"Jamais je n'accepterai qu'on ait tué mon enfant" : un an après la mort de son fils Vincent, Viviane Lambert se confie
Par Pauline Pennanec'h, Sébastien Baer, Radio France, 11/07/2020
Vincent Lambert est mort le 11 juillet 2019 au CHU de Reims, après l'interruption des soins et plus de dix ans de bataille judiciaire. Un an après, sa mère Viviane Lambert témoigne pour la première fois sur franceinfo. Elle continue à se battre en justice, mais aujourd'hui, elle est "très marquée" par la division de sa famille.
"Je ne me tairai pas, je dirai les choses jusqu'au bout, jusqu'à mon dernier souffle s'il le faut". Un an après la mort de son fils Vincent, Viviane Lambert se confie pour la première fois à franceinfo. "Profondément marquée", elle admet ne pas réussir à faire son deuil.
Il y a un an, le 11 juillet 2019, Vincent Lambert, plongé dans un état végétatif depuis 2008 après un accident de la route, s'éteignait au CHU de Reims à l'âge de 42 ans. Il est décédé une semaine après l'arrêt de ses traitements et des années d'une bataille judiciaire qui a déchiré sa famille. Son cas était devenu le symbole du débat sur la fin de vie en France. Deux camps s'opposaient : l'un dénonçait un acharnement thérapeutique, l'autre, dont les parents, opposés à l'arrêt des soins, criait au crime d'État. Le médecin de Vincent Lambert, poursuivi par les parents de Vincent Lambert pour non-assistance à personne en danger, a été relaxé. Viviane Lambert a fait appel, uniquement sur les intérêts civils. Elle l'affirme : "On a supprimé mon fils."
Un an après la mort de son fils Vincent Lambert, Viviane Lambert se confie au micro de Sébastien Baer.
franceinfo : Comment allez-vous aujourd'hui ?
Viviane Lambert : On est profondément marqués. Moi, je suis en dépression et vous savez, notre santé est tombée bien bas. Je ne me tairai pas, je dirai les choses jusqu'au bout, jusqu'à mon dernier souffle s'il le faut. Ça a été fait dans de très, très, très mauvaises conditions.
J'en rêve toutes les nuits. Ça s'est un peu apaisé, mais c'est traumatisant. En plus, on a eu des obsèques en trois jours : Vincent est décédé le 11, il a été inhumé le 13 ! On n'a même pas pu assister à sa mise en bière, et ça, c'est insupportable. C'est injuste. On nous a toujours menti, on nous a méprisés même. Donc non, on ne peut pas aller bien. Que voulez-vous ? Moi, je n'arrive pas à rentrer dans mon deuil.
Vous ne parvenez pas à accepter l'arrêt des soins ?
Non, non, non ! On a supprimé mon fils, on l'a supprimé ! Il n'était pas en fin de vie ! Il n'était pas en mort cérébrale, mon fils ! Non, jamais je n'accepterai qu'on ait tué mon enfant. Vincent n'était pas en fin de vie. Pourquoi eux prennent la décision de le supprimer ? Même s'il n'y avait pas d'amélioration, on ne jette pas les gens comme un Kleenex ! Comment se permettent-ils de prendre la décision à sa place ? Vincent était infirmier, il aurait pu laisser des directives anticipées. Il le savait. Jamais, jamais.
La mort de Vincent vous apporte-t-elle cependant un peu d'apaisement ?
Aujourd'hui, je me dis qu'il est parti dans un meilleur monde. J'ai la foi, je n'ai pas honte de le dire. On nous a assez critiqué parce qu'on avait la foi. On nous a traités d'intégristes, mais voyez, j'ai l'espérance.
Pour vous, était-il concevable que Vincent reste dans le même état des années et des années encore ?
Concevable ? On n'avait pas choisi. Vincent non plus ne l'avait pas choisi. Ça n'arrive pas qu'aux autres. Plusieurs personnes voulaient nous le prendre dans des maisons spécialisées. Vincent n'aurait pas fait un centenaire, ça aurait coûté moins cher que les journées d'hôpital. Jamais on a essayé cela. Jamais.
Votre combat a eu l'issue que l'on sait. Avec le recul, regrettez-vous qu'il ait duré aussi longtemps ?
Vous savez, on ne l'a pas voulu. On aurait préféré que ça se passe beaucoup mieux. Nous étions tous unis. Ceux qui disent qu'on n'est pas unis, qu'ils viennent, je leur montrerai nos albums de photos. Et Dieu sait qu'on en a. Et quand je relis et que je revois les photos, je me dis quel gâchis !
Nous avons l'âge que nous avons. Nous ne profitons plus de nos petits-enfants. On a acheté cette maison pour eux, avec une piscine en nous disant : quand ils viendront, ils seront contents, ils seront bien, les enfants, les petits-enfants. Si cela avait été pour nous, nous ne l'aurions pas achetée avec la piscine, cette maison. On ne voit plus notre petite-fille. Pourtant, on a toujours été présents.
Moi je suis prête à pardonner, mais pour pardonner, il faut qu'on nous demande pardon aussi. Mais je suis prête, ma porte est ouverte. Moi, je n'ai jamais coupé le fil. Je suis leur maman. Je les aime. Je souhaiterais bien, avant mon dernier voyage, les embrasser tous et être comme avant avec eux.
Source : francetvinfo.fr