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Regard de l’Église sur la fin de vie

par Florence Brière-Loth, 23/10/2012

Limiter ou arrêter les traitements en fin de vie, la question se pose quotidiennement au monde médical et aux familles des grands malades. Quels repères éthiques donne l’Église pour aider à ce discernement ? Entretien avec le Père Brice de Malherbe, professeur à la Faculté de théologie Notre-Dame à Paris, délégué de l’archevêque pour les établissements hospitaliers catholiques et consulteur au Conseil pontifical pour la famille.

Où se situe l’acharnement thérapeutique pour une équipe médicale ?

Il consisterait à proposer des traitements inutiles dont les bénéfices attendus seraient faibles par rapport aux effets secondaires lourds. Par exemple, j’entends des cancérologues reconnaître qu’ils ont trop tendance à prescrire une chimiothérapie de plus, sans qu’elle soit vraiment utile.

Dans l’acharnement thérapeutique, on se trouve face à deux cas possibles : soit le malade - ou la famille -€“ veut encore tenter une nouvelle thérapie pour maintenir la vie le plus possible, soit l’équipe soignante a du mal à lâcher prise et va mettre en œuvre tous les traitements existants.

Il est fondamental que s’établissent, dès le début, une confiance et un dialogue, dans une alliance thérapeutique, entre l’équipe soignante, le malade et son entourage. Ensemble, ils pourront parler des questions difficiles qui peu à peu risquent de se poser quant à l’arrêt ou la prolongation éventuelle du traitement. Par exemple, si des complications graves se présentent pour la respiration, aura-t-on, oui ou non, recours à une trachéotomie ?

L’avènement des soins palliatifs instaure une souplesse entre médecine curative et médecine palliative. L’écoute mutuelle, l’étude au cas par cas sont incontournables. Pour une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer par exemple, attention à ne pas tirer un trait sur ses capacités à participer au soin. Si elle refusait une alimentation par voie intraveineuse, il faudrait le prendre en compte. Ce ne serait pas la respecter que de la forcer à un soin qui lui fait violence et dont on sait qu’il n’est pas nécessairement bénéfique en termes de survie et de qualité de vie.

Quels sont les critères de discernement pour refuser un traitement ?

Ce droit du patient au refus d’un traitement est inscrit dans la loi. Bien sûr, sa liberté est appelée à s’orienter vers le bien et non vers un choix contraire à sa dignité. Lorsqu’il s’agit de l’arrêt d’un traitement vital, l’équipe médicale doit s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un coup de tête ou d’un moment de déprime.

Si la personne persiste dans son refus, elle est libre. Dans tous les cas, les soins de base doivent être maintenus. Comme on le sait, l’Église est pour le respect de la vie personnelle jusqu’à la mort.

Pour aider à ce type de choix, elle invoque une proportionnalité objective et subjective. Sous l’angle subjectif, on voit si le patient supporte son traitement, s’il ne lui semble pas trop lourd. Sous l’angle objectif, on regarde si les facteurs de risque, les effets secondaires possibles, le coût du traitement, sont à la hauteur des bénéfices escomptés. Toute la finesse d’un accompagnement est de trouver le juste équilibre entre ces deux proportionnalités.

On peut alors décider l’arrêt de toute intervention ?

Les risques et les bénéfices sont toujours à peser. Par exemple, il peut être inutile d’engager une opération chirurgicale qui mettrait en danger inutilement la vie d’une personne dont l’état est très fragile pour une prolongation de vie de courte durée. Ou encore d’engager une chimiothérapie dans une phase avancée d’un cancer chimio-résistant.

Si les avantages à suivre tel protocole ne sont pas probants, cela n’a pas de sens de s’obstiner et on peut refuser le traitement. Cette décision n’a rien à voir avec le suicide. Le Catéchisme de l’Église catholique est très clair sur la question. Au n° 2278, on lit : « La cessation de procédures médicales, onéreuses, périlleuses, extraordinaires ou disproportionnées avec les résultats attendus peut être légitime. On ne veut pas ainsi donner la mort ; on accepte de ne pas pouvoir l’empêcher ».

Il peut arriver par ailleurs qu’une personne croyante, dans un mouvement de détresse, exprime le souhait d’en finir. Cette réaction est compréhensible. Il faut viser alors à comprendre les causes de la détresse et y remédier... sans pour autant supprimer le patient.

Les soins palliatifs coûtent cher. A-t-on le droit de dépenser autant pour accompagner des personnes en fin de vie, au regard de l’endettement du pays ?

Les soins palliatifs sont plutôt moins chers que les médecines interventionnistes. Ce sont des choix difficiles au niveau de la société. En France, l’option a été de privilégier une médecine de type interventionniste et efficace, même si le remboursement des traitements et opérations se fait au détriment d’une présence soignante pourtant essentielle.

L’accent mis sur les soins palliatifs est plutôt une bonne nouvelle : le soin en réponse aux besoins élémentaires d’une personne est un devoir dont chacun devrait pouvoir bénéficier. L’argument économique est à prendre en compte, mais ne doit jamais être premier. Le respect de tout citoyen jusqu’à la mort est à considérer en premier lieu. L’article 16 du code civil l’affirme lui-même : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci... »

Une discrimination selon l’âge des patients voudrait qu’on préfère parfois s’investir davantage auprès des jeunes que des personnes âgées.

L’âge ne doit jamais être le seul critère de décision. On peut réanimer une grand-mère de 85 ans après un coma et la retrouver dans un état très diminué quand une autre personne du même âge s’en sort tout à fait bien.

La loi Leonetti considère l’hydratation et l’alimentation comme un traitement. Quelle est la position de l’Église ?

Mgr Vingt-Trois et le grand rabbin David Messas ont fait une déclaration conjointe, en mars 2007, en réponse à cet aspect de la loi Leonetti. Pour eux, l’hydratation et l’alimentation sont des soins, car elles répondent à un besoin élémentaire du malade. Le principe demande de les maintenir par voie orale le plus longtemps possible.

En oncologie ou en gériatrie par exemple où ces besoins sont moindres, on peut risquer des « fausses routes » qui mettent en danger la vie du malade, ou encore de « noyer » le patient par trop d’eau ; il convient alors de recourir à une voie artificielle.

Il peut être justifié, dans certains cas, de diminuer fortement l’hydratation et l’alimentation, et même de suspendre l’alimentation : en cas de non-assimilation des nutriments par l’organisme, souffrance disproportionnée entraînée par l’apport de ceux-ci, risques d’infections mettant en danger la vie du malade. Une distinction doit être faite entre une personne en fin de vie et une personne très diminuée avec une espérance de vie indéterminée : elle est encore vivante, malgré un état parfois végétatif, et donc mérite ces soins, tant que sa situation est stable.

N’est-ce pas le cas d’Eluana Englaro en Italie sur lequel Benoît XVI s’est prononcé ?

Cette femme a vécu dix-sept ans dans un état végétatif après un accident et on a cessé de l’alimenter à la demande de son père. Sa mort a provoqué un débat très houleux en Italie, le gouvernement d’alors, l’Église et de nombreuses associations s’étant opposés à cette décision.

C’est la question de l’euthanasie qui est posée là et cette déclaration de mars 2007 précise en conclusion : « Une telle limitation ou abstention de ces soins ne doit jamais devenir un moyen d’abréger la vie ». Quand l’état se dégrade, il faut alors aviser. Mais tant que la situation est stable, tout doit être fait pour le confort du patient, son bien-être, de l’alimentation à la kinésithérapie.

L’Église soulève parfois des objections contre le soulagement de la douleur par l’usage d’analgésiques ou par la sédation. Pourquoi ?

L’Église se situe dans une vision intégrale de l’homme, non seulement terrestre mais éternelle. Les derniers temps de l’existence sont un temps de préparation du passage de la mort à la vie. Il est important que chacun puisse vivre consciemment cette Pâque, uni à son Seigneur.

La déclaration des évêques de France en 1991, sur la fin de vie, est tout à fait explicite. Ils soulignent que les derniers moments peuvent être l’occasion d’échanges importants pour le mourant et son entourage ; certains veulent pouvoir prier encore et recevoir un sacrement. Les évêques concluent : « Il ne faut donc pas, sans raisons graves, priver le mourant de sa lucidité et de sa conscience ».

C’est une difficulté aujourd’hui : j’ai des échos de certains médecins qui estiment trop fréquent le recours à la sédation. Ceci étant, quand on est écrasé par les souffrances physiques et morales, reconnues par l’équipe médicale, il est tout à fait légitime d’induire plus ou moins longtemps un sommeil artificiel, y compris, comme l’affirmaient Pie XII et Jean-Paul II, si cet usage risque d’abréger la vie de quelques heures ou de quelques jours.

Mais aujourd’hui, le choix d’utiliser des sédatifs est un peu systématique, notamment à partir du moment où le malade entre en agonie. Il manque une vraie réflexion sur cette dernière étape. Comment l’accompagner ? Ces souffrances ne sont-elles pas inhérentes à l’agonie qui est un combat ? Le sommeil artificiel est-il alors la vraie réponse à ces souffrances ?

Les soignants, vraiment formés au traitement de la douleur, maîtrisent les doses et parviennent à l’atténuer, sans que la personne perde nécessairement sa conscience. Cet usage très ciblé des analgésiques permet au malade de vivre ce qu’il a à vivre, même si la mort est toujours un moment de lutte intérieure. Un des drames de l’euthanasie serait de ralentir ces progrès.

Source : famillechretienne.fr