Extraits de la Déclaration Dignitas infinita
publiée par le Dicastère pour la Doctrine de la Foi,
Vatican, le 25/03/2024
Une infinie dignité, inaliénablement fondée dans son être même, appartient à chaque personne humaine, en toutes circonstances et dans quelque état ou situation qu'elle se trouve. Ce principe, pleinement reconnaissable même par la seule raison, fonde la primauté de la personne humaine et la protection de ses droits. L'Église, à la lumière de la Révélation, réaffirme et confirme sans réserve cette dignité ontologique de la personne humaine, créée à l'image et à la ressemblance de Dieu et rachetée dans le Christ Jésus. C'est de cette vérité qu'elle tire les raisons de son engagement envers les plus faibles et les moins dotés de pouvoir, en insistant toujours sur « le primat de la personne humaine et la défense de sa dignité en toutes circonstances». ...
35. Sans prétendre à l'exhaustivité, nous attirons l'attention dans ce qui suit sur certaines violations graves de la dignité humaine qui sont particulièrement d'actualité. ...
L'euthanasie et le suicide assisté
51. Il existe un cas particulier d'atteinte à la dignité humaine, plus silencieux mais qui gagne beaucoup de terrain. Il a la particularité d'utiliser une conception erronée de la dignité humaine pour la retourner contre la vie elle-même. Cette confusion, très répandue aujourd'hui, apparaît au grand jour lorsque l'on parle d'euthanasie. Par exemple, les lois qui reconnaissent la possibilité de l'euthanasie ou du suicide assisté sont parfois appelées “lois sur le droit de mourir dans la dignité” (“death with dignity acts”). L'idée que l'euthanasie ou le suicide assisté sont compatibles avec le respect de la dignité de la personne humaine est largement répandue. Face à ce constat, il faut réaffirmer avec force que la souffrance ne fait pas perdre à la personne malade la dignité qui lui est propre de manière intrinsèque et inaliénable, mais qu'elle peut devenir une occasion de renforcer les liens d'appartenance mutuelle et de prendre conscience de la valeur de chaque personne pour l'ensemble de l'humanité.
52. Il est certain que la dignité de la personne malade dans un état critique ou terminal exige de chacun les efforts appropriés et nécessaires pour soulager ses souffrances par des soins palliatifs appropriés et en évitant tout acharnement thérapeutique ou toute intervention disproportionnée. Ces soins répondent au « devoir constant de comprendre les besoins du malade : besoins d’assistance, soulagement de la douleur, besoins émotionnels, affectifs et spirituels ». Mais un tel effort est tout à fait différent, distinct, et même contraire à la décision d'éliminer sa propre vie ou la vie d'autrui sous le poids de la souffrance. La vie humaine, même dans sa condition douloureuse, est porteuse d'une dignité qui doit toujours être respectée, qui ne peut être perdue et dont le respect reste inconditionnel. En effet, il n'y a pas de conditions sans lesquelles la vie humaine cesse d'être digne et peut donc être supprimée : « la vie a la même dignité et la même valeur pour tous : le respect de la vie de l'autre est le même que celui que l'on doit à sa propre existence ». Aider la personne suicidaire à mettre fin à ses jours est donc une atteinte objective à la dignité de la personne qui le demande, même s'il s'agit de réaliser son souhait : « nous devons accompagner les personnes jusqu'à la mort, mais ne pas la provoquer ni favoriser aucune forme de suicide. Je rappelle que le droit aux soins et aux traitements pour tous doit toujours être prioritaire, afin que les plus faibles, notamment les personnes âgées et les malades, ne soient jamais écartés. En effet, la vie est un droit, non la mort, celle-ci doit être accueillie, non administrée. Et ce principe éthique concerne tout le monde, pas seulement les chrétiens ou les croyants ».[96] Comme cela a déjà été dit, la dignité de chaque personne, même faible ou souffrante, implique la dignité de tous.
La mise au rebut des personnes handicapées
53. L'un des critères permettant de vérifier l'attention réelle portée à la dignité de chaque individu est, bien entendu, l'attention portée aux plus défavorisés. Notre époque, malheureusement, ne se distingue guère par une telle attention : une culture du déchet est en train de s'imposer. Pour contrer cette tendance, la condition de ceux qui se trouvent dans une situation de déficit physique ou psychique mérite une attention et une sollicitude particulières. Cette condition de vulnérabilité particulière] si présente dans les récits évangéliques, interroge universellement ce que signifie être une personne humaine, précisément à partir d'un état de déficience ou de handicap. La question de l'imperfection humaine a également des implications évidentes d'un point de vue socioculturel, dans la mesure où, dans certaines cultures, les personnes handicapées souffrent parfois de marginalisation, voire d'oppression, étant traitées comme de véritables “déchets”. En réalité, tout être humain, quelle que soit sa condition de vulnérabilité, reçoit sa dignité du fait même qu'il est voulu et aimé par Dieu. Pour ces raisons, l'inclusion et la participation active à la vie sociale et ecclésiale de tous ceux qui sont, d'une manière ou d'une autre, marqués par la fragilité ou le handicap, devraient être encouragées autant que possible.
54. Dans une perspective plus large, il convient de rappeler que la « charité, cœur de l’esprit de la politique, est toujours un amour préférentiel pour les derniers qui anime secrètement toutes les actions en leur faveur. […] “Prendre soin de la fragilité veut dire force et tendresse, lutte et fécondité, au milieu d’un modèle fonctionnaliste et privatisé qui conduit inexorablement à la ‘culture du déchet’. [… Cela] signifie prendre en charge la personne présente dans sa situation la plus marginale et angoissante et être capable de l’oindre de dignité” On crée ainsi, bien entendu, une activité intense, car “tout doit être fait pour sauvegarder le statut et la dignité de la personne humaine” ».
Source : vatican.va