Communion de prière pour la Vie : "Jésus, Marie, protégez la vie " ! (ou toute autre prière à Dieu)

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Message du Saint-Père à l’occasion de la IVe Journée mondiale des grands-parents et des personnes âgées

“Dans ma vieillesse, ne m’abandonne pas” (cf. Ps 70, 9)

Chers frères et sœurs !

Dieu n’abandonne pas ses enfants, jamais. Même lorsque l’âge avance et que les forces diminuent, lorsque les cheveux blanchissent et que le rôle social disparaît, lorsque la vie devient moins productive et risque de paraître inutile. Il ne regarde pas les apparences (1 S 16, 7) et n’hésite pas à choisir ceux qui, aux yeux d’un grand nombre, semblent insignifiants. Il n’écarte aucune pierre. Au contraire, les plus “anciennes” sont la base solide sur laquelle les pierres “nouvelles” peuvent s’appuyer pour construire ensemble l’édifice spirituel (cf. 1 P 2, 5).

La proximité de Dieu en toute saison de la vie

Toute l’Écriture Sainte est un récit de l’amour fidèle du Seigneur d’où émerge une certitude réconfortante : Dieu continue à nous montrer sa miséricorde, toujours, dans toutes les phases de la vie et dans n’importe quelle condition où nous sommes, même dans nos trahisons. Les psaumes sont remplis de l’émerveillement du cœur humain devant Dieu qui prend soin de nous, malgré notre petitesse (cf. Ps143, 3-4). Ils nous assurent que Dieu nous a tous tissés dès le sein maternel (cf. Ps 138,13) et qu’il n’abandonnera pas notre vie (cf. Ps 15,10), même dans les enfers. Nous pouvons donc être sûrs que, même dans la vieillesse, Il sera proche de nous d’autant plus que, dans la Bible, vieillir est signe de bénédiction.

Et pourtant nous trouvons aussi dans les psaumes cette invocation pressante faite au Seigneur : « Ne me rejette pas maintenant que j’ai vieilli » (Ps 70, 9). Une expression forte, très crue. Elle fait penser à la souffrance extrême de Jésus qui cria sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27, 46).

La crainte de l’abandon

Nous trouvons donc dans la Bible la certitude de la proximité de Dieu en toute saison de la vie et, en même temps, la crainte de l’abandon, en particulier dans la vieillesse et dans les moments de souffrance. Ce n’est pas contradictoire. En regardant autour de nous, nous n’avons pas de mal à voir comment ces expressions reflètent une réalité plus qu’évidente. Trop souvent, la solitude est la compagne amère de notre vie, nous qui sommes des personnes âgées et des grands-parents. En tant qu’évêque de Buenos Aires, il m’est souvent arrivé de visiter des maisons de retraite et de me rendre compte à quel point ces personnes recevaient rarement des visites : certaines n’avaient pas vu leurs proches depuis de nombreux mois.

(à suivre)

Source : vatican.va

 


MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS POUR LA XXXIIème JOURNÉE MONDIALE DU MALADE

11 février 2024

« Il n’est pas bon que l’homme soit seul ».

Soigner le malade en soignant les relations

« Il n’est pas bon que l’homme soit seul » (Gn 2, 18). Dès le début, Dieu, qui est amour, a créé l'être humain pour la communion, en inscrivant dans son être la dimension des relations. Ainsi, notre vie, modelée à l'image de la Trinité, est appelée à se réaliser pleinement dans le dynamisme des relations, de l'amitié et de l'amour réciproque. Nous sommes créés pour être ensemble, et non pour être seuls. Et c'est justement parce que ce projet de communion est inscrit si profondément dans le cœur de l'homme que l'expérience de l'abandon et de la solitude nous effraie et est douloureuse, voire inhumaine. Elle l’est encore plus dans les moments de fragilité, d'incertitude et d'insécurité, souvent provoqués par l'apparition d'une maladie grave.

Je pense, par exemple, à ceux qui se sont retrouvés terriblement seuls durant la pandémie de Covid-19 : les patients qui ne pouvaient pas recevoir de visites, mais aussi les infirmiers, les médecins et le personnel de soutien, tous débordés et enfermés dans des salles d'isolement. Et bien sûr, n'oublions pas ceux qui ont dû affronter l'heure de la mort tout seuls, soignés par le personnel de santé mais loin de leurs familles.

En même temps, je partage avec douleur la détresse et la solitude de ceux qui, à cause de la guerre et de ses conséquences tragiques, se retrouvent sans soutien ni assistance : la guerre est la plus terrible des maladies sociales et les personnes les plus fragiles en paient le prix le plus élevé.

Il faut cependant souligner que même dans les pays qui jouissent de la paix et de ressources plus importantes, le temps de la vieillesse et de la maladie est souvent vécu dans la solitude et parfois même dans l'abandon. Cette triste réalité est avant tout une conséquence de la culture de l'individualisme, qui exalte la performance à tout prix et cultive le mythe de l'efficacité, devenant indifférente et même impitoyable lorsque les personnes n'ont plus la force nécessaire pour suivre le rythme. Elle devient alors une culture du rejet, dans laquelle « les personnes ne sont plus perçues comme une valeur fondamentale à respecter et à protéger, surtout celles qui sont pauvres ou avec un handicap, si elles “ne servent pas encore” – comme les enfants à naître –, ou “ne servent plus” – comme les personnes âgées » (Enc. Fratelli tutti, n. 18). Malheureusement, cette logique imprègne également certains choix politiques, qui ne mettent pas au centre la dignité de la personne humaine et ses besoins, et ne favorisent pas toujours les stratégies et les ressources nécessaires pour garantir à chaque être humain le droit fondamental à la santé et à l'accès aux soins. Dans le même temps, l'abandon des personnes fragiles et leur solitude sont également favorisés par la réduction des soins aux seuls services de santé, sans que ceux-ci soient judicieusement accompagnés d'une “alliance thérapeutique” entre médecin, patient et membre de la famille.

Cela nous fait du bien de réentendre cette parole biblique : il n'est pas bon que l'homme soit seul ! Dieu la prononce au tout début de la création et nous révèle ainsi le sens profond de son projet pour l'humanité mais, en même temps, la blessure mortelle du péché, qui s'introduit en générant soupçons, fractures, divisions et, donc, isolement. Il affecte la personne dans toutes ses relations : avec Dieu, avec elle-même, avec les autres, avec la création. Cet isolement nous fait perdre le sens de l'existence, nous prive de la joie de l'amour et nous fait éprouver un sentiment oppressant de solitude dans tous les passages cruciaux de la vie.

Frères et sœurs, le premier soin dont nous avons besoin dans la maladie est une proximité pleine de compassion et de tendresse. Prendre soin de la personne malade signifie donc avant tout prendre soin de ses relations, de toutes ses relations : avec Dieu, avec les autres – famille, amis, personnel soignant –, avec la création, avec soi-même. Est-ce possible ? Oui, c'est possible et nous sommes tous appelés à nous engager pour que cela devienne réalité. Regardons l'icône du Bon Samaritain (cf. Lc 10, 25-37), sa capacité à ralentir son rythme et à se faire proche, la tendresse avec laquelle il soulage les blessures de son frère souffrant.

Rappelons-nous cette vérité centrale de notre vie : nous sommes venus au monde parce que quelqu'un nous a accueillis, nous sommes faits pour l'amour, nous sommes appelés à la communion et à la fraternité. Cette dimension de notre être nous soutient particulièrement dans les moments de maladie et de fragilité, et c'est la première thérapie que nous devons adopter tous ensemble pour guérir les maladies de la société dans laquelle nous vivons.

À vous qui vivez la maladie, qu'elle soit passagère ou chronique, je voudrais dire : n'ayez pas honte de votre désir de proximité et de tendresse ! Ne le cachez pas et ne pensez jamais que vous êtes un fardeau pour les autres. La condition des malades nous invite tous à freiner les rythmes exaspérés dans lesquels nous sommes plongés et à nous redécouvrir.

Dans ce changement d’époque que nous vivons, nous, chrétiens, sommes particulièrement appelés à adopter le regard compatissant de Jésus. Prenons soin de ceux qui souffrent et qui sont seuls, peut-être marginalisés et rejetés. Avec l'amour mutuel, que le Christ Seigneur nous donne dans la prière, en particulier dans l'Eucharistie, guérissons les blessures de la solitude et de l'isolement. Et ainsi, coopérons pour contrer la culture de l'individualisme, de l'indifférence, du rejet, et pour faire grandir la culture de la tendresse et de la compassion.

Les malades, les fragiles, les pauvres sont au cœur de l'Église et doivent aussi être au centre de nos attentions humaines et de nos sollicitudes pastorales. Ne l'oublions pas ! Et confions-nous à la Très Sainte Vierge Marie, Santé des malades, pour qu'elle intercède pour nous et nous aide à être des artisans de proximité et de relations fraternelles.

Rome, Saint-Jean-de-Latran, 10 janvier 2024

FRANÇOIS

Source : vatican.va

Proximité et affection envers les malades en phase terminale

Intention de prière du Pape François, 02/2024

Lorsque certaines personnes parlent de maladie en phase terminale, elles confondent deux mots : incurable et non soignable. Ce n’est pas la même chose.

Même lorsque les chances de guérison sont très faibles, tous les malades ont droit à un accompagnement médical, à un accompagnement psychologique, à un accompagnement spirituel et à un accompagnement humain.

Parfois, ils ne peuvent pas parler, parfois nous pensons qu’ils ne nous reconnaissent pas, mais si nous leur prenons la main, nous comprenons qu’ils sont en syntonie avec nous.

La guérison n’est pas toujours possible. Mais nous pouvons toujours prendre soin des malades et les caresser.
Saint Jean-Paul II disait que « guérir si possible, toujours prendre soin ».

C’est là qu’interviennent les soins palliatifs, qui garantissent au patient non seulement des soins médicaux, mais également un accompagnement humain de proximité.

Les familles ne peuvent pas être laissées seules dans ces moments difficiles.

Leur rôle est déterminant. Elles doivent avoir les moyens de garantir un soutien physique, un soutien spirituel et un soutien social.

Prions pour que les malades en phase terminale, ainsi que leurs familles, bénéficient toujours d’un accompagnement médical et humain de qualité.

Source : thepopevideo.org

 

Le Pape François lors de son discours conclusif des Rencontres méditerranéennes au palais du Pharo de Marseille, où se trouvait le président français Emmanuel Macron :

23/09/2023, extrait

"Qui écoute les gémissements des personnes âgées isolées qui, au lieu d'être valorisées, sont parquées dans la perspective faussement digne d'une mort douce, en réalité plus salée que les eaux de la mer ? Qui pense aux enfants à naître, rejetés au nom d'un faux droit au progrès, qui est au contraire une régression de l'individu ?"

Source : vatican.va

 

Conférence de presse du Pape François au retour de son voyage apostolique à Marseille

23/09/2023 (extrait)

 

Clément Melki de l'Agence France-Presse (AFP)

Bonsoir, Saint-Père. Vous avez rencontré Emmanuel Macron ce matin après avoir exprimé votre désaccord concernant l'euthanasie. Le gouvernement français s'apprête à adopter une loi controversée sur la fin de vie, pourriez-vous nous dire ce que vous avez dit au Président français à ce sujet ? Et si vous pensez pouvoir lui faire changer d'avis ? Je vous remercie.

Pape François

Nous n'en avons pas parlé aujourd'hui, mais nous en avons parlé lors de l’autre visite, lorsque nous nous sommes rencontrés, et je me suis exprimé clairement lorsqu'il est venu au Vatican.

Je lui ai dit clairement mon opinion, clairement : on ne joue pas avec la vie, ni au début ni à la fin, on ne joue pas. Et ce n'est pas mon avis, c'est qu'il faut protéger la vie ! Parce que tu finiras avec cette politique de sans-douleur, d’euthanasie humaniste...

À ce propos, je voudrais réitérer l'invitation à lire un livre : il s'agit d'un roman de 1907, intitulé "Le seigneur du monde" The Lord of the World ou The Lord of the Earth, qui porte les deux titres. L'auteur est Benson, un écrivain futuriste : il montre comment les choses seront à la fin. Tout est... on supprime les différences, toutes ; et on supprime les douleurs, toutes ; et l'euthanasie est l’une de ces choses : la mort douce ; et la sélection avant la naissance... Cela nous montre comment cet homme avait vu d’avance les conflits actuels.

Aujourd'hui, prenons garde aux colonisations idéologiques qui détruisent la vie humaine, qui vont contre la vie humaine.

Aujourd'hui, on supprime la vie des grands-parents, par exemple, alors que la richesse humaine passe par le dialogue des petits-enfants avec les grands-parents. On supprime, ils sont vieux, ils ne servent à rien. On ne joue pas avec la vie.

Cette fois-ci, je n'en ai pas parlé avec le président, mais la dernière fois oui, lorsqu'il est venu, et j'ai dit ce que je pensais : on ne joue pas avec la vie. Qu'il s'agisse de la loi interdisant à un enfant de grandir dans le ventre de sa mère ou de la loi sur l'euthanasie en cas de maladie ou de vieillesse.

Et je ne dis pas que c'est une question de foi, non, c'est une chose humaine, humaine. Il s’agit d’une forme hideuse de compassion. Aujourd'hui, la science est parvenue à faire en sorte que certaines maladies douloureuses soient moins douloureuses et les accompagne de nombreux médicaments. Mais avec la vie, on ne joue pas. Avec la vie, on ne joue pas.

Source : vatican.va

 

 

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS
À L'OCCASION DE LA
3ème JOURNÉE MONDIALE DES GRANDS-PARENTS ET DES PERSONNES ÂGÉES

23 juillet 2023

« Sa miséricorde s’étend d’âge en âge » (Lc 1, 50)

Chers frères et sœurs !

« Sa miséricorde s’étend d’âge en âge » (Lc 1, 50) : c’est le thème de la 3ème Journée Mondiale des Grands-Parents et des Personnes Âgées. C’est un thème qui nous renvoie à une rencontre bénie : la rencontre entre la jeune Marie et sa parente âgée Élisabeth (cf. Lc 1, 39-56). Cette dernière, remplie de l’Esprit Saint, adresse à la Mère de Dieu des paroles qui, des milliers d’années plus tard, rythment notre prière quotidienne : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni » (v. 42). Et l’Esprit Saint, déjà descendu sur Marie, l’inspire à répondre par le Magnificat, où elle proclame que la miséricorde du Seigneur s’étend d’âge en âge. L’Esprit Saint bénit et accompagne toute rencontre fructueuse entre les différentes générations, entre grands-parents et petits-enfants, entre jeunes et personnes âgées. Dieu désire en effet que les jeunes réjouissent le cœur des personnes âgées et qu’ils puisent la sagesse de leurs expériences, comme Marie l’a fait avec Élisabeth. Mais, avant tout, le Seigneur désire que nous ne laissions pas les personnes âgées seules, que nous ne les reléguions pas en marge de la vie, comme c’est malheureusement trop souvent le cas aujourd’hui.

Cette année, la proximité entre la célébration de la Journée Mondiale des Grands-Parents et des Personnes Âgées et celle des Journées Mondiales de la Jeunesse est belle ; toutes les deux ont pour thème “la hâte” (cf. v. 39) de Marie à rendre visite à Élisabeth et nous amènent à réfléchir sur le lien entre jeunes et personnes âgées. Le Seigneur souhaite que les jeunes, en les rencontrant, accueillent l’appel à préserver la mémoire, et qu’ils reconnaissent, grâce à elles, le don d’appartenir à une histoire plus grande. L’amitié d’une personne âgée aide le jeune à ne pas réduire sa vie au présent et à se rappeler que tout ne dépend pas de ses propres capacités. Pour les plus âgés, en revanche, la présence d’un jeune ouvre l’espérance que ce qu’ils ont vécu ne sera pas perdu et que leurs rêves se réaliseront. En définitive, la visite de Marie à Élisabeth, et la conscience que la miséricorde du Seigneur se transmet d’une génération à l’autre, révèlent que nous ne pouvons pas avancer – ni même nous sauver – tout seuls et que l’intervention de Dieu se manifeste toujours ensemble, dans l’histoire d’un peuple. C’est Marie elle-même qui le dit dans le Magnificat, en exultant en Dieu qui a accompli des merveilles nouvelles et surprenantes, fidèle à la promesse faite à Abraham (cf. v. 51-55).

Pour mieux accueillir le style de l’agir de Dieu, rappelons-nous que le temps doit être vécu dans sa plénitude, parce que les réalités les plus grandes et les rêves les plus beaux ne se réalisent pas en un instant, mais à travers une croissance et une maturation : en chemin, en dialogue, en relation. C’est pourquoi ceux qui se concentrent uniquement sur l’immédiat, sur leurs propres avantages à obtenir rapidement et avec avidité, sur le “tout et maintenant”, perdent de vue l’action de Dieu. Au contraire, son projet d’amour s’étend sur le passé, le présent et l’avenir, il embrasse et relie les générations. C’est un projet qui va au-delà de nous-mêmes, mais où chacun est important et, surtout, est appelé à aller plus loin. Pour les plus jeunes, il s’agit d’aller au-delà de l’immédiat où la réalité virtuelle nous enferme et nous détourne souvent de l’action concrète. Pour les plus âgés, il s’agit de ne pas s’attarder sur les forces qui s’affaiblissent et de ne pas regretter les occasions perdues. Regardons vers l’avant ! Laissons-nous modeler par la grâce de Dieu qui, d’âge en âge, nous libère de l’immobilisme et des regrets du passé !

Dans la rencontre entre Marie et Élisabeth, entre jeunes et personnes âgées, Dieu nous donne son avenir. En effet, le chemin de Marie et l’accueil d’Élisabeth ouvrent la porte à la manifestation du salut : à travers leur étreinte, sa miséricorde fait irruption dans l’histoire humaine avec une joyeuse douceur. Je voudrais donc inviter chacun à penser à cette rencontre, mieux, à fermer les yeux et à imaginer un instant cette étreinte entre la jeune Mère de Dieu et la vieille mère de saint Jean-Baptiste ; à se la représenter dans l’esprit et à la visualiser dans le cœur, pour la fixer dans l’âme comme une lumineuse icône intérieure.

Et j’invite ensuite à passer de l’imagination au concret en faisant quelque chose pour étreindre les grands-parents et les personnes âgées. Ne les laissons pas seuls, leur présence dans les familles et les communautés est précieuse, elle nous donne la conscience de partager le même héritage et de faire partie d’un peuple où l’on conserve les racines. Oui, ce sont les personnes âgées qui nous transmettent notre appartenance au Peuple saint de Dieu. L’Église, tout comme la société, a besoin d’elles. Elles livrent au présent un passé nécessaire pour construire l’avenir. Honorons-les, ne nous privons pas de leur compagnie et ne les privons pas de la nôtre, ne permettons pas qu’elles soient rejetées !

La Journée Mondiale des Grands-Parents et des Personnes Âgées veut être un petit signe délicat d’espérance pour eux et pour toute l’Église. Je renouvelle donc mon invitation à tous – diocèses, paroisses, associations, communautés – à la célébrer en mettant l’accent sur la joie débordante d’une rencontre renouvelée entre jeunes et personnes âgées. À vous jeunes, qui vous préparez à partir pour Lisbonne ou qui vivrez les Journées Mondiales de la Jeunesse chez vous, je voudrais dire : avant de vous mettre en route, allez rendre visite à vos grands-parents, rendez visite à une personne âgée qui vit seule ! Sa prière vous protégera et vous porterez dans votre cœur la bénédiction de cette rencontre. À vous personnes âgées, je demande d’accompagner par la prière les jeunes qui s’apprêtent à célébrer les JMJ. Ces jeunes sont la réponse de Dieu à vos demandes, le fruit de ce que vous avez semé, le signe que Dieu n’abandonne pas son peuple, mais qu’Il le rajeunit toujours avec l’imagination de l’Esprit Saint.

Chers grands-parents, chers frères et sœurs âgés, que la bénédiction de l’étreinte entre Marie et Élisabeth vous parvienne et qu’elle remplisse vos cœurs de paix. Je vous bénis avec affection. Et vous, s’il vous plaît, priez pour moi.

Rome, Saint-Jean-de-Latran, 31 mai 2023, Fête de la Visitation de la Vierge Marie.

FRANÇOIS

Source : vatican.va

 

 

 

Catéchèse sur la vieillesse - 18. Les douleurs de la création. L'histoire de la créature comme mystère de gestation

par Pape François, audience générale, 24/08/2022

Chers frères et sœurs, bonjour!

Nous avons récemment célébré l'Assomption au ciel de la Mère de Jésus. Ce mystère illumine l'accomplissement de la grâce qui a façonné le destin de Marie, et illumine aussi notre destination. La destination est le ciel. Avec cette image de la Vierge élevée au ciel, je voudrais conclure le cycle de catéchèse sur la vieillesse. En occident, nous la contemplons élevée vers le haut, enveloppée d'une lumière glorieuse ; en orient, elle est représentée allongée, endormie, entourée des apôtres en prière tandis que le Seigneur Ressuscité la porte entre ses mains comme un enfant.

La théologie a toujours réfléchi sur le rapport de cette « assomption » singulière avec la mort, que le dogme ne définit pas. Je pense qu'il serait encore plus important d'expliciter la relation de ce mystère avec la résurrection du Fils, qui ouvre la voie de la génération à la vie pour nous tous. Dans l'acte divin de la réunion de Marie avec le Christ ressuscité, la corruption corporelle normale de la mort humaine n'est pas simplement transcendée, plus encore, l'assomption corporelle de la vie de Dieu est anticipée. En effet, le destin de la résurrection qui nous concerne est anticipé : car selon la foi chrétienne, le Ressuscité est le premier-né de nombreux frères et sœurs. Le Seigneur Ressuscité est Celui qui est allé le premier, qui est ressuscité avant tous, puis nous irons à notre tour : c'est notre destin : ressusciter.

Nous pourrions dire — en suivant la parole de Jésus à Nicodème — que c'est un peu comme une seconde naissance (cf. Jn 3, 3-8). Si la première a été une naissance sur terre, la seconde est une naissance au ciel. Ce n'est pas un hasard si l'apôtre Paul, dans le texte lu au début, parle des douleurs de l'enfantement (cf. Rm 8, 22). De même que, dès que nous sortons du ventre de notre mère, c'est toujours nous, le même être humain qui était dans le ventre de notre mère, ainsi, après la mort, nous naissons au ciel, dans l'espace de Dieu, et c'est encore nous qui avons marché sur cette terre. De façon analogue à ce qui est arrivé à Jésus : le Ressuscité est toujours Jésus : il ne perd pas son humanité, son vécu, ni même sa corporéité, non, car sans elle, ce ne serait plus Lui, ce ne serait pas Jésus : c'est-à-dire avec son humanité, avec son vécu.

C’est ce que nous dit l'expérience des disciples, auxquels il apparaît pendant quarante jours après sa résurrection. Le Seigneur montre les blessures qui ont scellé son sacrifice ; mais elles ne sont plus la laideur de la déchéance douloureusement subie, elles sont désormais la preuve indélébile de son amour fidèle jusqu'au bout. Jésus ressuscité avec son corps vit dans l'intimité trinitaire de Dieu ! Et en elle il ne perd pas la mémoire, il n'abandonne pas son histoire, il ne dissout pas les relations dans lesquelles il a vécu sur terre. Il a promis à ses amis : «Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi» (Jn 14, 3). Il est allé préparer la place pour nous tous et après avoir préparé une place, il viendra. Il ne viendra pas seulement à la fin pour tous, il viendra à chaque fois pour chacun de nous. Il viendra nous chercher pour nous conduire à Lui. En ce sens, la mort est un peu un pas vers la rencontre avec Jésus qui m'attend pour me conduire à lui.

Le Ressuscité vit dans le monde de Dieu, où il y a une place pour chacun, où se forme une nouvelle terre et où se construit la cité céleste, demeure définitive de l'homme. Nous ne pouvons imaginer cette transfiguration de notre corporéité mortelle, mais nous sommes sûrs qu'elle conservera nos visages reconnaissables et nous permettra de rester humains dans le ciel de Dieu. Elle nous permettra de participer, avec une émotion sublime, à l'exubérance infinie et heureuse de l'acte créateur de Dieu, dont nous vivrons directement les interminables aventures.

Quand Jésus parle du Royaume de Dieu, il le décrit comme un repas de noces, comme une fête entre amis, comme le travail qui rend la maison parfaite : c'est la surprise qui rend la moisson plus riche que les semailles. Prendre au sérieux les paroles évangéliques sur le Royaume permet à notre sensibilité de jouir de l'amour actif et créatif de Dieu, et nous met en harmonie avec la destination inouïe de la vie que nous semons. Dans notre vieillesse, chers et chères personnes de mon âge, et je m'adresse aux « vieux messieurs » et aux « vieilles dames », dans notre vieillesse l'importance de tant de « détails » dont la vie est faite — une caresse, un sourire, un geste, un travail apprécié, une surprise inattendue, une gaieté hospitalière, un lien fidèle — devient plus aigu. L'essentiel de la vie, qui à l’approche de notre départ, nous est le plus cher, nous apparaît définitivement clair. Voilà : cette sagesse de la vieillesse est le lieu de notre gestation qui illumine la vie des enfants, des jeunes, des adultes et de toute la communauté. Nous, « vieux », devrions être cela pour les autres : lumière pour les autres. Toute notre vie apparaît comme une graine qui devra être enterrée pour que sa fleur et son fruit naissent. Elle naîtra, avec le reste du monde. Non sans affres, non sans douleur, mais elle naîtra (cf. Jn 16, 21-23). Et la vie du corps ressuscité sera cent mille fois plus vivante que nous ne l'avons goûtée sur cette terre (cf. Mc 10, 28-31).

Ce n'est pas un hasard si le Ressuscité, en attendant les apôtres au bord du lac, fait rôtir du poisson (cf. Jn 21, 9) puis le leur offre. Ce geste d'amour attentionné nous fait prendre conscience de ce qui nous attend quand nous passons sur l'autre rive. Oui, chers frères et sœurs, surtout vous les personnes âgées, le meilleur de la vie doit encore venir ; « Mais nous sommes vieux, qu'avons-nous de plus à attendre ?». Le meilleur, parce que le meilleur de la vie reste à venir. Nous espérons cette plénitude de vie qui nous attend tous, lorsque le Seigneur nous appellera. Que la Mère du Seigneur et notre Mère, qui nous a précédée au Paradis, nous rende la trépidation de l'attente car ce n'est pas une attente anesthésiée, ce n'est pas une attente ennuyée, non, c'est une attente avec trépidation : « Quand mon Seigneur viendra-t-il ? Quand pourrai-je y aller ?». Un peu de peur car je ne sais pas ce que ce passage veut dire et passer cette porte me fait un peu peur, mais il y a les toujours la main du Seigneur qui vous porte de l’avant et à travers la porte, il y a la fête. Nous sommes attentifs, vous chers « vieux messieurs » et chères « vieilles dames », personnes de mon âge, nous sommes attentifs, Il nous attend, seulement un passage et puis la fête.

Source : vatican.va

 

 

Catéchèse sur la vieillesse: 17. L'" Ancien des Jours ". La vieillesse rassure quant à la destination de la vie qui ne meurt plus

par Pape François, audience générale, 10/08/2022

Chers frères et sœurs, bonjour !

Les paroles du rêve de Daniel, que nous avons entendues, évoquent une vision de Dieu à la fois mystérieuse et lumineuse. Elle est reprise au début du livre de l’Apocalypse et se réfère à Jésus ressuscité, qui apparaît au Voyant comme Messie, Prêtre et Roi, éternel, omniscient et immuable (1, 12-15). Il pose sa main sur l’épaule du Voyant et le rassure: «Ne crains pas, je suis le Premier et le Dernier, le Vivant; je fus mort, et me voici vivant pour les siècles des siècles» (vv. 17-18). Ainsi disparaît la dernière barrière de peur et d’angoisse que la théophanie a toujours suscitée: le Vivant nous rassure, nous donne une sécurité. Lui aussi est mort, mais il occupe désormais la place qui lui est destinée: celle du Premier et du Dernier.

Dans cet enchevêtrement de symboles — il y a ici beaucoup de symboles — il y a un aspect qui aide sans doute à mieux comprendre le lien de cette théophanie, cette apparition de Dieu, avec le cycle de la vie, le temps de l’histoire, la seigneurie de Dieu pour le monde créé. Et cet aspect a précisément à voir avec la vieillesse. Qu’est-ce que ça a à voir? Voyons.

La vision communique une impression de vigueur et de force, de noblesse, de beauté et de fascination. Le vêtement, les yeux, la voix, les pieds, tout est splendide dans cette vision: c’est une vision! Cependant, ses cheveux sont blancs: comme la laine, comme la neige. Comme ceux d’un vieil homme. Le terme biblique le plus répandu pour désigner les personnes âgées est «zaqen»: de «zaqan», qui signifie «barbe». La chevelure blanche est le symbole antique d’un temps très long, d’un passé immémorial, d’une existence éternelle. Il ne faut pas tout démythifier avec les enfants: l’image d’un Dieu vieillard aux cheveux blancs n’est pas un symbole infantile, c’est une image biblique, c’est une image noble et aussi une image tendre. La Figure qui dans l’Apocalypse se trouve entre les chandeliers d’or se superpose à celle de «l’Ancien des jours» de la prophétie de Daniel. Il est aussi vieux que toute l’humanité, mais plus encore. Il est ancien et nouveau comme l’éternité de Dieu. Parce que l’éternité de Dieu est ainsi, ancienne et nouvelle, parce que Dieu nous surprend toujours par sa nouveauté, il vient toujours à notre rencontre, chaque jour d’une manière spéciale, pour ce moment, pour nous. Il se renouvelle toujours: Dieu est éternel, il a toujours été, on peut dire qu’il y a comme une vieillesse en Dieu, ce n’est pas ainsi, mais il est éternel, il se renouvelle.

Dans les Eglises orientales, la fête de la Rencontre avec le Seigneur, qui est célébrée le 2 février, est l’une des douze grandes fêtes de l’année liturgique. Elle met en avant la rencontre de Jésus avec le vieux Siméon au temple, elle met en avant la rencontre entre l’humanité, représentée par les vieillards Siméon et Anne, et le Christ Seigneur enfant, le Fils éternel de Dieu fait homme. On peut en admirer une très belle icône à Rome, dans les mosaïques de Santa Maria in Trastevere.

La liturgie byzantine prie avec Siméon: «Celui-ci est celui qui est né de la Vierge: il est le Verbe, Dieu né de Dieu, Celui qui pour nous s’est incarné et a sauvé l’homme». Et elle poursuit: «Que s’ouvre aujourd’hui la porte du ciel: le Verbe éternel du Père, ayant assumé un principe temporel, sans sortir de sa divinité, est présenté selon sa volonté au temple de la Loi par la Vierge Mère et le vieillard le prend entre ses bras». Ces paroles expriment la profession de foi des quatre premiers Conciles œcuméniques, qui sont sacrés pour toutes les Eglises. Mais le geste de Siméon est également la plus belle icône de la vocation particulière de la vieillesse: en regardant Siméon, nous regardons l’icône la plus belle de la vieillesse: présenter les enfants qui viennent au monde comme un don ininterrompu de Dieu, sachant que l’un d’eux est le Fils engendré dans l’intimité même de Dieu, avant tous les siècles.

La vieillesse, qui s’achemine vers un monde où pourra enfin irradier sans obstacles l’amour que Dieu a placé dans la création, doit accomplir ce geste de Siméon et Anne, avant de prendre congé. La vieillesse doit rendre témoignage — ceci est pour moi le noyau, le plus central de la vieillesse — la vieillesse doit rendre témoignage aux enfants de leur bénédiction: elle consiste dans leur initiation — belle et difficile — au mystère d’une destination à la vie que personne ne peut anéantir. Pas même la mort. Donner un témoignage de foi devant un enfant, c’est semer cette vie; et donner un témoignage d’humanité et de foi, c’est la vocation des personnes âgées. Donner aux enfants la réalité qu’elles ont vécue comme un témoignage, passer le témoin. Nous, personnes âgées, sommes appelées à cela, à passer le témoin, pour qu’ils continuent de le porter de l’avant.

Le témoignage des personnes âgées est crédible pour les enfants: les jeunes et les adultes ne sont pas en mesure de l’apporter de façon aussi authentique, aussi tendre, aussi poignante, que ce que peuvent faire les personnes âgées, les grands-parents. Quand la personne âgée bénit la vie qui vient à elle, en déposant tout ressentiment à l’égard de la vie qui s’en va, elle est irrésistible. Elle n’est pas amère parce que le temps passe et qu’elle va s’en aller, non. Elle est avec cette joie du bon vin, du vin qui s’est bonifié avec les années. Le témoignage des personnes âgées unit les âges de la vie et les dimensions mêmes du temps: passé, présent et futur, parce qu’elles ne sont pas seulement la mémoire, elles sont le présent et également la promesse. Il est douloureux — et nuisible — de voir que l’on conçoit les âges de la vie comme des mondes séparés, en compétition entre eux, qui cherchent à vivre chacun aux dépends de l’autre: cela ne va pas. L’humanité est ancienne, très ancienne, si nous regardons le temps de la montre. Mais le Fils de Dieu, qui est né d’une femme, est le Premier et le Dernier de tous les temps. Cela veut dire que personne ne tombe en dehors de son éternelle génération, en dehors de sa force splendide, en dehors de sa proximité bienveillante.

L’alliance — et je dis alliance — l’alliance des personnes âgées et des enfants sauvera la famille humaine. Là où les enfants, là où les jeunes parlent avec les personnes âgées, il y a un avenir; si ce dialogue n’existe pas entre les personnes âgées et les jeunes, l’avenir ne s’entrevoit pas clairement. L’alliance des personnes âgées et des enfants sauvera la famille humaine. Pourrions-nous, s’il vous plaît, rendre aux enfants, qui doivent apprendre à naître, le tendre témoignage des personnes âgées qui possèdent la sagesse de la mort? Cette humanité qui, avec tous ses progrès, nous semble un adolescent né hier, pourra-t-elle retrouver la grâce d’une vieillesse qui tient fermement l’horizon de notre destination? La mort est certainement un passage de la vie difficile, pour nous tous: c’est un passage difficile. Nous devons tous y aller, mais ce n’est pas facile. Mais la mort est également le passage qui ferme le temps de l’incertitude et se débarrasse de la montre: c’est difficile parce que c’est cela le passage de la mort. Parce que ce que ce que la vie a de beau, et qui n’a plus d’échéance, commence alors vraiment. Mais cela commence à partir de la sagesse de cet homme et de cette femme, âgés, qui sont capables de passer le témoin aux jeunes. Pensons au dialogue, à l’alliance des personnes âgées et des enfants, des personnes âgées avec les jeunes, et faisons en sorte que ce lien ne soit pas rompu. Que les personnes âgées aient la joie de parler, de s’exprimer avec les jeunes et que les jeunes cherchent les personnes âgées pour recevoir d’elles la sagesse de la vie.

Source : vatican.va

 

 

Catéchèse sur la vieillesse: 16. “Je pars vous préparer une place” (cf. Jn 14, 2). La vieillesse, temps orienté vers l'accomplissement.

par Pape François, audience générale, 10/08/2022

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous en sommes aux dernières catéchèses consacrées à la vieillesse. Aujourd'hui, nous entrons dans l'intimité émouvante de l'adieu de Jésus aux siens, amplement rapporté dans l'Évangile de Jean. Le discours d'adieu commence par des paroles de consolation et de promesse : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé » (14,1) ; « Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. » (14,3). Ce sont de belles paroles, celles du Seigneur.

Plus tôt, Jésus avait dit à Pierre : « tu me suivras plus tard » (13,36), lui rappelant le passage à travers la fragilité de sa foi. Le temps de vie qui reste aux disciples sera, inévitablement, un passage à travers la fragilité du témoignage et à travers les défis de la fraternité. Mais ce sera aussi un passage à travers les enthousiasmantes bénédictions de la foi : « Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes » (14,12). Pensez à quelle promesse cela représente ! Je ne sais pas si nous y pensons au fond, si nous y croyons pleinement ! Je ne sais pas, parfois je pense que non...

La vieillesse est le moment propice pour le témoignage émouvant et joyeux de cette attente. Le vieil homme et la vieille femme attendent, ils attendent un rendez-vous. Dans la vieillesse, les œuvres de la foi, qui nous rapprochent, nous et les autres, du royaume de Dieu, sont désormais hors de portée des énergies, des paroles et des élans de la jeunesse et de la maturité. Mais ainsi ils rendent encore plus transparente la promesse de la vraie destination de la vie. Et quelle est la vraie destination de la vie ? Une place à table avec Dieu, dans le monde de Dieu. Il serait intéressant de voir s'il existe quelque référence spécifique dans les églises locales, destinée à revitaliser ce ministère spécial de l'attente du Seigneur- c’est un ministère, le ministère de l’attente du Seigneur -encourageant les charismes individuels et les qualités communautaires de la personne âgée.

Une vieillesse qui se consume dans l’avilissement des occasions manquées conduit à l’avilissement pour soi et pour tous. Au contraire, la vieillesse vécue avec douceur et vécue avec le respect pour la vie réelle dissipe définitivement l’équivoque d'une puissance qui doit se suffire à elle-même et à son propre succès. Il dissipe même l’équivoque d'une Église qui s'adapte à la condition mondaine, pensant ainsi gouverner définitivement sa perfection et son accomplissement. Lorsque nous nous libérons de cette présomption, le temps du vieillissement que Dieu nous accorde est déjà en soi une de ces œuvres "plus grandes" dont parle Jésus. En effet, c'est une œuvre qu'il n'a pas été donné à Jésus d’accomplir : sa mort, sa résurrection et son ascension au ciel l'ont rendue possible pour nous ! Rappelons-nous que "le temps est supérieur à l'espace". C'est la loi de l'initiation. Notre vie n’est pas faite pour se renfermer sur elle-même, visant une perfection terrestre imaginaire : elle est destinée à aller au-delà, à travers le passage de la mort- parce que la mort est un passage. En effet, notre lieu de stabilité, notre point d'arrivée n'est pas ici, c’est auprès du Seigneur, là où Il demeure pour toujours.

Ici, sur terre, commence le processus de notre "noviciat" : nous sommes des apprentis de la vie qui - au milieu de mille difficultés - apprennent à apprécier le don de Dieu, en assumant la responsabilité de le partager et de le faire fructifier pour tous. Le temps de la vie sur terre est la grâce de ce passage. L'idée d'arrêter le temps - vouloir l’éternelle jeunesse, le bien-être sans limite, le pouvoir absolu - n'est pas seulement impossible, cela relève du délire.

Notre existence sur terre est le temps de l'initiation à la vie : c'est la vie, mais qui te conduit à une vie plus complète, l'initiation à une vie plus complète ; une vie qui ne trouve son accomplissement qu'en Dieu seul. Nous sommes imparfaits dès le début et nous restons imparfaits jusqu'à la fin. Dans l'accomplissement de la promesse de Dieu, la relation est inversée : l'espace de Dieu, que Jésus nous prépare avec tous les soins, est supérieur au temps de notre vie mortelle. Ici : la vieillesse rapproche l'espérance de cet accomplissement. La vieillesse connaît définitivement le sens du temps et les limites du lieu dans lequel nous vivons notre initiation. La vieillesse est sage à ce titre : les vieux sont sages pour cela. C'est pourquoi elle est crédible lorsqu'elle nous invite à nous réjouir du temps qui passe : ce n'est pas une menace, c'est une promesse. La vieillesse est noble, elle n'a pas besoin de maquillage pour montrer sa noblesse. Peut-être le maquillage vient-il lorsque la noblesse fait défaut. La vieillesse est crédible quand elle invite à se réjouir du temps qui passe : mais le temps passe... Oui, mais ce n'est pas une menace, c'est une promesse. La vieillesse, qui retrouve la profondeur du regard de la foi, n'est pas conservatrice par nature, comme on dit ! Le monde de Dieu est un espace infini, sur lequel le passage du temps n'a plus aucun poids. Et précisément lors de la dernière Cène, Jésus se projette vers ce but, lorsqu'il a dit à ses disciples : « Désormais, je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le royaume de mon Père » (Mt 26, 29). Il est allé plus loin. Dans notre prédication, le Paradis est souvent, à juste titre, plein de félicité, de lumière, d'amour. Peut-être manque-t-il un peu de vie. Jésus, dans les paraboles, parlait du royaume de Dieu en y mettant plus de vie. Ne sommes-nous plus capables de le faire, nous ? La vie qui se poursuit ...

Chers frères et sœurs, la vieillesse, vécue dans l'attente du Seigneur, peut devenir l’“apologie” accomplie de la foi, qui rend raison, à tous, de notre espérance pour tous (cf. 1 P 3, 15). Car la vieillesse rend transparente la promesse de Jésus, en se projetant vers la Cité Sainte dont parle le livre de l'Apocalypse (chap. 21-22). La vieillesse est le moment de l’existence le plus apte à transmettre la joyeuse nouvelle que la vie est une initiation pour un accomplissement définitif. Les vieux sont une promesse, un témoignage de la promesse. Et le meilleur est encore à venir. Le meilleur est encore à venir : cela ressemble au message du vieil homme croyant, au message de la vieille femme croyante, le meilleur est encore à venir. Que Dieu nous accorde à tous une vieillesse capable de cela ! Merci.

Source : vatican.va

 

 

Catéchèse sur la vieillesse - 15. Pierre et Jean

par Pape François, audience générale, 15/06/2022

Chers frères et sœurs, bienvenue et bonjour!

Dans notre parcours de catéchèses sur la vieillesse, nous méditons aujourd'hui sur le dialogue entre Jésus Ressuscité et Pierre à la fin de l'Evangile de Jean (21, 15-23). C'est un dialogue émouvant, d'où transparaît tout l'amour de Jésus pour ses disciples, et aussi la sublime humanité de sa relation avec eux, en particulier avec Pierre : une relation tendre, mais pas mélancolique ; directe, forte, libre et ouverte. Une relation entre les hommes et dans la vérité. Ainsi, l'Evangile de Jean, si spirituel, si élevé, se termine par une demande et une offre d'amour poignantes entre Jésus et Pierre, qui se mêle, très naturellement, avec une discussion entre eux. L'évangéliste nous avertit : il témoigne de la vérité des faits (cf. Jn 21, 24). Et c'est dans les faits qu'il faut chercher la vérité.

Nous pouvons nous demander : sommes-nous capables de conserver la teneur de cette relation de Jésus avec les disciples, selon son style si ouvert, si franc, si direct, si humainement réel ? Comment est notre relation avec Jésus ? Est-il ainsi, comme celui des apôtres avec Lui ? Ne sommes-nous pas, au contraire, très souvent tentés d'enfermer le témoignage de l'Evangile dans le cocon d'une révélation « doucereuse », à laquelle s'ajoute notre propre vénération de circonstance ? Cette attitude, qui semble respectueuse, nous éloigne en réalité du vrai Jésus, et devient même l'occasion d'un cheminement de foi très abstrait, très autoréférentiel, très mondain, qui n'est pas le chemin de Jésus. Jésus est le Verbe de Dieu fait homme, et Il se comporte en homme, Il nous parle en homme, Dieu-homme. Avec cette tendresse, avec cette amitié, avec cette proximité. Jésus n'est pas comme l'image doucereuse des images illustrées, non : Jésus est à portée de la main, il est près de nous.

Au cours de la discussion de Jésus avec Pierre, nous trouvons deux passages qui traitent précisément de la vieillesse et du temps qui passe : le temps du témoignage, le temps de la vie. Le premier passage est l'avertissement de Jésus à Pierre : quand tu étais jeune tu étais autonome, quand tu seras vieux, tu ne seras plus tellement maître de toi-même et de ta vie. J’en sais quelque chose, moi qui dois circuler en fauteuil roulant, n’est-ce pas ? Mais c'est comme ça, c'est la vie : avec la vieillesse, arrivent toutes ces maladies et nous devons les accepter comme elles viennent, non ? Nous n'avons pas la force des jeunes ! Et ton témoignage — dit Jésus — sera lui aussi accompagné de cette faiblesse. Tu dois être un témoin de Jésus même dans la faiblesse, dans la maladie et dans la mort. Il y a un beau passage de saint Ignace de Loyola qui dit : « Comme dans la vie, ainsi dans la mort aussi, nous devons apporter un témoignage de disciples de Jésus ». La fin de vie doit être une fin de vie de disciples : de disciples de Jésus, parce que le Seigneur nous parle toujours l’âge que nous avons. L'évangéliste ajoute son commentaire, en expliquant que Jésus faisait allusion au témoignage extrême, celui du martyre et de la mort. Mais nous pouvons bien comprendre plus généralement le sens de cette avertissement : ta sequela devra apprendre à se laisser instruire et façonner par ta fragilité, ton impuissance, ta dépendance à l'égard d’autrui, même pour t’habiller, pour marcher. Mais toi : « Suis-moi » (v. 19). La sequela de Jésus va toujours de l'avant, en bonne santé ou en moins bonne santé ; de façon autonome ou non autonome sur le plan physique. Mais la sequela de Jésus est importante : suivre Jésus toujours, à pieds, en courant, lentement, en chaise roulante, mais toujours en le suivant. La sagesse de la sequela doit trouver le moyen de demeurer dans sa profession de foi — Pierre répond ainsi : « Seigneur, tu sais que je t’aime » (vv. 15. 16.17) — même dans les conditions limitées de la faiblesse et de la vieillesse. J'aime parler aux personnes âgées en les regardant dans les yeux : elles ont ces yeux brillants, ces yeux qui te parlent plus que les paroles, le témoignage d'une vie. Et c'est beau, il faut le conserver jusqu'au bout. Suivre Jésus ainsi, pleins de vie.

Cette conversation entre Jésus et Pierre contient un enseignement précieux pour tous les disciples, pour nous tous croyants. Et aussi pour toutes les personnes âgées. Apprendre de notre fragilité à exprimer la cohérence de notre témoignage de vie dans les conditions d'une vie largement confiée à autrui, largement dépendante de l'initiative d'autrui. Avec la maladie, avec la vieillesse, la dépendance grandit et nous ne sommes plus aussi autonomes qu'avant; la dépendance des autres croît, et c’est là aussi que la foi mûrit, c’est là aussi que Jésus est avec nous, c’est là aussi que jaillit la richesse de la foi bien vécue sur le chemin de la vie.

Mais encore une fois, nous devons nous demander : avons-nous une spiritualité vraiment capable d'interpréter la saison — maintenant longue et répandue — de ce temps de notre faiblesse confiée aux autres, plus qu’au pouvoir de notre autonomie? Comment rester fidèle à la sequela vécue, à l'amour promis, à la justice recherchée dans le temps de notre capacité d'initiative, dans le temps de la fragilité, dans le temps de la dépendance, du congé, dans le temps de ne plus être le protagoniste de nos vies? Ce n'est pas facile de ne plus être le protagoniste, ce n'est pas facile.

Ce temps nouveau est aussi certainement un temps d'épreuve. En commençant par la tentation — très humaine, sans doute, mais aussi très insidieuse — de rester protagoniste. Et parfois, le protagoniste doit diminuer, doit s'abaisser, accepter que la vieillesse nous réduise en tant que protagoniste. Mais tu auras une autre façon de t’exprimer, une autre façon de participer à la famille, à la société, au groupe d'amis. Et c'est la curiosité qui vient à Pierre : «Et lui?» dit Pierre en voyant le disciple bien-aimé les suivre (cf. vv. 20-21). Mettre son nez dans la vie des autres. Et non ! Jésus dit : «Tais-toi!». Doit-il faire partie de «ma» sequela ? Doit-il occuper « mon» espace? Sera-t-il mon successeur ? Ce sont des questions qui ne servent à rien, qui n'aident pas. Doit-il vivre plus que moi et prendre ma place? Et la réponse de Jésus est franche et même brusque : «Que t'importe? Toi, suis-moi ». Comme pour dire, préoccupe toi de ta vie, de ta situation actuelle, et ne te mêle pas de la vie des autres. Toi suis-moi. Voilà ce qui est important : suivre Jésus, suivre Jésus dans la vie et dans la mort, dans la santé et dans la maladie, dans la vie quand elle est prospère avec beaucoup de succès, et dans la vie quand elle est difficile, avec tant de mauvais moments d'échec. Et quand on veut se mêler de la vie des autres, Jésus répond : «Que t'importe? Toi, suis-moi ». C’est très beau. Nous, les personnes âgées, ne devrions pas envier les jeunes qui suivent leur chemin, qui occupent notre place, qui nous survivent. L'honneur de notre fidélité à l'amour juré, la fidélité à la sequela de la foi que nous avons crue, même dans les conditions qui nous rapprochent de la fin de notre vie, sont notre titre d’admiration pour les générations à venir et de reconnaissance reconnaissante de la part du Seigneur. Apprendre à prendre congé : c'est la sagesse des personnes âgées. Mais bien prendre congé, avec le sourire, apprendre à prendre congé en société, prendre congé des autres. La vie des personnes âgées est un adieu, lent, lent, mais un adieu joyeux : j'ai vécu ma vie, j'ai gardé ma foi. C'est beau, quand une personne âgée peut dire : «J'ai vécu ma vie, c'est ma famille; j'ai vécu la vie, j’ai été un pécheur, mais j'ai aussi fait le bien». Et cette paix qui vient, c'est l'adieu de la personne âgée.

Même la sequela contrainte à être inactive, faite de contemplation enthousiaste et d'écoute émerveillée de la parole du Seigneur — comme celle de Marie, la sœur de Lazare — deviendra la part la meilleure de leur vie, de notre vie à nous, personnes âgées. Que cette part ne nous soit plus jamais enlevée, jamais (cf. Lc 10, 42). Regardons les personnes âgées, regardons-les et aidons-les pour qu'elles puissent vivre et exprimer leur sagesse de vie, qu'elles puissent nous donner ce qu'elles ont de beau et de bon. Regardons-les, écoutons-les. Et nous les personnes âgées, regardons les jeunes toujours avec un sourire : ils suivront leur chemin, ils poursuivront ce que nous avons semé, même ce que nous n'avons pas semé parce que nous n'avons pas eu le courage ou l'opportunité: ils le feront avancer. Mais toujours cette relation de réciprocité : une personne âgée ne peut être heureuse sans regarder les jeunes et les jeunes ne peuvent pas aller de l’avant dans leur vie sans regarder les personnes âgées. Merci.

Source : vatican.va

 

 

Catéchèse sur la vieillesse - 14. Le service joyeux de la foi qui s’apprend dans la gratitude (cf. Mc 1,29-31)

par Pape François, audience générale, 15/06/2022

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous avons entendu le récit simple et touchant de la guérison de la belle-mère de Simon - qui ne s'appelle pas encore Pierre - dans la version de l'évangile de Marc. Ce court épisode est rapporté, avec des variations légères mais frappantes, dans les deux autres évangiles synoptiques. « La belle-mère de Simon était au lit, elle avait de la fièvre », écrit Marc. Nous ne savons pas s'il s'agissait d'une maladie bénigne, mais dans la vieillesse, même une simple fièvre peut être dangereuse. Quand on est vieux, on ne contrôle plus son corps. Il faut apprendre à choisir quoi faire et ne pas faire. La vigueur du corps faiblit et nous abandonne, même si notre cœur ne cesse de désirer. Il faut alors apprendre à purifier le désir : être patient, choisir ce que l'on demande au corps, et à la vie. Quand on est vieux, on ne peut pas faire la même chose que quand on était jeune : le corps a un rythme différent, et il faut écouter le corps et accepter ses limites. Nous en avons tous. Même moi, je dois utiliser le bâton maintenant.

La maladie pèse sur les personnes âgées d'une manière différente et nouvelle que lorsqu'on est jeune ou adulte. C'est comme un coup dur qui tombe sur un moment déjà difficile. La maladie du vieillard semble hâter la mort et, en tout cas, diminuer ce temps à vivre que nous considérons déjà comme court. Le doute s'insinue dans l'idée que nous ne nous en remettrons pas, que "cette fois-ci, ce sera la dernière fois que je serai malade...", et ainsi de suite : ces idées viennent... On n’arrive pas à rêver l’espérance d’un avenir qui semble désormais inexistant. Un célèbre écrivain italien, Italo Calvino, a noté l'amertume des personnes âgées qui souffrent de la perte des choses du passé, plus qu'ils ne profitent de l'arrivée des nouveautés. Cependant, la scène évangélique que nous venons d'entendre nous aide à espérer et nous offre déjà un premier enseignement : Jésus ne va pas tout seul rendre visite à cette vieille femme malade, il s'y rend avec les disciples. Et cela nous fait un peu réfléchir.

C'est précisément la communauté chrétienne qui doit prendre soin des personnes âgées : parents et amis, mais la communauté. La visite aux personnes âgées doit se faire à plusieurs, ensemble et souvent. Nous ne devrions jamais oublier ces trois lignes de l'Évangile. D'autant plus qu'aujourd'hui, le nombre de personnes âgées a considérablement augmenté, également à la proportion de jeunes, car nous sommes dans cet hiver démographique, moins d'enfants naissent et il y a beaucoup de personnes âgées et peu de jeunes. Nous devons assumer la responsabilité de rendre visite aux personnes âgées qui sont souvent seules et les présenter au Seigneur avec notre prière. Jésus lui-même nous enseignera comment les aimer. « Une société est véritablement accueillante à l’égard de la vie quand elle reconnaît qu’elle est précieuse même avec l’âge, dans le handicap, dans la maladie grave et même au moment de s’éteindre » (Message à l'Académie Pontificale pour la Vie, 19 février 2014). La vie est toujours précieuse. Jésus, lorsqu'il voit la vieille femme malade, il la prend par la main et la guérit : le même geste qu'il fait pour ressusciter la jeune femme morte : il la prend par la main et la fait se lever, la guérit en la remettant sur pieds. Jésus, par ce geste tendre d'amour, donne la première leçon aux disciples : C’est-à-dire que le salut s’annonce ou, mieux, se communique à travers l'attention portée à cette personne malade ; et la foi de cette femme resplendit dans la gratitude pour la tendresse de Dieu qui s'est penchée sur elle.

Je reviens à un thème que j'ai répété dans ces catéchèses : cette culture du déchet semble supprimer les personnes âgées. Oui, elle ne les tue pas, mais socialement elle les supprime, comme s'ils étaient un fardeau à porter : il vaut mieux les cacher. C'est une trahison de notre humanité, c'est la chose la plus vile, c'est sélectionner la vie en fonction de l'utilité, en fonction de la jeunesse et non avec la vie telle qu'elle est, avec la sagesse des personnes âgées, avec les limites des personnes âgées. Les personnes âgées ont tant à nous donner : c’est la sagesse de la vie. Ils ont tant à nous enseigner : c'est pourquoi nous devons aussi apprendre aux enfants à s'occuper de leurs grands-parents et à fréquenter leurs grands-parents. Le dialogue entre les jeunes et les grands-parents, les enfants et les grands-parents est fondamental pour la société, il est fondamental pour l'Église, il est fondamental pour la santé de la vie. Là où il n'y a pas de dialogue entre jeunes et vieux, quelque chose manque et il en résulte une génération sans passé, c'est-à-dire sans racines.

Si la première leçon a été donnée par Jésus, la seconde nous est donnée par cette femme âgée, qui "se leva et se mit à les servir”. Même comme personne âgée, on peut, voire on doit, servir la communauté. Il est bon que les personnes âgées cultivent encore la responsabilité de servir, en surmontant la tentation de se mettre à l'écart. Le Seigneur ne les rejette pas, au contraire, il leur redonne la force pour servir. Et j'aime noter qu'il n'y a pas d'emphase particulière dans le récit de la part des évangélistes : c'est la normalité de la vie de disciple, que les disciples apprendront, dans toute son ampleur, le long du chemin de formation qu'ils vivront à l'école de Jésus. Les anciens qui entretiennent la disposition pour la guérison, la consolation, l'intercession pour leurs frères et sœurs - qu'ils soient disciples, qu'ils soient centurions, personnes perturbées par des esprits mauvais, personnes rejetées... - sont peut-être le témoignage le plus grand de la pureté de cette gratitude qui accompagne la foi. Si les personnes âgées, au lieu d'être rejetées et congédiées de la scène des événements qui marquent la vie de la communauté, étaient placées au centre de l'attention collective, elles seraient encouragées à exercer le précieux ministère de la gratitude envers Dieu, qui n'oublie personne. La gratitude des personnes âgées pour les dons reçus de Dieu dans leur vie, comme nous l'enseigne la belle-mère de Pierre, redonne à la communauté la joie du vivre ensemble, et confère à la foi des disciples le trait essentiel de sa destination.

Mais nous devons bien apprendre que l'esprit d'intercession et de service, que Jésus prescrit à tous ses disciples, n'est pas simplement une affaire de femmes : il n'y a aucune ombre de cette limitation dans les paroles et les actes de Jésus. Le service évangélique de la gratitude pour la tendresse de Dieu n'est en aucun cas inscrit dans la grammaire de l'homme maître et de la femme servante. Cela n'enlève rien cependant au fait que les femmes, sur la gratitude et la tendresse de la foi, peuvent enseigner aux hommes des choses que ceux-ci ont plus de mal à comprendre. La belle-mère de Pierre, avant que les Apôtres n'y parviennent, sur le chemin à la suite de Jésus, leur a aussi montré le chemin. Et la délicatesse particulière de Jésus, qui "lui a touché la main" et "s'est penché délicatement" sur elle, a mis en évidence, dès le début, sa sensibilité spéciale à l’égard des faibles et des malades, que le Fils de Dieu avait certainement apprise de sa Mère. S'il vous plaît, faisons-en sorte que les vieux, que les grands-pères, les grands-mères soient proches des enfants, des jeunes pour transmettre cette mémoire de la vie, pour transmettre cette expérience de la vie, cette sagesse de la vie. Dans la mesure où nous faisons en sorte qu’entre les jeunes et les personnes âgées se tissent des relations, il y aura plus d'espérance pour l'avenir de notre société.

Source : vatican.va

 

 

Catéchèse sur la vieillesse - 13. Nicodème. « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? » (Jn 3, 4)

par Pape François, audience générale, 08/06/2022

Chers frères et sœurs, bonjour !

Parmi les personnages âgés les plus remarquables des Évangiles il y a Nicodème - un notable des Juifs - qui, désireux de connaître Jésus, mais en secret se rendit chez lui la nuit (cf. Jn 3, 1-21). Dans la conversation de Jésus avec Nicodème, émerge le cœur de la révélation de Jésus et de sa mission rédemptrice, lorsqu'il dit : « Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » (v. 16).

Jésus dit à Nicodème que pour "voir le règne de Dieu", il faut "naître d'en haut" (cf. v. 3). Il ne s'agit pas de renaître, de répéter notre venue au monde, en espérant qu'une nouvelle réincarnation nous rouvrira la possibilité d'une vie meilleure. Cette répétition n'a pas de sens. Au contraire, elle viderait la vie que nous avons vécue de tout sens, l'effaçant comme s'il s'agissait d'une expérience ratée, d'une valeur périmée, d'un vide gaspillé. Non, ce n'est pas cela, cette nouvelle naissance dont parle Jésus : c'est autre chose. Cette vie est précieuse aux yeux de Dieu : elle nous identifie comme des créatures aimées par Lui avec tendresse. La "naissance d'en haut", qui nous permet d'"entrer" dans le règne de Dieu, est une génération dans l'Esprit, un passage à travers les eaux vers la terre promise d'une création réconciliée avec l'amour de Dieu. C'est une renaissance d'en haut, avec la grâce de Dieu. Il ne s'agit pas de renaître physiquement une autre fois.

Nicodème se méprend sur cette naissance, et met en cause la vieillesse comme preuve évidente de son impossibilité : l'être humain vieillit inévitablement, le rêve d’une jeunesse éternelle s’éloigne définitivement, l’usure est le port d’arrivée de toute naissance dans le temps. Comment peut-on imaginer un destin sous la forme d'une naissance ? Nicodème pense ainsi et ne trouve pas le moyen de comprendre les paroles de Jésus. Cette renaissance, qu'est-ce que c'est ?

L'objection de Nicodème est très instructive pour nous. En effet, nous pouvons la renverser, à la lumière de la parole de Jésus, pour y découvrir une mission propre à la vieillesse. En effet, la vieillesse non seulement n'est pas un obstacle à la naissance d'en haut dont parle Jésus, mais elle devient le moment opportun pour l'illuminer, en la libérant du malentendu d'une espérance perdue. Notre époque et notre culture, qui révèlent une tendance inquiétante à considérer la naissance d'un enfant comme une simple question de production et de reproduction biologique de l'être humain, cultivent ensuite le mythe de l’éternelle jeunesse comme l'obsession - désespérée – d’une chair incorruptible. Pourquoi la vieillesse est-elle - à bien des égards - dépréciée ? Parce qu'elle porte la preuve irréfutable qui récuse ce mythe, qui voudrait nous faire retourner dans le ventre de la mère, pour être éternellement jeunes de corps.

La technique se laisse allécher par ce mythe à tous égards : en attendant de vaincre la mort, nous pouvons maintenir le corps en vie grâce aux médicaments et aux cosmétiques, qui ralentissent, cachent, annulent la vieillesse. Bien sûr, une chose est le bien-être, une autre est l'alimentation des mythes. Il est cependant indéniable que la confusion entre les deux nous cause une certaine confusion mentale. Confondre le bien-être avec l'alimentation du mythe de l'éternelle jeunesse. On en fait tant pour retrouver cette jeunesse : tant de maquillages, tant de chirurgies pour paraître jeunes. Je me souviens des paroles d'une sage actrice italienne, Magnani, lorsqu'on lui a dit qu'il lui fallait enlever les rides et qu’elle répondit : "Non, ne les touchez pas ! Il a fallu tant d'années pour les obtenir : ne les touchez pas !". C’est ainsi : les rides sont un symbole d'expérience, un symbole de la vie, un symbole de la maturité, un symbole du chemin parcouru. Ne les touchez pas pour devenir jeunes, mais jeunes de visage : ce qui compte, c'est toute la personnalité, ce qui compte, c'est le cœur, et le cœur reste avec cette jeunesse du bon vin, qui plus il vieillit, plus se bonifie.

La vie dans la chair mortelle est une très belle chose "inachevée" : comme certaines œuvres d'art qui, précisément dans leur incomplétude, ont un charme unique. Parce que la vie ici-bas est une "initiation", pas un accomplissement : nous venons au monde comme ça, en tant que personnes réelles, comme des personnes qui avancent en âge, mais restent toujours authentiques. Mais la vie dans la chair mortelle est un espace et un temps trop fugaces pour garder intacte et mener à son terme la partie la plus précieuse de notre existence dans le temps du monde. La foi, qui accueille l'annonce évangélique du règne de Dieu auquel nous sommes destinés, a un premier effet extraordinaire, dit Jésus. Elle nous permet de "voir" le règne de Dieu. Nous devenons capables de voir réellement les nombreux signes de notre espérance d'accomplissement pour ce qui, dans notre vie, porte le signe de la destination pour l'éternité de Dieu.

Ce sont les signes de l'amour évangélique, illuminé à bien des égards par Jésus. Et si nous pouvons les "voir", nous pouvons aussi "entrer" dans le règne, avec le passage de l'Esprit par l'eau qui régénère.

La vieillesse est la condition, accordée à beaucoup d'entre nous, dans laquelle le miracle de cette naissance d'en haut peut être intimement assimilé et devenir crédible pour la communauté humaine : elle ne communique pas la nostalgie de la naissance dans le temps, mais l'amour pour la destination finale. Dans cette perspective, la vieillesse a une beauté unique : nous marchons vers l'Éternité. Personne ne peut réintégrer le ventre de la mère, pas même son substitut technologique et consumériste. Cela ne confère pas la sagesse, cela ne mène pas à un chemin accompli, c'est artificiel. Ce serait triste, même si c'était possible. Le vieil homme marche en avant, le vieil homme marche vers la destination, vers le ciel de Dieu, le vieil homme marche avec la sagesse de toute une vie. La vieillesse est donc un moment privilégié pour libérer l’avenir de l'illusion technocratique d’une survie biologique et robotique, mais surtout parce qu'elle ouvre à la tendresse du sein créateur et générateur de Dieu. Ici, je voudrais insister sur ce mot : la tendresse des personnes âgées. Observez un grand-père ou une grand-mère, comment ils regardent leurs petits-enfants, comment ils caressent leurs petits-enfants : cette tendresse, libre de toute épreuve humaine, qui a surmonté les épreuves humaines et qui est capable de donner gratuitement l'amour, la proximité amoureuse de l'un pour les autres. Cette tendresse ouvre la porte pour comprendre la tendresse de Dieu. N'oublions pas que l'Esprit de Dieu est proximité, compassion et tendresse. Dieu est ainsi, il sait comment caresser. Et la vieillesse nous aide à comprendre cette dimension de Dieu qu'est la tendresse. La vieillesse est le moment privilégié pour libérer l'avenir de l'illusion technocratique, c'est le moment de la tendresse de Dieu qui crée, trace un chemin pour nous tous. Que l'Esprit nous accorde la réouverture de cette mission spirituelle - et culturelle - de la vieillesse, qui nous réconcilie avec la naissance d'en haut. Lorsque nous pensons à la vieillesse de cette manière, nous nous disons alors : comment se fait-il que cette culture du déchet décide de se débarrasser des personnes âgées, en les considérant comme non utiles ? Les personnes âgées sont les messagers de l'avenir, les personnes âgées sont les messagers de la tendresse, les personnes âgées sont les messagers de la sagesse d'une vie assumée. Allons-y de l’avant et ayons de la considération à l’égard des personnes âgées.

Source : vatican.va

 

 

Catéchèse sur la vieillesse - 12. « Ne m'abandonne pas alors que décline ma vigueur » (Ps 71(70),9)

par Pape François, audience générale, 01/06/2022

Chers frères et sœurs, bonjour !

La belle prière de la personne âgée que nous trouvons dans le psaume 70 que nous avons écouté, nous encourage à méditer sur la forte tension qui habite la condition de la vieillesse, quand le souvenir des labeurs surmontés et des bienfaits reçus est mis à l'épreuve de la foi et de l'espérance.

L'épreuve se présente avec la faiblesse qui accompagne le passage par la fragilité et la vulnérabilité de la vieillesse. Et le psalmiste - un homme âgé qui se tourne vers le Seigneur - mentionne explicitement le fait que ce processus devient une occasion d'abandon, de tromperie, de prévarication et d'abus qui s’acharnent sur la personne âgée. Une forme de lâcheté dans laquelle notre société est en train de se spécialiser. C'est vrai ! Dans cette société du déchet, cette culture du déchet, les personnes âgées sont mises à l'écart et souffrent de ces choses. Il ne manque pas, en effet, des gens qui profitent de l'âge de la personne âgée, pour la tromper, pour l’intimider de mille manières. Nous lisons souvent dans les journaux ou entendons des nouvelles de personnes âgées qui sont escroquées sans scrupules afin de s'emparer de leurs économies ; ou qui sont laissées sans protection ou et abandonnées sans soins ; ou qui sont blessées par des formes de mépris et intimidées pour qu'elles renoncent à leurs droits Même dans les familles - et c'est grave - de telles cruautés se produisent mème dans les familles. Les personnes âgées sont mises à l'écart, abandonnées dans les maisons de retraite, sans que leurs enfants leur rendent visite, ou s'ils y vont, ils y vont si peu de fois par an. Les personnes âgées se retrouvent mises au coin de l'existence. Et cela arrive : cela arrive aujourd'hui, cela arrive dans les familles, cela arrive tout le temps. Nous devons y réfléchir.

La société toute entière doit s’empresser de s'occuper de ses personnes âgées - qui sont le trésor ! -, toujours plus nombreuses et souvent encore plus abandonnées. Lorsque nous entendons parler de personnes âgées dépossédées de leur autonomie, de leur sécurité, voire de leur domicile, nous comprenons que l'ambivalence de la société actuelle à l'égard de la vieillesse n'est pas un problème d'urgences ponctuelles, mais un trait de cette culture du déchet qui empoisonne le monde dans lequel nous vivons. Le vieillard du psaume confie à Dieu son découragement : « mes ennemis - dit-il- parlent contre moi, / ils me surveillent et se concertent. / Ils disent : « Dieu l'abandonne ! / Traquez-le, empoignez-le, il n'a pas de défenseur ! » (vv.10-11). Les conséquences sont fatales. La vieillesse non seulement perd sa dignité, mais on doute même qu'elle vaille la peine d’être vécue. Ainsi, nous sommes tous tentés de cacher notre vulnérabilité, de dissimuler notre maladie, notre âge, et notre vieillesse, puisque nous craignons que ce soit l'antichambre de notre perte de dignité. Demandons-nous : est-ce humain d'induire ce sentiment ? Comment se fait-il que la civilisation moderne, si avancée et efficace, soit si mal à l'aise avec la maladie et la vieillesse, cache la maladie, cache la vieillesse ? Et comment se fait-il que la politique, tant attachée à définir les limites d'une survie digne, soit en même temps insensible à la dignité d'une cohabitation affectueuse avec les personnes âgées et celles malades ?

Le vieillard du psaume que nous avons entendu, ce vieillard qui voit sa vieillesse comme une défaite, redécouvre la confiance dans le Seigneur. Il ressent le besoin d'être aidé. Et il se tourne vers Dieu. Saint Augustin, commentant ce psaume, exhorte le vieillard : « Ne crains pas d'être abandonné dans ta vieillesse. […] Pourquoi crains-tu que [le Seigneur] t’abandonne, qu'il te rejette au temps de la vieillesse, quand tes forces faiblissent ? En effet, c'est à ce moment-là que sa force sera en toi, quand la tienne fera défaut » (PL 36, 881-882). Et le vieux psalmiste d'invoquer : « défends-moi, libère-moi, / tends l'oreille vers moi, et sauve-moi. / Sois le rocher qui m'accueille, / toujours accessible ; / tu as résolu de me sauver : / ma forteresse et mon roc, c'est toi ! (vv. 2-3). L'invocation témoigne de la fidélité de Dieu et met en cause sa capacité à secouer les consciences détournées par l'insensibilité à la parabole de la vie mortelle, qui doit être préservée dans son intégrité. Il prie encore ainsi : « Ô Dieu, ne sois pas loin de moi ; / mon Dieu, viens vite à mon secours ! / Qu'ils soient humiliés, anéantis, ceux qui se dressent contre moi ; / qu'ils soient couverts de honte et d'infamie, ceux qui veulent mon malheur ! » (vv. 12-13).

En effet, la honte devrait tomber sur ceux qui profitent de la faiblesse de la maladie et de la vieillesse. La prière renouvelle dans le cœur de la personne âgée la promesse de la fidélité et de la bénédiction de Dieu. La personne âgée redécouvre la prière et témoigne de sa puissance. Jésus, dans les Évangiles, ne rejette jamais la prière de ceux qui ont besoin d'aide. Les personnes âgées, en raison de leur faiblesse, peuvent enseigner à ceux qui sont à d'autres âges de la vie que tous nous avons besoin de nous abandonner au Seigneur, d'invoquer son aide. En ce sens, nous devons tous apprendre de la vieillesse : oui, il y a un don dans le fait d'être vieux, compris comme l'abandon de soi aux soins des autres, à commencer par Dieu lui-même.

Il existe donc un "magistère de la fragilité", ne pas cacher ses faiblesses, non. Elles sont vraies, c'est une réalité et il y a un magistère de la fragilité, que la vieillesse est en mesure de nous rappeler de manière crédible tout au long de la vie humaine. Ne pas cacher la vieillesse, ne pas cacher les fragilités de la vieillesse. C'est une leçon pour nous tous. Ce magistère ouvre un horizon décisif pour la réforme de notre propre civilisation. Une réforme désormais indispensable pour le bien de la cohabitation de tous. La marginalisation des personnes âgées, tant au niveau conceptuel que pratique, corrompt toutes les saisons de la vie, et pas seulement celle de la vieillesse. Chacun d'entre nous peut penser aujourd'hui aux personnes âgées de la famille : comment est-ce que j’entretiens des relations avec elles, est-ce que je me souviens d'elles, est-ce que je leur rends visite ? Est-ce que je veille à ce que rien ne leur manque ? Est-ce que je les respecte ? Les personnes âgées qui sont dans ma famille, maman, papa, grand-père, grand-mère, oncles, tantes, amis, est-ce que je les efface de ma vie ? Ou est-ce que je vais vers elles pour trouver la sagesse, la sagesse de la vie ? N'oublie pas que toi aussi, ta vieillesse arrivera. La vieillesse arrive pour tout le monde. Et de la même manière dont tu aimerais être traité au moment de la vieillesse, traite les personnes âgées aujourd'hui. Ils sont la mémoire de la famille, la mémoire de l'humanité, la mémoire du pays. Prendre soin des anciens qui sont la sagesse. Que le Seigneur accorde aux personnes âgées qui font partie de l'Église la générosité de cette invocation et de cette provocation. Que cette confiance dans le Seigneur nous contamine. Et ce, pour le bien de tous, d'eux, de nous et de nos enfants.

Source : vatican.va

 

Audience à une délégation d'élus et représentants de l'Etat français

par Pape François, 21/10/2022

Quant au soin, je pense en particulier à l’attention à porter aux personnes âgées dans les maisons médicalisées, et aux personnes en fin de vie qui ont besoin d’être accompagnées par le développement des soins palliatifs.

Les soignants, par nature, ont vocation à procurer des soins et du soulagement, faute de pouvoir toujours guérir, mais on ne peut demander aux soignants de tuer leurs patients ; qui est un peu le programme de la culture du déchet : on rejette, ça ne sert pas.

Si on tue avec des justifications, on finira par tuer de plus en plus.

Source : vatican.va

 

 

Catéchèse sur la vieillesse - 11. Qohèleth : la nuit incertaine du sens et des choses de la vie

par Pape François, audience générale, 25/05/2022

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre réflexion sur la vieillesse – nous continuons à réfléchir sur la vieillesse -, nous abordons aujourd'hui le livre de Qohèleth, un autre trésor de la Bible. A la première lecture, ce court ouvrage frappe et laisse perplexe par son célèbre refrain : « Tout est vanité », tout est vanité : le refrain qui va et vient ; tout est vanité, tout est « brouillard », tout est « fumée », tout est « vide ». C’est surprenant de trouver ces expressions, qui remettent en question le sens de l'existence, dans l'Écriture Sainte. En réalité, l'oscillation continue de Qohèleth entre sens et non-sens est la représentation ironique d'une connaissance de la vie détachée de la passion pour la justice, garantie par le jugement de Dieu. Et la conclusion du Livre indique la voie pour sortir de l'épreuve : « crains Dieu et observe ses commandements. Tout est là pour l’homme. » (12,13). Voici le conseil pour résoudre ce problème.

Face à une réalité qui, à certains moments, nous semble accueillir tous les contraires, leur réservant malgré tout le même destin, qui est de finir dans le néant, la voie de l'indifférence peut aussi nous apparaître comme le seul remède à une douloureuse désillusion. Surgissent en nous des questions comme celles-ci : Nos efforts ont-ils changé le monde ? Quelqu'un est-il capable de faire valoir la différence entre le juste et l'injuste ? Il semble que tout cela soit inutile : pourquoi faire tant d'efforts ?

C'est une sorte d'intuition négative qui peut surgir à n'importe quelle saison de la vie, mais il ne fait aucun doute que la vieillesse rend quasiment inévitable ce rendez-vous avec le désenchantement. Le désenchantement survient dans la vieillesse. Et donc, la résistance de la vieillesse aux effets démoralisants de ce désenchantement est décisive : si les personnes âgées, qui désormais en ont vu de tout, gardent intacte leur passion pour la justice, alors il y a de l'espérance pour l'amour, et aussi pour la foi. Et pour le monde contemporain, le passage par cette crise est devenu crucial, une crise salutaire, pourquoi ? Parce qu’une culture qui prétend mesurer tout et manipuler tout finit aussi par produire une démoralisation collective du sens, une démoralisation de l'amour, une démoralisation également du bien.

Cette démoralisation nous enlève toute volonté d'agir. Une prétendue « vérité », qui ne se limite qu'à cataloguer le monde, catalogue aussi son indifférence à l'égard des contraires et les livre, sans rédemption, au flux du temps et au destin du néant. Sous cette forme - revêtue de scientificité, mais aussi privée de sensibilité et privée de morale - la recherche moderne de la vérité a été tentée de se débarrasser totalement de la passion pour la justice. Elle ne croit plus ni à son destin, ni à sa promesse, ni à sa rédemption.

Pour notre culture moderne, qui voudrait remettre pratiquement tout à la connaissance exacte des choses, l'apparition de cette nouvelle raison cynique - qui résume connaissance et irresponsabilité - est un très dur retour de bâton. En effet, la connaissance qui nous exonère de la moralité semble de prime abord une source de liberté, d'énergie, mais se transforme bien vite en une paralysie de l'âme.

Qohèleth, avec son ironie, démasque déjà cette tentation fatale d'une omnipotence du savoir - un « délire d'omniscience » - qui engendre une impotence de la volonté. Les moines de la plus antique tradition chrétienne avaient précisément identifié cette maladie de l'âme, qui découvre soudain la vanité de la connaissance sans foi ni morale, l'illusion de la vérité sans justice. Ils l'appelaient « acédie ». Et c'est l'une des tentations de tous, même des vieux, mais de tout le monde. Ce n'est pas simplement de la paresse : non, c'est bien plus. Il ne s'agit pas simplement d'une dépression : non. L’acédie est plutôt la capitulation devant la connaissance du monde sans passion pour la justice ni engagement conséquent.

Le vide de sens et de force ouvert par cette connaissance, qui rejette toute responsabilité éthique et toute attachement pour le bien réel, n'est pas sans inconvénients. Il ne prive pas seulement d’énergies la volonté du bien : par contre-coup, il donne libre cours à l'agressivité des forces du mal. Ce sont les forces d’une raison devenue folle, rendue cynique par excès d'idéologie. En fait, avec tous nos progrès et toute notre prospérité, nous sommes vraiment devenus une « société de la fatigue ». Pensez-y : nous sommes la société de la fatigue ! Nous étions censés produire un bien-être généralisé et nous tolérons un marché scientifiquement sélectif de la santé. Nous étions censés mettre une limite insurmontable à la paix, et nous voyons de plus en plus de guerres impitoyables contre des personnes sans défense. La science progresse, bien sûr, et c'est une bonne chose. Mais la sagesse de la vie est tout autre chose, et elle semble en perte de vitesse.

Enfin, cette raison sans-affectivité et irresponsable prive de sens et d'énergie également la connaissance de la vérité. Ce n'est pas un hasard si notre temps est celui des fakenews, des superstitions collectives et des vérités pseudo-scientifiques. C'est curieux : dans cette culture du savoir, de connaître toutes les choses, même de la précision du savoir, Tant de sorcelleries se sont répandues, mais des sorcelleries cultivées. C'est de la sorcellerie avec une certaine culture mais qui t'amène à mener une vie pleine de superstitions : d'un côté, pour avancer avec intelligence en connaissant les choses jusqu'au fond ; d'autre part, l'âme qui a besoin d'une autre chose et emprunte le chemin des superstitions et finit dans le registre de la sorcellerie. La vieillesse peut apprendre de la sagesse ironique de Qohèleth l'art de mettre en lumière la tromperie cachée dans le délire d'une vérité de l'esprit dénuée d'affection pour la justice. Les personnes âgées, riches en sagesse et en humour, font tellement de bien aux jeunes ! Ils les préservent de la tentation d'un triste savoir mondain dépourvu de la sagesse de la vie. Et aussi, ces personnes âgées reconduisent les jeunes à la promesse de Jésus : "Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés" (Mt 5,6). Ce sont eux qui sèmeront la faim et la soif de justice chez les jeunes. Courage, nous tous, les anciens : courage et en avant ! Nous avons une très importante mission dans le monde. Mais, je vous en prie, nous ne devons pas nous réfugier dans cet idéalisme quelque peu non concret, non réel, sans racines - disons-le clairement : dans les sorcelleries de la vie.

Source : vatican.va

 

 

«Tuer n'est pas humain, point.

Si vous tuez avec motivation, oui... vous finirez par tuer de plus en plus. Tuer, laissons cela aux animaux.»

Pape François, 15/09/2022

 

 

Catéchèse sur la vieillesse - 10. Job. L'épreuve de la foi, la bénédiction de l'attente

par Pape François, audience générale, 18/05/2022

Chers frères et sœurs, bonjour !

Le passage biblique que nous avons entendu conclut le Livre de Job, une sommité de la littérature universelle. Nous rencontrons Job dans notre parcours de catéchèse sur la vieillesse : nous le rencontrons comme un témoin de la foi qui n'accepte pas une "caricature" de Dieu, mais qui crie sa protestation face au mal, jusqu'à ce que Dieu réponde et révèle son visage. Et Dieu finit par répondre, comme toujours de manière surprenante : il montre à Job sa gloire mais sans l'écraser, bien au contraire, avec une tendresse souveraine, comme Dieu le fait, toujours, avec tendresse. Il faut bien lire les pages de ce livre, sans préjugés ni clichés, pour saisir la force du cri de Job. Cela nous fera du bien de nous mettre à son école, pour vaincre la tentation du moralisme face à l'exaspération et à la démoralisation devant la douleur d'avoir tout perdu.

Dans ce dernier passage du livre - nous rappelons l'histoire, Job qui perd tout dans la vie, perd ses richesses, perd sa famille, perd son fils et perd aussi la santé, et reste là, couvert de plaies, en dialogue avec trois amis, puis un quatrième, qui viennent le saluer : c'est l'histoire - et dans ce passage aujourd'hui, le passage de conclusion du livre, quand Dieu prend enfin la parole (et ce dialogue de Job avec ses amis est comme une route vers le moment où Dieu donne sa parole) Job est loué parce qu'il a compris le mystère de la tendresse de Dieu caché derrière son silence. Dieu réprimande les amis de Job qui prétendaient tout savoir, savoir sur Dieu et sur le mal, et qui, venus pour consoler Job, avaient fini par le juger avec leurs schémas préconstitués. Que Dieu nous préserve de ce piétisme hypocrite et présomptueux ! Dieu nous préserve de cette religiosité moralisatrice et de cette religiosité des préceptes qui nous donne une certaine présomption et conduit au pharisaïsme et à l'hypocrisie.

Voici comment le Seigneur s'exprime à leur égard. Ainsi parle le Seigneur : "Ma colère s’est enflammée contre [vous] [...] parce que vous n’avez pas parlé de moi avec justesse comme l’a fait mon serviteur Job. [...] » : c'est ce que dit le Seigneur aux amis de Job. « Job mon serviteur intercédera pour vous. Uniquement par égard pour lui, je ne vous infligerai pas l’infamie méritée pour n’avoir pas parlé de moi avec justesse, comme l’a fait mon serviteur Job." (42, 7-8). La déclaration de Dieu nous surprend, car nous avons lu les pages enflammées de la protestation de Job, qui nous ont laissé effrayés. Pourtant - dit le Seigneur - Job a bien parlé, même quand il était en colère et même en colère contre Dieu, mais il parlait bien, car il a refusé d'accepter que Dieu soit un "Persécuteur", Dieu, c'est autre chose. Et comme récompense, Dieu rend à Job le double de tous ses biens, après lui avoir demandé de prier pour ses mauvais amis.

Le tournant de la conversion de la foi se produit au summum de la colère de Job, quand il dit : "Je sais, moi, que mon rédempteur est vivant, que, le dernier, il se lèvera sur la poussière ! et quand bien même on m’arracherait la peau, de ma chair je verrai Dieu. Je le verrai, moi en personne, et si mes yeux le regardent, il ne sera plus un étranger." (19, 25-27). Ce passage est très beau. Je me souviens de la fin de ce génial oratorio de Haendel, le Messie, après la fête de l'Alléluia, le soprano chante lentement ce passage : "Je sais que mon Rédempteur est vivant", avec paix. Et donc, après toute cette histoire de douleur et de joie de Job, la voix du Seigneur est autre chose. "Je sais que mon Rédempteur est vivant" : c'est une chose très belle. Nous pouvons l'interpréter ainsi : " Mon Dieu, je sais que Tu n'es pas le Persécuteur. Mon Dieu viendra et me rendra justice". C'est la foi simple en la résurrection de Dieu, la foi simple en Jésus-Christ, la foi simple que le Seigneur nous attend toujours et qu'il viendra.

La parabole du livre de Job représente de manière dramatique et exemplaire ce qui se passe réellement dans la vie. C'est-à-dire que des épreuves trop lourdes, épreuves disproportionnées par rapport à la petitesse et à la fragilité humaine, s'abattent sur une personne, une famille ou un peuple. Dans la vie, souvent comme on dit, "le malheur n’arrive jamais seul". Et certaines personnes sont accablées par tant de maux que cela parait vraiment excessif et injuste. Et beaucoup de gens sont dans cette situation.

Nous avons tous connu de telles personnes. Nous avons été impressionnés par leur cri, mais nous avons aussi souvent été émerveillés par la constance de leur foi et de leur amour dans leur silence. Je pense aux parents d'enfants gravement handicapés, à ceux qui vivent avec une infirmité permanente ou au membre de la famille d'à côté... Situations souvent aggravées par le manque des ressources économiques. À certains moments de l'histoire, ces amoncellements de fardeaux semblent s’être donnés rendez-vous. C'est ce qui s'est passé ces dernières années avec la pandémie de Covid-19 et ce qui se passe actuellement avec la guerre en Ukraine.

Pouvons-nous justifier ces "excès" par une rationalité supérieure de la nature et de l'histoire ? Pouvons-nous les bénir religieusement comme une réponse justifiée à la culpabilité des victimes, qui les ont méritées ? Non, nous ne pouvons pas. Il existe une sorte de droit de la victime à protester, face au mystère du mal, un droit que Dieu accorde à tous, car c'est Lui-même, après tout, qui inspire. Parfois, des personnes viennent me trouver et me disent : "Mais, mon Père, j'ai protesté contre Dieu parce que j'ai tel problème, tel autre problème...". Mais tu sais, ma chère, que la protestation est une façon de prier, quand on le fait ainsi. Lorsque les enfants, les jeunes protestent contre leurs parents, c'est une façon d'attirer l'attention et de leur demander de s'occuper d'eux. Si vous avez dans votre cœur un malaise, une douleur et que vous avez envie de protester, proteste aussi contre Dieu, Dieu t'entend, Dieu est Père, Dieu n'est pas effrayé par notre prière de protestation, non ! Dieu comprend. Mais sois libre, sois libre dans ta prière, n'emprisonne pas ta prière dans des schémas préconstruits ! La prière doit être ainsi, spontanée, comme celle d'un fils avec son père, qui lui dit tout ce qui lui vient à la bouche parce qu'il sait que son père le comprend. Le "silence" de Dieu au premier moment du drame signifie ceci. Dieu ne recule pas devant la confrontation, mais dans un premier temps, il laisse à Job le moyen d'exprimer ses protestations, et Dieu écoute. Peut-être devrions-nous, parfois, apprendre de Dieu ce respect et cette tendresse. Et Dieu n'aime pas cette encyclopédie - appelons-la ainsi - d'explications, de réflexions que font les amis de Job. C'est le suc de la langue, qui ne convient pas : c'est cette religiosité qui explique tout, mais le cœur reste froid. Cela ne plaît pas à Dieu. Il préfère la protestation de Job ou le silence de Job.

La profession de foi de Job - qui émerge précisément de son appel incessant à Dieu, à une justice suprême - est complétée à la fin par l'expérience quasi mystique, je dirais, qui lui fait dire : "C’est par ouï-dire que je te connaissais, mais maintenant mes yeux t’ont vu." (42,5). Combien de personnes, combien d'entre nous, après une expérience un peu malheureuse, un peu sombre, lâchent prise et connaissent Dieu mieux qu'auparavant ! Et nous pouvons dire, comme Job : "Je te connaissais par ouï-dire, mais maintenant je t’ai vu, parce que je t’ai rencontré toi. Ce témoignage est particulièrement crédible si la vieillesse l'assume, dans sa progressive fragilité et sa dégradation. Les vieux en ont vu tant dans la vie ! Et ils ont aussi vu l'inconsistance des promesses des hommes. Des hommes de loi, des hommes de science, des hommes de religion même, qui confondent le persécuteur et la victime, imputant à cette dernière l'entière responsabilité de sa douleur. Ils se trompent !

Les vieillards qui trouvent la voie de ce témoignage, qui convertit le ressentiment de la perte en ténacité pour l'attente de la promesse de Dieu, - il se produit un changement, du ressentiment de la perte à la ténacité pour suivre la promesse de Dieu- ces personnes âgées sont pour la communauté un rempart insubstituable face à l'excès du mal. Le regard des croyants qui se tournent vers le Crucifié professe précisément cela. Puissions-nous l'apprendre nous aussi, de tant de grands-pères et de grands-mères, de tant de personnes âgées qui, comme Marie, unissent leur prière, parfois déchirante, à celle du Fils de Dieu qui, sur la croix, s’abandonne au Père. Considérons les personnes âgées, considérons les vieux, les vieilles, les petites vieilles ; considérons-les avec amour, considérons leur expérience personnelle. Ils ont tant souffert dans la vie, ils ont tant appris dans la vie, ils ont traversé tant d'épreuves, mais à la fin ils ont cette paix, une paix - je dirais - presque mystique, qui est la paix de la rencontre avec Dieu, au point qu'ils peuvent dire : "Je te connaissais par ouï-dire, mais maintenant mes yeux t'ont vu". Ces vieillards sont à la hauteur de cette paix du fils de Dieu sur la croix qui s'abandonne au Père.

Source : vatican.va

 

 

Catéchèse sur la vieillesse - 9. Judith. Une jeunesse admirable, une vieillesse généreuse

par Pape François, audience générale, 04/05/2022

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd'hui, nous parlerons de Judith, une héroïne biblique. La conclusion du livre qui porte son nom - nous en avons entendu un extrait - résume la dernière partie de la vie de cette femme, qui défendit Israël contre ses ennemis. Judith est une jeune et vertueuse veuve juive qui, grâce à sa foi, sa beauté et son astuce, sauve la ville de Béthulie et le peuple de Judée du siège d'Holopherne, général de Nabuchodonosor, roi d'Assyrie, un ennemi puissant et dédaigneux de Dieu. Ainsi, grâce à sa manière rusée d'agir, elle est capable de trancher la gorge du dictateur qui s'en prend au pays. Elle était courageuse, cette femme, mais elle avait la foi...

Après la grande aventure dont elle est protagoniste, Judith retourne vivre dans sa ville, Béthulie, où elle vit une belle vieillesse jusqu’à cent cinq ans. Comme c'est le cas pour de nombreuses personnes : parfois après une vie de travail intense, parfois après une existence aventureuse, ou une existence de grand dévouement. L'héroïsme n'est pas seulement celui des grands événements qui tombent sous les feux des projecteurs, par exemple le meurtre du dictateur par Judith : mais souvent on trouve l'héroïsme dans la ténacité de l'amour vécu dans une famille difficile et en faveur d'une communauté menacée.

Judith a vécu plus de 100 ans, une bénédiction particulière. Mais il n'est pas rare aujourd'hui qu'il reste tant d'années à vivre après le moment de la retraite. Comment interpréter, comment tirer le meilleur parti de ce temps dont nous disposons ? Je prends ma retraite aujourd'hui, et cela fera de nombreuses années, et que puis-je faire pendant ces années ? Comment puis-je grandir - en âge, cela va sans dire, mais comment puis-je grandir en autorité, en sainteté, en sagesse ?

La perspective de la retraite coïncide pour beaucoup, avec celui d’un repos mérité et désiré après des activités exigeantes et fatigantes. Mais il arrive aussi que la fin du travail soit une source d'inquiétude et soit attendue avec une certaine appréhension. "Que vais-je faire maintenant que ma vie va être vidée de tout ce qui l'a remplie pendant si longtemps ?" : c’est la question. Le travail quotidien, c'est aussi un ensemble de relations, la satisfaction de gagner sa vie, l'expérience d'avoir un rôle, une considération méritée, un emploi à temps plein qui dépasse le simple horaire de travail.

Bien sûr, il y a l'engagement, à la fois joyeux et fatigant, de s'occuper des petits-enfants, et aujourd'hui, les grands-parents ont un rôle très important au sein de la famille pour aider à élever les petits-enfants ; mais nous savons qu'aujourd'hui il y a de moins en moins d'enfants qui naissent, et que les parents sont souvent plus éloignés, plus sujets aux déplacements, avec des situations de travail et d’habitation non favorables. Parfois, ils sont aussi plus réticents à confier aux grands-parents des espaces pour l’éducation, ne leur accordant que ceux strictement lié au besoin d’assistance. Mais quelqu'un me disait, en souriant un peu ironiquement : "Aujourd'hui, les grands-parents, dans cette situation socio-économique, sont devenus plus importants, parce qu'ils ont une pension". Eh, ils le pensent. Il y a de nouvelles exigences, même au niveau des relations éducatives et parentales, qui nous obligent à remodeler l'alliance traditionnelle entre les générations.

Mais, demandons-nous : faisons-nous cet effort de "remodèlement" ? Ou subissons-nous simplement l'inertie des conditions matérielles et économiques ? La présence ensemble des générations s'allonge en effet. Cherchons-nous, tous ensemble, de la rendre plus humaines, plus affectueuse, plus juste, dans les nouvelles conditions des sociétés modernes ? Pour les grands-parents, une part importante de leur vocation est de soutenir leurs enfants dans l’éducation de leurs petits-enfants. Les petits-enfants apprennent la force de la tendresse et le respect de la fragilité : des leçons irremplaçables, qui sont plus faciles à transmettre et à recevoir avec les grands-parents. Les grands-parents, quant à eux, apprennent que la tendresse et la fragilité ne sont pas seulement des signes de déclin : pour les jeunes, ce sont des étapes qui rendent l'avenir humain.

Judith est veuve très tôt et n'a pas d'enfants, mais en tant que femme âgée, elle a pu vivre une saison de plénitude et de sérénité, sachant qu'elle avait vécu pleinement la mission que le Seigneur lui avait confiée. Pour elle, c’est le temps de laisser le bon héritage de la sagesse, de la tendresse, de dons pour la famille et la communauté : un héritage du bien et pas seulement de biens. Lorsque nous pensons à l'héritage, nous pensons parfois aux biens, et non au bien qui a été fait dans la vieillesse et qui a été semé, ce bien qui est le meilleur héritage que nous pouvons laisser.

Précisément dans sa vieillesse, Judith "affranchit sa servante préférée". C'est le signe d'un regard attentif et humain envers ceux qui l'ont côtoyée. Cette servante l'avait accompagnée dans cette aventure pour vaincre le dictateur et lui trancher la gorge. En vieillissant, on perd un peu la vue mais le regard intérieur devient plus pénétrant : on voit avec le cœur. On devient capable de voir des choses qui nous échappaient auparavant. Les personnes âgées savent regarder et savent voir... C'est ainsi : le Seigneur ne confie pas seulement ses talents aux jeunes et aux forts : il a des talents pour tous, faits sur mesure pour chacun, également pour les vieux. La vie de nos communautés doit savoir profiter des talents et des charismes de tant de personnes âgées, déjà retraitées, mais qui sont une richesse à valoriser. Cela exige, de la part des personnes âgées elles-mêmes, une attention créative et une attention nouvelle, une disponibilité généreuse. Les anciennes compétences de la vie active perdent leur part de contrainte et deviennent des ressources de don : enseigner, conseiller, construire, soigner, écouter... De préférence au profit des plus démunis, qui n'ont pas les moyens d'apprendre ou qui sont abandonnés à leur solitude.

Judith a libéré sa servante et a couvert tout le monde d'attentions. Jeune fille, elle avait gagné l'estime de la communauté par son courage. Dans sa vieillesse, elle l'a mérité pour la tendresse avec laquelle elle a enrichi leur liberté et leurs affections. Judith n'est pas une retraitée qui vit son vide de façon mélancolique : c'est une femme âgée passionnée qui remplit de dons le temps que Dieu lui offre. Je vous recommande : prenez, un de ces jours, la Bible et prenez le livre de Judith : il est minuscule, on le lit... il y a 10 pages, pas plus. Lisez cette histoire d'une femme courageuse qui s’accomplit ainsi, avec tendresse, avec générosité, une femme à la hauteur. Et je voudrais que toutes nos grands-mères soient ainsi, comme ça : courageuses, sages et qu’elles nous laissent en héritage non pas de l'argent, mais l’héritage de la sagesse, semée dans leurs petits-enfants. Merci.

Source : vatican.va

 

 

Pour l’abolition de la peine de mort – La Vidéo du Pape – Septembre 2022

 

"Prions pour que la peine de mort, qui porte atteinte à l’inviolabilité et à la dignité de la personne, soit abolie dans la législation de tous les pays du monde."

 

 

Il y a de nombreuses raisons de dire « NON » à la peine de mort. Elle n’est pas juste, car « n’offre pas de justice aux victimes, mais elle encourage au contraire la vengeance. Et cela empêche toute possibilité de réparer une éventuelle erreur judiciaire ». Elle est moralement inadéquate, car elle « détruit le don le plus important que nous ayons reçu: la vie ». Et, comme nous le rappelle François, « à la lumière de l’Évangile, la peine de mort est inadmissible ». Ne restons pas indifférents aux législations qui, dans certaines parties du monde, autorisent encore la peine de mort. Joignons-nous à l’appel du Saint-Père en partageant cette vidéo.

« Chaque jour, de plus en plus de personnes dans le monde disent NON à la peine de mort. Pour l’Église, c’est un signe d’espérance.
D’un point de vue juridique, elle n’est pas nécessaire.
La société peut réprimer efficacement le crime sans priver définitivement celui qui l’a commis de la possibilité de se racheter.
Il doit toujours y avoir une fenêtre d’espoir dans chaque condamnation.
La peine capitale n’offre pas de justice aux victimes, mais elle encourage au contraire la vengeance.
Et cela empêche toute possibilité de réparer une éventuelle erreur judiciaire.
D’autre part, moralement, la peine de mort est inadéquate. Elle détruit le don le plus important que nous ayons reçu : la vie.
N’oublions pas que, jusqu’au dernier moment, une personne peut se convertir et peut changer.
Et, à la lumière de l’Évangile, la peine de mort est inadmissible.
Le commandement « tu ne tueras point » concerne aussi bien l’innocent que le coupable.
J’appelle donc toutes les personnes de bonne volonté à se mobiliser pour obtenir l’abolition de la peine de mort dans le monde entier.
Prions pour que la peine de mort, qui porte atteinte à l’inviolabilité et à la dignité de la personne, soit abolie dans la législation de tous les pays du monde ».

 

 

Catéchèse sur la vieillesse - 8. Eléazar, la cohérence de la foi, héritage de l'honneur

par Pape François, audience générale, 04/05/2022

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans le parcours de cette catéchèse sur la vieillesse, aujourd'hui nous rencontrons un personnage biblique – une personne âgée - du nom d’Eléazar, qui a vécu à l'époque de la persécution d'Antiochus Epiphane. C’est une belle figure. Sa figure nous transmet un témoignage du rapport spécial qui existe entre la fidélité de la vieillesse et l'honneur de la foi. Il est fier celui-là, hein ! Je voudrais parler précisément de l'honneur de la foi, et pas seulement de la cohérence, de la proclamation, de la résistance de la foi. L'honneur de la foi se trouve périodiquement sous la pression, même violente, de la part de la culture dominante, qui cherche à l'avilir en la traitant comme un vestige archéologique, ou une vieille superstition, une ténacité anachronique et ainsi de suite.

Le récit biblique - nous en avons entendu un petit extrait, mais il est bon de le lire dans son intégralité - raconte l'épisode des Juifs contraints par un décret du roi à manger des viandes sacrifiées aux idoles. Lorsqu’arriva le tour d'Eléazar, c'était un vieil homme très respecté, nonagénaire ; très respecté de tous - il faisait autorité -, les fonctionnaires du roi lui conseillèrent de faire une simulation, c'est-à-dire de faire semblant de manger la viande sans le faire réellement. L'hypocrisie. L'hypocrisie religieuse. Il y en a beaucoup, hein ! Il y a tant d'hypocrisie religieuse, d'hypocrisie cléricale, il y en a tant. Ils lui disent : "Mais fais un peu l'hypocrite, personne ne le remarquera". Ainsi, Eléazar serait sauvé, et - disaient-ils - au nom de l'amitié, il aurait accepté leur geste de compassion et d'affection. La sortie hypocrite. Après tout - insistaient-ils - c'était un geste minime, faire semblant de manger mais ne pas manger, un geste insignifiant.

C'est peu de chose, mais la réponse calme et ferme d'Eléazar repose sur un argument qui nous frappe. Le point central est le suivant : déshonorer la foi dans la vieillesse, pour gagner quelques jours, n'est pas comparable à l'héritage qu'elle doit laisser aux jeunes, pour des générations entières à venir. Mais félicitations à cet Eléazar. Un vieil homme qui a vécu dans la cohérence de sa foi sa vie entière, et qui maintenant s'adapte à feindre de la renier, condamne la nouvelle génération à penser que toute la foi n'a été qu'une imposture, un revêtement extérieur que l'on peut abandonner, en pensant pouvoir la préserver dans l'intimité. Et ce n’est pas ainsi, dit Eléazar. Un tel comportement n'honore pas la foi, pas même devant Dieu. Et l'effet de cette banalisation extérieure sera dévastateur pour la vie intérieure des jeunes. Mais la cohérence de cet homme qui pense aux jeunes ! Il pense à l'hérédité future, il pense à son peuple.

Précisément la vieillesse - et c'est bien pour vous, les vieux, hein ! - apparaît ici comme le lieu décisif, et le lieu irremplaçable, de ce témoignage. Un vieil homme qui, en raison de sa vulnérabilité, accepterait de considérer la pratique de la foi comme insignifiante, ferait croire aux jeunes que la foi n'a aucun réel rapport avec la vie. Elle leur apparaîtrait, dès le départ, comme un ensemble de comportements qui, en l’occurrence, peuvent être simulés ou dissimulés, car aucun d'entre eux n'est aussi important pour la vie.

L'ancienne gnose hétérodoxe, qui a été un piège très puissant et très séduisant pour le christianisme des premiers siècles, théorisait à ce sujet, c'est une vieille histoire : que la foi est une spiritualité, pas une pratique ; une force de l'esprit, pas une façon de vivre. La fidélité et l'honneur de la foi, selon cette hérésie, n'ont rien à voir avec les comportements de la vie, les institutions de la communauté, et les symboles du corps. Rien à voir. La séduction de cette perspective est forte, car elle interprète, à sa manière, une vérité indiscutable : la foi ne peut jamais être réduite à un ensemble de règles alimentaires ou de pratiques sociales. La foi est une autre chose. L’inconvénient est que la radicalisation gnostique de cette vérité annule le réalisme de la foi chrétienne, parce que la foi chrétienne est réaliste, la foi chrétienne ne consiste pas seulement à dire le Credo : elle consiste à penser le Credo, à le comprendre et à le pratiquer. En agissant avec les mains. Au lieu de cela, cette proposition gnostique est faire semblant, mais l'important est que tu aies de la spiritualité à l'intérieur et alors tu peux faire ce que tu veux. Et ceci n'est pas chrétien. C'est la première hérésie des gnostiques, qui est très à la mode ici, en ce moment, dans tant de centres de spiritualité, etc. Et elle vide aussi le témoignage de ces personnes qui montrent les signes concrets de Dieu dans la vie de la communauté et résistent aux perversions de l'esprit à travers les gestes du corps.

La tentation gnostique qui est une des - disons le mot - hérésies, une des déviations religieuses de ce temps, la tentation gnostique reste toujours actuelle. Dans de nombreuses tendances de notre société et de notre culture, la pratique de la foi subit une représentation négative, parfois sous forme d'ironie culturelle, parfois avec une marginalisation cachée. La pratique de la foi pour ces gnostiques qui existaient déjà à l'époque de Jésus, est considérée comme un aspect inutile et même nuisible, comme un résidu désuet, comme une superstition déguisée. En bref, quelque chose pour les vieux. La pression que cette critique infondée exerce sur les jeunes générations est forte. Bien sûr, nous savons que la pratique de la foi peut devenir une extériorité sans âme, c'est l'autre danger, le contraire, n'est-ce pas ? Et c'est vrai, n'est-ce pas ? Mais en soi, elle ne l'est pas. Il nous revient peut-être à nous, les anciens - et il y en a encore ici - de remplir une mission très importante : rendre à la foi son honneur, la rendre cohérente, ce qui est le témoignage d'Eléazar : la cohérence jusqu'au bout. La pratique de la foi n'est pas le symbole de notre faiblesse- non-, mais plutôt le signe de sa force. Nous ne sommes plus de jeunes garçons. Nous ne plaisantions pas lorsque nous nous sommes engagés à la suite du Seigneur ! Non

La foi mérite respect et honneur jusqu’au bout : elle nous a changé la vie, nous a purifié l’esprit, nous a appris l’adoration de Dieu et l'amour du prochain. C'est une bénédiction pour tous ! Mais toute la foi, non pas une partie. Nous n'échangerons pas la foi contre une poignée de jours tranquilles, comme le fait Eléazar. Non. Cohérent jusqu'au bout. Et va au martyre ainsi, non ? Nous montrerons, en toute humilité et fermeté, jusque dans notre vieillesse, que croire n'est pas quelque chose "pour les vieux". Non. C'est une chose de la vie. Croyez en l'Esprit Saint, qui fait toutes choses nouvelles, et il nous aidera naturellement.

Chers frères et sœurs âgés, pour ne pas dire vieux, nous sommes dans le même groupe, s'il vous plaît, prêtons attention aux jeunes : ils nous regardent. Ils nous observent. N'oubliez pas cela. Cela me rappelle ce merveilleux film d'après-guerre : "Les enfants nous regardent". Nous pouvons dire la même chose avec les jeunes : les jeunes nous regardent et notre cohérence peut leur ouvrir un très beau chemin de vie. Au contraire, une éventuelle hypocrisie fera tant de mal. Prions les uns pour les autres. Que Dieu nous bénisse tous les vieux. Merci.

Source : vatican.va

 

 

Catéchèse sur la vieillesse - 7. Noémie, l’alliance entre les générations qui ouvre l'avenir

par Pape François, audience générale, 27/04/2022

Aujourd’hui, nous continuons à réfléchir sur les personnes âgées, sur les grands-parents, sur la vieillesse, ce mot sonne mal, mais non, les vieux sont grands, ils sont beaux ! Et aujourd’hui, nous serons inspirés par le merveilleux livre de Ruth, un joyau de la Bible. La parabole de Ruth met en lumière la beauté des liens familiaux : générés par la relation du couple, mais qui vont au-delà. Des liens d’amour capables d’être tout aussi forts, dans lesquels rayonne la perfection de ce polyèdre d’affections fondamentales qui forment la grammaire familiale de l’amour. Cette grammaire apporte une sève vitale et une sagesse générative à l’ensemble des relations qui constituent la communauté. Par rapport au Cantique des cantiques, le livre de Ruth est comme l’autre panneau du diptyque de l’amour nuptial. Tout aussi important, tout aussi essentiel, il célèbre en effet la puissance et la poésie qui doivent habiter les liens de génération, de parenté, de dévouement et de fidélité qui enveloppent toute la constellation familiale. Et qui deviennent même capables, dans les conjonctures dramatiques de la vie d’un couple, d’apporter une force d’amour inimaginable, capable d’en relancer l’espoir et l’avenir.

Nous savons que les lieux communs sur les liens de parenté créés par le mariage, surtout celui de la belle-mère, de la belle-mère et de la belle-fille, vont à l’encontre de cette perspective. Mais, précisément pour cette raison, la Parole de Dieu devient précieuse. L’inspiration de la foi sait ouvrir un horizon de témoignage qui va à contre-courant des préjugés les plus communs, un horizon précieux pour toute la communauté humaine. Je vous invite à redécouvrir le livre de Ruth ! Surtout dans la méditation sur l’amour et dans la catéchèse sur la famille.Ce petit livre contient aussi un enseignement précieux sur l’alliance des générations : où la jeunesse se révèle capable de redonner de l’enthousiasme à l’âge mûr — cela est essentiel : quand la jeunesse redonne de l’enthousiasme aux personnes âgées —, où la vieillesse se révèle capable de rouvrir l’avenir d’une jeunesse blessée. Dans un premier temps, la vieille Noémi, bien qu’émue par l’affection de ses belles-filles, veuves de ses deux fils, se révèle pessimiste quant à leur sort au sein d’un peuple qui n’est pas le leur. C’est pourquoi elle encourage affectueusement les jeunes femmes à retourner dans leur famille pour se refaire une nouvelle vie — ces jeunes femmes veuves étaient jeunes — et leur dit : « Je ne peux rien faire pour vous ». Cela apparaît déjà comme un acte d’amour : la vieille femme, sans mari et sans plus d’enfants, insiste pour que ses belles-filles l’abandonnent. Mais c’est aussi une sorte de résignation : il n’y a pas d’avenir possible pour les veuves étrangères, privées de la protection de leurs maris. Ruth le sait et résiste à cette offre généreuse ; elle ne veut pas quitter sa maison.

Le lien qui s’est établi entre la belle-mère et la belle-fille a été béni par Dieu : Noémi ne peut pas demander d’être abandonnée. Dans un premier temps, Noémi semble plus résignée qu’heureuse de cette offre : peut-être pense-t-elle que ce lien étrange va augmenter le risque pour toutes les deux. Dans certains cas, la tendance au pessimisme des personnes âgées doit être contrebalancée par la pression affectueuse des jeunes.De fait, Noémi, émue par le dévouement de Ruth, sortira de son pessimisme et prendra même l’initiative, ouvrant un nouvel avenir à -Ruth. Elle instruit et encourage -Ruth, la veuve de son fils, à conquérir un nouveau mari en Israël. Booz, le candidat, montre sa noblesse en défendant Ruth auprès de ses employés hommes. Malheureusement, c’est un risque qui existe aussi aujourd’hui.

Le nouveau mariage de Ruth est célébré et les mondes sont à nouveau en paix. Les femmes d’Israël disent à Noémi que Ruth, l’étrangère, vaut « plus que sept enfants » et que ce mariage sera une « bénédiction du Seigneur ». Noémi, qui était pleine d’amertume et qui disait aussi que son nom était amertume, connaîtra dans sa vieillesse la joie d’avoir participé à la génération d’une nouvelle naissance. Voyez combien de « miracles » accompagnent la conversion de cette vieille femme ! Elle se convertit à l’engagement de se rendre disponible, avec amour, pour l’avenir d’une génération blessée par la perte et risquant l’abandon. Les fronts de la recomposition sont les mêmes que ceux qui, selon les probabilités tracées par les préjugés du bon sens, devraient engendrer des fractures insurmontables. Au contraire, la foi et l’amour permettent de les surmonter : la belle-mère surmonte sa jalousie à l’égard de son propre fils, en aimant le nouveau lien de Ruth ; les femmes d’Israël surmontent leur méfiance à l’égard de l’étranger (et si les femmes le font, tout le monde le fera); la vulnérabilité de la jeune fille seule, face au pouvoir masculin est réconciliée par un lien plein d’amour et de respect.

Et tout cela parce que la jeune -Ruth s’est obstinée à être fidèle à une relation exposée aux préjugés ethniques et religieux. Et, en reprenant ce que j’ai dit au début, aujourd’hui, la belle-mère est un personnage mythique, je ne dis pas qu’on considère la belle-mère comme le diable, mais on la considère toujours comme une mauvaise figure. Mais la belle-mère est la mère de ton mari, elle est la mère de ta femme. Pensons aujourd’hui à ce sentiment assez répandu que plus la belle-mère est éloignée, mieux c’est. Non ! C’est une mère, elle est vieille. L’une des plus belles choses pour les grands-mères est de voir leurs petits-enfants, lorsque leurs enfants ont des enfants, ils reprennent vie. Regardez bien la relation que vous avez avec vos belles-mères : elles sont parfois un peu spéciales, mais elles t’ont donné la maternité de ton conjoint, elles t’ont tout donné. Il faut au moins les rendre heureuses, pour qu’elles puissent vivre leur vieillesse avec bonheur. Et si elles ont des défauts, il faut les aider à les corriger. Je vous dis aussi, à vous, belles-mères : faites attention à votre langue, car la langue est l’un des péchés les plus laids des belles-mères, faites attention.

Et dans ce livre, Ruth accepte sa belle-mère et la fait revivre, et la vieille Noémi prend l’initiative de rouvrir l’avenir à Ruth, au lieu de se contenter de profiter de son soutien. Si les jeunes s’ouvrent à la gratitude pour ce qu’ils ont reçu et que les personnes âgées prennent l’initiative de relancer leur avenir, rien ne pourra arrêter la floraison de bénédictions de Dieu entre les peuples ! Surtout, que les jeunes parlent avec leurs grands-parents, que les jeunes parlent avec les personnes âgées, que les personnes âgées parlent avec les jeunes. Nous devons rétablir ce pont avec force, il y a là un courant de salut, de bonheur. En faisant cela, que le Seigneur nous aide à croître en harmonie dans les familles, cette harmonie constructive qui va des personnes âgées aux plus jeunes, ce beau pont que nous devons conserver et surveiller.

Source : vatican.va

 

 

Catéchèse sur la vieillesse - 6. "Honore ton père et ta mère" : l'amour pour la vie vécue

par Pape François, audience générale, 20/04/2022

Chers frères et sœurs, bonjour!

Aujourd'hui, avec l'aide de la Parole de Dieu que nous avons écoutée, nous ouvrons un passage à travers la fragilité de la vieillesse, marquée de manière particulière par les expériences de désorientation et de découragement, de perte et d'abandon, de désillusion et de doute. Naturellement, les expériences de notre fragilité face aux situations dramatiques — parfois tragiques — de la vie peuvent survenir à tout moment de l’existence. Cependant, avec la vieillesse, elles peuvent apparaitre moins impressionnantes et induire chez les autres une sorte d'accoutumance, voire d'agacement. Combien de fois avons-nous entendu ou avons-nous pensé : « Les vieux dérangent » ; nous l’avons dit, nous l’avons pensé... Les blessures plus graves de l'enfance et de la jeunesse provoquent à juste titre un sentiment d'injustice et de rébellion, une force de réaction et de combat. Au contraire, les blessures, même graves, de la vieillesse s'accompagnent inévitablement du sentiment que, de toute façon, la vie ne se contredit pas, puisqu'elle a déjà été vécue. Et ainsi, les personnes âgées sont un peu éloignées aussi de notre expérience : nous voulons les éloigner.

Dans l'expérience humaine commune, l'amour — comme on dit — est descendant : il ne se retourne pas sur la vie qui est derrière avec la même force avec laquelle il se déverse sur la vie qui est encore devant nous. La gratuité de l'amour apparaît aussi en cela : les parents l'ont toujours su, les personnes âgées l'apprennent tôt. Néanmoins, la révélation ouvre la voie à une restitution d’amour différente : c'est la voie d'honorer ceux qui nous ont précédés. La voie d'honorer les personnes qui nous ont précédés commence ici : honorer les personnes âgées.

Cet amour particulier qui ouvre la voie sous forme d'honneur — c’est-à-dire tendresse et respect à la fois — destiné aux personnes âgées est scellé par le commandement de Dieu. « Honore ton père et ta mère » est un engagement solennel, le premier de la « deuxième table » des dix commandements. Il ne s'agit pas seulement de son père et de sa mère. Il s'agit de la génération et des générations précédentes, dont le départ peut également être lent et prolongé, créant un temps et un espace de coexistence durable avec les autres âges de la vie. En d'autres termes, il s'agit de la vieillesse de la vie.

L'honneur est un mot juste pour encadrer ce domaine de restitution de l'amour qui concerne l’âge avancé. C’est-à-dire que nous avons reçu l’amour de nos parents, de nos grands-parents, et à présent, nous leur restituons cet amour à eux, les personnes âgées, les grands-parents. Aujourd'hui, nous avons redécouvert le terme « dignité », pour indiquer la valeur du respect et du soin de la vie de chacun. La dignité, ici, équivaut essentiellement à l’honneur : honorer le père et la mère, honorer les personnes âgées et reconnaître la dignité qu’elles ont.

Réfléchissons bien à cette belle déclinaison de l'amour qu'est l'honneur. Le soin même du malade, le soutien de ceux qui ne sont pas autosuffisants, la garantie de la subsistance, peuvent manquer d'honneur. L'honneur fait défaut lorsqu'un excès de confiance, au lieu de s'exprimer par la délicatesse et l'affection, la tendresse et le respect, se transforme en rigidité et en prévarication. Quand la faiblesse est reprochée, et même punie, comme si c'était une faute. Quand l'incompréhension et la confusion deviennent une brèche pour la dérision et l'agression. Cela peut se produire même à la maison, dans les centres de soins, ainsi que dans les bureaux ou dans les espaces ouverts de la ville. Encourager chez les jeunes, même indirectement, une attitude de condescendance — et même de mépris — envers les personnes âgées, leurs faiblesses et leur précarité, produit des choses horribles. Cela ouvre la voie à des excès inimaginables. Les jeunes qui mettent le feu à la couverture d'un « clochard » — nous l’avons vu — parce qu'ils le considèrent comme un rejet humain sont la partie émergée de l'iceberg, c'est-à-dire du mépris pour une vie qui, loin des attraits et des élans de la jeunesse, apparaît déjà comme une vie à rejeter. Nous pensons souvent que les personnes âgées sont un rebut ou nous les rejetons nous-mêmes ; on méprise et on rejettent les personnes âgées de la vie, en les mettant de côté.

Ce mépris, qui déshonore la personne âgée, nous déshonore tous en réalité. Si je déshonore la personne âgée, je me déshonore moi-même. Le passage du livre du Siracide, entendu au début, est à juste titre sévère à l'égard de ce déshonneur, qui crie vengeance aux yeux de Dieu. Il y a un passage dans l'histoire de Noé qui est très expressif à cet égard. Le vieux Noé, héros du déluge et encore grand travailleur, est inconscient après avoir bu quelques verres de trop. Il est déjà âgé, mais il a trop bu. Ses fils, pour ne pas qu’il se réveille dans l'embarras, le couvrent délicatement, le regard baissé, avec un grand respect. Ce texte est très beau et dit tout de l'honneur dû à la personne âgée ; couvrir les faiblesses de la personne âgée, pour ne pas qu’elle ait honte, c’est un texte qui nous aide beaucoup.

Malgré toutes les dispositions matérielles que les sociétés plus riches et plus organisées mettent à la disposition des personnes âgées — dont nous pouvons certainement être fiers —, la lutte pour restituer cette forme particulière d'amour qu'est l'honneur, me semble encore fragile et immature. Nous devons tout faire pour la soutenir et l'encourager, en offrant un meilleur soutien social et culturel à ceux qui sont sensibles à cette forme décisive de la « civilisation de l’amour ». Et sur cela, je me permets de conseiller aux parents : s’il vous plaît, approcher les enfants, les jeunes, les enfants jeunes des personnes âgées, les rapprocher toujours. Et quand la personne âgée est malade, a perdu un peu la tête, les approcher, toujours : qu’ils sachent que c’est notre chair, que c’est beau qu’ils aient fait en sorte que nous soyons là maintenant. S’il vous plaît, n’éloignons pas les personnes âgées. Et s’il n’y a pas d’autre possibilité que les envoyer dans une maison de repos, s’il vous plaît, aller leur rendre visite et emmener les enfants leur rendre visite : les personnes âgées qui ont ouvert les portes, sont l’honneur de notre civilisation. Et souvent, les enfants oublient cela. Je vous confie une chose personnelle : A Buenos Aires, j’aimais bien aller dans les maisons de repos. J’y allais souvent et je rendais visite à chacun. Je me souviens, un jour, j’ai demandé à une dame : « Combien d’enfants avez-vous ?» — « J’en ai quatre, tous mariés, avec des petits-enfants ». Et elle a commencé à me parler de sa famille. « Et ils viennent vous voir ?» — « Oui, ils viennent toujours !». Quand je suis sorti de la chambre, l’infirmière, qui m’avait entendu, m’a dit : « Mon père, c’est un mensonge pour couvrir ses enfants. Cela fait six mois que personne ne vient !». Cela signifie mettre les personnes âgées au rebut, penser que les personnes âgées sont à jeter. S’il vous plaît, cela est un péché grave. C’est le premier grand commandement, et le seul qui indique la récompense : « Honore ton père et ta mère et tu auras une longue vie sur terre ». Ce commandement d’honorer les personnes âgées nous donne une bénédiction, qui se manifeste de cette façon : « Tu auras une longue vie ». S’il vous plaît, prendre soin des personnes âgées. Et si elles perdent la tête, prendre quand même soin d’elles parce qu’elles sont la présence de l’histoire, la présence de ma famille, et grâce à elle je suis ici, nous pouvons tous dire : grâce à toi, grand-père et grand-mère, je suis vivant. S’il vous plaît, ne les laissez pas seuls. Et cela, prendre soin des personnes âgées, n’est pas d'une question de cosmétique et de chirurgie plastique, non. Il s'agit plutôt d'une question d'honneur, qui doit transformer l'éducation des jeunes par rapport à la vie et à ses phases. L'amour pour l'humain qui nous est commun, qui inclut l'honneur de la vie vécue, n'est pas une affaire de vieux. Il s'agit plutôt d'une ambition qui fera resplendir la jeunesse qui héritera de ses meilleures qualités. Que la sagesse de l'Esprit de Dieu nous permette d'ouvrir l'horizon de cette véritable révolution culturelle avec l'énergie nécessaire.

En ces jours de l’Octave, marqués par la joie de Pâques, prions particulièrement pour les personnes âgées afin que, grâce au soutien de leurs familles et des communautés chrétiennes, elles collaborent par leur sagesse et par leur expérience à la transmission de la foi et à l’éducation des nouvelles générations.

Que le Christ ressuscité vous bénisse !

Source : vatican.va

 

 

Catéchèse sur la vieillesse - 5. Fidélité à la visite de Dieu pour la génération future

par Pape François, audience générale, 30/03/2022

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre itinéraire catéchétique sur le thème de la vieillesse, nous contemplons aujourd'hui le tableau de tendresse dépeint par l'évangéliste Saint Luc, qui met en scène deux figures d’anciens, Siméon et Anne. Leur raison de vivre, avant de prendre congé de ce monde, est l'attente de la visite de Dieu. Ils étaient dans l'attente que Dieu vienne les visiter, c’est-à-dire Jésus. Siméon sait, par une prémonition de l'Esprit Saint, qu'il ne mourra pas avant d’avoir vu le Messie. Anne fréquente le temple tous les jours, en se consacrant à son service. Tous deux reconnaissent la présence du Seigneur dans l'enfant Jésus, qui comble de consolation leur longue attente et donne sérénité à leur fin de vie. C'est une scène de rencontre avec Jésus, et d'adieu.

Que pouvons-nous apprendre de ces deux figures d'anciens pleins de vitalité spirituelle ?

En même temps, nous apprenons que la fidélité de l'attente affine les sens. Du reste, nous le savons, c'est exactement ce que fait le Saint-Esprit : il illumine les sens. Dans l'ancien hymne Veni Creator Spiritus, avec lequel nous invoquons encore aujourd'hui l'Esprit Saint, nous disons : « Accende lumen sensibus », mets en nous ta clarté, embrase-nous, illumine nos sens. L'Esprit est capable de faire cela : il aiguise les sens de l'âme, malgré les limites et les blessures des sens du corps. La vieillesse affaiblit, d'une manière ou d'une autre, le corps dans sa matérialité : l'un est plus aveugle, l'autre plus sourd.... Cependant, une vieillesse qui s'est préparée dans l'attente de la visite de Dieu ne manquera pas son passage : mieux elle sera même plus prompte à l’accueillir, elle aura plus de sensibilité pour accueillir le Seigneur quand il passe. Rappelons-nous que l'attitude du chrétien est d'être attentif aux visites du Seigneur, parce que le Seigneur passe, dans notre vie, avec des inspirations, avec l'invitation à être meilleur. Et Saint Augustin disait : " J'ai peur de Dieu quand il passe " - " Mais comment, tu as peur ? ". - "Oui, j'ai peur de ne pas m’en rendre compte et de le laisser passer". C'est l'Esprit Saint qui prépare nos sens pour comprendre quand le Seigneur nous rend visite, comme il l'a fait avec Siméon et Anne.

Aujourd'hui, nous en avons plus que jamais besoin : nous avons besoin d’une vieillesse dotée de sens spirituels vifs et capable de reconnaître les signes de Dieu, voire le Signe de Dieu, qui est Jésus. Un signe qui nous met en crise, toujours : Jésus nous met en crise parce qu'il est « signe de contradiction » (Lc 2,34) - mais qui nous remplit d’allégresse. Parce que la crise ne t’apporte pas nécessairement la tristesse, non : être en crise tout en servant le Seigneur te donne une paix et une joie, bien souvent. L'anesthésie des sens spirituels - et c'est malheureux - l'anesthésie des sens spirituels, dans l'excitation et l'étourdissement de ceux du corps, est un syndrome répandu dans une société qui cultive l'illusion de l'éternelle jeunesse, et son trait le plus dangereux est qu'elle n’en a même pas conscience. On ne se rend pas compte d'être anesthésié. Et ça arrive. Ça arrive. Cela arrive depuis toujours et cela arrive à notre époque. Les sens anesthésiés, ne comprenant pas ce qui se passe ; les sens intérieurs, les sens de l'Esprit pour comprendre la présence de Dieu ou la présence du mal, anesthésiés, ne distinguent pas.

Quand tu perds la sensibilité du toucher ou du goût, tu t’en rends compte immédiatement. Au contraire, celle de l’âme, cette sensibilité de l'âme, tu peux l'ignorer pendant longtemps, vivre sans t’apercevoir que tu as perdu la sensibilité de l’âme. Il ne s'agit pas simplement de la pensée de Dieu ou de la religion. L'insensibilité des sens spirituels concerne la compassion et la pitié, la honte et le remords, la fidélité et le dévouement, la tendresse et l'honneur, la responsabilité envers soi-même et le souci pour autrui. C'est curieux : l'insensibilité ne te fait pas saisir la compassion, elle ne te fait pas saisir la pitié, elle ne te fait pas sentir la honte ou le remords d'avoir fait une mauvaise chose... C'est comme ça. Les sens spirituels anesthésiés confondent tout et on ne ressent pas, spirituellement, de telles choses. Et la vieillesse devient, pour ainsi dire, la première perte, la première victime de cette perte de sensibilité. Dans une société qui exerce surtout la sensibilité pour le plaisir, l'attention envers les personnes fragiles s’amoindrit et prévaut la compétition des vainqueurs. Et ainsi se perd la sensibilité. Bien sûr, la rhétorique de l'inclusion est la formule rituelle de tout discours politiquement correct. Mais elle n'entraîne pas encore une véritable correction des pratiques de la vie commune normale : une culture de la tendresse sociale peine à se développer. Non : l'esprit de la fraternité humaine – que j’ai senti la nécessité de relancer avec force - est comme un vêtement qu’on ne porte plus, à admirer, certes, mais... dans un musée. Nous perdons la sensibilité humaine, ces mouvements de l'Esprit qui nous rendent humains.

Il est vrai que, dans la vie réelle, nous pouvons observer avec gratitude le témoignage émouvant de tant de jeunes qui honorent pleinement cette fraternité. Mais c'est là que le bât blesse : il y a un fossé, un fossé coupable, entre le témoignage de cette sève de tendresse sociale et le conformisme qui oblige la jeunesse à se raconter d'une toute autre manière. Que pouvons-nous faire pour combler ce fossé ?

De l'histoire de Siméon et Anne, mais aussi d'autres récits bibliques de la vieillesse sensible à l'Esprit, découle une indication cachée qui mérite d'être mise en évidence. En quoi consiste concrètement la révélation qui embrase la sensibilité de Siméon et d'Anne ? Elle consiste à reconnaître dans un enfant, qu'ils n'ont pas engendré et qu'ils voient pour la première fois, le signe certain de la visite de Dieu. Ils acceptent de ne pas être des protagonistes, mais seulement des témoins. Et quand on accepte de ne pas être protagoniste, mais de s'impliquer comme témoin, c'est bien : cet homme ou cette femme mûrit bien. Mais si toujours cette personne a le désir d'être protagoniste ou rien, jamais ne parviendra à maturité ce chemin vers la plénitude de la vieillesse. La visite de Dieu ne s'incarne pas dans leur vie, la vie de ceux qui veulent être protagonistes et jamais témoins, elle ne les porte pas sur la scène comme des sauveurs : Dieu ne prend pas chair dans leur génération, mais dans la génération future. Ils perdent l’esprit, ils perdent la volonté de vivre avec maturité et, comme on le dit habituellement, ils vivent de manière superficielle. C'est la grande génération des superficiels, qui ne se permettent pas de ressentir les choses avec la sensibilité de l'Esprit. Mais pourquoi ne se le permettent-ils pas ? En partie par paresse, et en partie parce qu'ils ne le peuvent déjà plus : ils l’ont perdu. C’est malheureux qu'une civilisation perde la sensibilité de l'Esprit. Au contraire, c'est beau quand nous trouvons des anciens comme Siméon et Anne qui conservent cette sensibilité de l'Esprit et sont capables de comprendre les diverses situations, comme ces deux ont compris cette situation qui se présentait à eux et qui était la manifestation du Messie. Aucun ressentiment ni aucune récrimination, d'ailleurs, lorsqu'ils sont dans cet état de néant, de constance [statique], dans leur assurance. Au contraire, grande émotion et grande consolation lorsque les sens spirituels sont vivants, encore. L'émotion et la consolation de pouvoir voir et annoncer que l'histoire de leur génération n'est pas perdue ou gâchée, précisément à cause d'un événement qui prend chair et se manifeste dans la génération qui suit. Et c'est ce que ressent une personne âgée lorsque ses petits-enfants, ses neveux et nièces vont parler avec elles [à elle] : elles se sentent revivre. "Ah, ma vie est toujours là". C’est très important d'aller vers les anciens, c’est si important de les écouter. C'est tellement important de parler avec eux, parce que [...] il y a cet échange de civilisation, cet échange de maturité entre jeunes et vieux. Et ainsi, notre civilisation avance de manière mature.

Seule la vieillesse spirituelle peut donner ce témoignage, humble et éblouissant, en lui conférant autorité et exemplarité pour tous. La vieillesse qui a cultivé la sensibilité de l'âme fait disparaitre toute jalousie entre les générations, tout ressentiment, toute récrimination pour un avènement de Dieu dans la génération qui suit, qui arrive comme pour accompagner sa propre fin. Et c'est ce qui arrive à un vieux ouvert avec un jeune ouvert : il fait ses adieux à la vie mais en transmettant - entre guillemets - sa vie à la nouvelle génération. Et tel est l'adieu de Siméon et d'Anne : "Maintenant, je peux m’en aller en paix". La sensibilité spirituelle de la vieillesse est capable de briser la compétition et le conflit entre les générations de manière crédible et définitive. Elle se surpasse, cette sensibilité : les personnes âgées, avec cette sensibilité, surpassent le conflit, elles vont au-delà, elles vont vers l'unité, pas vers le conflit. C'est certes impossible pour les hommes, mais c'est possible pour Dieu. Et aujourd'hui nous en avons tant besoin, la sensibilité de l'esprit, la maturité de l'esprit, nous avons besoin de vieux sages, mûrs en esprit, qui nous donnent l'espérance pour la vie ! Merci.

Source : vatican.va

 

 

Catéchèse sur la vieillesse - 4. L'adieu et l'héritage : mémoire et témoignage

par Pape François, audience générale, 23/03/2022

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans la Bible, le récit de la mort du vieux Moïse est précédé de son testament spirituel, appelé "Cantique de Moïse". Ce Cantique est avant tout une très belle confession de foi, et dit ainsi : « C’est le nom du Seigneur que j’invoque ; / à notre Dieu, reportez la grandeur. / Il est le Rocher : son œuvre est parfaite ; / tous ses chemins ne sont que justice. / Dieu de vérité, non pas de perfidie, il est juste, il est droit. » (Dt 32, 3-4). Mais c'est aussi la mémoire de l'histoire vécue avec Dieu, des aventures du peuple qui s’est formé à partir de la foi au Dieu d'Abraham, Isaac et Jacob. Ainsi, Moïse rappelle aussi les amertumes et les désillusions de Dieu lui-même, et il l’exprime avec ceci : Sa fidélité mise continuellement à l'épreuve par les infidélités de son peuple. Le Dieu fidèle et la réponse du peuple infidèle : comme si le peuple voulait mettre à l'épreuve la fidélité de Dieu. Et Lui reste toujours fidèle, proche de son peuple. C'est précisément le cœur du Cantique de Moïse : la fidélité de Dieu qui nous accompagne durant toute la vie.

Lorsque Moïse prononce cette confession de foi, il est au seuil de la terre promise, et aussi de la fin de sa vie. Il avait cent vingt ans, note le récit, « sa vue n’avait pas baissé » (Dt 34, 7). Cette capacité de voir, de voir réellement, même de voir symboliquement, comme le font les personnes âgées, qui savent voir les choses, le sens profond des choses. La vitalité de son regard est un don précieux : elle lui permet de transmettre l'héritage de sa longue expérience de vie et de foi, avec la lucidité nécessaire. Moïse voit l'histoire et retransmet l’histoire ; les vieillards voient l'histoire et retransmettent l'histoire.

Une vieillesse à laquelle est accordée cette lucidité est un don précieux pour la génération future. L’écoute personnelle et directe du récit de l’histoire de la foi vécue, avec tous ses hauts et ses bas, est irremplaçable. Le lire dans des livres, le regarder dans des films, le consulter sur internet, aussi utile soit-il, ne sera jamais la même chose. Cette transmission - qui est la vraie tradition, la transmission concrète du vieux au jeune ! – cette transmission manque beaucoup aujourd’hui, et toujours plus aux nouvelles générations. Pourquoi ? Parce que cette nouvelle civilisation a l'idée que les personnes âgées sont du matériel de déchèterie, que les personnes âgées doivent être mises au rebut. Ceci est une brutalité ! Non, ça ne va pas comme ça. Le récit direct, de personne à personne, a des tonalités et modes de communication qu'aucun autre moyen ne peut substituer. Un vieil homme qui a vécu longtemps et obtient le don d'un témoignage lucide et passionné de son histoire est une bénédiction irremplaçable. Sommes-nous capables de reconnaître et d'honorer ce don des personnes âgées ? La transmission de la foi - et du sens de la vie - suit-elle aujourd'hui ce chemin, de l’écoute des personnes âgées ? Je peux donner un témoignage personnel. La haine et la colère contre la guerre m'ont été transmises par mon grand-père qui a combattu sur le Piave en 1914, et il m'a transmis cette colère contre la guerre. Parce qu'il m'a raconté les souffrances d'une guerre. Et ça on ne l'apprend pas dans les livres ni d'une autre manière... on l'apprend de cette façon, en le transmettant des grands-parents aux petits-enfants. Et cela est irremplaçable. La transmission de l'expérience de vie des grands-parents aux petits-enfants. Aujourd'hui, malheureusement, ce n'est pas le cas et nous pensons que les grands-parents sont du matériel de déchèterie : non ! Non ! Ils sont la mémoire vivante d'un peuple, et les jeunes et les enfants ont besoin d'entendre leurs grands-parents.

Dans notre culture, si "politiquement correcte", ce chemin semble entravé de nombreuses manières : dans la famille, dans la société, même dans la communauté chrétienne. Certains proposent même d'abolir l'enseignement de l'histoire, comme d’une information superflue sur des mondes qui n’ont plus de pertinence, qui soustraient des ressources à la connaissance du présent. Comme si nous étions nés hier, non ?

La transmission de la foi, en revanche, manque souvent de la passion d'une "histoire vécue". Transmettre la foi, ce n'est pas dire des choses " blablabla " : non. C'est raconter l'expérience de la foi. Et alors difficilement peut attirer à choisir l'amour pour toujours, la fidélité à la parole donnée, la persévérance dans le dévouement, la compassion pour les visages blessés et avilis ? Bien sûr, les récits de la vie doivent être transformés en témoignage, et le témoignage doit être loyal. L’idéologie qui plie l'histoire à ses propres schémas n'est certainement pas loyale ; la propagande qui adapte l'histoire pour promouvoir son propre groupe n'est pas loyale ; ce n'est pas loyal de transformer l'histoire en un tribunal où l’on condamne tout le passé et l’on décourage tout avenir. Non. Être loyal, c'est raconter l'histoire telle qu'elle est, et seuls peuvent la relater fidèlement ceux qui l'ont vécue. C'est pourquoi c'est très important d'écouter les vieux, d'écouter les grands-parents : que les enfants puissent échanger avec eux.

Les Evangiles eux-mêmes racontent honnêtement l'histoire bénie de Jésus sans dissimuler les erreurs, les malentendus et même les trahisons des disciples. Ça, c'est l'histoire, c'est la vérité, ça, c'est le témoignage. Ça, c'est le don de la mémoire que les "anciens" de l'Église transmettent, depuis le début, en le passant "de main en main" à la génération suivante. Ça nous fera du bien de nous demander : combien valorisons-nous cette façon de transmettre la foi, dans le passage de témoin entre les anciens de la communauté et les jeunes qui s'ouvrent à l'avenir ? Et là, il me vient à l'esprit une chose que j'ai dite à plusieurs reprises, mais que je voudrais répéter. Comment transmet-on la foi ? "Ah, voici un livre, étudie-le" : non. On ne peut transmettre la foi ainsi. La foi se transmet dans le dialecte, c'est-à-dire dans la langue familière, entre grands-parents et petits-enfants, entre parents et petits-enfants. La foi est toujours transmise dans le dialecte, dans ce dialecte familier et expérientiel des années. C'est pourquoi le dialogue est si important dans une famille, le dialogue des enfants avec leurs grands-parents, qui sont ceux qui ont la sagesse de la foi.

Parfois, il m’arrive de réfléchir à cette étrange anomalie. La catéchèse de l'initiation chrétienne s'appuie aujourd'hui généreusement sur la Parole de Dieu et transmet des informations précises sur les dogmes, sur la morale de la foi et les sacrements. Ce qui fait souvent défaut, en revanche, c'est une connaissance de l'Église qui vient de l'écoute et du témoignage de l’histoire réelle de la foi et de la vie de la communauté ecclésiale, depuis les origines jusqu’à nos jours. Enfants, nous apprenons la Parole de Dieu dans les cours de catéchisme ; mais l'Église - l'Église - les jeunes ils la "connaissent" dans les salles de classe et dans les médias de l'information globale.

Le récit de l’histoire de foi devrait être comme le Cantique de Moïse, comme le témoignage des Évangiles et des Actes des Apôtres. C’est-à-dire un récit capable de rappeler avec émotion les bénédictions de Dieu et avec loyauté nos manquements. Il serait bien que dès le début, les itinéraires de catéchèse prévoient également l'habitude d'écouter, à partir de l'expérience vécue des personnes âgées, la confession lucide des bénédictions reçues de Dieu, que nous devons conserver et le témoignage loyal de nos propres infidélités, que nous devons réparer et corriger. Les personnes âgées entrent dans la terre promise, que Dieu désire pour chaque génération, lorsqu'elles offrent aux jeunes la belle initiation de leur témoignage et transmettent l'histoire de la foi, la foi dans le dialecte, ce dialecte familier, ce dialecte des anciens aux jeunes. Alors, guidés par le Seigneur Jésus, les personnes âgées et les jeunes entrent ensemble dans son Royaume de vie et d'amour. Mais tous ensemble. Tous en famille, avec ce grand trésor qu'est la foi transmise dans le dialecte. Merci.

Source : vatican.va

 

 

Catéchèse sur la vieillesse - 3. La vieillesse, une ressource pour une jeunesse insouciante

par Pape François, audience générale, 16/03/2022

Chers frères et sœurs, bonjour !

Le récit biblique - dans le langage symbolique de l'époque où il fut écrit - nous dit une chose impressionnante : Dieu fut à tel point affligé face à la méchanceté généralisée des hommes, devenue un style normal de vie, qu'il pensa avoir fait erreur en les créant et décida de les éliminer. Une solution radicale. Il pourrait même avoir une tournure paradoxale de miséricorde. Plus d'humains, plus d'histoire, plus de jugement, plus de condamnation. Et de nombreuses victimes prédestinées de la corruption, de la violence et de l'injustice seraient épargnées pour toujours.

Ne nous arrive-t-il pas aussi à nous, - accablés par le sentiment d'impuissance face au mal ou démoralisés par les "prophètes de malheur"- de penser qu'il aurait mieux valu n’être pas né ? Devons-nous accorder du crédit à certaines théories récentes qui dénoncent l'espèce humaine comme un préjudice évolutif pour la vie sur notre planète ? Tout est négatif, non ?

En fait, nous sommes sous pression, exposés à des sollicitations opposées qui nous déconcertent. D'un côté, nous avons l'optimisme d’une jeunesse éternelle, enflammé par les extraordinaires progrès de la technique, qui nous dépeint un avenir rempli de machines plus efficaces et plus intelligentes que nous, qui soigneront nos maux et imagineront pour nous les meilleures solutions pour ne pas mourir- le monde des robots ... D'autre part, notre imagination semble toujours plus focalisée sur la représentation d'une catastrophe finale qui nous fera disparaître. Ce qui se passe avec une éventuelle guerre atomique. Le "jour d'après" - s'il y a encore des jours et des humains - l’on devra recommencer à zéro. Détruire tout pour repartir de zéro. Je ne veux pas banaliser le thème du progrès, naturellement. Mais il semble que le symbole du déluge gagne du terrain dans notre inconscient. La pandémie actuelle, après tout, fait peser une hypothèque non négligeable sur notre représentation insouciante des choses qui comptent, pour la vie et son destin.

Dans le récit biblique, lorsqu'il s'agit de sauver de la corruption et du déluge la vie de la terre, Dieu confie la tâche à la fidélité du plus ancien de tous, le "juste" Noé. La vieillesse sauvera-t-elle le monde ? Je me demande... Dans quel sens ? Et comment la vieillesse va-t-elle sauver le monde ? Et quel est l'horizon ? La vie par-delà la mort ou seulement la survie jusqu'au déluge ?

Une parole de Jésus, évoquant "les jours de Noé", nous aide à approfondir le sens de la page biblique que nous venons d'entendre. Jésus, parlant des derniers temps, dit : "Comme cela s’est passé dans les jours de Noé, ainsi en sera-t-il dans les jours du Fils de l’homme (de Lui). On mangeait, on buvait, on prenait femme, on prenait mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche et où survint le déluge qui les fit tous périr.". (Lc 17, 26-27). En fait, manger et boire, prendre femme et mari, sont des choses très normales et ne semblent pas être des exemples de corruption. Où est la corruption ? Où était la corruption là-bas ? En réalité, Jésus souligne le fait que les êtres humains, lorsqu'ils se limitent à jouir de la vie, ils perdent jusqu’à la perception de la corruption, qui en avilit la dignité et en intoxique le sens. Quand se perd la perception de la corruption, et que la corruption devient une chose normale : tout a son prix, tout ! On achète, on le voit, des opinions, des actes de justice ... Ceci, dans le monde des affaires, dans le monde de nombreux métiers, est commun. Et ils vivent alors la corruption avec insouciance, comme si cela faisait partie de la normalité du bien-être humain. Quand tu vas faire quelque chose et que c'est lent, que le processus de réalisation est un peu lent, combien de fois entend-on dire : " Mais, si tu me donnes un pourboire, je vais accélérer ça ". Tant de fois. " Donne-moi quelque chose et moi je fais avancer ". Nous le savons tous très bien. Le monde de la corruption semble faire partie de la normalité de l'être humain. Et c'est mauvais, hein ? Ce matin, j'ai parlé avec un monsieur qui me disait de ce problème dans son terroir. Les biens de la vie sont consommés et savourés sans se soucier de la qualité spirituelle de la vie, sans se soucier de l'habitat de la maison commune. On exploite tout, sans se préoccuper de la mortification et du découragement dont beaucoup souffrent, ni du mal qui empoisonne la communauté. Tant que la vie normale peut être remplie de "bien-être", nous ne voulons pas penser à ce qui la rend vide de justice et d'amour. "Mais, je me sens bien ! Pourquoi dois-je penser aux problèmes, aux guerres, à la misère humaine, à toute cette pauvreté, à tout ce mal ? Non, je vais bien. Je ne me soucie pas des autres. C'est la pensée inconsciente qui nous conduit à vivre dans un état de corruption.

La corruption peut-elle devenir la normalité, je me le demande ? Frères et sœurs, malheureusement oui. On peut respirer l'air de la corruption comme on respire l’oxygène. Mais c'est normal ! "Si vous voulez que je fasse ça rapidement, combien vous me donnez ?". C'est normal ! C'est normal, mais c'est mauvais, ce n'est pas bon ! Et qu'est-ce qui ouvre la voie ? Une chose : l'insouciance qui ne se soucie que de soi-même : voici le passage qui ouvre la porte à la corruption qui engloutit la vie de tous. La corruption profite largement de cette insouciance pas bonne. Quand on ... tout va bien, je ne me soucie pas des autres : cette insouciance amollit nos défenses, émousse la conscience et nous rend - même involontairement - complices. Car la corruption ne fait pas toujours cavalier seul, une seule personne : elle a toujours des complices. Et ça s'étend toujours, ça s'élargit.

La vieillesse est bien placée pour saisir la supercherie de cette normalisation d'une vie obsédée par la jouissance et vide d'intériorité : une vie sans pensée, sans sacrifice, sans intériorité, sans beauté, sans vérité, sans justice, sans amour : Ceci est de la corruption, tout. La particulière sensibilité de nous autres, les personnes âgées, pour les marques d'attention, les pensées et les marques d'affection qui nous rendent humains, devrait redevenir une vocation pour beaucoup. Et ce sera un choix d'amour des personnes âgées envers les nouvelles générations. Il nous revient de donner l'alarme, l'alerte : "Attention, c'est de la corruption, ça ne te rapporte rien". La sagesse des anciens, on en a tant besoin aujourd'hui pour lutter contre la corruption. Les nouvelles générations attendent de nous, les personnes âgées, les vieux, une parole de prophétie, une parole qui ouvre des portes à de nouvelles perspectives hors de ce monde insouciant de la corruption, de l'habitude des choses corrompues. La bénédiction de Dieu choisit la vieillesse pour ce charisme si humain et humanisant. Quel est le sens de ma vieillesse ? Chacun de nous, les personnes âgées, peut se demander. Eh, ceci : d’être un prophète de la corruption et dire aux autres : "Arrêtez, je suis passé par là et ça ne mène nulle part ! Maintenant je vous raconte mon expérience". Nous, les anciens, devons être des prophètes contre la corruption, tout comme Noé a été le prophète contre la corruption de son époque, car il était le seul en qui Dieu avait confiance. Je vous demande à vous tous - et je me demande aussi à moi-même : mon cœur est-il ouvert pour être un prophète contre la corruption d'aujourd'hui ? C’est une chose laide, lorsque les personnes âgées n'ont pas mûri et que l'on devient vieux avec les mêmes habitudes corrompues que les jeunes. Pensons aux juges de Suzanne, par exemple : une vieillesse corrompue. Et nous, avec cet âge avancé, nous ne serions pas en mesure d'être des prophètes pour les jeunes générations.

Et Noé est l'exemple de cette vieillesse régénérative : elle n’est pas corrompue, elle est régénérative. Noé ne fait pas de prédications, il ne se plaint pas, il ne récrimine pas, mais il prend soin de l'avenir de la génération qui est en danger. Nous, les personnes âgées, nous devons prendre soin des jeunes, des enfants qui sont en danger. Il construit l'arche de l’accueil et y fait entrer hommes et animaux. En prenant soin de la vie, sous toutes ses formes, Noé accomplit le commandement de Dieu en répétant le geste tendre et généreux de la création, qui en réalité est la pensée même qui inspire le commandement de Dieu : une nouvelle bénédiction, une nouvelle création [il dit : génération] (cf. Gn 8,15-9,17). La vocation de Noé reste toujours d'actualité. Le saint patriarche doit encore intercéder pour nous. Et nous, femmes et hommes d'un certain âge - pour ne pas dire vieux, car certains s'en offusquent : d'un certain âge - n'oublions pas que nous avons la possibilité de la sagesse, de dire aux autres : "Regardez, ce chemin de corruption ne mène nulle part". Nous devons être comme le bon vin - le bon vin - qui, à la fin, quand il est vieux, peut donner un message bon et non mauvais.

Je lance aujourd'hui un appel à tous ceux qui ont "un certain âge", pour ne pas dire " vieux ". Faites attention : vous avez la responsabilité de dénoncer la corruption humaine dans laquelle nous vivons et dans laquelle se poursuit ce mode de vie du relativisme, totalement relatif, comme si tout était licite. Allons de l’avant. Le monde a besoin, tant besoin de jeunes gens forts, qui vont de l'avant, et de vieux sages. Demandons au Seigneur la grâce de la sagesse. Merci.

Source : vatican.va

 

 

« La vie est un droit, non la mort »

 par Pape François, audience générale, 09/02/2022, extraits de la Catéchèse sur saint Joseph - 11. Saint Joseph, patron de la bonne mort

... Chers frères et sœurs,

...Le pape Benoît disait il a quelques jours, en parlant de lui-même, qu'il "se tient devant la porte obscure de la mort". C’est bien de remercier le Pape qui a cette lucidité, à 95 ans, pour nous dire ceci : "Je suis devant l'obscurité de la mort, la porte obscure de la mort". Un bon conseil qu'il nous a donné, n'est-ce pas ?

La soi-disant culture "du bien-être " tente d’évacuer la réalité de la mort, mais de manière spectaculaire la pandémie de coronavirus l'a remise en évidence. Cela a été terrible : la mort était partout, et tant de frères et de sœurs ont perdu des êtres chers sans pouvoir être près d'eux, ce qui a rendu la mort encore plus difficile à accepter et à traiter. Une infirmière me racontait qu'elle se trouvait devant une grand-mère en train de mourir de Covid, et qu'elle lui a dit : "Je voudrais dire au revoir aux miens avant de m’en aller". Et l'infirmière, assez courageuse, a sorti son téléphone portable et l'a connectée avec les siens. La tendresse de cet adieu...

Malgré cela, l’on cherche par tous les moyens d’écarter la pensée de notre finitude, s’illusionnant ainsi d’ôter à la mort son pouvoir et chasser la peur. Mais la foi chrétienne n'est pas une façon d'exorciser la peur de la mort, elle nous aide plutôt à l'affronter. Tôt ou tard, tous nous passerons par cette porte...

La vraie lumière qui éclaire le mystère de la mort vient de la résurrection du Christ. Voici la lumière. Et saint Paul écrit : « Nous proclamons que le Christ est ressuscité d’entre les morts ; alors, comment certains d’entre vous peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, notre proclamation est sans contenu, votre foi aussi est sans contenu » (1 Co 15, 12-14). C’est une certitude : Christ est ressuscité, Christ est ressuscité, le Christ est vivant parmi nous. Et c'est la lumière qui nous attend derrière cette porte obscure de la mort.

Chers frères et sœurs, ce n'est que par la foi en la résurrection que nous pouvons regarder l'abîme de la mort sans être submergés par la peur. Non seulement cela, mais nous pouvons redonner un rôle positif à la mort.

En effet, la réflexion sur la mort, éclairée par le mystère du Christ, nous aide à regarder d'un œil nouveau toute la vie. Je n'ai jamais vu un camion de déménagement derrière un corbillard ! Derrière un corbillard : jamais vu. Nous irons seuls, sans rien dans les poches du linceul : rien. Parce que le linceul n'a pas de poches. Cette solitude de la mort : c'est vrai, je n'ai jamais vu un camion de déménagement derrière un corbillard. Il ne sert à rien d'accumuler si un jour nous mourrons. Ce que nous devons accumuler, c'est la charité, la capacité de partager, la capacité de ne pas rester indifférent aux besoins des autres. Ou encore, à quoi bon se disputer avec un frère, ou avec une sœur, un ami, un membre de la famille ou un frère ou une sœur dans la foi si ensuite un jour nous mourrons ? Quel est l'intérêt de se mettre en colère, de se mettre en colère contre les autres ? Face à la mort, tant de questions sont redimensionnées. C’est bon de mourir réconcilié, sans rancune et sans regret ! Je voudrais dire une vérité : tous nous cheminons vers cette porte, tous.

L'Évangile nous dit que la mort arrive comme un voleur, comme le dit Jésus : elle arrive comme un voleur, et même si nous essayons de maîtriser son arrivée, peut-être en planifiant notre propre mort, elle reste un événement avec lequel nous devons compter et devant lequel nous devons aussi faire des choix.

Deux considérations s'imposent à nous, chrétiens.

La première est que nous ne pouvons pas éviter la mort, et c'est précisément pour cette raison que, après avoir fait tout ce qui est humainement possible pour guérir la personne malade, il est immoral de s'engager dans l'acharnement thérapeutique (cf. Catéchisme de l'Église catholique, n. 2278). Cette phrase du peuple fidèle de Dieu, des gens simples : "Laisse-le mourir en paix", "aide-le à mourir en paix" : quelle sagesse !

La deuxième considération concerne la qualité de la mort elle-même, la qualité de la douleur, de la souffrance. En effet, nous devons être reconnaissants pour toute l'aide que la médecine s'efforce d'apporter, afin que, grâce aux "soins palliatifs", toute personne qui s'apprête à vivre la dernière partie de sa vie puisse le faire de la manière la plus humaine possible. Cependant, il faut se garder de confondre cette aide avec des dérives inacceptables qui portent à tuer. Nous devons accompagner les personnes jusqu'à la mort, mais ne pas la provoquer ni favoriser aucune forme de suicide.

Je rappelle que le droit aux soins et aux traitements pour tous doit toujours être prioritaire, afin que les plus faibles, notamment les personnes âgées et les malades, ne soient jamais écartés. En effet, la vie est un droit, non la mort, celle-ci doit être accueillie, non administrée. Et ce principe éthique concerne tout le monde, pas seulement les chrétiens ou les croyants.

Mais je voudrais souligner ici un problème social mais réel. Cette "planification" - je ne sais pas si c'est le mot qui convient - mais l'accélération de la mort des personnes âgées. Nous constatons souvent, dans une certaine classe sociale, que les personnes âgées, parce qu'elles n'ont pas les moyens, reçoivent moins de médicaments par rapport à ce dont ils auraient besoin, et c'est inhumain : cela ce n’est pas les aider, cela c’est les pousser plus rapidement vers la mort. Et cela n'est ni humain ni chrétien. Il faut prendre soin des personnes âgées comme d'un trésor de l'humanité : elles sont notre sagesse. Et si elles ne parlent pas, et si elles sont dénuées de sens, mais elles sont le symbole de la sagesse humaine. Ce sont ceux qui nous ont précédés et qui nous ont laissé tant de belles choses, tant de souvenirs, tant de sagesse. S'il vous plaît, n'isolez pas les personnes âgées, ne précipitez pas la mort des personnes âgées. Caresser une personne âgée c’est la même espérance que caresser un enfant, car le début de la vie et la fin sont toujours un mystère, un mystère qu'il faut respecter, accompagner, soigner. Aimer.

Que Saint Joseph nous aide à vivre le mystère de la mort de la meilleure manière possible. Pour un chrétien, la bonne mort est une expérience de la miséricorde de Dieu, qui est proche de nous aussi dans ce dernier moment de notre vie. Également dans la prière de l'Ave Maria, nous demandons à la Vierge d'être près de nous "à l'heure de notre mort". C'est précisément pour cette raison que je voudrais terminer cette catéchèse en priant tous ensemble la Vierge, un Ave Maria pour les mourants, pour ceux qui passent par cette porte obscure, et pour tant de familles qui sont en train de vivre le deuil. Prions ensemble : Ave Maria...

Source : vatican.va

 

Catéchèse sur la vieillesse - 2. La longévité : symbole et opportunité

par Pape François, audience générale, 02/03/2022

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans le récit biblique des généalogies des ancêtres, on est immédiatement frappé par leur énorme longévité : on parle de siècles ! Quand commence-t-elle ici, la vieillesse ? L’on se demande. Et quelle est la signification du fait que ces patriarches vivent si longtemps après avoir engendré leurs enfants ? Pères et fils vivent ensemble, pendant des siècles ! Cette cadence séculaire du temps, racontée dans un style rituel, donne au rapport entre longévité et généalogie une signification symbolique forte, très forte.

C'est comme si la transmission de la vie humaine, si nouvelle dans l'univers créé, exigeait une initiation lente et prolongée. Tout est nouveau, au début de l'histoire d'une créature qui est esprit et vie, conscience et liberté, sensibilité et responsabilité. La vie nouvelle - la vie humaine -, plongée dans la tension entre son origine "à l'image et à la ressemblance" de Dieu et la fragilité de sa condition mortelle, représente une nouveauté à découvrir. Elle nécessite un long temps d'initiation, où le soutien mutuel entre les générations est indispensable, afin de décrypter les expériences et d'affronter les énigmes de la vie. Pendant cette longue période, lentement se cultive aussi la qualité spirituelle de l'homme.

D'une certaine manière, chaque passage d’étape dans l'histoire humaine nous offre à nouveau ce sentiment : c'est comme si nous devions calmement recommencer à zéro avec nos questions sur le sens de la vie, lorsque le scénario de la condition humaine semble rempli de nouvelles expériences et d’interrogations inédites. Il est certain que l'accumulation de la mémoire culturelle augmente la familiarité nécessaire pour faire face à de passages nouveaux. Les temps de transmission sont réduits, mais les temps d'assimilation demandent toujours de la patience. L’excès de rapidité qui obsède désormais toutes les étapes de notre vie, rend toute expérience superficielle et moins « nourrissante ». Les jeunes sont les victimes inconscientes de cette division entre le temps de l'horloge, qui veut être brûlé, et le temps de la vie, qui nécessite un "levage" approprié. Une longue vie permet de faire l’expérience de ces temps longs, et les dommages de la précipitation.

La vieillesse impose certes des rythmes plus lents : mais ce ne sont pas seulement des temps d'inertie. La mesure de ces rythmes ouvre, en effet, pour tous, des espaces de sens de la vie inconnus de l'obsession de la vitesse. Perdre le contact avec les rythmes lents de la vieillesse ferme ces espaces pour tous. C'est dans ce contexte que j'ai voulu instituer la Journée des grands-parents le dernier dimanche de juillet. L'alliance entre les deux générations extrêmes de la vie - les enfants et les personnes âgées - aide également les deux autres - les jeunes et les adultes - à se lier les uns aux autres pour rendre l'existence de chacun plus riche en humanité. Le dialogue est nécessaire entre les générations : s'il n'y a pas de dialogue entre jeunes et vieux, entre adultes, s'il n'y a pas de dialogue, chaque génération reste isolée et ne peut pas transmettre le message. Pensez-y : un jeune qui n'est pas lié à ses racines, qui sont ses grands-parents, ne reçoit pas la force, comme l'arbre, la force des racines et grandit mal, grandit malade, grandit sans références. C'est pourquoi il est nécessaire rechercher, comme un besoin humain, le dialogue entre les générations. Et ce dialogue est important justement entre grands-parents et petits-enfants, qui sont les deux extrêmes.

Imaginons une ville dans laquelle la convivence des divers âges fasse partie intégrante de la conception globale de l’habitat. Pensons à la construction de relations affectueuses entre la vieillesse et la jeunesse qui rayonnent sur le style général des relations. Le chevauchement des générations deviendrait une source d'énergie pour un humanisme réellement visible et vivable. La ville moderne a tendance à être hostile aux personnes âgées (et ce n’est pas un hasard si elle l’est également aux enfants). Cette société habitée par l’esprit de rejet : elle rejette beaucoup d'enfants non désirés et elle rejette les vieux : elle les rejette, ils ne servent à rien, à la maison de retraite, la maison pour les vieux, là .... L’excès de vitesse nous met dans une centrifugeuse qui nous emporte comme des confettis. Nous perdons complètement la vue d’ensemble de la situation. Chacun s'accroche à son petit morceau, flottant sur les flux de la ville marchande, où les rythmes lents sont des pertes et la vitesse de l'argent. La vitesse excessive pulvérise la vie, elle ne la rend pas plus intense. Et la sagesse exige de perdre du temps. Quand tu rentres à la maison et que tu vois ton fils, ta fille, tu "perds du temps", mais dans cette conversation, qui est fondamentale pour la société, "perdre du temps" avec les enfants ; et quand tu rentres à la maison et qu'il y a le grand-père et la grand-mère qui peut-être ne raisonne pas bien ou, je ne sais pas, a perdu un peu la capacité de parler, et que tu es avec lui ou elle, tu " perds du temps ", mais cette manière de "perdre du temps" renforce la famille humaine. Il faut passer du temps, du temps qui n'est pas rétribué, avec les enfants et avec les personnes âgées, car ils nous donnent une autre capacité de voir la vie.

La pandémie dans laquelle nous sommes encore contraints de vivre a imposé - très douloureusement, malheureusement - un coup d'arrêt au culte obtus de la vitesse. Et dans cette période, les grands-parents ont fait office de barrière à la "déshydratation" affective des plus jeunes. L'alliance visible des générations, qui harmonise les temps et les rythmes, nous redonne l'espoir de ne pas vivre en vain. Et elle redonne à chacun de nous l'amour de sa vie vulnérable, barrant la route à l'obsession de la vitesse, qui tout simplement la consume. Le mot clé ici est - à chacun d'entre vous, je demande : sais-tu perdre du temps, ou es-tu toujours pressé par la vitesse ? "Non, je suis pressé, je ne peux pas..." ? Sais-tu perdre du temps avec les grands-parents, avec les personnes âgées ? Sais-tu perdre du temps jouant avec tes enfants, avec les enfants ? C'est la pierre de touche. Pensez-y un peu. Et cela redonne à chacun l'amour pour notre vie vulnérable, sauf - comme je l'ai dit - la voie de l'obsession de la vitesse, qui tout simplement la consume. Les rythmes de la vieillesse sont une ressource indispensable pour saisir le sens d'une vie marquée par le temps. Les personnes âgées ont leurs propres rythmes, mais ce sont des rythmes qui nous aident. Grâce à cette médiation, la destination de la vie à la rencontre avec Dieu devient plus crédible : un dessein qui est caché dans la création de l'être humain "à son image et à sa ressemblance" et qui est scellé dans le Fils de Dieu fait homme.

Aujourd'hui, la longévité de la vie humaine est plus grande. Cela nous donne l'occasion d'accroître l'alliance entre toutes les étapes de la vie. Beaucoup de longévité, mais nous devons faire plus d'alliance. Et même que l’alliance nous aide à grandir et aussi avec le sens de la vie dans sa totalité. Le sens de la vie n'est pas seulement à l'âge adulte, on pense de 25 à 60 ans : non. Le sens de la vie est entier, de la naissance à la mort, et tu devrais être capable d'interagir avec tout le monde, voire d'avoir des liens affectifs avec tout le monde, ainsi ta maturité sera plus riche, plus forte. Et aussi nous est offerte cette signification de la vie, qui est tout. Que l'Esprit nous donne l'intelligence et la force de cette réforme : une réforme est urgente. L'arrogance du temps de l'horloge doit être convertie en la beauté des rythmes de la vie. C'est la réforme que nous devons faire dans nos cœurs, dans la famille et dans la société. Je répète : réformer quoi ? Que l'arrogance du temps de l'horloge soit convertie en la beauté des rythmes de la vie. Convertir l'arrogance du temps, qui nous presse toujours, aux vrais rythmes de la vie. L'alliance des générations est indispensable. Dans une société où les vieux ne parlent pas aux jeunes, les jeunes ne parlent pas avec les vieux, les adultes ne parlent ni aux vieux ni aux jeunes, c'est une société stérile, sans avenir, une société qui ne regarde pas vers l'horizon mais qui se regarde elle-même. Et devient isolée. Que Dieu nous aide à trouver la bonne musique pour cette harmonisation des différents âges : les jeunes, les vieux, les adultes, tous ensemble : une belle symphonie de dialogue.

Je salue cordialement les personnes de langue française présentes aujourd’hui, en particulier les équipes des journaux L’Invisible et Découvrir Dieu. Ce matin, nous entrons dans le temps béni du Carême. Notre prière et notre jeûne d’aujourd’hui seront une supplication pour la paix en Ukraine, en n’oubliant pas que toute paix dans le monde commence par notre conversion personnelle, à la suite du Christ.

Que Dieu vous bénisse !

Source : vatican.va

 

 

Catéchèse sur la vieillesse - 1. La grâce du temps et l'alliance des âges de la vie

par Pape François, audience générale, 23/02/2022

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous avons conclu les catéchèses sur saint Joseph. Nous commençons aujourd’hui un parcours de catéchèses qui cherche une inspiration dans la Parole de Dieu sur le sens et la valeur de la vieillesse. Faisons une réflexion sur la vieillesse. Depuis plusieurs décennies, cet âge de la vie concerne un véritable « nouveau peuple » que sont les personnes âgées. Nous n’avons jamais été aussi nombreux dans l’histoire humaine. Le risque d’être écartés est encore plus fréquent : jamais aussi nombreux que maintenant, jamais autant de risque que maintenant d’être écartés. Les personnes âgées sont souvent considérées comme « un poids ». Dans la première phase dramatique de la pandémie, ce sont elles qui ont payé le prix le plus élevé. Elles représentaient déjà la partie la plus faible et négligée : nous ne les regardions pas beaucoup vivantes, nous ne les avons même pas vues mourir. J’ai trouvé aussi cette Charte pour les droits des personnes âgées et les devoirs de la communauté : elle a été proclamée par les gouvernements, pas par l’Eglise, c’est une chose laïque : c’est bien, c’est intéressant, pour connaître les droits des personnes âgées. Cela fera du bien de la lire.

Avec les migrations, la vieillesse est parmi les questions les plus urgentes que la famille humaine est appelée à affronter en ce moment. Il ne s’agit pas seulement d’un changement quantitatif ; ce qui est en jeu est l’unité des âges de la vie : c’est-à-dire le point de référence réel pour la compréhension et l’appréciation de la vie humaine dans son intégralité. Nous nous demandons : y a-t-il de l’amitié, y-a-t-il une alliance entre les divers âges de la vie ou bien est-ce que prévalent la séparation et le rejet ?

Nous vivons tous dans un présent où coexistent les enfants, les jeunes, les adultes et les personnes âgées. Mais la proportion a changé : la longévité est devenue de masse et, dans de vastes régions du monde, l’enfance est distribuée à petites doses. Nous avons même parlé de l’hiver démographique. Un déséquilibre qui a de nombreuses conséquences. La culture dominante a comme modèle universel le jeune-adulte, c’est-à-dire un individu qui se construit seul et qui reste toujours jeune. Mais est-il vrai que la jeunesse contient tout le sens de la vie, alors que la vieillesse n’en représente que le dépouillement et la perte ? Est-ce vrai ? Est-ce que seule la jeunesse contient la plénitude de sens de la vie, et la vieillesse est le dépouillement de la vie, la perte de la vie ? L’exaltation de la jeunesse comme unique âge digne d’incarner l’idéal humain, unie au mépris de la vieillesse vue comme une fragilité, comme une dégradation ou un handicap, a été l’icône dominante des totalitarismes du vingtième siècle. Avons-nous oublié cela ?

L’allongement de la vie influe de façon structurelle sur l’histoire des personnes, des familles et de la société. Mais nous devons nous demander : sa qualité spirituelle et son sens communautaire sont-ils un objet de pensée et d’amour cohérents avec ce fait ? Les personnes âgées devraient-elles demander pardon pour leur obstination à continuer de vivre aux frais des autres ? Ou peuvent-elles être honorées pour les dons qu’elles apportent au sens de la vie de tous ? De fait, dans la représentation du sens de la vie — et précisément dans les cultures dites « développées » — la vieillesse a peu d’incidence. Pourquoi ? Parce qu’elle est considérée comme un âge qui n’a pas de contenus particuliers à offrir, ni de significations propres à vivre. De plus, il manque l’encouragement des personnes à les chercher, il manque l’éducation de la communauté à les reconnaître. En somme, pour un âge qui représente désormais une partie déterminante de l’espace communautaire et qui s’étend à un tiers de toute la vie, il existe — parfois — des projets d’assistance, mais pas des projets d’existence. Des projets d’assistance, oui ; mais pas des projets pour les faire vivre en plénitude. Et cela représente un vide de pensée, d’imagination, de créativité. Dans cette conception, ce qui fait le vide, c’est que l’homme âgé, la femme âgée sont des déchets : dans cette culture du rejet, les personnes âgées représentent des déchets.

La jeunesse est très belle, mais la jeunesse éternelle est une hallucination très dangereuse. Être vieux est tout aussi important — et beau — c’est tout aussi important que d’être jeune. Souvenons-nous en. L’alliance entre les générations, qui restitue à l’humain tous les âges de la vie, est notre don perdu et nous devons le reprendre. Il doit être retrouvé dans cette culture du rejet et dans cette culture de la productivité.

La Parole de Dieu a beaucoup à dire à propos de cette alliance. Nous venons d’écouter la prophétie de Joël : « Vos anciens auront des songes, vos jeunes gens, des visions » (3, 1). On peut l’interpréter ainsi : quand les personnes âgées résistent à l’Esprit, en enterrant leurs rêves dans le passé, les jeunes n’arrivent plus à voir les choses qui doivent être faites pour ouvrir l’avenir. Quand, en revanche, les personnes âgées communiquent leurs rêves, les jeunes voient bien ce qu’ils doivent faire. Les jeunes qui n’interrogent plus les rêves des anciens, qui foncent tête baissée vers des visions qui ne vont pas plus loin que le bout de leur nez, auront du mal à porter leur présent et à supporter leur avenir. Si les grands-parents se replient sur leurs mélancolies, les jeunes se courberont encore plus sur leurs smartphones. L’écran peut bien rester allumé, mais la vie s’éteint avant l’heure. Le contrecoup le plus grave de la pandémie ne réside-t-il pas précisément dans l’égarement des plus jeunes ? Les personnes âgées ont des ressources de vie déjà vécue auxquelles elles peuvent avoir recours à tout moment. Vont-elles regarder les jeunes perdre leur vision ou vont-elles les accompagner en réchauffant leurs rêves ? Devant les rêves des personnes âgées, que feront les jeunes ?

La sagesse du long chemin qui accompagne la vieillesse à son départ doit être vécue comme une offrande du sens de la vie, et non pas consumée comme inertie de sa propre survie. Si l’on ne restitue pas à la vieillesse la dignité d’une vie humainement digne, elle est destinée à se renfermer dans un avilissement qui enlève l’amour à tous. Ce défi d’humanité et de civilisation exige notre engagement et l’aide de Dieu. Demandons-le à l’Esprit Saint. Avec ces catéchèses sur la vieillesse, je voudrais encourager chacun à investir ses pensées et ses affections dans les dons qu’elle comporte et dans les autres âges de la vie. C’est un don de maturité, de sagesse. La Parole de Dieu nous aidera à discerner le sens et la valeur de la vieillesse ; que l’Esprit Saint nous accorde également les rêves et les visions dont nous avons besoin. Et je voudrais souligner, comme nous l’avons écouté dans la prophétie de Joël, au début, que l’important est que non seulement la personne âgée occupe la place de sagesse qui lui revient, d’histoire vécue dans la société, mais également qu’il y ait un dialogue, qu’elle interagisse avec les jeunes. Les jeunes doivent interagir avec les personnes âgées, et les personnes âgées avec les jeunes. Et ce pont sera la transmission de la sagesse dans l’humanité. J’espère que ces réflexions seront utiles pour nous tous, pour accomplir cette réalité dont parlait le prophète Joël, que dans le dialogue entre les jeunes et les personnes âgées, les personnes âgées puissent donner leurs rêves et les jeunes puissent les recevoir et les accomplir. N’oublions pas que dans la culture tant familiale que sociale, les personnes âgées sont comme les racines de l’arbre : toute leur histoire est là, et les jeunes sont comme les fleurs et les fruits. Si la sève ne coule pas, s’il n’y a pas cette « perfusion » — pour ainsi dire — des racines, ils ne pourront jamais fleurir. N’oublions pas ce poète que j’ai mentionné si souvent : « Tout ce que l’arbre a de fleuri vient de ce qu’il a sous terre » (Francisco Luis Bernárdez). Tout ce qu’une société a de beau est en rapport avec les racines des personnes âgées. Pour cela, dans ces catéchèses, je voudrais que la figure de la personne âgée soit mise en évidence, que l’on comprenne bien que la personne âgée n’est pas un déchet : elle est une bénédiction pour une société.

Source : vatican.va

 

 

Intention de prière en mars : le «défi de la bioéthique» et la défense de la vie

par Marina Droujinina, 08/03/2022, extraits

« Prions pour que, face aux nouveaux défis de la bioéthique, les chrétiens promeuvent toujours la défense de la vie par la prière et l’engagement social » : c’est l’intention de prière proposée par le pape François aux fidèles, pour le mois de mars 2022.

Le pape rappelle que « les applications biotechnologiques doivent toujours être employées sur la base du respect de la dignité humaine ». Mais « la dignité humaine ne doit pas payer le prix du progrès ». « La dignité humaine et le progrès doivent aller de pair, de manière harmonieuse », souhaite le pape.

Il dénonce une « culture du déchet » soulignant que « les embryons humains ne peuvent pas être traités comme du matériel jetable ou comme des déchets ». « Non, nous ne pouvons pas continuer à étendre ainsi cette culture qui fait tant de dégâts », affirme le pontife. ...

Les défis de la bioéthique, explique le p. Régent s.j. (directeur du Réseau mondial de prière du pape en France), « sont en partie techniques », mais « la bioéthique pose aussi la question du sens ». Il propose un examen de conscience : « Ce qui est techniquement possible est-il bon pour que l’homme grandisse dans une vie véritablement humaine ? Quelle place dans nos décisions pour le respect de la vie et sa fragilité si précieuse ? »

« Ce souci essentiel n’est pas d’abord celui de la recherche scientifique et technique, affirme le directeur, car celle-ci est liée à des intérêts financiers et économiques puissants. » Chaque personne, poursuit-il, « est tentée de faire appel à la puissance » lorsqu’elle est « confrontée à une épreuve » « au risque d’oublier ce qui est le plus précieux en nous : la vie qui se donne sans défense ».

« Les réponses à apporter ne sont pas simples ; elles ne sont pas données à l’avance, souligne le p. Régent. Elles sollicitent chacun et l’ensemble de la société. »

La vidéo du mois de mars est accessible ici.

Source : zenit.org

 

Allocution du Pape François aux participants du Congrès de la Société italienne de pharmacie hospitalière

par Pape François, 14/10/2021

Chers frères et sœurs, bonjour et bienvenue !

Je tiens à remercier le président de la Société italienne de pharmacie hospitalière et des services pharmaceutiques des autorités sanitaires pour ses paroles au nom de vous tous. Merci ! Vous êtes venus de toute l'Italie pour votre Conférence, représentant des réalités différentes. La Conférence est avant tout l'occasion pour vous d'échanger, mais c'est aussi l'occasion de réaffirmer l'importance du système national de santé publique, élément essentiel pour garantir le bien commun et la croissance sociale d'un pays. Et tout cela dans le contexte de la pandémie, qui a changé et changera la façon dont nous planifions, organisons et gérons la santé et les soins de santé. À cet égard, je voudrais indiquer trois pistes sur lesquelles poursuivre vos efforts.

Le premier est tiré de la figure de l'aubergiste de la parabole du Bon Samaritain : il lui est demandé d'accueillir le blessé et de le soigner jusqu'au retour du Samaritain (cf. Lc 10, 35). Dans ce personnage, nous pouvons voir deux aspects significatifs du travail du pharmacien hospitalier : la routine quotidienne et le service caché. Ce sont des aspects communs à de nombreux autres métiers, qui demandent de la patience, de la constance et de la précision, et qui n'ont pas la gratification des apparences, qui ont peu de visibilité. La routine quotidienne et le service caché ont peu de visibilité, dirons-nous : peu de visibilité. C'est précisément pour cette raison que s'ils sont accompagnés de prière et d'amour, ils génèrent « la sainteté au quotidien ». Car sans prière et sans amour - comme vous le savez bien - cette routine devient aride. Mais avec l'amour, fait avec amour et prière, cela conduit à la sainteté « d'à côté » : des saints anonymes qui sont partout parce qu'ils font ce qu'ils doivent bien faire.

La seconde voie concerne la dimension spécifique du pharmacien hospitalier, à savoir son rôle professionnel, ou sa spécialisation post-universitaire. Avec le clinicien, c'est le pharmacien hospitalier qui recherche, expérimente, propose de nouvelles voies ; toujours en contact immédiat avec le patient. Cela passe par la capacité de comprendre la maladie et le patient, de personnaliser les médicaments et les dosages, traitant parfois des situations cliniques les plus complexes. En fait, le pharmacien est en mesure de prendre en compte les effets globaux, qui sont plus que la simple somme des médicaments individuels pour différentes maladies. Parfois - selon les structures - il y a une rencontre avec la personne malade, d'autres fois la pharmacie hospitalière est un des services invisibles qui fait tout fonctionner, mais la personne est toujours la bénéficiaire de vos soins.

La troisième voie concerne la dimension éthique de la profession, à deux égards : personnelle et sociale.

A titre individuel, le pharmacien, chacun de vous, utilise des substances médicinales qui peuvent devenir des poisons. Il s'agit ici d'exercer une vigilance constante, afin que le but soit toujours la vie du patient dans son intégralité. Vous êtes toujours au service de la vie humaine. Dans certains cas, cela peut conduire à l'objection de conscience, qui n'est pas de la déloyauté, mais au contraire de la fidélité à votre profession, si elle est valablement motivée. Aujourd'hui, il y a une certaine tendance à penser que ce serait peut-être une bonne façon d'aborder l'objection de conscience. Mais c'est l'intimité éthique de chaque professionnel de la santé et cela ne devrait jamais être négocié, c'est la responsabilité ultime des professionnels de la santé. C'est aussi une dénonciation des injustices commises au détriment d'une vie innocente et sans défense. [1] C'est une question très délicate, qui demande à la fois une grande compétence et une grande droiture. En particulier, j'ai eu l'occasion de revenir récemment sur le sujet de l'avortement. [2] Vous savez que je suis très clair là-dessus : c'est un homicide et il n'est pas licite de devenir complice. Ceci dit, notre devoir est d'être proche des gens, notre devoir positif : d'être proche des situations, notamment des femmes, pour qu'elles n'en viennent pas à penser à la solution de l'avortement, car en réalité ce n'est pas la solution. Puis après dix, vingt, trente ans, la vie vous envoie la facture. Et il faut être dans un confessionnal pour comprendre le prix de cela, qui est si dur.

C'était le niveau éthique personnel. Ensuite, il y a le niveau de justice sociale, qui est si important : « Les stratégies de santé, visant à la poursuite de la justice et du bien commun, doivent être économiquement et éthiquement durables ». [3] Certes, dans le Service national de santé italien, une grande place est occupée par l'universalité de l'accès aux soins, mais le pharmacien - même dans les hiérarchies de gestion et d'administration - est pas un simple exécuteur testamentaire. Par conséquent, les critères de gestion et financiers ne sont pas le seul élément à prendre en considération. La culture du jetable ne doit pas affecter votre métier. Et c'est un autre domaine dans lequel nous devons toujours être vigilants. « Dieu notre Père nous a confié la tâche de protéger la terre - non pour de l'argent, mais pour nous-mêmes : pour les hommes et les femmes. Nous avons cette tâche ! Néanmoins, des hommes et des femmes sont sacrifiés aux idoles du profit et de la consommation : c'est le culture des déchets'". [4] Même chez les personnes âgées : donnez la moitié des médicaments et votre vie s'écourte... C'est un rejet, oui. Ce constat, qui se référait à l'origine à l'environnement, s'applique encore plus à la santé humaine. La gestion des ressources et le souci de ne pas gaspiller ce qui est confié aux mains de chaque pharmacien individuel prennent un sens non seulement économique, mais aussi éthique, je dirais humain, très humain. Pensez à l'attention aux détails, à l'achat et à la conservation des produits, à l'utilisation et à l'application correctes chez ceux qui en ont un besoin urgent. Pensez à la relation avec les différents intervenants - chefs de service, infirmières, médecins et anesthésistes - et avec toutes les structures impliquées.

Je vous remercie de cette visite, et j'espère que vous pourrez continuer dans votre travail, qui est si humain, si digne, si grand et si souvent si silencieux que personne ne s'en aperçoit. Merci beaucoup ! Que Dieu vous bénisse tous. Et priez pour moi. Merci !

[1] Cf Conseil Pontifical des Agents de Santé (pour la Pastorale de la Santé), Nouvelle Charte des Agents de Santé (2017) no. 60

[2] Cf Conférence de presse lors du vol retour de Bratislava (15 septembre 2021)

[3] Conseil pontifical des travailleurs de la santé (pour la pastorale de la santé), Nouvelle Charte des travailleurs de la santé (2017), no. 92

[4] Audience générale, 5 juin 2013

Source : vatican.va

Traduction : site.christophore.com

 

Le pape François a reçu en audience les juristes membres du Centre d’Études « Rosario Livatino » le vendredi matin 29 novembre 2019, à l’occasion du Congrès national sur le thème « Magistrature en crise. Parcours pour retrouver la justice ».

Discours du Pape François :

Chers frères et soeurs,

Je suis heureux de vous accueillir et je vous souhaite la bienvenue. Je remercie le Président pour ses aimables paroles. Le 9 mai 1993, peu avant d’adresser aux « hommes de la mafia » la mémorable et péremptoire invitation à la conversion dans la Vallée des Temples, à Agrigente, mon prédécesseur saint Jean-Paul II avait rencontré les parents d’un magistrat, Rosario Angelo Livatino, qui avait été tué le 21 septembre 1990, à l’âge de 38 ans, tandis qu’il se rendait à son travail au Tribunal. À cette occasion, le pape l’avait défini comme « martyr de la justice et, indirectement, de la foi ».

Je suis heureux de rencontrer aujourd’hui les personnes inscrites au Centre d’Études qui a choisi son nom et qui organise ce congrès national annuel. Livatino, pour qui le procès diocésain de béatification s’est conclu positivement, continue d’être un exemple, avant tout pour ceux qui font le travail difficile et compliqué de juge. Quand Rosario a été tué, presque personne ne le connaissait. Il travaillait dans un tribunal de banlieue : il s’occupait des saisies et des confiscations des biens de provenance illicite acquis par les mafieux. Il faisait cela de manière inattaquable, respectant les garanties des accusés, avec un grand professionnalisme et avec des résultats concrets : c’est pour cela que la mafia a décidé de l’éliminer.

Livatino est un exemple, non seulement pour les magistrats, mais pour tous ceux qui oeuvrent dans le domaine du droit : pour la cohérence entre sa foi et son engagement de travail, et pour l’actualité de ses réflexions. Dans une conférence, se référant à la question de l’euthanasie, et reprenant les préoccupations d’un parlementaire laïc de l’époque vis-à-vis de l’introduction d’un présumé droit à l’euthanasie, il faisait cette observation : « Si l’opposition d’un croyant à cette loi se fonde sur la conviction que la vie humaine […] est un don divin qu’il n’est pas permis à l’homme d’étouffer ou d’interrompre, tout aussi motivée est l’opposition du non-croyant qui se fonde sur la conviction que la vie est protégée par le droit naturel, qu’aucun droit positif ne peut violer ni contredire, puisqu’elle appartient à la sphère des biens « indisponibles » que ni les individuels ni la collectivité ne peuvent attaquer » (Canicattì, 30 avril 1986, in Fede e diritto (Foi et droit), sous la direction du postulateur).

Ces considérations semblent loin des sentences qui, en matière de droit à la vie, sont parfois prononcées dans les cours de justice, en Italie et dans tant de systèmes démocratiques. Des positions selon lesquelles l’intérêt principal d’une personne handicapée ou âgée serait de mourir et non d’être soignée ; ou qui – selon une jurisprudence qui s’autodéfinit comme « créative », inventent un « droit de mourir » privé de tout fondement juridique, et qui ainsi affaiblissent les efforts pour adoucir la douleur et ne pas abandonner à elle-même la personne qui s’achemine vers la fin de son existence.

Dans une autre conférence, Rosario Livatino décrit ainsi le statut moral de celui qui est appelé à administrer la justice : « Il n’est rien d’autre qu’un salarié de l’État à qui est confiée la tâche très spéciale d’appliquer les lois que cette société se donne à travers ses institutions ». Toutefois, on a affirmé de plus en plus souvent une clé de lecture différente du rôle du magistrat, selon laquelle celui-ci, même si la lettre de la norme reste identique, peut utiliser celle de ses significations qui s’applique le mieux au moment contingent » (Canicattì, 7 avril 1984, in Il ruolo del Giudice nella società che cambia (Le rôle du juge dans une société en changement), sous la direction du postulateur).

L’actualité de Rosario Livatino est en cela aussi surprenante, parce qu’elle saisit les signes de ce qui allait émerger avec une plus grande évidence dans les décennies suivantes, pas seulement en Italie, c’est-à-dire la justification de l’empiètement du juge dans des domaines qui ne lui sont pas propres, surtout dans le domaine des soi-disant « nouveaux droits », avec des sentences qui semblent préoccupées d’exaucer des désirs toujours nouveaux, détachés de toute limite objective.

Le thème que vous avez choisi pour le congrès de ce jour s’insère dans ce sillage, et met en cause une crise du pouvoir judiciaire qui n’est pas superficielle, mais qui a des racines profondes. Sur ce versant aussi, Livatino a témoigné combien la vertu naturelle de justice exige d’être exercée avec sagesse et humilité, en gardant toujours à l’esprit la « dignité transcendante de l’homme », qui renvoie « à sa nature, à sa capacité innée de distinguer le bien du mal, à cette “boussole” inscrite dans nos coeurs et que Dieu a imprimée dans l’univers créé » (Discours au Parlement européen : Enseignements de François II, 2 [2014], 626).

Je me retrouve beaucoup dans une autre réflexion de Rosario Livatino, lorsqu’il affirme : « Décider, c’est choisir […] ; et choisir est l’une des choses les plus difficiles que l’homme soit appelé à faire. […] Et c’est précisément dans cet acte de choisir pour décider, de décider pour ordonner, que le magistrat croyant peut trouver un rapport avec Dieu. Un rapport direct, parce que rendre la justice est une réalisation de soi, c’est une prière, c’est un don de soi à Dieu. Un rapport indirect, à travers l’amour pour la personne jugée. […] Et cette tâche sera d’autant plus légère que le magistrat aura humblement conscience de ses propres faiblesses, qu’il se représentera chaque fois à la société, disposé et visant à comprendre l’homme qu’il a devant lui et à le juger sans attitude de surhomme, mais au contraire avec une contrition constructive ».

Ainsi, avec ces convictions, Rosario Livatino nous a laissé à tous un exemple lumineux de la manière dont la foi peut s’exprimer pleinement dans le service de la communauté civile et de ses lois ; et de la manière dont l’obéissance à l’Église peut aller de pair avec l’obéissance à l’État, en particulier avec le ministère, délicat et important, de faire respecter et appliquer la loi.

Chers amis, la concorde est le lien entre les hommes libres qui composent la société civile. Par votre engagement en tant que juristes, vous êtes appelés à contribuer à la construction de cette concorde, en approfondissant les raisons de la cohérence entre les racines anthropologiques, l’élaboration des principes et les lignes d’application dans la vie quotidienne.

Après la mort de Livatino, dans plusieurs de ses notes, on a trouvé dans la marge une annotation qui, au début, paraissait mystérieuse : « S.T.D. ». Rapidement, on a découvert que c’était l’acronyme qui attestait l’acte de remise totale de soi que Rosario faisait fréquemment à la volonté de Dieu : S.T.D. sont les initiales de sub tutela Dei. Je vous souhaite de poursuivre sur ses pas, à cette école de vie et de pensée. Je vous bénis et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi.

Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

Source : zenit.org

 

Médecins : faire de chaque cas clinique une rencontre humaine

par Zenit, 20/09/2019

Le pape François a reçu la Fédération nationale italienne des ordres des médecins chirurgiens et des odontologues, ce vendredi 20 septembre 2019, dans la Salle Clémentine du Palais du Vatican. Il les a invités à « accompagner » chaque malade « avec conscience, avec intelligence et avec cœur ».

Discours du pape François

Chers frères et sœurs,

Je suis heureux de vous accueillir, vous tous qui appartenez à la Fédération nationale des ordres des médecins chirurgiens et des odontologues, et je remercie votre vice-président pour ses aimables paroles.

Je sais que vous avez consacré ces trois dernières années aux « états généraux » de la profession médicale, à savoir que vous vous êtes confrontés sur la manière d’exercer au mieux votre activité dans un contexte social qui s’est transformé, afin de mieux distinguer les changements utiles pour interpréter les besoins des personnes et pour leur offrir, outre les compétences professionnelles, un bon rapport humain.

La médecine est, par définition, un service rendu à la vie humaine et, en tant que telle, elle comporte une référence essentielle et indispensable à la personne dans son intégrité spirituelle et matérielle, dans sa dimension individuelle et sociale : la médecine est au service de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes. Et vous, médecins, vous êtes convaincus de cette vérité dans le sillage d’une très longue tradition qui remonte aux intuitions mêmes d’Hippocrate : et c’est précisément en raison de cette conviction que vous éprouvez de justes préoccupations face aux pièges qui guettent la médecine actuelle.

Il convient de toujours se rappeler que la maladie, objet de vos préoccupations, est plus qu’un fait clinique, qui peut être circonscris médicalement ; c’est toujours la condition d’une personne, le malade, et c’est avec cette vision intégralement humaine que les médecins sont appelés à entrer en relation avec leur patient : en considérant par conséquent sa singularité en tant que personne qui a une maladie, et pas seulement le cas de la maladie qu’a ce patient. Il s’agit pour les médecins de posséder, avec la compétence technique et professionnelle requise, un code de valeurs et de significations avec lequel donner un sens à la maladie et à leur propre travail et faire de chaque cas clinique une rencontre humaine.

Par conséquent, devant tout changement de la médecine et de la société que vous identifiez, il est important que le médecin ne perde pas de vue la singularité de chaque malade, avec sa dignité et sa fragilité. Un homme ou une femme à accompagner avec conscience, avec intelligence et avec cœur, surtout dans les situations les plus graves. Avec cette attitude, on peut et on doit repousser la tentation – induite aussi par les changements législatifs – d’utiliser la médecine pour seconder une possible volonté de mort du malade, en apportant une assistance au suicide ou en causant directement la mort de celui-ci par l’euthanasie.

Ce sont des voies expéditives devant des choix qui ne sont pas, comme il pourrait le sembler, l’expression de la liberté de la personne, lorsqu’ils incluent l’élimination du malade comme une possibilité, ou de la fausse compassion devant la demande de quelqu’un d’être aidé à avancer sa mort. Comme l’affirme la Nouvelle charte pour les professionnels de la santé : « Il n’existe pas de droit à disposer arbitrairement de sa propre vie, raison pour laquelle aucun médecin ne peut se faire le tuteur exécutif d’un droit inexistant » (n. 169).

Saint Jean-Paul II fait observer que la responsabilité des professionnels de la santé « est aujourd’hui considérablement accrue ; elle puise son inspiration la plus profonde et trouve son soutien le plus puissant justement dans la dimension éthique des professions de santé, dimension qui leur est intrinsèque et qu’on ne peut négliger, comme le reconnaissait déjà l’antique serment d’Hippocrate, toujours actuel, qui demande à tout médecin de s’engager à respecter absolument la vie humaine et son caractère sacré » (Enc. Evangelium vitae, 89).

Chers amis, j’invoque sur votre engagement la bénédiction de Dieu et je vous confie à l’intercession de la Vierge Marie Salus Infirmorum. S’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

Source : zenit.org

Le Pape critique l'euthanasie, «vision utilitariste de la personne»

par Le Figaro, 02/09/2019

«La pratique de l'euthanasie, devenue légale déjà dans différents Etats, propose seulement en apparence d'encourager la liberté personnelle, alors qu'elle se base en réalité sur une vision utilitariste de la personne», a commenté le pape, en recevant ce lundi en audience des médecins membres d'une association italienne d'oncologie.

«La technologie n'est pas un service à l'Homme quand elle le réduit à une chose, quand elle distingue entre qui mérite d'être encore soigné et qui au contraire ne le mérite pas, parce qu'il est considéré seulement comme un poids», a souligné le pape, qui insiste pour sa part sur l'importance de «l'accompagnement du malade» et «les soins palliatifs». Le pape a demandé aux médecins présents de ne pas suivre «les voies les plus radicales et les plus expéditives». «Si on choisit la mort, les problèmes sont résolus dans un certain sens, mais que d'amertume derrière ce raisonnement et quel rejet de l'espérance comporte le choix de renoncer à tout et casser tous les liens», a-t-il plaidé.

Le Pape et le Vatican avaient pris position en juillet contre l'arrêt des traitements du Français Vincent Lambert, ancien infirmier de 42 ans dans un état végétatif depuis un accident de la route. A sa mort, François avait souligné que «chaque vie a de la valeur, toujours». Son cas, qui a déchiré sa famille, était devenu le symbole du débat sur la fin de vie en France.

Source : lefigaro.fr

 

 

 

"Aucun être humain ne peut jamais être incompatible avec la vie, ni de par son âge, ni de par ses conditions de santé, ni de par la qualité de son existence."

Les médecins (...) doivent toujours avoir présent à l’esprit "non seulement l’objectif de la guérison, mais la valeur sacrée de la vie humaine, dont la protection reste la fin ultime de la pratique médicale". Comme l’a affirmé le Souverain Pontife, "la profession médicale est une mission, une vocation à la vie",

"La vie humaine est sacrée et inviolable."

"Est-il licite d'éliminer une vie humaine pour résoudre un problème ?", et "est-il licite de louer un tueur à gages pour résoudre un problème ?". "N’allons pas sur le terrain religieux pour une chose qui concerne l’humain",(...) ne "jamais, jamais éliminer une vie humaine ni louer un tueur à gages pour résoudre un problème".

Extraits du discours du Pape François lors du Congrès international “Yes to Life! Prendre soin du précieux don de la vie dans la fragilité”, organise par le Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie et par la Fondation “Il Cuore in una Goccia”, 25/05/2019

Source : vaticannews.va

 

 

Le pape encourage les personnes âgées à être créatives

par Zenit, 23/10/2018 (extrait)

« Nous, les personnes âgées, nous devons aussi nous inventer un peu cette période de la vie, parce que la vieillesse telle qu’elle est vécue aujourd’hui est un phénomène nouveau… cela nous pousse à être créatifs », écrit le pape François : « Nous pouvons rappeler aux jeunes d’aujourd’hui, qui se sentent les héros du présent, pleins d’ambitions et d’insécurités, qu’une vie sans amour est une vie aride. Nous pouvons dire aux jeunes craintifs que l’angoisse de l’avenir peut être vaincue. Nous pouvons enseigner aux jeunes trop amoureux d’eux-mêmes qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir, et que l’amour ne se démontre pas seulement par les mots mais par les actions. »

« Sans les rêves des personnes âgées, les projets des jeunes n’ont ni racines ni sagesse, aujourd’hui plus que jamais, alors que l’avenir engendre angoisse, insécurité, méfiance et peur. Seul le témoignage des personnes âgées les aidera à lever les yeux vers l’horizon et vers le haut, pour apercevoir les étoiles »

Le pape s’exprime ainsi dans la préface de « La Sagesse du Temps » (La Saggezza del Tempo), un livre qui rassemble des histoires de vie de quelque 250 personnes âgées de plus de 30 pays, recueillies par des jeunes. L’édition française de ce livre est disponible dans toute la francophonie sous le titre « Partager la sagesse du temps », aux éditions Fidélité (Belgique).

Srouce : zenit.org

 

 

EXHORTATION APOSTOLIQUE

GAUDETE ET EXSULTATE

DU SAINT-PÈRE
FRANÇOIS

SUR L’APPEL À LA SAINTETÉ
DANS LE MONDE ACTUEL

(extrait)

101. Est également préjudiciable et idéologique l’erreur de ceux qui vivent en suspectant l’engagement social des autres, le considérant comme quelque chose de superficiel, de mondain, de laïcisant, d’immanentiste, de communiste, de populiste. Ou bien, ils le relativisent comme s’il y avait d’autres choses plus importantes ou comme si les intéressait seulement une certaine éthique ou une cause qu’eux-mêmes défendent. La défense de l’innocent qui n’est pas encore né, par exemple, doit être sans équivoque, ferme et passionnée, parce que là est en jeu la dignité de la vie humaine, toujours sacrée, et l’amour de chaque personne indépendamment de son développement exige cela. Mais est également sacrée la vie des pauvres qui sont déjà nés, de ceux qui se débattent dans la misère, l’abandon, le mépris, la traite des personnes, l’euthanasie cachée des malades et des personnes âgées privées d’attention, dans les nouvelles formes d’esclavage, et dans tout genre de marginalisation[84]. Nous ne pouvons pas envisager un idéal de sainteté qui ignore l’injustice de ce monde où certains festoient, dépensent allègrement et réduisent leur vie aux nouveautés de la consommation, alors que, dans le même temps, d’autres regardent seulement du dehors, pendant que leur vie s’écoule et finit misérablement.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 19 mars, Solennité de Saint Joseph, de l’an 2018, sixième année de mon Pontificat.

François

[84] Suivant le magistère constant de l’Église, la 5ème Conférence générale de l’Épiscopat latino-américain et des Caraïbes a enseigné que l’être humain « est toujours sacré, depuis sa conception, dans toutes les étapes de son existence, jusqu’à sa mort naturelle et après la mort », et que sa vie doit être protégée « depuis la conception, à toutes les étapes, et jusqu’à la mort naturelle » (Document d’Aparecida (29 juin 2007), nn. 388.464).
 
Source : vatican.va

 

 

Eliminer quelqu'un ne résout pas le problème - dit le Pape

Vatican, 10/10/2018, extraits

Catéchèse du Pape François

Chers frères et sœurs, bonjour !

La catéchèse d’aujourd’hui est dédiée à la cinquième parole du Décalogue : « Tu te tueras pas ». Le cinquième commandement, ne pas tuer. Nous sommes déjà dans la seconde partie du Décalogue, celle qui concerne les relations avec le prochain ; et ce commandement, dans sa formulation concise et catégorique, se dresse comme une muraille pour défendre la valeur fondamentale dans les relations humaines. Et quelle est cette valeur fondamentale dans les relations humaines ? La valeur de la vie. C’est pourquoi « tu ne tueras pas ».

On pourrait dire que tout le mal réalisé dans le monde se résume en ceci : le mépris pour la vie. La vie est attaquée par les guerres, par les organisations qui exploitent l’homme – dans les journaux télévisés nous voyons tant de choses – par les spéculations sur la création et par la culture du rejet, et par tous les systèmes qui soumettent l’existence humaine à des calculs d’opportunité... Ceci, c’est mépriser la vie, c’est-à-dire tuer, d’une certaine façon.

..Je vous pose la question : est-il juste de supprimer une vie humaine pour résoudre un problème ? Qu’en pensez-vous : est-ce juste ? … Est-ce juste d’engager un tueur à gages pour résoudre un problème ? On ne peut pas, ce n’est pas juste, « d’éliminer » un être humain, même petit, pour résoudre un problème. C’est comme engager un tueur à gages pour résoudre un problème.

D’où vient tout cela ? La violence et le refus de la vie naissent, au fond, de la peur. L’accueil de l’autre, en effet, est un défi à l’individualisme...

Un enfant malade est comme tout nécessiteux de la terre, comme une personne âgée qui a besoin d’assistance, comme tant de pauvres qui ont de la peine à vivoter : celui, celle que l’on présente comme un problème, est en réalité un don de Dieu, qui peut me sortir de l’égocentrisme et me faire grandir dans l’amour. La vie vulnérable nous montre la voie de sortie, le chemin pour nous sauver d’une existence repliée sur elle-même et découvrir la joie de l’amour. ..

Et qu’est-ce qui conduit l’homme à refuser la vie ? Ce sont les idoles de ce monde : l’argent – c’est mieux de se débarrasser de ça, parce que ça coûtera –, le pouvoir, le succès. Ce sont de faux paramètres pour apprécier la vie. L’unique mesure authentique de la vie, quelle est-elle ? C’est l’amour, l’amour avec lequel Dieu l’aime ! L’amour avec lequel Dieu aime la vie : c’est la mesure. L’amour avec lequel Dieu aime toute vie humaine.

En effet, quel est le sens positif de la parole ‘Tu ne tueras pas’ ? Que Dieu aime la vie, comme nous l’avons écouté il y a quelques instants dans la lecture biblique.

Le secret de la vie nous est dévoilé dans le fait que le Fils de Dieu s’est fait homme jusqu’à assumer, sur la croix, le refus, la faiblesse, la pauvreté et la souffrance (cf. Jn 13,1). Dans tout enfant malade, dans toute personne âgée faible, dans tout migrant désespéré, dans toute vie fragile et menacée, le Christ nous cherche (cf. Mt 25,34-46), il cherche notre cœur, pour nous dévoiler la joie de l’amour. Cela vaut la peine d’accueillir toute vie parce que tout homme vaut le sang du Christ lui-même. (cf. 1 P 1,18-19). On ne peut mépriser ce que Dieu a tant aimé !

Nous devons dire aux hommes et aux femmes du monde : ne méprisez pas la vie ! La vie d’autrui, mais aussi la sienne, parce que le commandement « Tu ne tueras pas » vaut aussi pour elle. Il faut dire à tant de jeunes : ne méprise pas ton existence ! Arrête de rejeter l’oeuvre de Dieu ! Tu es une oeuvre de Dieu ! Ne te sous-estime pas, ne te méprise pas avec des dépendances qui te ruineront et qui te conduiront à la mort !

Que personne ne mesure la vie selon les tromperies de ce monde, mais que chacun s’accueille lui-même et les autres au nom du Père qui nous a créés. Il est « amant de la vie »: c’est beau cela, “Dieu est amant de la vie”. Et nous lui sommes tous si chers, qu’il a envoyé son Fils pour nous. « Car Dieu – dit l’Evangile – a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle.» (Jn 3,16).

______________________
[1] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la foi, Istr. Donum vitae, 5: AAS 80 (1988), 76-77: « La vie humaine est sacrée parce que, dès son origine, elle comporte l’action créatrice de Dieu et demeure pour toujours dans une relation spéciale avec le Créateur, son unique fin. Dieu seul est le Maître de la vie de son commencement à son terme: personne, en aucune circonstance, ne peut revendiquer pour soi le droit de détruire directement un être humain innocent ».

Source : zenit.org

 

 

Le miracle, c’est de trouver dans le malade un frère, affirme le pape

Le Pape François aux participants au IVe séminaire sur l’éthique dans la gestion de la santé qui s'est tenu au Vatican du 1er au 5 octobre 2018.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Je vous souhaite la bienvenue à cette rencontre et je remercie Mgr Alberto Bochatey, o.s.a., évêque auxiliaire de La Plata, président de la Commission de la Santé de la Conférence épiscopale argentine, Mr Cristian Mazza, président de la fondation Consenso Salud, et les organismes que vous représentez, pour l’opportunité de ce séminaire qui, avec le soutien de l’Académie pontificale pour la vie, est organisé pour aborder des questions du domaine de la santé qui sont d’une grande importance dans la société, à partir d’une réflexion éthique basée sur le Magistère de l’Église.

Le monde de la santé en général, et en particulier en Amérique latine, vit une époque marquée par la crise économique ; et les difficultés dans le développement de la science médicale et dans l’accès aux thérapies et aux médicaments plus adéquats peuvent nous faire tomber dans le découragement. Mais le soin de nos frères ouvre notre cœur pour accueillir un don merveilleux. Dans ce contexte, je vous propose trois mots pour notre réflexion : miracle, soin et confiance.

Les responsables des institutions d’assistance me diront à juste titre qu’on ne peut pas faire de miracles et qu’il faut admettre que le bilan coût-bénéfice suppose une distribution des ressources et qu’en outre les crédits sont conditionnés par une myriade de questions médicales, légales, économiques, sociales et politiques, ainsi qu’éthiques.

Toutefois, le miracle ne consiste pas à faire l’impossible ; le miracle, c’est de trouver dans le malade, dans la personne sans défense que nous avons devant nous, un frère. Nous sommes appelés à reconnaître dans celui qui reçoit les prestations l’immense valeur de sa dignité en tant qu’être humain, en tant qu’enfant de Dieu. Ce n’est pas quelque chose qui peut, tout seul, délier tous les nœuds qui existent objectivement dans les systèmes, mais cela créera en nous la disposition pour les dénouer autant que cela nous est possible et en outre cela donnera lieu à un changement intérieur et de mentalité en nous et dans la société.

Cette conscience – si elle est profondément enracinée dans notre substrat social – permettra que se créent les structures législatives, économiques et médicales nécessaires pour aborder les problèmes qui pourront surgir. Les solutions ne doivent pas être identiques à tous les moments et dans toutes les réalités, mais elles peuvent naître de la combinaison entre public et privé, entre législation et déontologie, entre justice sociale et initiative entrepreneuriale. Le principe inspirateur de ce travail ne peut pas être autre que la recherche du bien. Ce bien n’est pas un idéal abstrait mais une personne concrète, un visage qui souffre très souvent. Soyez courageux et généreux dans vos résolutions, plans et projets et dans l’emploi des moyens économiques et techno-scientifiques. Ceux qui en bénéficieront, surtout les plus pauvres, sauront apprécier vos efforts et vos initiatives.

Le second mot est soin. Soigner les malades n’est pas simplement l’application aseptisée de médicaments et de thérapies appropriées. Et sa première signification ne se limite pas à chercher le recouvrement de la santé. Le verbe latin « soigner » veut dire : assister, se préoccuper, prendre soin, être responsable de l’autre, du frère. Nous devrions beaucoup apprendre de cela, nous, « curas » (curés) parce que c’est à cela que nous appelle Dieu. Nous, « curas », nous sommes là pour prendre soin, pour soigner.

Cette disposition du personnel de la santé est importante dans tous les cas, mais elle se perçoit peut-être avec une plus grande intensité dans les soins palliatifs. Nous vivons pratiquement à un niveau mondial une forte tendance à la légalisation de l’euthanasie. Nous savons que quand on offre un accompagnement humain serein et participatif, le patient chronique grave ou le malade en phase terminale perçoit cette sollicitude. Même dans ces circonstances difficiles, si la personne se sent aimée, respectée, acceptée, l’ombre négative de l’euthanasie disparaît ou devient presque inexistante, puisque la valeur de son être se mesure sur la base de sa capacité à donner et à recevoir de l’amour, et non sur la base de sa productivité.

Il est nécessaire que les professionnels de la santé et ceux qui se dévouent à l’assistance sanitaire, s’engagent dans une mise à jour constante des compétences nécessaires, afin de pouvoir répondre toujours à leur vocation de ministres de la vie. La Nouvelle Charte des Personnels de la santé (ncas) est pour vous un instrument utile de réflexion et de travail et un élément qui peut aider dans le dialogue entre les initiatives et les projets privés et d’État, nationaux et internationaux. Ce dialogue et ce travail conjoint enrichit concrètement les prestations dans le domaine de la santé et rejoint les nombreux besoins et urgences médicales de notre peuple latino-américain.

Le troisième mot est confiance, que nous pouvons distinguer dans différents domaines. Avant tout, comme vous le savez, c’est la confiance du malade en lui-même, dans la possibilité de se soigner, parce qu’une grande partie du succès de la thérapie en dépend. Il n’est pas moins important pour le travailleur de pouvoir exercer sa fonction dans un contexte serein et cela ne peut être séparé du fait de savoir que l’on fait ce qui est juste, ce qui est humainement possible, en fonction des ressources à disposition. Cette certitude doit se baser sur un système durable d’attention médicale, où tous les éléments qui le forment, gérés par une saine subsidiarité, s’appuient les uns sur les autres pour répondre aux besoins de la société dans son ensemble et du malade dans sa singularité.

Il est très difficile de se mettre entre les mains d’une personne, surtout lorsque notre propre vie est en jeu ; toutefois, la relation avec le médecin ou l’infirmière a toujours été fondée sur la responsabilité et sur la loyauté. Aujourd’hui, à cause de la bureaucratisation et de la complexité du système de santé, nous courons le risque que ce soit les termes du « contrat » qui établissent ce rapport entre le patient et le personnel médical, en trahissant ainsi cette confiance.

Nous devons continuer de lutter pour maintenir intègre ce lien d’humanité profonde, puisqu’aucune institution d’assistance ne peut, seule, remplacer le cœur humain ni la compassion humaine (cf. saint Jean-Paul II, Motu Proprio Dolentium hominum, 11 février 1985 ; ncas, n.3). La relation avec le malade exige donc du respect pour son autonomie et un fort apport de disponibilité, attention, compréhension, complicité et dialogue, pour être l’expression d’un engagement assumé comme un service (cf. ncas, n.4).

Je vous encourage dans votre tâche d’apporter à tant de personnes et à tant de familles l’espérance et la joie qui leur manquent. Que notre Vierge sainte, Santé des malades, vous accompagne dans vos idéaux et vos travaux et qu’elle, qui a su accueillir la Vie, Jésus, en son sein, soit pour vous tous un exemple de foi et de courage. Du plus profond de mon cœur je vous bénis tous. Que Dieu, Père de tous, donne à chacun de vous la prudence, l’amour, la proximité à l’égard du malade pour que vous puissiez remplir vos devoirs avec une grande humanité. Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

Source : zenit.org

 

 

Peine de mort: le Pape modifie le catéchisme de l'Eglise catholique

par Manuella Affejee, 02/08/2018

L’Eglise lève toutes les ambiguïtés sur son rapport à la peine de mort. Conformément au vif souhait exprimé par le Pape François, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a procédé à la modification de l’article 2267 du Catéchisme de l’Eglise catholique, qui stipule donc désormais le rejet total de cette pratique jugée contraire à la dignité humaine. Une lettre, signée par le cardinal Ladaria Ferrer, a été envoyée à tous les évêques du monde afin d’expliciter le processus de maturation de cette décision

Même dans sa version corrigée de 1998, le Catéchisme de l’Eglise catholique tolérait le recours à la peine «en cas d’absolue nécessité». Cette prise de position, défendue et assumée dans le passé par quelques Papes, s’expliquait au regard d’une «situation politique et sociale qui faisait de cette peine un instrument acceptable en vue de la sauvegarde du bien commun».

Une prise de conscience "à la lumière de l'Evangile"

La prise de conscience du caractère inadmissible de cette pratique s’est faite lentement mais sûrement parmi le peuple de Dieu, «à la lumière de l’Evangile», et conforté par l’enseignement de ses pasteurs. Sur ce long chemin de réflexion, l’Encyclique Evangelium Vitae du Saint Pape Jean-Paul II constitue une étape fondamentale. Le Pape polonais y indiquait, parmi les signes d’espérance d’une nouvelle civilisation de la vie «l’aversion toujours plus répandue de l’opinion publique envers la peine de mort, même si on la considère seulement comme un moyen de “légitime défense” de la société, en raison des possibilités dont dispose une société moderne de réprimer efficacement le crime de sorte que, tout en rendant inoffensif celui qui l’a commis, on ne lui ôte pas définitivement la possibilité de se racheter».

Une évolution conforme au Magistère

La recherche de l’abolition de la peine de mort s’est ensuite poursuivie avec Benoît XVI, qui déclarait en novembre 2011, lors de l'audience générale, à un groupe de fidèles: «que vos débats encouragent les initiatives politiques et législatives actuellement promues dans un nombre croissant de pays en vue d’abolir la peine de mort et de poursuivre les progrès importants accomplis afin de rendre le droit pénal plus conforme à la dignité humaine des prisonniers et au maintien efficace de l’ordre public». Et enfin, avec le Pape François, qui, le 11 octobre 2017, demandait expressément la révision du Catéchisme de l’Eglise catholique sur ce sujet, estimant que «la peine de mort est une mesure inhumaine qui blesse la dignité personnelle». Cette modification s’inscrit donc dans un «développement authentique de la doctrine», et ne «contredit pas les enseignements antérieurs du Magistère» romain.

Le primat de la dignité humaine

Cette nouvelle formulation affirme que «la suppression de la vie d’un criminel, comme punition d’un délit, est inadmissible parce qu’elle attente à la dignité de la personne, laquelle n’est pas perdue même après des crimes très graves». De plus, «étant donné que la société actuelle dispose de systèmes de détention plus efficaces, la peine de mort n’est plus nécessaire pour protéger les personnes innocentes» ; il n’en demeure pas moins que «l’autorité publique a le devoir de défendre la vie des citoyens», comme l’a toujours enseigné le Magistère.

Cette nouvelle formulation, approuvée par le Pape, est entré en vigueur ce mercredi 1er août 2018. Elle veut pousser à «un engagement décisif, notamment par un dialogue respectueux et serein avec les autorités publiques, afin de favoriser une mentalité qui reconnaisse  la dignité de chaque vie humaine», et réaffirmer avec force et sans équivoque, le combat déterminé de l’Eglise pour l’abolition totale de cette pratique.

Source : vaticannews.va

 

 

Discours du Pape François devant les participants à la XXIVe Assemblée générale de l’Académie pontificale pour la vie (PAV),

sur le thème « Commencements égaux. Et ensuite ? Une responsabilité égale ». («Equal beginnings. But then? A global responsibility»),

ce 25 juin 2018

Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de vous adresser mes salutations, à commencer par le président, Mgr Vincenzo Paglia, que je remercie de m’avoir présenté cette Assemblée Générale, dans laquelle le thème de la vie humaine sera situé dans le contexte large du monde globalisé où nous vivons. Je veux aussi adresser un salut au cardinal Sgreccia, nonagénaire mais enthousiaste, jeune, dans le combat pour la vie. Merci, Éminence, pour ce que vous avez fait en ce domaine et pour ce que vous êtes en train de faire. Merci.

La sagesse qui doit inspirer notre attitude à l’égard de l’“écologie humaine” est prompte à considérer la qualité éthique et spirituelle de la vie dans toutes ses phases. Il existe une vie humaine conçue, une vie en gestation, une vie mise au jour, une vie d’enfant, une vie adolescente, une vie adulte, une vie vieillie et consommée – et il existe la vie éternelle. Il existe une vie qui est famille et communauté, une vie qui est invocation et espérance. Comme il existe aussi la vie humaine fragile et malade, la vie blessée, avilie, marginalisée, rejetée. C’est toujours la vie humaine. C’est la vie des personnes humaines, qui habitent la terre créée par Dieu et qui partagent la maison commune à toutes les créatures vivantes. Dans les laboratoires de biologie on étudie certainement la vie avec des instruments qui permettent d’en explorer les aspects physiques, chimiques et mécaniques. C’est une étude très importante et incontournable, mais qui doit être intégrée dans une perspective plus large et plus profonde, qui demande attention à la vie proprement humaine, qui fait irruption sur la scène du monde avec le prodige de la parole et de la pensée, des affections et de l’esprit. Quelle reconnaissance reçoit aujourd’hui la sagesse humaine de la vie des sciences de la nature ? Et quelle culture politique inspire la promotion et la protection de la vie humaine réelle ? Le “beau” travail de la vie est la génération d’une personne nouvelle, l’éducation de ses qualités spirituelles et créatives, l’initiation à l’amour de la famille et de la communauté, la protection de ses vulnérabilités et de ses blessures ; ainsi que l’initiation à la vie d’enfants de Dieu, en Jésus Christ.

Quand nous livrons les enfants à la privation, les pauvres à la faim, les persécutés à la guerre, les personnes âgées à l’abandon, ne faisons-nous pas nous-mêmes, le “sale” travail de la mort ? D’où vient, en effet, le sale travail de la mort ? Il vient du péché. Le mal cherche à nous persuader que la mort est la fin de de toute chose, que nous sommes venus au monde par hasard et que nous sommes destinés à finir dans le néant. En excluant l’autre de notre horizon, la vie se replie sur elle et devient bien de consommation. Narcisse, le personnage de la mythologie antique, qui s’aime lui-même et ignore le bien des autres, est naïf et ne se rend compte de rien. Pendant ce temps, cependant, se diffuse un virus spirituel assez contagieux, qui nous condamne à devenir homme-miroir et femme-miroir, qui se voient seulement eux-mêmes et rien d’autre. Cela revient à devenir aveugle à la vie et à sa dynamique, en tant que don reçu des autres et qui demande d’être mis de façon responsable en circulation pour d’autres.

La vision globale de la bioéthique, que vous vous préparez à relancer dans le domaine de l’éthique sociale et de l’humanisme planétaire, forts de l’inspiration chrétienne, s’engagera avec plus de sérieux et de rigueur à dessécher la complicité avec le sale travail de la mort, soutenu par le péché. L’on pourra ainsi rendre aux raisonnements et aux pratiques l’alliance avec la grâce destinée par Dieu à la vie de chacun de nous. Cette bioéthique ne partira pas de la maladie et de la mort pour décider le sens de la vie et définir la valeur de la personne. Elle partira plutôt de la conviction profonde de la dignité irrévocable de la personne humaine, comme Dieu l’aime, dignité de toute personne, dans toute phase et condition de son existence, dans la recherche des formes de l’amour et du soin qui doivent être donnés à sa vulnérabilité et à sa fragilité.

Donc, en premier lieu, cette bioéthique globale sera une modalité spécifique pour développer la perspective de l’écologie intégrale de l’Encyclique Laudato si’, où j’ai insisté sur ces points forts : « l’intime relation entre les pauvres et la fragilité de la planète ; la conviction que tout est lié dans le monde ; la critique du nouveau paradigme et des formes de pouvoir qui dérivent de la technologie ; l’invitation à chercher d’autres façons de comprendre l’économie et le progrès ; la valeur propre de chaque créature ; le sens humain de l’écologie ; la nécessité de débats sincères et honnêtes ; la grave responsabilité de la politique internationale et locale ; la culture du déchet et la proposition d’un nouveau style de vie » (n. 16).

En second lieu, dans une vision holistique de la personne, il s’agit d’articuler, avec une clarté toujours plus grande, tous les liens et les différences concrètes qu’habite la condition humaine universelle et qui nous impliquent à partir de notre corps. En effet, « notre propre corps nous met en relation directe avec l’environnement et avec les autres êtres vivants. L’acceptation de son propre corps comme don de Dieu est nécessaire pour accueillir et pour accepter le monde tout entier comme don du Père et maison commune ; tandis qu’une logique de domination sur son propre corps devient une logique, parfois subtile, de domination sur la création. Apprendre à recevoir son propre corps, à en prendre soin et à en respecter les significations, est essentiel pour une vraie écologie humaine. La valorisation de son propre corps dans sa féminité ou dans sa masculinité est aussi nécessaire pour pouvoir se reconnaître soi-même dans la rencontre avec celui qui est différent » (Laudato si’, 155).

Il faut donc procéder à un discernement soigné des différences complexes fondamentales de la vie humaine : de l’homme et de la femme, de la paternité et de la maternité, de la filiation et de la fraternité, de la socialisation et aussi de tous les différents âges de la vie. Ainsi que de toutes le conditions difficiles et de tous les passages délicats ou dangereux qui exigent une sagesse éthique spéciale et une résistance morale courageuse : la sexualité et la génération, la maladie et la vieillesse, l’insuffisance et le handicap, la privation et l’exclusion, la violence et la guerre. « La défense de l’innocent qui n’est pas encore né, par exemple, doit être sans équivoque, ferme et passionnée, parce que là est en jeu la dignité de la vie humaine, toujours sacrée, et l’amour de chaque personne indépendamment de son développement exige cela. Mais est également sacrée la vie des pauvres qui sont déjà nés, de ceux qui se débattent dans la misère, l’abandon, le mépris, la traite des personnes, l’euthanasie cachée des malades et des personnes âgées privées d’attention, dans les nouvelles formes d’esclavage, et dans tout genre de marginalisation » (Exhort. ap. Gaudete et exsultate, 101).

Dans les textes et dans les enseignements de la formation chrétienne et ecclésiastique, ces thèmes de l’éthique de la vie humaine devront trouver une place adéquate dans le cadre d’une anthropologie globale, et ne pas être confinés parmi les questions-limites de la morale et du droit. Je souhaite qu’une conversion à la centralité de l’écologie humaine intégrale, c’est-à-dire d’une compréhension harmonieuse et globale de la condition humaine, puisse trouver dans votre engagement intellectuel, civil et religieux, un soutien valide et une intonation proactive.

La bioéthique globale nous sollicite donc à la sagesse d’un discernement profond et objectif de la valeur de la vie personnelle et communautaire, qui doit être protégée et promue aussi dans les conditions les plus difficiles. Nous devons par ailleurs affirmer avec force que, sans le soutien adéquat d’une proximité humaine responsable, aucune régulation purement juridique et aucun secours technique ne pourront, seuls, garantir des conditions et des contextes relationnels correspondant à la dignité de la personne. La perspective d’une globalisation qui, laissée à sa seule dynamique spontanée, tend à faire grandir et à approfondir les inégalités, demande une réponse éthique en faveur de la justice. L’attention aux facteurs sociaux et économiques, culturels et environnementaux, qui déterminent la santé, rentre dans cet engagement, et devient modalité concrète pour réaliser le droit de tout peuple « à la participation, sur la base de l’égalité et de la solidarité, à la jouissance des biens qui sont destinés à tous les hommes » (Jean-Paul II, Lett. enc. Sollicitudo rei socialis, 21).

La culture de la vie, enfin, doit tourner plus sérieusement le regard sur la “questione seria” de sa destination ultime. Il s’agit de mettre en lumière avec une plus grande clarté ce qui oriente l’existence de l’homme vers un horizon qui le dépasse : toute personne est appelée gratuitement « à l’intimité même de Dieu et au partage de son propre bonheur. […] L’Église enseigne, en outre, que l’espérance eschatologique ne diminue pas l’importance des tâches terrestres, mais en soutient bien plutôt l’accomplissement par de nouveaux motifs » (Conc. oecum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, 21). Il faut s’interroger plus profondément sur la destination ultime de la vie, capable de rendre dignité et sens au mystère de ses affections les plus profondes et les plus sacrées. La vie de l’homme, belle à enchanter et fragile à mourir, renvoie au-delà d’elle-même : nous sommes infiniment plus que ce que nous pouvons faire par nous-mêmes. La vie de l’homme, cependant, est aussi incroyablement tenace, certes par une grâce mystérieuse qui vient d’en-haut, dans l’audace de son invocation d’une justice et d’une victoire définitive de l’amour. Et il est même capable – espérance contre tout toutes espérance – de se sacrifier pour elle, jusqu’à la fin. Reconnaître et apprécier cette fidélité et ce dévouement à la vie suscite en nous gratitude et responsabilité, et nous encourage à offrir généreusement notre savoir et notre expérience à toute la communauté humaine. La sagesse chrétienne doit rouvrir avec passion et audace la pensée de la destination du genre humain à la vie de Dieu, qui a promis d’ouvrir à l’amour de la vie, au-delà de la mort, l’horizon infini de corps de lumière aimants, sans plus de larmes. Et de les émerveiller éternellement avec l’enchantement toujours nouveau de toutes les choses “visibles et invisibles” qui sont cachées dans le sein du Créateur. Merci.

Traduction de Zenit, Anne Kurian

Source : zenit.org

 

 

 

 

FIAMC : l’Église est pour la vie, aussi faible et sans défense soit-elle

par Zenti, 28/05/2018

Discours du Pape François

Chers frères et sœurs,

Je suis heureux de vous accueillir et de vous adresser à tous mes salutations à commencer par le président, le Dr John Lee, que je remercie pour ses paroles.

Votre qualification de « médecins catholiques » vous engage à une formation spirituelle, morale et bioéthique permanente afin de mettre en œuvre les principes évangéliques dans votre pratique médicale, en partant du rapport médecin-patient jusqu’à arriver à l’activité missionnaire pour améliorer les conditions de santé des populations dans les périphéries du monde. Votre œuvre est une forme particulière de solidarité humaine et de témoignage chrétien ; votre travail, en effet, est enrichi par l’esprit de foi Et c’est important que vos associations s’engagent pour sensibiliser à ces principes les étudiants en médecine et les jeunes médecins, en les impliquant dans les activités associatives.

L’identité catholique ne compromet pas votre collaboration avec ceux qui, dans une perspective religieuse différente ou sans croyance spécifique, reconnaissent la dignité et l’excellence de la personne humaine comme critère de leur activité. L’Église est pour la vie et sa préoccupation est que rien ne soit contre la vie dans la réalité d’une existence concrète, aussi faible ou sans défense soit-elle, même si elle n’est pas développée ou si elle est peu avancée. Être des médecins catholiques, c’est donc se sentir des professionnels de la santé qui reçoivent de leur foi et de leur communion avec l’Église l’élan pour rendre toujours plus mure leur formation chrétienne et professionnelle, inlassable leur dévouement et inépuisable leur besoin de connaître les lois de la nature pour mieux servir la vie (cf. Paul VI, Lettre enc. Humanae vitae, 24).

La fidélité et la cohérence avec lesquelles les associations de votre fédération, au cours des années, ont été fidèles à leur physionomie catholique, en mettant en œuvre l’enseignement de l’Église et les directives de son Magistère dans le domaine médical et moral, sont bien connues. Ce critère de reconnaissance et d’action a favorisé votre collaboration à la mission de l’Église en promouvant et en défendant la vie humaine de sa conception jusqu’à sa fin naturelle, la qualité de l’existence, le respect des plus faibles, l’humanisation de la médecine et sa pleine socialisation.

Cette fidélité a comporté et comporte des efforts et des difficultés qui, dans certaines circonstances, peuvent exiger un grand courage. Continuez avec sérénité et détermination sur cette voie, en accompagnant les interventions magistérielles dans les domaines de la médecine avec une conscience égale de leurs implications morales. Le domaine de la médecine et de la santé, en effet, n’a pas non plus été épargné par l’avancée du paradigme culturel technocratique, par l’adoration du pouvoir humain sans limites et par un relativisme pratique, où tout ce qui ne sert pas les intérêts personnels devient sans importance (cf. Lett. enc. Laudato si’, 122).

Devant cette situation, vous êtes appelés à affirmer le caractère central du malade en tant que personne et sa dignité avec ses droits inaliénables, en premier le droit à la vie. Il faut s’opposer à la tendance à dévaloriser l’homme malade comme une machine à réparer, sans respect pour les principes moraux, et à exploiter les plus faibles en rejetant ce qui ne correspond pas à l’idéologie de l’efficacité et du profit. La défense de la dimension personnelle du malade est essentielle pour l’humanisation de la médecine, y compris dans le sens de l’ « écologie humaine ». Que vous ayez à cœur de vous engager dans vos pays respectifs et au niveau international, en intervenant dans les milieux spécialisés mais aussi dans les discussions qui concernent les législations sur des thèmes éthiques sensibles, comme par exemple l’interruption de grossesse, la fin de vie et la médecine génétique. Que votre sollicitude ne soit pas absente non plus de la défense de la liberté de conscience, des médecins et de tous les professionnels de la santé. Il n’est pas acceptable que votre rôle soit réduit à celui de simple exécuteur de la volonté du malade ou des exigences du système de santé dans lequel vous travaillez.

Lors de votre prochain congrès, qui se tiendra à Zagreb dans quelques jours, vous réfléchirez au thème « Sainteté de vie et profession médicale, de Humanae vitae à Laudato si’ ». C’est aussi un signe de votre participation concrète à la vie et à la mission de l’Église. Cette participation – comme l’a souligné le concile Vatican II – est « tellement nécessaire que, sans elle, l’apostolat même des pasteurs ne peut pas en outre atteindre sa pleine efficacité » (Décret Apostolicam actuositatem, 10). Soyez toujours plus conscients qu’aujourd’hui il est nécessaire et urgent que l’action du médecin catholique se présente avec un caractère d’une clarté reconnaissable sur le plan du témoignage personnel comme associatif.

À ce propos, il est souhaitable que les activités des associations de médecins catholiques soient interdisciplinaires et impliquent aussi d’autres réalités ecclésiales. En particulier, sachez harmoniser vos efforts avec ceux des prêtres, des religieux et des religieuses et de tous les acteurs de la pastorale de la santé, en vous situant avec eux aux côtés des personnes qui souffrent : elles ont un grand besoin de votre apport et du leur. Soyez des ministres, non seulement des soins, mais aussi de la charité fraternelle, transmettant à ceux dont vous vous approchez, par l’apport de vos connaissances, richesse d’humanité et de compassion évangélique.

Chers frères et sœurs, nombreux sont ceux qui vous regardent et qui regardent votre travail. Vos paroles, vos gestes, vos conseils, vos choix ont un écho qui dépasse le domaine purement professionnel et qui devient, s’il est cohérent, un témoignage de foi vécue. La profession acquiert ainsi la dignité d’un véritable apostolat. Je vous encourage à poursuivre avec joie et générosité le chemin associatif, en collaboration avec toutes les personnes et les institutions qui partagent l’amour de la vie et qui s’emploient à la servir dans sa dignité et dans son caractère sacré. Que la Vierge Marie, Salut des malades, soutienne vos résolutions, que j’accompagne de ma bénédiction. Et s’il vous plaît, priez aussi pour moi. Merci.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

Source : zenit.org

 

Regina Coeli : protéger la vie de sa conception à sa fin naturelle

Rome, 06/05/2018

Paroles du Pape avant le Regina Coeli

Chers frères et sœurs, bonjour !

En ce temps pascal, la Parole de Dieu continue à nous indiquer des styles de vie cohérents pour être la communauté du Ressuscité. Parmi eux, l’Evangile d’aujourd’hui présente la consigne de Jésus : « Demeurez dans mon amour. » (Jn 15,9) Demeurer dans l’amour de Jésus. Habiter dans le courant de l’amour de Dieu, y faire une demeure stable, c’est la condition pour que notre amour ne perde pas son ardeur et son audace sur le chemin. Nous aussi, comme Jésus et en Lui, nous devons accueillir avec gratitude l’amour qui vient du Père et rester dans cet amour, en cherchant à ne pas s’en séparer par l’égoïsme ou par le péché. C’est un programme engageant mais pas impossible.

D’abord, il est important de prendre conscience que l’amour du Christ n’est pas un sentiment superficiel, non, c’est une attitude fondamentale du cœur, qui se manifeste dans le fait de vivre comme Il le veut. Jésus affirme en effet : « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. » (v. 10). L’amour se réalise dans la vie de chaque jour, dans les attitudes, dans les actions ; autrement c’est seulement quelque chose d’illusoire. Ce sont des paroles, des paroles, des paroles, ce n’est pas l’amour. L’amour est concret, tous les jours. Jésus nous demande d’observer ses commandements, qui se résument en ceci : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » (v. 12).

Comment faire pour que cet amour que nous donne le Seigneur ressuscité puisse être partagé avec les autres ? Jésus a indiqué plusieurs fois qui est l’autre à aimer, non par des paroles mais par des faits. C’est celui que je rencontre sur mon chemin et qui, par son visage et son histoire, m’interpelle ; c’est celui qui, par sa présence même, me pousse à sortir de mes intérêts et de mes sécurités ; c’est celui qui attend ma disponibilité à écouter et à faire un bout de route ensemble. Disponibilité envers chaque frère et sœur, qui que ce soit et quelle que soit la situation dans laquelle il se trouve, en commençant par celui qui est proche de moi en famille, dans la communauté, au travail, à l’école… De cette façon, si je reste uni à Jésus, son amour peut rejoindre l’autre et l’attirer à soi, à son amitié.

Et cet amour pour les autres ne peut pas être réservé à des moments exceptionnels, mais doit devenir la constante de notre existence. Voilà pourquoi nous sommes appelés à protéger les personnes âgées comme un trésor précieux et avec amour, même s’ils créent des problèmes économiques et des désagréments, nous devons les protéger. Voilà pourquoi nous devons offrir toute l’assistance possible aux malades, même au dernier stade. Voilà pourquoi les enfants à naître doivent toujours être accueillis ; voilà pourquoi, en définitive, la vie doit toujours être protégée et aimée depuis la conception jusqu’à son déclin naturel.

Nous sommes aimés par Dieu en Jésus Christ, qui nous demande de nous aimer comme Il nous aime. Mais cela, nous ne pouvons le faire que si nous avons en nous son Cœur. L’Eucharistie, à laquelle nous sommes appelés à participer chaque dimanche, a pour objectif de former en nous le Cœur du Christ, afin que toute notre vie soit guidée par ses attitudes généreuses. Que la Vierge Marie nous aide à demeurer dans l’amour de Jésus et à grandir dans l’amour envers tous, spécialement les plus faibles, pour correspondre pleinement à notre vocation chrétienne.

Traduction de Zenit, Anne Kurian

source : zenit.org

 

Le père d’Alfie Evans demande son aide au pape François (Entretien)

« Aucune vie d’enfant ne devrait être enlevée »

Dans la matinée de ce 18 avril 2018, avant l’audience générale, le pape François a reçu le père du petit Alfie Evans, à la Maison Sainte-Marthe : Thomas Evans a demandé au pape son aide pour le bébé britannique de 22 mois qui se trouve dans un « état semi-végétatif » à cause d’une maladie neurodégénérative. Alors que la justice du pays a statué sur l’arrêt du traitement, les parents souhaitent un transfert à l’hôpital du Bambino Gesù – propriété du Saint-Siège à Rome. Thomas Evans s’est confié à Zenit.

Aucune vie d’enfant ne devrait être enlevée, a notamment dit le pape durant cette rencontre. Lors de l’audience générale qui a suivi place Saint-Pierre, le pape a lancé un nouvel appel en faveur du petit Alfie, soulignant « que l’unique maître de la vie, de son commencement jusqu’à sa fin naturelle, est Dieu ! Et notre devoir, notre devoir est de tout faire pour protéger la vie ».

« Le monde prie et nous allons laisser la situation entre les mains de Dieu », conclut Thomas Evans.

ZENIT: Comment s’est passée votre rencontre avec le pape ce matin ?

Thomas Evans – Cela s’est passé aussi bien que possible. J’ai été très heureux de le rencontrer. Il m’a félicité pour mon courage. Il m’a dit que j’avais le même courage que Dieu. Il a dit qu’il n’y a pas beaucoup de personnes qui peuvent assumer ce genre de problème. Il a déclaré qu’ « aucune vie d’enfant ne devrait être enlevée ». J’ai très bien écouté ce qu’il a dit.

J’espère qu’après cette rencontre, la nouvelle étape sera que le Saint-Père obtiendra pour nous l’asile au Vatican et que nous allons devenir des citoyens Italiens. C’est notre prochain objectif. D’après l’expression du visage du pape François, comme vous le savez, je ne comprends pas l’italien, mais il avait l’air très touché. Il écoutait et gardait le contact par le regard. Pour moi, cela a été la chose la plus importante de notre rencontre. J’ai beaucoup de chance d’avoir eu cette rencontre et je suis très convaincu que le pape fera ce qu’il peut pour sauver Alfie.

Votre espoir pour Alfie est donc qu’il obtienne l’asile ici ainsi que la citoyenneté ?

Oui. J’ai demandé personnellement asile au pape… Nous attendons donc une réponse maintenant.

A-t-il eu des questions spécifiques ?

Pas de questions spécifiques. Il voulait en savoir plus au sujet d’Alfie, ce qui se passait au Royaume-Uni, comment les enfants sont traités là-bas. Et je lui ai fait savoir comment on traite les enfants handicapés : alors que l’euthanasie n’est pas légale là-bas, pour certaines raisons, ils pensent que c’est légal d’euthanasier ces enfants. Je voulais que le pape sache ce qui se passe vraiment au Royaume-Uni, ce qui se passe dans la situation d’Alfie.

Pendant l’audience générale, le pape a lancé un nouvel appel pour Alfie, après celui du Regina Coeli…

Il a parlé très clairement aujourd’hui, en soulignant que seul Dieu est le Maître de la vie, personne d’autre, lançant un appel pour la défense de la vie de mon fils et d’autres dans des situations similaires.

Comment l’entretien d’aujourd’hui a-t-il pu aboutir ?

En gros, j’ai parlé avec une de mes amies, vous connaissez Benedetta [Benedetta Frigerio, une journaliste italienne] et j’ai dit que j’allais à Rome, au Vatican, et que j’allais faire une vidéo en direct pour essayer d’attirer l’attention du pape. Je n’ai même pas eu besoin de le faire parce que cette équipe étonnante a réussi à nous obtenir une rencontre directement avec le pape, ce qui s’est très bien passé. Je suis vraiment heureux d’être ici aujourd’hui et le soutien de la part de l’Italie a été incroyable et j’espère que la prochaine étape sera que nous deviendrons des citoyens Italiens.

Comment allez-vous passer le temps qu’il vous reste à Rome ?

Et bien je vais manger quelque chose, prendre une douche. On m’a proposé de passer la nuit ici mais ma priorité principale est de retourner voir Alfie. Je veux donc prendre un vol dès que possible pour Alfie.

Comment se porte Alfie ?

Il se porte très bien. Il a reçu les sacrements il y a un ou deux jours. Et après ces sacrements, il a montré des signes très positifs. Il a montré différents signes de davantage de vie.

Et je vais continuer à prier, et le monde prie et nous allons laisser la situation entre les mains de Dieu.

Traduction d’Hélène Ginabat

Source : zenit.org

 

 

 


RENCONTRE AVEC LES FIDÈLES

DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS

Esplanade devant l’église de Piana Romana, Pietrelcina
Samedi, 17 mars 2018

(extrait)

Priez la Sainte Vierge afin qu’elle vous donne la grâce que les jeunes trouvent du travail ici, parmi vous, près de la famille, et qu’ils ne soient pas contraints de s’en aller chercher ailleurs, tandis que le village décline, décline.

La population vieillit, mais c’est un trésor, les personnes âgées sont un trésor !

S’il vous plait, ne marginalisez pas les personnes âgées. Il ne faut pas marginaliser les personnes âgées, non. Les personnes âgées sont la sagesse. Que les personnes âgées apprennent à parler avec les jeunes et que les jeunes apprennent à parler avec les personnes âgées. Elles sont la sagesse d’un village, les personnes âgées.

Quand je suis arrivé j’ai été tellement heureux d’en saluer une de 99 ans et une «jeunette» de 97 ans. Magnifique! Celles-là sont votre sagesse! Parlez avec elles. Qu’elles soient protagonistes de la croissance de ce village.

Que l’intercession de votre saint concitoyen soutienne les propos d’unir les forces, et d’offrir ainsi, avant tout aux jeunes générations, des perspectives concrètes pour un avenir d’espérance. Que ne manque pas une sollicitude attentive et de la tendresse — comme je l’ai dit — aux personnes âgées, qui sont le patrimoine de votre communauté. J’aimerais qu’un jour l’on donne le prix Nobel aux personnes âgées qui donnent une mémoire à l’humanité.

Source : vatican.va

 

 

DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS
AUX PARTICIPANTS DE L’ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE
DE LA
CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI

Salle Clémentine
Vendredi, 26 janvier 2018

Messieurs les Cardinaux,

vénérés Frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,

chers frères et sœurs,

Je suis heureux de pouvoir vous rencontrer au terme de la Session Plénière de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Je remercie le Préfet pour son introduction par laquelle il a résumé la ligne la plus importante de votre travail durant ces deux dernières années.

J'exprime mon appréciation pour votre service délicat qui répond au lien particulier de votre Décastère avec le ministère du successeur de Pierre, qui est appelé à affirmer les frères dans la Foi et l’Église dans l'unité.

Je remercie de votre engagement quotidien de soutien auprès du magistère des Évêques, dans la défense de la vraie Foi et de la sainteté des sacrements, concernant toutes sortes des questions qui, de nos jours, réclament un discernement pastoral important, comme l'examen des cas concernant les graviora delicta et les demandes de la dissolution du lien matrimonial in favorem fidei.

Toutes ces tâches se révèlent encore plus actuelles en face de l’horizon toujours plus flou et changeant qui caractérise l'autocompréhesion de l'homme d'aujourd'hui et qui a pas mal d'influence sur les choix existentielles et éthiques. L'homme d'aujourd'hui ne sait plus qui il est et il a donc de la peine à reconnaître comment agir bien.

Dans ce sens, la tâche de votre Congrégation semble décisive, en rappelant la vocation transcendante de l'homme et le lien inséparable de sa raison avec la vérité et le bien, auquel initie la Foi en Jésus-Christ. Il n'y a rien qui aide plus l'homme à se connaître soi-même et à connaître les dessins de Dieu sur le monde que l'ouverture de la raison à la lumière qui vient de Dieu.

J'apprécie donc l'étude que vous avez entreprise concernant quelques aspects du salut chrétien, avec le but de réaffirmer la signification de la Rédemption, en référence aux tendances néo-pélagiène et néo-gnostique d'aujourd'hui. De telles tendances sont les expressions d'un individualisme qui se confie à ses propres forces pour se sauver. Nous croyons, au contraire, que le salut consiste dans la Communion avec le Christ Ressuscité qui, par le don de son Esprit, nous a introduit dans un nouvel ordre de relation avec le Père et entre les hommes. Ainsi nous pouvons nous unir au Père comme fils dans le Fils et devenir un seul corps avec Celui qui est « premier né entre beaucoup de frères ». (Rm 8, 29)

Comment ne pas mentionner ensuite les études que vous êtes en train de mener à terme sur les implications éthiques d'un anthropologie adéquate aussi dans le domaine économico-financier. Seul une vision de l'homme en tant que personne, c'est-à-dire comme sujet essentiellement relationnel et doté d'une particulière et ample rationalité, est capable d'agir en conformité avec l'ordre objectif de la morale. Le Magistère de l’Église a toujours affirmé avec clarté à cet égard que « l'activité économique doit être conduite selon les lois et méthodes propres à l'économie, mais dans le cadre de l'ordre morale ». (Conc. Ecum. Vat. II, Cost. past. Gaudium et spes, 64).

Pendant cette Session Plénière vous avez également approfondi quelques questions délicates quant à l'accompagnement des malades en phase terminale. Le processus de sécularisation, en faisant un absolu des concepts de l’autodétermination et de l'autonomie, mène en beaucoup de pays à une croissance de la demande d'euthanasie, comme affirmation idéologie de la volonté du pouvoir de l'homme sur la vie. Cela a entraîné également à considérer l'interruption volontaire de l’existence humaine comme un choix de civilisation. C'est claire que là où la vie ne vaut pas en raison de sa dignité mais en raison de son efficacité et de sa productivité, tout cela devient possible. Dans ce décor, il convient de réaffirmer que la vie humaine, dès sa conception, jusqu'à sa fin naturelle, possède une dignité qui la rend intangible.

La douleur, la souffrance, le sens de la vie et de la mort sont des réalités que la mentalité contemporaine a de la peine à affronter avec un regard plein d'espérance. Pourtant, sans une espérance fiable qui l'aide à affronter même la douleur et la mort, l'homme ne parvient pas à bien vivre et à conserver une perspective confiante en face de son futur. C'est cela l'un des services que l’Église est appelée à rendre à l'homme d'aujourd'hui.

Dans ce sens, votre mission assume un visage éminemment pastoral. Les pasteurs authentiques sont ceux qui n'abandonnent pas l'homme à lui-même, ni ne le laissent en proie à sa désorientation et à ses erreurs, mais avec vérité et miséricorde le reconduisent à retrouver son visage authentique dans le bien. Est donc authentiquement pastorale chaque action qui a pour but de prendre l'homme par la main quand celui-là a perdu le sens de sa dignité et de son destin, pour le guider avec confiance à redécouvrir la paternité aimante de Dieu, son bon destin et les voies pour construire un monde plus humain. Ceci est la grande tâche qui attend votre Congrégation et chacune des autres institutions pastorales de l’Église.

Dans la certitude de votre dévouement à ce service important qui est depuis toujours la via maestra de l’Église, je renouvelle ma gratitude et j'exprime à vous tous ma proximité, en vous donnant de tout cœur la Bénédiction Apostolique.

Source : vatican.va

Traduction : site.christophore.com

 

 

PAROLES DU PAPE FRANÇOIS
À L'ASSOCIATION DES TRAVAILLEURS ÂGÉS

Salle Paul VI
Samedi, 15 octobre 2016


Chers frères et sœurs, bonjour!

Je me réjouis de vivre avec vous cette journée de réflexion et de prière, qui s’inscrit dans le cadre de la fête des grands-parents. Je vous salue tous avec affection, à commencer par les présidents des associations que je remercie pour leurs paroles. J’exprime ma reconnaissance à ceux qui ont affronté des difficultés et des désagréments pour ne pas manquer ce rendez-vous ; dans le même temps, je suis proche de toutes les personnes âgées, seules ou malades, qui n’ont pas pu venir, mais qui sont unies à nous spirituellement.

L’Église considère les personnes âgées avec affection, reconnaissance et grande estime. Celles-ci constituent une partie essentielle de la communauté chrétienne et de la société. Je ne sais pas si vous avez bien entendu  : les personnes âgées sont une partie essentielle de la communauté chrétienne et de la société. Elles représentent en particulier les racines et la mémoire d’un peuple. Vous êtes une présence importante, car votre expérience constitue un trésor précieux, indispensable pour envisager l’avenir avec espérance et responsabilité. Votre maturité et votre sagesse, accumulées au fil des années, peuvent aider les plus jeunes, en les soutenant sur leur chemin de croissance et lorsqu’ils commencent à s’ouvrir à l’avenir, lorsqu’ils cherchent leur voie. Les personnes âgées, en effet, témoignent que, même dans les pires épreuves, il ne faut jamais perdre confiance en Dieu et en un avenir meilleur. Elles sont comme des arbres qui continuent de donner du fruit : malgré le poids des années, elles peuvent apporter une contribution originale en vue d’une société riche de valeurs et de l’affirmation de la culture de la vie.

Nombreuses sont les personnes âgées qui consacrent avec générosité leur temps et les talents que Dieu leur a accordés en s’ouvrant à l’aide et au soutien envers les autres. Je pense à celles qui se rendent disponibles dans les paroisses pour un service vraiment précieux : certaines se consacrent à l’ornement de la maison du Seigneur, d’autres comme catéchistes, animatrices de la liturgie, témoins de la charité. Et que dire de leur rôle dans le contexte familial? Combien de grands- parents prennent soin de leurs petits-enfants, en transmettant avec simplicité aux plus petits l’expérience de la vie, les valeurs spirituelles et culturelles d’une communauté et d’un peuple! Dans les pays qui ont subi une grave persécution religieuse, ce sont les grands-parents qui ont transmis la foi aux nouvelles générations, en conduisant les enfants au baptême dans un contexte de clandestinité douloureux.

Dans un monde, comme celui d’aujourd’hui, où la force et l’apparence sont souvent idéalisées, vous avez la mission de témoigner des valeurs qui comptent vraiment et qui demeurent pour toujours, car elles sont inscrites dans le cœur de tout être humain et garanties par la Parole de Dieu. Précisément en tant que personnes dites du troisième âge, vous, ou plutôt nous — car j’en fais partie —, sommes appelés à œuvrer en vue du développement d’une culture de la vie, témoignant que chaque étape de la vie est un don de Dieu, et possède une beauté et une importance propres, même avec les fragilités qui la caractérisent.

A côté des nombreuses personnes âgées qui, dans les limites de leurs possibilités, continuent à se prodiguer pour leur prochain, tant d’autres vivent avec la maladie, avec une mobilité réduite et ont besoin d’assistance. Je rends grâce aujourd’hui au Seigneur pour les nombreuses personnes et structures qui se consacrent au service quotidien de ces personnes âgées, pour favoriser des contextes humains adéquats où chacune d’elles peut vivre dignement cette étape importante de sa vie. Les instituts qui accueillent les personnes âgées sont appelés à être des lieux d’humanité et d’attention pleins d’amour, où les personnes les plus faibles ne sont pas oubliées ou négligées, mais visitées, rappelées et protégées  comme de grands frères et sœurs. Ainsi s’exprime la reconnaissance envers ceux qui ont tant donné à la communauté et qui sont sa racine.

Les institutions et les différentes structures sociales peuvent faire encore beaucoup pour aider les personnes âgées à exprimer au mieux leurs capacités, pour faciliter leur participation active, et surtout pour veiller à ce que leur dignité de personnes soit toujours respectée et valorisée. Pour ce faire, il est important de s’opposer à la culture nocive du rejet, qui marginalise les personnes âgées, en les considérant improductives. Les responsables publiques, les structures culturelles, éducatives et religieuses, ainsi que tous les hommes de bonne volonté, sont appelés à s’engager en vue de construire une société toujours plus accueillante et inclusive.

Ce rejet est très laid! Une de mes grands-mères me racontait l’histoire d’une famille où le grand-père, qui habitait avec eux [enfants et petits-enfants], était veuf, mais il tomba malade, malade..., et à table, il ne mangeait pas bien, faisait tomber un peu de nourriture. Un jour, le père décida de ne plus faire manger le grand-père à table avec eux, mais dans la cuisine, et il a fabriqué une petite table pour le grand- père. Ainsi, la famille mangeait sans le grand-père. Quelques jours plus tard, en rentrant à la maison après le travail, il trouva un de ses enfants en train de jouer avec du bois, des clous et un marteau... «  Mais que fais-tu? » [lui demanda son papa]. L’enfant lui répondit : « Je fabrique une table » — « Mais pourquoi? » — « Pour toi. Pour que quand tu deviendras vieux, tu puisses manger comme ça ». Les enfants naturellement sont très attachés aux grands-parents et ils comprennent des choses que seuls les grands-parents peuvent expliquer à travers leur vie et leur attitude. Cette culture du rejet dit : « Tu es vieux, dehors! ». Tu es vieux, oui, mais tu as tant de choses à nous dire, à nous raconter, sur l’histoire, la culture, la vie, les valeurs... Il ne faut pas laisser cette culture du rejet progresser, il faut toujours qu’il y ait une culture inclusive.

Il est important également de favoriser les liens entre générations. L’avenir d’un peuple exige que les jeunes et les personnes âgées se rencontrent : les jeunes sont la vitalité d’un peuple en chemin et les personnes âgées renforcent cette vitalité par la mémoire et la sagesse. Et parlez avec vos petits-enfants, parlez. Laissez-les vous poser des questions. Leur particularité est différente de la nôtre, ils font d’autres choses, aiment d’autres musiques..., mais ils ont besoin des personnes âgées, de ce dialogue continu. Notamment pour leur donner de la sagesse. Cela me fait beaucoup de bien de lire l’histoire de Joseph et Marie qui amenèrent l’Enfant Jésus — l’enfant avait 40 jours — au temple ; et là, ils trouvèrent deux grands-parents [Syméon et Anne], et ces grands- parents étaient la sagesse du peuple ; ils louaient Dieu pour que cette sagesse puisse se poursuivre avec cet Enfant. Ce sont les grands-parents qui accueillent Jésus au temple, pas le prêtre : celui-ci vient après. Lisez cela vous aussi, dans l’Évangile de Luc, c’est très beau!

Chers grands-pères et grands-mères, merci pour l’exemple d’amour, de dévouement et de sagesse que vous offrez. Continuez avec courage à témoigner ces valeurs! Que votre sourire et votre regard lumineux ne manquent jamais à la société : que la société puisse les voir! Je vous accompagne par ma prière, et vous aussi, n’oubliez pas de prier pour moi. Et à présent, j’invoque sur vous, sur vos intentions et projets de bien, la bénédiction du Seigneur.

Prions à présent la grand-mère de Jésus, sainte Anne ; prions sainte Anne, qui est la grand- mère de Jésus, et faisons-le en silence, un instant. Que chacun demande à sainte Anne de nous enseigner à être de bons et sages grands-parents.

[Bénédiction]

Merci.

Source : vatican.va

 

 

« Toute vie est sacrée ! »

Paroles du pape François après l’angélus

Chers frères et sœurs, aujourd’hui, en Italie, nous célébrons la Journée pour la vie, sur le thème « Femmes et hommes pour la vie dans le sillage de Sainte Teresa de Calcutta ».

Je me joins aux évêques italiens pour souhaiter une action éducative courageuse en faveur de la vie humaine.

Toute vie est sacrée!

Faisons progresser la culture de la vie en réponse à la logique du rebut et au déclin démographique. Soyons proches et ensemble prions pour les enfants qui sont en danger d’interruption de grossesse, ainsi que pour les personnes qui sont en fin de la vie – toute vie est sacrée! – afin que personne ne soit laissé seul et que l’amour défende le sens de la vie.

Rappelons-nous les paroles de Mère Teresa: «La vie est beauté, admire-la! La vie est vie, défends-la ! », que ce soit pour l’enfant à naître, ou pour la personne qui est près de mourir: toute vie est sacrée!

Je salue tous ceux qui travaillent pour la vie, les professeurs des universités romaines et ceux qui collaborent en vue de la formation des nouvelles générations, afin qu’elles soient en mesure de construire une société accueillante et digne pour toute personne.

Je salue tous les pèlerins, les familles, les groupes religieux et les associations de différentes régions du monde. En particulier, je salue les fidèles de Vienne, Grenade, Melilla, Acquaviva delle Fonti et Bari; ainsi que les étudiants de Penafiel (Portugal) et Badajoz (Espagne).

Je vous souhaite à tous un bon dimanche. S’il vous plaît n’oubliez pas de prier pour moi.

Bon déjeuner et au revoir!

Source : zenit.org

 

Portugal : le pape François encourage la Marche pour la vie

En plein débat sur l’euthanasie

La personne et la famille ont besoin d’un « nouvel engagement qui favorise les vraies valeurs humaines, morales et spirituelles », écrit le pape François dans un message aux organisateurs de la sixième « Marche pour la vie » – «Caminhada pela Vida» – qui se tiendra le 14 mai au Portugal, rapporte Radio Vatican.

Le message est signé par Mgr Angelo Becciu, substitut pour les affaires générales de la secrétairerie d’Etat.

Le pape François encourage à inciter « les personnes, les familles et la société portugaise à vouloir rechercher le bien commun, qui plonge ses racines dans l’harmonie, la justice et le respect des droits de la personne humaine, depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle ».

Il cite un passage de son exhortation apostolique « Amoris Laetitia » sur l’amour dans la famille : « Un regard attentif à la vie quotidienne des hommes et des femmes d’aujourd’hui montre immédiatement le besoin qui existe partout d’une bonne dose d’esprit familial […]. Non seulement l’organisation de la vie commune se heurte toujours plus à une bureaucratie totalement étrangère aux liens humains fondamentaux, mais les comportements sociaux et politiques révèlent même souvent des signes de dégradation » (n. 183). ...

Le thème de cette année est « Marchons toujours pour la vie ». L’initiative a lieu en plein débat sur la possibilité ou non de légaliser l’euthanasie dans le pays. Les organisateurs espèrent que l’initiative offrira « un témoignage public clair en faveur de la défense de vie à tous les stades de son développement ».

Source : zenit.org