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C'est en visitant un Ehpad que j'ai compris ce dont ont besoin nos anciens

"Je peux vous assurer que ma mémé et ceux que j’ai rencontrés m’ont sortie de ma bulle de certitudes et m’ont donné une sacrée leçon de vie", explique la jeune femme.

par Fiona Lauriol, auteure et autoentrepreneure, 26/01/2022

SANTÉ - Ces derniers jours, il y a une polémique sur, entre autre, Orpéa et Korian. Une enquête de terrain, des investigations avec des témoignages poignants, pour nous montrer ce que nous savons déjà, c’est excellent si nous cherchons la solution; car si ce n’est que pour vilipender ou stigmatiser des enseignes, le personnel, les familles, ça fera comme d’habitude, les gros titres pendant un laps de temps, les ministres joueront les innocents qui ouvrent des enquêtes à tout va pour condamner sans trouver de solutions alternatives, et les candidats à la présidentielle qui s’en donneront à cœur joie pour récolter des voix supplémentaires sans se soucier du fond du problème.

Ce n’est pas cela qu’ont besoin nos parents ou nos grand-parents. Ce n’est guère une question d’argent, vous pourrez en donner à foison que le problème ne serait toujours pas résolu. Ne connaissez-vous point l’adage:“L’argent ne fait pas le bonheur!”? La réelle question à se poser est “Que veulent nos anciens et nous, que voulons-nous lorsque nous seront les anciens?”

La perspective du mur blanc

Mettez-vous dans la peau de votre aïeul que vous placez confortablement dans une chambre hors de prix et que vous lui dites: “Voilà, j’espère que tu es content et que les repas seront bons!” L’image du terminus n’est pas loin, mais vous avez votre vie, le personnel un timing à respecter, le chef d’établissement doit faire tourner la boutique, et votre aïeul pense qu’il n’a plus rien à attendre de cette fin de vie qui va lui paraitre une éternité à fixer son mur blanc.

J’ai eu la merveilleuse expérience de voir avec ma grand-mère le changement s’opérer en elle, dès l’instant où elle a arrêté de fixer ce mur blanc et qu’elle avait enfin de nouvelles perspectives, des tonnes de projets et des aventures à foison. Je ne dis pas qu’il faut tous partir en camping-car avec mémé et pépé, sinon il y aurait trop de monde sur les routes, mais cela m’a ouvert les yeux et m’a donné envie de partager notre aventure.

La richesse des échanges intergénérationnels

J’ai eu la chance d’aller parler de ce road trip “101 ans mémé part en vadrouille” dans un Ehpad Breton avec un des résidents qui voulait tellement partager et s’intégrer à la conversation qu’il insistait pour que je me rende au Monténégro, jusqu’à ce que je le fasse rougir en lui proposant de m’y accompagner, en tout bien tout honneur, cela va de soi. Il y avait également deux amies complices qui chuchotaient d’admiration avec les yeux pétillants et m’applaudissaient à chaque fin de phrase comme pour m’encourager à continuer. Et j’ai eu la sensation, l’espace d’un instant de leur offrir un sujet de conversation qui allait les changer de leur quotidien.

J’ai eu l’honneur, également, de me rendre dans le lycée de Montreuil (93) pour faire le pont entre vieillesse et jeunesse. Leur expliquer ce que j’avais compris, avec mes parents pour leur montrer que même passé 60 ans, on pouvait être fun. Notre trio a fonctionné car ils sont partis avec le sourire et un des jeunes homme est venu remercier mon petit papa en lui disant, je le cite: “Monsieur, je suis fan de vous!”

Que veulent nos anciens?

C’est de cela que les gens ont besoin, de replacer l’humanité dans la société au lieu de diviser sans cesse en créant des différences qui n’ont pas lieu d’être pour fragiliser le système. Pourquoi laisse-t-on nos Présidents au pouvoir à plus de 80 ans si on considère nos “vieux” atteints de sénescence? Pourquoi fait-on confiance à un médecin qui a largement dépassé l’âge de la retraite alors qu’on bébêtifie ceux qu’on place en maison de repos? Et si on considère les seniors pour l’emploi à seulement 57 ans, qu’en est-il de tous ces artistes et ses têtes bien faites, Karl Lagerfeld travaillant encore à 80 ans passés, Line Renaud qui a plus de 90 ans et toujours un peps incroyable, Luc Montagnier qui a reçu à plus de 70 ans le prix Nobel de physiologie et médecine, et que dire de Théodore Monod qui a 91 ans entrepris une dernière fois une méharée. Ne peut-on pas concevoir que nos grand-parents, même s’ils ne reçoivent pas de prix Nobel ou autre, ne sont plus utiles à la société?

Des femmes qui travaillaient en Ehpad sont venues spontanément à moi après avoir entendu parler de mon histoire incroyable avec ma mémé, pour s’excuser et m’expliquer qu’elles n’avaient pas autant de temps qu’elles le souhaiteraient pour s’occuper des patients, elles en pleuraient même et les plus émotives avaient carrément démissionné. Je ne peux que les admirer pour le travail fourni, car ce n’est pas évident de changer une couche et faire la toilette en 12 minutes, et j’en sais quelque chose.

Il y a des familles qui sont déchirées à l’idée même de devoir placer leur grand-père ou grand-mère, mais le travail, les enfants et aucune aide humaine, font qu’ils s’y sentent obligés avec un poids énorme sur le cœur. Je ne peux que comprendre leur peine et le courage nécessaire pour ne pas flancher.

Et les honnêtes gens qui dirigent ces établissements, à la réputation qui égale celle des hospices mais mieux emballée et présentée, et qui œuvrent en jonglant avec le personnel et les résidents, sans qu’on leur offre plus de moyens humains, se demandent pourquoi on s’acharne contre eux, sans chercher à les aider en trouvant la solution. Je ne peux que partager cette question et être révoltée que notre problème de société à ne pas trouver la solution leur soit imputée.

Un jour, ce sera notre tour

À l’heure actuelle, on est tellement happé par la vie que les années défilent sans qu’on en prenne garde, et on râle qu’on n’a jamais assez de temps. Tant et si bien que celui qui prend le temps de vivre acquiert une richesse inestimable, et c’est de ça dont nos grand-parents ont besoin, qu’on leur offre du temps d’écoute, qu’on leur donne des projets à court, moyen ou long terme, qu’on les considère à part entière de la société. Ils ne demandent qu’à vivre, comme vous, comme moi, à rire, à partager, à aider comme ils le peuvent, à servir encore un peu, à trouver sa place et à mourir un jour, mais pas dans ces conditions. La vie est remplie de surprises et les médecins n’ont pas la science infuse. On est encore loin d’avoir maîtriser les facettes du cerveau et on sait que la motivation, la joie, la bonne humeur peuvent, peut-être pas faire disparaitre un carcinome, quoi que, mais égayer les quotidiens.

Oui, il faut se battre pour nos anciens, les protéger et leur offrir des partages. On doit changer notre vision sur la vieillesse en pensant que le confort matériel c’est juste ce dont ils ont besoin, car ce n’est pas parce qu’on a une ride qu’on a un pied dans la tombe, ce n’est pas parce qu’on a des cheveux gris qu’on est has-been, ce n’est pas parce qu’on a cent ans qu’on ne s’éclate pas de rire comme une collégienne, et je peux vous assurer que ma mémé et ceux que j’ai rencontrés m’ont sortie de ma bulle de certitudes et m’ont donné une sacrée leçon de vie.

Alors, c’est très bien de mener des enquêtes pour dénoncer des coupables, c’est très bien de recueillir des témoignages pour expliquer les améliorations nécessaires, mais, il ne faut pas s’arrêter là, il faut rapidement trouver la solution car un jour, ne l’oubliez pas, ce sera à notre tour!

Source : huffingtonpost.fr