Communion de prière pour la Vie : "Jésus, Marie, protégez la vie " ! (ou toute autre prière à Dieu)

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Première partie

Origines du débat actuel sur la mort volontaire

 

II- Le champ de la réflexion sur le droit à une aide active à mourir

Les enjeux ouverts par le débat sur l'anticipation volontaire de la mort ont une portée très large, qu'il convient de bien cerner.

II-1- Un débat qui ne se cantonne pas à l'extrême fin de vie

Le débat sur la maîtrise de la fin de vie ne peut se limiter à l'extrême fin de vie, à la phase agonique d'une affection incurable, alors qu'il s'agit peut-être de la situation dans laquelle le recours à une mort volontaire est le moins probable et la demande la moins pressante.

Les partisans du suicide assisté ou de l'euthanasie expriment des demandes dont la portée est très différente : certains réclament une aide active à mourir réservée aux malades en situation d'incurabilité qui en font la demande, car ils souhaitent éviter, pour eux-mêmes ou pour leurs proches, une fin de vie qu'ils jugent insupportable ; pour d'autres, il s'agit d'une déclinaison du « droit à disposer de son propre corps ». Mais ces demandes sont unies par une même sensibilité à la question de la qualité de vie, à la notion de vie ne valant la plus peine d'être vécue, et une volonté de conserver un certain niveau de maîtrise de soi au plan physique et intellectuel.

La demande relative au suicide assisté concerne peut-être moins les situations dans lesquelles existe une menace vitale à court terme que celles qui se situent en amont. La « vraie » fin de vie, en effet, est, d'après nombre de témoignages, le règne de l'incertitude, une phase dans laquelle le temps de la décision est souvent ralenti, où la volonté peine à se fixer. Cet état de fait entre en tension avec un modèle libéral fondé sur l'affirmation du choix, sur la suprématie de la volonté individuelle.

D'autres situations que l'extrême fin de vie sont présentes dans le débat, notamment celle des personnes atteintes de maladies chroniques graves ou lourdement handicapées, ou celle des personnes qui doivent affronter la dégradation annoncée de leurs facultés mentales en cas de diagnostic d'une maladie neuro-dégénérative. La question posée est ici aussi celle de la place laissée par notre société à la différence, à la déviation d'une norme, à l'altérité ultime et donc à la question du sens de certaines vies, question éventuellement perçue par les malades eux-mêmes lorsqu'ils ne trouvent plus leur place. Elle interroge certaines pratiques médicales, notamment la réanimation, qui ne peut esquiver cette question des limites, mais qui est contrainte aussi de s'attacher à la spécificité de chaque cas clinique et humain.

En arrière-plan de toute réflexion sur le fait d'abréger l'existence, il y a aussi le contexte économique dans lequel sont effectués les choix individuels et collectifs en matière de santé. Certains se demandent s'il faut absolument prolonger la vie jusqu'à un âge très avancé si nous ne sommes pas en capacité de maintenir les personnes âgées dans une condition et à une place « acceptable » et alors qu'ils pèsent sur les ressources communes. Et ces personnes elles-mêmes intègrent souvent ce raisonnement et s'inquiètent de la charge humaine et financière qu'elles représentent pour leurs proches ou, plus largement, pour la société.

Plus d'un million de personnes âgées vivent dans des institutions médicalisées et ont à participer financièrement à leur prise en charge dans des conditions qui peuvent assécher leurs ressources ou celles de leur famille. L'effort de solidarité nécessaire pour atténuer cet état de fait est souvent présenté comme hors de portée. Mais pour le CCNE, il convient d'introduire de la clarté et de la vérité dans ce débat. Ce sont souvent des chiffres erronés qui sont avancés quant au coût que représente la prise en charge des personnes âgées et vulnérables. A cet égard, l'avis adopté par le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie le 22 avril 2010, intitulé « Vieillissement, longévité et assurance maladie », désamorce beaucoup d'idées reçues et montre qu'un meilleur accompagnement de la perte d'autonomie – besoin spécifique et distinct des traitements – est susceptible de limiter de manière importante la dépense d'assurance maladie liée à la prise en charge des personnes dépendantes.

II-2- La souffrance physique n'est pas le seul enjeu des demandes

La demande de légalisation de l'assistance au suicide ou de l'euthanasie est encore trop souvent liée à des douleurs qui envahissent le champ de la conscience des personnes en fin de vie ou lorsque leur qualité de vie est trop altérée. Elle est parfois liée au fait que la vie n'est plus perçue que comme une souffrance. Cette demande pose au moins deux questions : de quoi parle-t-on ? Et comment répondre à cette souffrance?

La douleur est difficile à définir pour un observateur extérieur : tout aussi bien symptôme d'une atteinte à l'intégrité du corps, qui est de l'ordre de l'objectivable, de l'évaluable, que douleur réelle puisque ressentie, mais qui ne trouve pas toujours d'explication rationnelle, ou expression d'une souffrance morale, sociale ou existentielle.

Les experts s'accordent pour dire que toute douleur peut aujourd'hui être soulagée par une gamme de solutions pouvant aller jusqu'à l'utilisation de techniques anesthésiques ou une chirurgie de la douleur. Les souffrances dont l'origine est une dépression trouvent elles aussi, très majoritairement, des réponses médicales même si, trop souvent, elles ne sont pas traitées comme elles le devraient. C'est donc non pas la douleur physique, ni la dépression qui devraient être en cause dans la demande d'anticipation de la mort si des soins palliatifs de qualité étaient proposés de manière égale sur tout le territoire : c'est un point sur lequel nos concitoyens ont à l'évidence un fort besoin de réassurance.

Choisir le moment de sa mort serait plutôt pour certains la seule réponse valable à une souffrance de nature plus existentielle. Cette souffrance n'est évidemment pas l'apanage du grand âge des personnes en phase terminale de maladies graves. Elle est une réalité humaine, qui tient à la relation à l'autre, à soi, à la vie, à sa vie.

Certaines personnes demandent qu'on les aide à mourir paisiblement pour ne plus éprouver cette souffrance existentielle. Se pose alors la question redoutable du champ de cette réponse : faut-il la réserver aux personnes dont la mort est très proche ?

Cette question conduit de manière absolument prioritaire à réfléchir aux efforts qu'il convient de faire pour que le soulagement nécessaire soit mieux prodigué. Ainsi toutes les demandes de suicide assisté ou d'euthanasie imposent une exploration de leur origine. Lorsque la cause est accessible à des soins palliatifs et à un accompagnement, ceux-ci doivent être mis en œuvre – sachant que les soins palliatifs ne sont pas simplement une aide aux personnes en fin de vie, quand on ne peut plus rien attendre des traitements curatifs, mais doivent s'intégrer à ces derniers qui ne sont jamais exclusifs d'autres formes du soulagement.

La question se pose de ce qu'il convient de faire lorsque la demande de suicide assisté ou d'euthanasie semble ne pas trouver un enracinement accessible à des soins et traitements palliatifs, mais semble correspondre à une souffrance de nature existentielle, à un désir de mort ou à un refus de n'avoir d'autre choix que d'achever son existence comme si la fin de vie était obligatoirement une maladie, c'est-à-dire dans le cadre d'une prise en charge médicale de plus en plus importante.

II-3- Les réponses ne peuvent être purement médicales

Les limites et les insuffisances de l'accompagnement des personnes en fin de vie ressortent de nombreux témoignages recueillis par la commission Sicard et les nombreuses études, d'Edouard Ferrand 11, notamment, qui soulignent le défaut majeur d'accès aux soins palliatifs. Ils expriment pêle-mêle une plainte quasi-obsessionnelle de l'insuffisance d'écoute des médecins, une dénonciation du « tout curatif », mais aussi des lacunes de la prise en charge médicale, de graves défaillances pratiques dans la mise en œuvre des soins palliatifs, l'impossibilité pour les familles de « gérer » la succession des équipes et des problèmes de communication entre les équipes soignantes, et avec les familles. Ces témoignages révèlent également un reproche qui n'est pas aisé à interpréter sur le temps et les modalités de l'agonie ; mais aussi l'embarras de la médecine à laquelle la société a confié le soin de s'occuper de la mort.

C'est un fait que l'expérience concrète d'une proportion importante de personnes en fin de vie et de leurs proches reflète un vécu très négatif de l'accompagnement par les
professionnels de santé. L'étude Mort à l'hôpital, réalisée dans 200 hôpitaux français, et publiée en 2008 par Edouard Ferrand et coll. 12, indique de plus que deux tiers des infirmières et infirmiers déclaraient qu'ils considéraient les conditions de fin de vie des personnes qu'ils soignaient comme inacceptables pour eux-mêmes, lorsqu'ils seraient en fin de vie. Il y a encore beaucoup à faire pour instaurer une écoute véritable, une attention à la douleur et aux souffrances des malades, sur tout le territoire et dans tous les services médicaux, pour éviter que la médecine ne se déshumanise. Certaines situations indignes et irrespectueuses ont été relatées lors de la mission Sicard et il faut en priorité y remédier.

Dans le même temps, le Comité souligne la nécessité de protéger la spécificité de la médecine. La place dominante qu'elle prend ou qu'on lui assigne dans l'accompagnement
des personnes en fin de vie ou des personnes très vulnérables ne va pas entièrement de soi.

La prise en charge globale des personnes très âgées, de celles qui entrent dans la dernière phase de la maladie, des personnes handicapées, leur accompagnement dans la durée ne sont en effet pas du ressort du seul monde médical et ne relèvent pas non plus entièrement d'une réponse publique. Accompagner ces personnes est une façon d'exprimer la solidarité à la fois individuelle et sociale en acceptant leur singularité, en les entourant dans le respect de leur liberté. Le temps de l'accompagnement ne peut être exclusivement celui de la médecine. Accompagner quelqu'un signifie être attentif à ses besoins, aux modestes gestes de son autonomie, et être présent dans l'écoute et dans la durée. Le rôle de l'accompagnement, au-delà de ce qu'il dit de notre humanité partagée, est de faciliter la mise en place d'un projet de (fin de) vie et de soins adapté à la fois à la personne elle-même et au groupe. Il œuvre à maintenir l'appartenance du singulier au collectif.

11 Voir, par exemple : Ferrand E, et coll. Evolution of requests to hasten death among patients managed by palliative care teams in France: a multicentre cross-sectional survey. European Journal of Cancer, 2012, 368-76.
12 Ferrand E, et coll. Circumstances of Death in Hospitalized Patients and Nurses' Perceptions: French Multicenter Mort-a-l'Hopital Survey. Archives of Internal Medicine, 2008,168 :867-75

Source : CCNE