Un regard lumineux sur la fin de vie
Exposition. Luc Chessex déroule une galerie de portraits pour évoquer les soins palliatifs dans l’exposition du Musée de la main.
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«Maintenant c’est fini la colère, on passe par des stades… Je sais où je vais mais j’ai besoin de savoir si je vais avoir le temps de m’organiser avant mon départ. Et ça, c’est important.» Les paroles de Martine Cavuscens interpellent le visiteur comme les autres témoignages de ces hommes et de ces femmes pour qui les jours sont désormais comptés. Dans la nouvelle exposition temporaire du Musée de la main à Lausanne, «Le temps qui reste», le sens de la vie prend une nouvelle dimension. A travers la force des regards de cette galerie de portraits capturés avec pudeur et empathie par le Lausannois Luc Chessex.
«Nous voulions montrer la diversité des soins palliatifs, qui ne se résument pas exclusivement à la fin de vie et qui touchent aussi différentes tranches d’âge», explique Catherine Hoenger, responsable du programme cantonal de soins palliatifs. Des malades côtoient des professionnels, infirmiers, bénévoles, pasteurs ou encore psychologues. Sous les photos, chacun explique à sa façon comment il vit son quotidien. Les clichés, en grand format, sont tous positionnés à hauteur d’yeux. «Qu’est-ce qui se passe lorsqu’on se retrouve face à ces personnes? Comment communique-t-on avec elles et comment cela résonne à l’intérieur de soi?» Toutes ces questions qui touchent aussi bien les proches que les professionnels sont au cœur de l’exposition, précise Jean-Michel Capt, art-thérapeute et concepteur du projet.
Une perception lucide
Il a rencontré chaque participant individuellement. «Je n’ai essuyé qu’un seul refus. L’idée était de montrer que tout un chacun, malgré la maladie, reste une personne à part entière.» On ne connaît donc que leur nom. Certains sont décédés depuis le début du projet, lancé en 2014. Face à ces regards parfois intenses, parfois vifs ou rieurs, le visiteur ne voit pas le malade. «Les patients en soins palliatifs ont une perception beaucoup plus lucide et éclairée de ce qui donne du sens à leur vie que les gens bien portants», observe Gian Domenico Borasio, chef du service de soins palliatifs du CHUV.
Cette clairvoyance, Luc Chessex l’a saisie avec justesse. «Avant d’accepter ce mandat, je ne connaissais des soins palliatifs que les clichés habituels associés au mouroir, explique le photographe. J’ai découvert que c’était bien plus complexe, que les malades n’étaient pas seuls, que les familles étaient entourées. Cela m’a rassuré de savoir qu’il existe ce genre de structure et d’accompagnement.» A 79 ans, il n’imaginait pas vivre aussi longtemps et dépasser l’âge de ses propres parents. «C’est plus délicat de photographier un malade qu’un sportif recevant une médaille car on se projette forcément un peu.»
Savoir accepter
Pour chacun, il s’est rendu chez eux, les a photographiés dans un endroit cher avec un objet auquel ils étaient attachés. Une cigarette, une croix, une rose ou encore un doudou pour les plus jeunes. Il garde une émotion particulière pour Maria-Pia Ardin, aujourd’hui disparue. «Elle était tellement vivante et avait toujours plein de projets. Pour la photo, elle avait finalement renoncé à mettre sa perruque.» Son dernier message «ne pas baisser les bras, pouvoir se révolter, d’accord, ensuite il faut savoir accepter» témoigne de sa force face à la Grande Faucheuse.
Source : 24heures.ch