Catéchèse sur la vieillesse: 17. L'" Ancien des Jours ". La vieillesse rassure quant à la destination de la vie qui ne meurt plus
par Pape François, audience générale, 10/08/2022
Chers frères et sœurs, bonjour !
Les paroles du rêve de Daniel, que nous avons entendues, évoquent une vision de Dieu à la fois mystérieuse et lumineuse. Elle est reprise au début du livre de l’Apocalypse et se réfère à Jésus ressuscité, qui apparaît au Voyant comme Messie, Prêtre et Roi, éternel, omniscient et immuable (1, 12-15). Il pose sa main sur l’épaule du Voyant et le rassure: «Ne crains pas, je suis le Premier et le Dernier, le Vivant; je fus mort, et me voici vivant pour les siècles des siècles» (vv. 17-18). Ainsi disparaît la dernière barrière de peur et d’angoisse que la théophanie a toujours suscitée: le Vivant nous rassure, nous donne une sécurité. Lui aussi est mort, mais il occupe désormais la place qui lui est destinée: celle du Premier et du Dernier.
Dans cet enchevêtrement de symboles — il y a ici beaucoup de symboles — il y a un aspect qui aide sans doute à mieux comprendre le lien de cette théophanie, cette apparition de Dieu, avec le cycle de la vie, le temps de l’histoire, la seigneurie de Dieu pour le monde créé. Et cet aspect a précisément à voir avec la vieillesse. Qu’est-ce que ça a à voir? Voyons.
La vision communique une impression de vigueur et de force, de noblesse, de beauté et de fascination. Le vêtement, les yeux, la voix, les pieds, tout est splendide dans cette vision: c’est une vision! Cependant, ses cheveux sont blancs: comme la laine, comme la neige. Comme ceux d’un vieil homme. Le terme biblique le plus répandu pour désigner les personnes âgées est «zaqen»: de «zaqan», qui signifie «barbe». La chevelure blanche est le symbole antique d’un temps très long, d’un passé immémorial, d’une existence éternelle. Il ne faut pas tout démythifier avec les enfants: l’image d’un Dieu vieillard aux cheveux blancs n’est pas un symbole infantile, c’est une image biblique, c’est une image noble et aussi une image tendre. La Figure qui dans l’Apocalypse se trouve entre les chandeliers d’or se superpose à celle de «l’Ancien des jours» de la prophétie de Daniel. Il est aussi vieux que toute l’humanité, mais plus encore. Il est ancien et nouveau comme l’éternité de Dieu. Parce que l’éternité de Dieu est ainsi, ancienne et nouvelle, parce que Dieu nous surprend toujours par sa nouveauté, il vient toujours à notre rencontre, chaque jour d’une manière spéciale, pour ce moment, pour nous. Il se renouvelle toujours: Dieu est éternel, il a toujours été, on peut dire qu’il y a comme une vieillesse en Dieu, ce n’est pas ainsi, mais il est éternel, il se renouvelle.
Dans les Eglises orientales, la fête de la Rencontre avec le Seigneur, qui est célébrée le 2 février, est l’une des douze grandes fêtes de l’année liturgique. Elle met en avant la rencontre de Jésus avec le vieux Siméon au temple, elle met en avant la rencontre entre l’humanité, représentée par les vieillards Siméon et Anne, et le Christ Seigneur enfant, le Fils éternel de Dieu fait homme. On peut en admirer une très belle icône à Rome, dans les mosaïques de Santa Maria in Trastevere.
La liturgie byzantine prie avec Siméon: «Celui-ci est celui qui est né de la Vierge: il est le Verbe, Dieu né de Dieu, Celui qui pour nous s’est incarné et a sauvé l’homme». Et elle poursuit: «Que s’ouvre aujourd’hui la porte du ciel: le Verbe éternel du Père, ayant assumé un principe temporel, sans sortir de sa divinité, est présenté selon sa volonté au temple de la Loi par la Vierge Mère et le vieillard le prend entre ses bras». Ces paroles expriment la profession de foi des quatre premiers Conciles œcuméniques, qui sont sacrés pour toutes les Eglises. Mais le geste de Siméon est également la plus belle icône de la vocation particulière de la vieillesse: en regardant Siméon, nous regardons l’icône la plus belle de la vieillesse: présenter les enfants qui viennent au monde comme un don ininterrompu de Dieu, sachant que l’un d’eux est le Fils engendré dans l’intimité même de Dieu, avant tous les siècles.
La vieillesse, qui s’achemine vers un monde où pourra enfin irradier sans obstacles l’amour que Dieu a placé dans la création, doit accomplir ce geste de Siméon et Anne, avant de prendre congé. La vieillesse doit rendre témoignage — ceci est pour moi le noyau, le plus central de la vieillesse — la vieillesse doit rendre témoignage aux enfants de leur bénédiction: elle consiste dans leur initiation — belle et difficile — au mystère d’une destination à la vie que personne ne peut anéantir. Pas même la mort. Donner un témoignage de foi devant un enfant, c’est semer cette vie; et donner un témoignage d’humanité et de foi, c’est la vocation des personnes âgées. Donner aux enfants la réalité qu’elles ont vécue comme un témoignage, passer le témoin. Nous, personnes âgées, sommes appelées à cela, à passer le témoin, pour qu’ils continuent de le porter de l’avant.
Le témoignage des personnes âgées est crédible pour les enfants: les jeunes et les adultes ne sont pas en mesure de l’apporter de façon aussi authentique, aussi tendre, aussi poignante, que ce que peuvent faire les personnes âgées, les grands-parents. Quand la personne âgée bénit la vie qui vient à elle, en déposant tout ressentiment à l’égard de la vie qui s’en va, elle est irrésistible. Elle n’est pas amère parce que le temps passe et qu’elle va s’en aller, non. Elle est avec cette joie du bon vin, du vin qui s’est bonifié avec les années. Le témoignage des personnes âgées unit les âges de la vie et les dimensions mêmes du temps: passé, présent et futur, parce qu’elles ne sont pas seulement la mémoire, elles sont le présent et également la promesse. Il est douloureux — et nuisible — de voir que l’on conçoit les âges de la vie comme des mondes séparés, en compétition entre eux, qui cherchent à vivre chacun aux dépends de l’autre: cela ne va pas. L’humanité est ancienne, très ancienne, si nous regardons le temps de la montre. Mais le Fils de Dieu, qui est né d’une femme, est le Premier et le Dernier de tous les temps. Cela veut dire que personne ne tombe en dehors de son éternelle génération, en dehors de sa force splendide, en dehors de sa proximité bienveillante.
L’alliance — et je dis alliance — l’alliance des personnes âgées et des enfants sauvera la famille humaine. Là où les enfants, là où les jeunes parlent avec les personnes âgées, il y a un avenir; si ce dialogue n’existe pas entre les personnes âgées et les jeunes, l’avenir ne s’entrevoit pas clairement. L’alliance des personnes âgées et des enfants sauvera la famille humaine. Pourrions-nous, s’il vous plaît, rendre aux enfants, qui doivent apprendre à naître, le tendre témoignage des personnes âgées qui possèdent la sagesse de la mort? Cette humanité qui, avec tous ses progrès, nous semble un adolescent né hier, pourra-t-elle retrouver la grâce d’une vieillesse qui tient fermement l’horizon de notre destination? La mort est certainement un passage de la vie difficile, pour nous tous: c’est un passage difficile. Nous devons tous y aller, mais ce n’est pas facile. Mais la mort est également le passage qui ferme le temps de l’incertitude et se débarrasse de la montre: c’est difficile parce que c’est cela le passage de la mort. Parce que ce que ce que la vie a de beau, et qui n’a plus d’échéance, commence alors vraiment. Mais cela commence à partir de la sagesse de cet homme et de cette femme, âgés, qui sont capables de passer le témoin aux jeunes. Pensons au dialogue, à l’alliance des personnes âgées et des enfants, des personnes âgées avec les jeunes, et faisons en sorte que ce lien ne soit pas rompu. Que les personnes âgées aient la joie de parler, de s’exprimer avec les jeunes et que les jeunes cherchent les personnes âgées pour recevoir d’elles la sagesse de la vie.
Source : vatican.va