On ne peut imposer ça à personne. Handicap du nourrisson et euthanasie, Laurence Henry, Paris, Salvator
par Sébastien Klam
La naissance a toujours été, dans la majeure partie des situations, un temps précieux de bonheur et de joie à partager entre de nouveaux parents, parfois une fratrie, souvent une famille. Laurence Henry, infirmière anesthésiste et doctorante en philosophie, évoque quant à elle dans cet ouvrage ces autres situations aux limites de la vie. A partir de son expérience et de sa recherche, elle fait état de ces nouveau-nés qui, loin de voir leur avenir s’ouvrir devant eux comme un grand boulevard, consiste davantage en une impasse dont la mort apparaît comme l’ultime étape possible… et quelle mort !
Ces fins de vie mettent en scène des enfants souvent autonomes au niveau respiratoire mais atteints de lésions cérébrales risquant d’être plus ou moins invalidantes. Or, peut-on imposer à cet enfant, à ses parents, sa famille voire la société cette vie qui, pour beaucoup, n’en sera pas une ? Quand l’imprévisible d’une naissance fragile côtoie la nécessite d’une décision de vie ou de mort, il est fort probable que certaines de ces situations dramatiques aient tendance à s’achever par des euthanasies qui ne disent pas leur nom. C’est là que le bât blesse.
En présentant la situation médicale avant et après la loi Leonetti du 22 avril 2005, Laurence Henry évoque très justement le sens du traitement et du soin, tout en se demandant si l’arrêt ou la limitation de traitement concerne aussi l’alimentation et l’hydratation artificielle. L’ensemble de son argumentation tourne autour de ces notions, peut-être mal définies par la loi, mais qui demeurent tout de même essentielles dans une prise en charge digne de ces enfants que guette déjà la mort. Hostile à toute forme de légalisation de l’euthanasie, elle rappelle que « ces enfants nous poussent à aller plus loin que les simples apparences auxquelles nous nous arrêtons pour les ʺnormauxʺ et nous donnent le ʺmode d’emploiʺ de la rencontre avec l’être de chacun qu’il soit porteur de handicap ou non » (p. 212). Sans doute est-ce là un appel très fort adressé aux sciences soignantes de ne jamais désespérer de leur sens créatif, gage de responsabilité et d’engagement envers les plus fragiles d’entre nous !
Source : metz-catholique.fr
Laurence Henry : après l’objection, la réflexion
Infirmière anesthésiste à l’Hôpital St Joseph de Paris, elle ne tenait pas à participer aux Interruptions Médicales de Grossesse (IMG). Elle a fait jouer sa clause de conscience. Par ailleurs, elle a suivi des cours de bioéthique à l’Institut politique Léon Harmel (IPLH) et obtenu un master 1, renforçant ainsi sa réflexion sur l’exercice juste et éthique de son métier d’infirmière au service de la personne. Or la maternité Bon Secours a rejoint l’Hôpital Saint Joseph. C’est une maternité de niveau 2+ avec un service de soins intensifs néonataux et … l’on y pratique environ deux IMG (interruption médicale de grossesse) par mois.
Laurence a d’ores et déjà prévenu sa surveillante qu’elle exercerait sa clause de conscience pour ne pas participer aux IMG. Elle avait par le passé démissionné de son précédent emploi, une clinique qui pratiquait l’euthanasie. Pour le moment, et à sa connaissance, elle est la seule parmi le personnel hospitalier de Saint Joseph concerné à avoir exprimé sa réserve sur la pratique de l’IMG. Laurence ne fait pas mystère de sa foi mais ne s’autorise aucun prosélytisme, soucieuse de ne pas blesser les personnes de son entourage sur ces sujets sensibles que sont les sujets d’actualité en bioéthique (diagnostic préimplantatoire, bébé-médicament etc…). Cependant, ses collègues viennent régulièrement lui demander son avis sur ces mêmes sujets, attirés sans doute par le charisme discret et volontaire de cette grande jeune femme brune.
Source : catholique78.fr
Depuis cet événement, Laurence Henry s’est lancé dans la préparation d’un doctorat de philosophie pratique à Paris-Est Marne-la-Vallée. Elle a écrit son premier livre (On ne peut imposer ça à personne – Handicap du nourrisson et euthanasie, Salvator, 2013) dans lequel en s’appuyant sur les témoignages des familles et sur des enquêtes publiées dans des revues de médecine, elle met en lumière les pratiques de certains services s’occupant de prématurés et dénonce des cas d’euthanasie. Les questions posées par ce livre sont très importantes. Face à un nouveau-né atteint d’un grave handicap, à sa difficulté de vivre une existence normale, les soignants doivent-ils prolonger la vie à tout prix ? Peut-on imposer à cet enfant, à la famille qui l’accueille, un tel poids de souffrance ? Pour autant, la question est-elle toujours aussi simple ? Telle est l’interrogation tout à la fois médicale et éthique que pose ici Laurence Henry. Votée en 2005, la loi Leonetti autorise en effet les limitations et arrêts de traitements sur proposition médicale, à la demande du patient ou quand celui-ci est mineur à la demande de ses parents. Pour certains actes, il est difficile de déterminer s’ils sont des soins ou bien des traitements comme c’est le cas de l’alimentation qualifiée d’artificielle. Au moment où plusieurs affaires volontairement médiatisées aboutissent à une mise en question de la loi Leonetti, ce livre revient sur la qualification de l’alimentation administrée artificiellement et aux raisons qui peuvent en motiver l’arrêt dans le cas de la réanimation néonatale. Le handicap semble être la raison principale de ses choix. Mais que faut-il en penser vraiment ? N’est-ce pas céder là discrètement à la tentation de l’euthanasie ou de l’eugénisme ? Les implications de ces décisions pour notre société sont donc déterminantes pour le visage que nous voulons donner à notre civilisation et sur le rôle dévolu à la médecine.
Source : objectiondelaconscience.org