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De la limitation des soins à la fin de vie ou comment noyer le poisson en eaux troubles !

par le Dr. Bertrand GALICHON, 13/11/2013

A une heure où il aurait été beaucoup plus urgent et difficile de faire œuvre d’éducation citoyenne en précisant tous les termes utilisés dans la loi Léonetti et dans les exégèses qui ont suivi comme le rapport Sicard, la France sous prétexte de modernité, d’ouverture d’esprit, de sentimentalisme va saper une loi de liberté fondamentale votée en 2005 et à l’origine de la majorité des lois européennes votée 5 à 6 ans plus tard sur cette question difficile de la prise en charge des patients en fin de vie.

Directive anticipée, sédation terminale, sédation létale, personne de référence, euthanasie passive et active, …. Tous ces termes précis renvoient à des réalités bien circonscrites répondant à des questionnements éthiques, humains, spirituels bien définis. Le flou qui les entoure ne peut que favoriser la remise en question de la loi Léonetti. Alors que cette loi est une injonction faite aux soignants, aux familles et aux patients de prendre leurs responsabilités ajustées ; injonction qui nous met face à notre liberté fondamentale avec pour objet le respect de notre humanité telle que l’entend le philosophe Rémi Brague. Aurions-nous peur d’affronter la gravité de notre humanité ? Ou alors voulons nous la mettre totalement sous contrôle ?

Débat volé.

Cette loi Léonetti comme les autres lois de bioéthiques ont fait l’objet de débats approfondis, élargis, citoyens comme le veut la loi. Ici et ailleurs, de nombreux débats citoyens ont pu se tenir dans un esprit laïc responsable. Les conclusions ont été riches, responsables et accessibles à tous. Aujourd’hui, on nous propose une « conférence citoyenne » limitée à quelques « happy few », des experts sûrement, pleins de leur savoir. Mais qui sont-ils ? Qui les a choisis et selon quels critères ? Où vont-ils se réunir ? Nous savons deux choses. D’une part, ils vont régler la question en trois week-ends dont un seul durant lequel ils pourront recevoir des témoins de leur choix. D’autre part, le 16 décembre les conclusions devront être rendues. Quelle rapidité, on n’arrête pas le progrès ! C’est du vite fait, bien fait ! Et après quid ? Quelle confiscation de la parole citoyenne a été prévue ?

Les moyens d’un autre débat.

On nous a garanti que ces experts constituent un échantillon représentatif, mais de qui, de quoi.  Le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) inspire le CCNE : sonder un « échantillon représentatif ». Je vous renvoie à mon blog publié le 20 février dernier. Choisissez votre échantillon représentatif et vous obtiendrez le résultat escompté. Le CNOM en est arrivé à faire une proposition favorable à l’euthanasie alors que bon nombre des éléments de cet échantillon n’étaient pas concernés au jour le jour par cette question et dont les termes n’ont pas été précisés. Cette notion d’échantillon représentatif renvoie à celle du consommateur dont on évalue les besoins, les indices de satisfaction dans une optique de marketing. On devrait envoyer les éthiciens faire des stages dans de bonnes écoles de commerce ! Pourquoi seul le nom de M. Romero est-il connu ? Que sait un expert de plus que vous et moi devant la mort?

La Commission Sicard, sans grands moyens ni facilités, a pu organiser des grands débats citoyens à travers toute la France. Les conclusions rendues ont permis en particulier de clarifier tous ces termes, ces notions difficiles évoqués plus haut. A quoi a servi tout ce travail, si le CCNE doit le balayer du revers de la manche d’un obscur « échantillon représentatif » ? Confiscation du débat, méthode antidémocratique qui considère que l’expert a besoin d’être protégé pour donner la quintessence de sa substantifique moelle !

Cette prise de pouvoir dans une atmosphère de secret est source de suspicion. Le CCNE risque de jeter le discrédit sur son action.  Il eut été plus sain que le CCNE prenne à bras le corps le Rapport Sicard pour faire des propositions de loi.

Enfin ne pensez pas que cette volonté appuyée, répétée de réviser la Loi Léonetti soit l’œuvre de quelque lobby tenace. Non je considère la question comme beaucoup plus profonde et grave.

La question n’est plus la même.

Nous assistons à un glissement des termes comme évoqué dans mon précédent blog. Nous partons de la limitation des soins pour éviter l’acharnement thérapeutique à la gestion de la fin de vie. Ces deux choses sont totalement différentes. Notre expérience de tous les jours dans mon service nous apporte la preuve. Laisser croire que ces deux notions recouvrent la même réalité laisse à penser que la fin de vie ne peut être évitée que par l’action de l’homme. Autrement dit, à partir du moment où les traitements curatifs s’avèrent impuissants la mort est inéluctable. C’est extrêmement présomptueux de notre part. La loi Léonetti au contraire nous invite à accompagner, à nous ajuster à cet autre possible qui nous échappe. En passant de la limitation des soins à l’euthanasie, on nous assure de ce contrôle (illusion de liberté) de la vie jusqu’au dernier instant refusant que toute transcendance puisse s’inviter. Soyons heureux la « Procédure » nous borde bien, de façon carrée, de notre conception à notre mise en boîte ! Pas de crise de conscience ! L’homme n’a cessé que de vouloir grappiller des parcelles de pouvoir supplémentaire, celle sur la fin de vie est essentielle car elle donne tout son sens au reste.

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Source : fiamc.org