Alejandra a accusé un juge de ne l'avoir jamais appelée pour lui permettre de donner sa version des faits, tandis que le violeur non seulement serait libre mais aurait été promu. "Le pape m'a dit recevoir chaque jour des milliers de lettres, mais ce que j'avais écrit l'avait ému et touché au coeur", a-t-elle dit.
De manière totalement inédite pour un pape, François, de l'appartement 201 de la résidence Sainte-Marthe où il réside, décroche son téléphone pour appeler tous azimuts, qui des amis, qui des inconnus, et leur exprimer sa solidarité ou son réconfort face aux problèmes concrets de la vie.
Cité du Vatican — "Je suis le pape François, nous pouvons nous tutoyer": une fois de plus le pape argentin a décroché son téléphone pour appeler un fidèle qui lui avait écrit une lettre, en l'occurence un étudiant italien de 19 ans, a rapporté jeudi la presse italienne.
Stefano Cabizza, d'une école d'ingénieur de Padoue (nord-est), avait fait remettre une lettre au pape il y a quelques jours, à travers un cardinal. Mais jamais il ne se serait attendu à entendre "allô c'est le pape François" et à s'entretenir au téléphone avec lui, dimanche, a rapporté ensuite le journal Il Gazzettino de la région de Venise.
"Nous avons ri et plaisanté pendant huit minutes. Il m'a dit qu'entre Jésus et les apôtres, on se tutoyait. Il m'a demandé de prier beaucoup pour lui. Il m'a donné sa bénédiction et j'ai senti naître en moi une grande force", a raconté ensuite Stefano, sans révéler l'objet de sa lettre. (...)
Récemment par exemple le pape avait appelé un Italien paralysé après un accident de la route, qui venait de perdre son frère lors d'une attaque à main armée, et se posait des questions sur le sens de sa vie.
Conformément à son style direct et à son désir d'être en contact avec les gens, le pape François aime téléphoner à des amis en Argentine ou en Italie, croyants mais aussi non croyants. Il appelle aussi des journalistes qu'il a connus personnellement comme cardinal pour demander des nouvelles d'un parent malade, d'un résultat d'examen ou fêter un anniversaire.
Le pape goûte la discussion avec les jeunes. En plein creux du mois d'août, il a reçu mercredi en audience au Vatican plus de 200 élèves d'une école japonaise, catholiques et bouddhistes, louant les vertus du dialogue entre cultures et religions.
"Quelle est l'attitude la plus profonde pour dialoguer? La douceur, la capacité de rencontrer les personnes et les cultures dans la paix, la capacité de poser des questions intelligentes, d?écouter puis de parler. C'est ce dialogue qui fait la paix. Toutes les guerres et toutes les luttes sont liées à un manque de dialogue", a-t-il remarqué.
Ces propos prennent une résonance particulière alors que les tensions interreligieuses sont très fortes dans les conflits en Egypte et en Syrie, mais il n'y a pas fait allusion.
DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS AUX PARLEMENTAIRES FRANÇAIS
Salle Clémentine Samedi 15 juin 2013
Monsieur le Président, chers Parlementaires,
Faisant suite à votre demande, je suis heureux de vous recevoir ce matin, membres du Sénat et de l'Assemblée nationale de la République française. Au-delà des différentes sensibilités politiques que vous représentez, votre présence manifeste la qualité des relations entre votre pays et le Saint-Siège.
Cette rencontre est pour moi l'occasion de souligner les relations de confiance qui existent généralement en France entre les responsables de la vie publique et ceux de l'Église catholique, que ce soit au niveau national ou au niveau régional ou local.
Le principe de laïcité qui gouverne les relations entre l'État français et les différentes confessions religieuses ne doit pas signifier en soi une hostilité à la réalité religieuse, ou une exclusion des religions du champ social et des débats qui l'animent.On peut se féliciter que la société française redécouvre des propositions faites par l'Église, entre autres, qui offrent une certaine vision de la personne et de sa dignité en vue du bien commun. L'Église désire ainsi apporter sa contribution spécifique sur des questions profondes qui engagent une vision plus complète de la personne et de son destin, de la société et de son destin. Cette contribution ne se situe pas uniquement dans le domaine anthropologique ou sociétal, mais aussi dans les domaines politique, économique et culturel.
En tant qu'élus d'une Nation vers laquelle les yeux du monde se tournent souvent, il est de votre devoir, je crois, de contribuer de manière efficace et continue à l'amélioration de la vie de vos concitoyens que vous connaissez particulièrement à travers les innombrables contacts locaux que vous cultivez et qui vous rendent sensibles à leurs vraies nécessités. Votre tâche est certes technique et juridique, consistant à proposer des lois, à les amender ou même à les abroger. Il vous est aussi nécessaire de leur insuffler un supplément, un esprit, une âme dirais-je, qui ne reflète pas uniquement les modes et les idées du moment, mais qui leur apporte l'indispensable qualité qui élève et ennoblit la personne humaine.
Je vous formule donc mes encouragements les plus chaleureux pour continuer dans votre noble mission, cherchant toujours le bien de la personne en promouvant la fraternité dans votre beau pays.
Pape François sur l'Evangile de la Vie le 16 juin 2013
(extraits)
(...) Dieu est le Vivant, Jésus nous porte la vie de Dieu, l'Esprit Saint nous introduit et nous maintient dans la relation vitale de vrais enfants de Dieu. Mais souvent l'homme ne choisit pas la vie, n'accueille pas l'"Évangile de la Vie", mais se laisse guider par des idéologies et des logiques qui mettent des obstacles à la vie, qui ne la respectent pas, parce qu'elles sont dictées par l'égoïsme, par l'intérêt, par le profit, par le pouvoir, par le plaisir et non par l'amour, par la recherche du bien de l'autre. C'est l'illusion constante de vouloir construire la cité de l'homme sans Dieu, sans la vie et l'amour de Dieu – une nouvelle Tour de Babel ; c'est penser que le refus de Dieu, du message du Christ, de l'Évangile de la vie conduit à la liberté, à la pleine réalisation de l'homme. Le résultat est qu'au Dieu vivant, on substitue des idoles humaines et passagères, qui offrent l'ivresse d'un moment de liberté, mais qui à la fin sont porteuses de nouveaux esclavages et de mort. La sagesse du Psalmiste dit : « Les préceptes du Seigneur sont droits, ils réjouissent le cœur ; le commandement du Seigneur est limpide, il clarifie le regard » (Ps 19,9).
Chers frères et sœurs, regardons Dieu comme le Dieu de la vie, regardons sa loi, le message de l'Évangile comme une voie de liberté et de vie. Le Dieu vivant nous rend libres ! Disons oui à l'amour et non à l'égoïsme, disons oui à la vie et non à la mort, disons oui à la liberté et non à l'esclavage de tant d'idoles de notre temps ; en un mot, disons oui à Dieu qui est amour, vie et liberté, et jamais ne déçoit (cf. 1Jn 4,8 ; Jn 11,25 ; Jn 8,32).
Seule la foi dans le Dieu Vivant nous sauve ; dans le Dieu qui en Jésus Christ nous a donné sa vie, et par le don de l'Esprit Saint nous fait vivre en vrais enfants de Dieu. Cette foi nous rend libres et heureux. Demandons à Marie, Mère de la Vie, qu'elle nous aide à accueillir et à témoigner toujours de l'"Évangile de la Vie".»
La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul coeur et une seule âme. Une seule âme, un seul coeur: l'unité, cette unité, cette unanimité, cette harmonie des sentiments dans l'amour, l'amour réciproque. Penser que "les autres sont meilleurs que moi": c'est beau, non? ».
«Mais la réalité – a expliqué le Pape – nous dit qu'après le Baptême, cela ne vient pas automatiquement. C'est un travail à faire sur le chemin de la vie, c'est un travail à faire par l'Esprit en nous et c'est une fidélité à l'Esprit de notre part ». Et « cette douceur dans la communauté est une vertu un peu oubliée. Etre doux, laisser la place à l'autre.
Il y a tant d'ennemis de la douceur, à commencer par les commérages, non? Lorsque l'on préfère commérer, commérer sur l'autre, dire du mal de l'autre. Ce sont des choses quotidiennes qui arrivent à tous,même à moi ». « Ce sont des tentations du malin – a-t-il ensuite poursuivi – qui ne veut pas que l'Esprit vienne à nous et fasse cette paix, cette douceur dans les communautés chrétiennes.
Nous allons à la paroisse, et les dames du catéchisme se chamaillent avec celles de la Caritas ». Et « il y a toujours ces conflits. Même en famille ou dans le quartier. Et même entre amis. Et cela, ce n'est pas la vie nouvelle.
Lorsque vient l'Esprit et qu'il nous fait naître à une vie nouvelle, il nous rend doux, charitables. Il ne faut juger personne: l'unique Juge est le Seigneur ». Voilà alors la suggestion de « ne rien dire. Et si je dois dire quelque chose, je lui dis à lui, à elle: mais pas à tout le quartier. Seulement à celui qui peut résoudre la situation ».
« Cela – a conclu le Pape François – n'est qu'un petit pas dans la vie nouvelle, mais c'est un pas quotidien. Si, avec la grâce de l'Esprit, nous réussissons à ne jamais commérer, ce sera vraiment un grand pas en avant. Et cela nous fera du bien à tous.
Demandons au Seigneur qu'il nous manifeste, ainsi qu'au monde, la beauté et la plénitude de cette vie nouvelle, de cette naissance de l'Esprit qui vient dans la communauté des fidèles et nous conduit à faire preuve de charité les uns envers les autres. Et de respect.
La persécution est encouragée par le prince du monde
Les chrétiens sont davantage persécutés aujourd'hui qu'aux origines de l'histoire du christianisme. La cause originaire de toute persécution est la haine du prince du monde envers tous ceux qui ont été sauvés et rachetés par Jésus à travers sa mort et sa résurrection. Les seules armes pour se défendre sont la parole de Dieu, l'humilité et la douceur.
Ce matin aussi, samedi 4 mai, le Pape François a indiqué une route à suivre pour apprendre à éviter les pièges du monde. Des pièges qui, a-t-il expliqué dans l'homélie de la Messe célébrée dans la chapelle de la Domus Sanctae Marthae, sont l'œuvre du « diable », « prince du monde », « esprit du monde ».
Le Pape, en commentant les lectures du jour tirées des Actes des Apôtres (16, 1-10) et de l'évangile de Jean (15, 18-21), a centré sa réflexion sur la haine « une parole forte – a-t-il souligné – utilisée par Jésus. Précisément la haine. Lui qui est maître d'amour, qui aimait tant parler d'amour, il parle de haine ». Mais « il aimait appeler les choses par leur nom. Et il nous dit: "N'ayez pas peur! Le monde vous haïra. Sachez qu'avant vous, c'est moi qu'il a haï". Et il nous rappelle également ce qu'il avait sans doute dit à une autre occasion aux disciples: "Rappelez-vous de la parole que je vous ai dite: un serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'il m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi". La voie des chrétiens est la voie de Jésus ». Pour le suivre, il n'y en a pas d'autre. L'une de celles indiquées par Jésus, a précisé le Saint-Père, « est une conséquence de la haine du monde et également du prince de cette haine dans le monde ».
Jésus – a expliqué le pape – qui nous a choisis et « nous a rachetés. Il nous a choisis par pure grâce. A travers sa mort et sa résurrection, il nous a rachetés du pouvoir du monde, du pouvoir du diable, du pouvoir du prince de ce monde. Telle est l'origine de la haine: nous sommes sauvés et ce prince du monde, qui ne veut pas que nous soyons sauvés, nous hait et fait naître la persécution, qui depuis l'époque de Jésus, continue jusqu'à aujourd'hui. De nombreuses communautés chrétiennes sont persécutées dans le monde. En ce moment plus qu'aux origines. Aujourd'hui, à présent, en ce jour, en cette heure. Pourquoi? Parce que l'esprit du monde hait ».
« Avec le prince de ce monde, on ne peut pas dialoguer. Que cela soit clair ». Le dialogue est autre chose, « il est nécessaire entre nous – a expliqué le pape – il est nécessaire pour la paix. Le dialogue est une habitude, c'est précisément une attitude que nous devons avoir parmi nous pour nous entendre, nous comprendre. Et il doit toujours être maintenu. Le dialogue naît de la charité, de l'amour. Avec ce prince on ne peut dialoguer, on ne peut que répondre avec la parole de Dieu qui nous défend ».
Vous pourriez demander: « Père quelle est l'arme pour se défendre de ces séductions, de ces feux d'artifice que fait le prince de ce monde, de ses flatteries? » L'arme est la même que celle de Jésus: la parole de Dieu, et l'humilité et la douceur: ce sont les armes que le prince du monde, l'esprit du monde ne tolère pas, parce que ses propositions sont le pouvoir de ce monde, des propositions de vanité, de richesse. Il ne tolère pas l'humilité et la douceur ». Jésus est doux et humble de cœur et « aujourd'hui, il nous fait penser à cette haine du prince du monde contre nous, contre les disciples de Jésus ». Et pensons aux armes dont nous disposons pour nous défendre: « restons toujours comme des brebis, ainsi nous aurons un pasteur qui nous défend ».
Le Pape François, Messe à l'église Sainte Marthe, 27/04/2013(extraits)
« Regarder Jésus qui nous envoie évangéliser, annoncer son nom avec joie ». Ce sont les mots du pape François, ce matin dans son homélie lors de la messe dans la chapelle de la résidence Sainte-Marthe au Vatican, où le Saint-Père réside toujours. Il a répété qu'il ne fallait pas « avoir peur de la joie de l'Esprit », le chemin pour vaincre le repli sur nous-mêmes. A cette messe ont participé les employés de la poste vaticane et ceux du dispensaire pédiatrique Sainte-Marthe.
« Il semblait que cette joie ne soit jamais vaincue. » C'est ainsi que le pape a commenté la confiance accordée au Christ par la communauté des disciples, réunie à Antioche pour écouter la parole du Seigneur, rappelé aujourd'hui dans les Actes des Apôtres. Puis la question du pape François, qui se questionne sur les raisons de la jalousie des « Juifs fermés », « un petit groupe », de « bonnes personnes » en voyant la multitude de chrétiens qu'ils ont commencé de persécuter.
« Simplement parce qu'ils avaient le coeur fermé, répond le pape. Ils n'étaient pas ouverts à la nouveauté de l'Esprit Saint. Ils pensaient que tout avait été dit, que tout était comme il pensait ce devait être, ils se considéraient comme des défenseurs de la foi, et commencèrent donc calomnier. La calomnie... C'est l'attitude de ce groupe, et d'autres groupes dans l'Histoire, des groupes fermés : pactiser avec le pouvoir, résoudre les difficultés, mais "entre nous". Comme l'ont fait ceux-là, le matin de la Résurrection, quand les soldats leur ont dit : "On a vu cela"... "Taisez-vous ! Prenez..." Et avec l'argent ils ont tout acheté. »
Le pape oppose ensuite à ces groupes « la communauté libre qui, avec la liberté de Dieu et de l'Esprit Saint, allait de l'avant, répandant le bien : il se répand toujours ! Il ne s'endort jamais. C'est un critère, un critère de l'Eglise, aussi pour notre examen de conscience : comment sont nos communauté, les communautés religieuses, les communautés paroissiales ? Est-ce que ce sont des communautés ouvertes à l'Esprit Saint, qui nous pousse toujours de l'avant pour répandre la Parole de Dieu, ou est-ce que ce sont des communautés fermées, avec tous les commandements précis, avec lesquels elles chargent les épaules des fidèles, comme le Seigneur l'avait dit aux Pharisiens ? »
Le Pape François, Messe à l'église Sainte Marthe, 16/04/2013(extraits)
La calomnie est vieille comme le monde et on en trouve des références déjà dans l'Ancien Testament. Il suffit de penser à l'épisode de la reine Jézabel avec la vigne de Naboth, ou à celui de Suzanne avec les deux juges. Lorsque l'on ne pouvait pas obtenir quelque chose « en empruntant une voie juste, une voie sainte », on utilisait la calomnie, qui détruit. « Cela nous fait penser – a commenté le Pape – que nous sommes tous pécheurs: tous. Nous avons péché. Mais la calomnie est une autre chose ». C'est un péché, mais c'est quelque chose de plus, parce qu'elle « veut détruire l'oeuvre de Dieu et naît de quelque chose de très méchant: elle naît de la haine. Et c'est Satan qui crée la haine ». Mensonge et calomnie vont de pair parce qu'ils ont besoin l'un de l'autre pour aller de l'avant. Et sans aucun doute, a ajouté le Pape « là où il y a calomnie, il y a Satan, précisément lui ».
Le Pape François a ensuite pris le psaume 118 de la liturgie du jour pour expliquer l'état d'âme du juste calomnié: « Que des princes tiennent séance et parlent contre moi, ton serviteur médite tes volontés. Ton témoignage, voilà mes délices ». Le juste, dans ce cas est Etienne, le protomartyr auquel faisait référence la première lettre tirée des Actes des apôtres. Etienne « regarde le Seigneur et obéit à la loi ». Il est le premier d'une longue série de témoins du Christ qui ont constellé l'histoire de l'Eglise. Non seulement par le passé, mais également de nos jours, il y a de nombreux martyrs. « Ici à Rome – a ajouté le Saint-Père – nous avons tant de témoignages de martyrs, en commençant par Pierre. Mais le temps des martyrs n'est pas fini: aujourd'hui aussi, nous pouvons dire, en vérité, que l'Eglise a plus de martyrs qu'à l'époque des premiers siècles ».
En effet, l'Eglise « a de nombreux hommes et femmes qui sont calomniés, qui sont persécutés, qui sont tués en haine de Jésus, en haine de la foi ». Certains sont tués parce qu'ils « enseignent le catéchisme », d'autres parce qu'ils « portent la croix ». La calomnie trouve une place dans tant de pays, où les chrétiens sont persécutés. « Ce sont nos frères et soeurs – a-t-il souligné – qui aujourd'hui souffrent, en cette époque de martyrs. Nous devons penser à cela ».
Le Pape a ensuite fait remarquer que notre époque est caractérisée par « plus de martyrs que celle des premiers siècles. Persécutés par la haine: c'est précisément le démon qui sème la haine chez ceux qui accomplissent les persécutions ».
En parlant encore de saint Etienne, le Pape a rappelé que c'était l'un des diacres ordonnés par les apôtres. « Il se révèle plein de grâce et de puissance – a-t-il ajouté – et il accomplissait de grands prodiges, de grands signes chez le peuple, et transmettait l'Evangile. Alors, certains se sont mis à parler avec lui à propos de Jésus, pour savoir si Jésus était le Messie ou pas ». Mais cette discussion devint impétueuse et ceux qui « discutaient avec lui ne réussissaient pas à résister à sa puissance, à sa sagesse, à sa science ». Et qu'ont-ils fait? s'est demandé le Pape.
Au lieu de lui demander des explications, ils sont passés à la calomnie pour le détruire. « Etant donné que la lutte correcte ne les satisfaisait pas – a-t-il dit – la lutte entre personnes bonnes, ils ont emprunté la voie de la lutte vile: la calomnie ». Ils ont trouvé de faux témoins, qui dirent: « Celui-ci ne fait que parler contre ce lieu, contre la Loi de Moïse, contre ceci, contre cela ». Ils avaient fait la même chose avec Jésus. A notre époque caractérisée par « de nombreuses turbulences spirituelles », le Pape a invité à réfléchir sur une icône médiévale de la Vierge. La Vierge qui « couvre de son manteau le peuple de Dieu ». La première antienne latine de la Vierge Marie elle aussi est Sub tuum presidium. « Nous prions la Vierge pour qu'elle nous protège – a-t-il affirmé – et dans les temps de turbulences spirituelles la place la plus sûre est sous le manteau de la Vierge ». C'est en effet la mère qui prend soin de l'Eglise. Et en ce temps de martyrs, elle est un peu la protagoniste de la protection: c'est la maman ».
Le Pape a ensuite invité à avoir confiance en Marie, à lui adresser la prière, qui commence par « Sous ta protection », et à rappeler cette antique antienne où « de son manteau elle couvre son peuple: c'est la maman ».
C'est la chose la plus utile en ce temps de « haine, en ce temps de persécution, en ce temps de turbulences spirituelles », parce que – a-t-il conclu – « l'endroit le plus sûr est sous le manteau de la Vierge ».
Méditation du Saint-Père François, hier soir, au terme de la Via Crucis au Colisée (extraits) :
« Chers frères et sœurs,
PJe vous remercie d'avoir participé nombreux à ce moment d'intense prière. Et je remercie aussi tous ceux qui se sont unis à nous par les moyens de communication, spécialement les personnes malades et les personnes âgées.
Je ne veux pas ajouter beaucoup de paroles. En cette nuit une seule parole doit demeurer, c'est la Croix elle-même. La Croix de Jésus est la Parole par laquelle Dieu a répondu au mal du monde. Parfois il nous semble que Dieu ne répond pas au mal, qu'il demeure silencieux. En réalité Dieu a parlé, a répondu, et sa réponse est la Croix du Christ : une Parole qui est amour, miséricorde, pardon. Elle est aussi jugement : Dieu nous juge en nous aimant. Souvenons-nous. Si j'accueille son amour je suis sauvé, si je le refuse je suis condamné, non par lui, mais par moi-même, parce que Dieu ne condamne pas, lui aime et sauve seulement.
Chers frères et sœurs, la parole de la Croix est aussi la réponse des chrétiens au mal qui continue à agir en nous et autour de nous. Les chrétiens doivent répondre au mal par le bien, en prenant sur eux la croix, comme Jésus. (...)
Alors continuons ce Chemin de Croix dans la vie de tous les jours ! Marchons ensemble sur le chemin de la Croix, marchons en portant dans le cœur cette parole d'amour et de pardon. Marchons en attendant la Résurrection de Jésus ! Qui nous aime tant. Il est tout amour ! »