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«À la vie, à la mort»: l'épopée intérieure de Marcia Pilote (ENTREVUE)

par Samuel Larochelle,

Quelques secondes suffisent pour sentir l’aura bien particulière de Marcia Pilote. À 50 ans, la dame dégage une sorte d’humanité exacerbée, une ouverture bienveillante, une volonté de comprendre, d’écouter, de guider et d’envelopper, ainsi qu’un regard sur la vie lui permettant de voir au-delà, de ne pas se contenter du prévisible et du statu quo. Carburant à l’introspection et consommant des livres de croissance personnelle à l’extrême, l’animatrice et écrivaine était pourtant bardée de peurs, surtout celle de mourir. Lorsque sa grande amie Anne-Marie Séguin lui a annoncé que sa mort approchait, Marcia a pris une caméra pour témoigner de la sérénité étonnante de son amie dans le documentaire La mort m’a dit. Un processus qui lui a permis de vivre des moments d’intimité précieux, et surtout, de se dégager de toutes les contraintes qui l’empêchaient de se déployer pleinement. Une épopée intérieure racontée dans le livre À la vie, à la mort.

Anne-Marie et toi étiez amies depuis 1983. Pourquoi dis-tu que vous vibriez sur la même fréquence?

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C’est difficile à mettre en mots. Elle était un peu comme mon âme sœur. Comme si on était reliées à un autre niveau. Nous avions besoin l’une de l’autre, mais pas dans la dépendance. C’est pour ça que je m’en ennuie tant et que je pleure chaque jour. Je ne m’ennuie pas simplement de nos moments ensemble, mais de son regard sur moi. Vers la fin, Anne-Marie m’a expliqué qu’elle était sur Terre pour montrer aux gens que la mort peut être belle et sans peur, et elle a ajouté que ma mission commençait.

Elle est décédée en août 2016 et comme ton livre est sorti en avril, tu as dû écrire en plein deuil. Comment as-tu vécu cette expérience?

Heureusement, j’avais commencé à écrire quatre mois avant sa mort. Et pendant le tournage du documentaire, je prenais plein de notes, sans savoir que j’écrirais un livre. J’avais donc déjà beaucoup de matériel. En plus, le fait de nommer les choses a toujours fait partie de ma vie. C’est la meilleure thérapie du monde. Je dis souvent aux gens qui ont perdu un être cher d’écrire. Ça permet de mettre des points de suspension à une situation qui a besoin de tout sauf d’un point final. L’écriture du livre a donc allégé mon deuil.

Tu dis avoir mis ta vie entre parenthèses pendant un an pour réaliser le documentaire, mais Anne-Marie ne voulait pas être regardée avec tristesse. Est-ce que ça a empêché ses proches, dont toi, de vivre leur deuil?

Totalement. On ne pouvait pas rejeter l’idée qu’elle allait mourir, parce qu’on le voyait, mais c’était super difficile d’y croire, car elle ne trouvait pas ça dramatique. Un jour, je n’ai pas pu feindre un sourire et elle m’a demandé pourquoi j’étais bouleversée. Quand je lui ai signifié que c’était à cause de sa mort à venir, elle a grimacé comme si elle ne comprenait pas. Elle n’était pas dans le déni. Pour elle, c’était dans l’ordre normal des choses. Donc oui, ça nous empêchait d’ouvrir certaines portes. Elle voulait qu’on reste dans la joie.

Ça devait être complexe, alors que tu avais si peur de la mort. Pourquoi ça t’effrayait autant?

Je me demandais ce que ça me donnait de vivre, de mettre des enfants au monde et de me battre pour mes projets, en sachant que je pouvais mourir. Mais cette peur-là ne concerne pas tant la mort. Si je me fais frapper demain, je m’en fous. Sauf que l’idée de me savoir mortelle était un concept que je n’acceptais pas. C’est ma peur de la mort que j’entretenais, alors que la mort n’est pas effrayante. Quand on réglé ça, on commence à vivre! Les petites peurs qui me gâchaient la vie, elles ne sont plus là. J’ai travaillé fort pour ça!

Lorsque tu as compris qu’Anne-Marie n’avait plus de rêves et qu’elle fermait ses dossiers de vie, as-tu trouvé ça confrontant?

Plus que confrontant! Toute mon existence, ma joie de vivre et ma passion pour la vie tiennent au fait que j’ai toujours des projets. Pas parce que je vis dans le futur. Mais parce que je suis allumée par les petites et grandes choses qui s’en viennent. Si tu m’enlèves ça, je ne veux plus vivre. Anne-Marie sentait que sa vie était terminée. Une semaine avant de mourir, elle m’a appelé avec sa petite voix pour me dire qu’elle avait fait tout ce qu’elle voulait faire et être, et à quel point ce qui s’en venait pour elle était beau. 

Elle savait aussi que c’était loin d’être ton cas.

Moi, ma vie a commencé depuis que j’ai eu 50 ans! J’ai l’impression qu’avant, on apprend sans cesse avec la volonté de passer à des nouvelles étapes. Et plus on avance, plus les examens sont béton. Mais à 50 ans, si tu as bien fait tes devoirs, tu as ton diplôme.

Tu écris que désormais tu vis pleinement et que tu ne veux plus jamais revenir comme avant. Qu’est-ce qui a tant changé?

Entendons-nous bien: j’ai mené ma vie comme je l’aime depuis 19 ans, en travaillant à mon compte, chez moi, sans horaire. Je me suis battue pour ça. Mais il y avait toujours une épée de Damoclès au-dessus de ma tête. Je me levais chaque matin pour aller au front. J’avais toujours peur de me faire chicaner, rabrouer, tasser ou d’être oubliée. Alors, j’ai développé un mécanisme de survigilance. Mais depuis cinq mois, j’ai atteint un niveau de lâcher-prise qui me permet de croire que la vie va me soutenir face à n’importe quel obstacle. Je prends la vie comme elle vient, comme Anne-Marie l’a fait avec la mort. C’est ça être présent au moment.

Après sa mort, tu as vécu le syndrome de la survivante. Où en es-tu aujourd’hui?

Le temps m’a beaucoup aidée. Pendant un temps, je me disais que je n’avais pas le droit de vivre, parce qu’elle venait de mourir. Ce n’était pas logique. Il y a encore des moments où ça me revient en pleine face, mais je suis capable de le renverser. Maintenant, j’honore le fait d’être en vie au lieu d’en avoir honte.

À la vie, à la mort de Marcia Pilote est paru le 12 avril chez Libre Expression.

Source : quebec.huffingtonpost.ca