Fin de vie : l’appel de 800.000 soignants contre « la mort médicalement administrée »
par Jean-Marie Dumont, 17/02/2023
Dans un appel publié le 17 février par Le Figaro, treize organisations représentant 800.000 professionnels de santé affirment leur refus « catégorique » de l’euthanasie et du suicide assisté.
L’euthanasie ne peut en aucun cas être considérée comme un « soin » et sa légalisation serait une « transgression éthique majeure » : c’est ce qu’affirment treize organisations et sociétés savantes, représentant 800.000 soignants français, dans un appel rendu public par Le Figaro le 17 février. « L’ensemble des professionnels de santé interrogés refusent catégoriquement la démarche euthanasique », affirme ce document de vingt-six pages très argumenté qui rappelle ces quelques mots du serment d’Hippocrate : « Je ne provoquerai jamais la mort délibérément ». Une déclaration très importante qui confirme l’opposition massive du secteur de la santé au projet de légaliser l’euthanasie et le suicide assisté actuellement poussé par certains responsables politiques et qui est au cœur de la Convention citoyenne sur la fin de vie.
Une prise de position « interprofessionnelle »
Ce document est le fruit d’une réaction collective à l’avis 139 du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE). Dans ce texte publié en septembre, celui-ci avait affirmé que l’euthanasie et le suicide assisté pourraient être des actes « éthiques ». Prenant acte d’un « changement majeur d’approche » et de sa « rupture claire » par rapport aux avis précédents, les treize organisations ont souhaité réfléchir aux conséquences « éthiques et pratiques » qu’aurait sur la pratique des soignants « la mise en œuvre d’une forme de mort médicalement administrée » et recueillir l’avis de leurs membres. Ces « réflexions éthiques interprofessionnelles », co-signées notamment par le Conseil national professionnel infirmier, mais aussi plusieurs organismes représentant les professionnels de l’oncologie ou du grand âge, en sont le résultat.
Une « injonction de mort » sur les plus vulnérables
Plusieurs axes majeurs ressortent de cette enquête destinée à « informer le législateur et l’opinion publique » des effets d’une légalisation de la « mort médicalement administrée » sur les « pratiques soignantes ». Car ce sont elles qui sont concernées en premier lieu, que ce soit pour pratiquer l’acte de mise à mort (euthanasie) ou pour prescrire le produit létal (suicide assisté). Outre la fragilisation des équipes soignantes déjà très secouées par un système en crise, une telle légalisation « conduirait inévitablement le législateur à subvertir la notion même de soin », affirme le document. En « brisant » la déontologie médicale, elle conduirait à un « glissement éthique majeur », en créant une véritable « injonction de mort » sur « les personnes les plus vulnérables ». « Une légalisation d’une forme de mort médicalement assistée emporterait une modification essentielle de l’éthique soignante » et « transformerait fondamentalement la définition du soin ».
La contradiction entre la prévention du suicide et l’autorisation du suicide assisté
L’une des parties du document est consacrée aux demandes de mort, problématique bien connue des professionnels de santé. « Tous les professionnels de santé s’accordent sur la nécessaire mise en œuvre d’une écoute active et soutenante de ces demandes », affirme le texte qui rappelle que celle-ci permet dans la plupart des cas d’identifier les origines de cette demande et, en les traitant par le soin, de les réduire et de les faire disparaître. Il souligne aussi l’ambivalence des demandes et le caractère « changeant » de la volonté, « spécialement lorsque la personne est confrontée à un pronostic vital engagé à moyen ou court terme ». Face aux situations « très rares » où des patients, en pleine conscience et correctement soignés, demanderaient « à un autre citoyen de transgresser sa déontologie ainsi que le Code pénal pour répondre à son souhait », les organisations signataires estiment que la « réponse positive à cette demande ne relève pas du soin » et que le « cadre normatif et éthique clair », « garantie du bon fonctionnement du système de santé » ne doit pas être remis en question. Illustration de cette affirmation : le suicide, qui fait l’objet d’une importante politique de prévention, alors qu’en France chaque année entre 80.000 et 90.000 personnes sont hospitalisées des suites d’une tentative de suicide. Comment les professionnels de santé pourraient-ils concilier l’injonction simultanée à soigner les auteurs de tentatives de suicide manquées et à satisfaire la demande d’un patient désireux d’avoir recours au suicide assisté ?
L’opposition particulièrement forte des professionnels des EHPAD
« L’acte de donner la mort » ne peut en aucun cas devenir légal, affirment les treize organisations, alignées dans un même rejet. Certains pans du monde médical sont encore plus vent debout que d’autres. C’est le cas, indique le document, des professionnels de santé travaillant dans les EHPAD, « qui sont régulièrement confrontés aux demandes de mort de leurs patients », dont ils s’attachent alors à prendre soin au mieux pour que cette pulsion de mort se dissipe. « Pour ces professions, l’opposition à une légalisation de l’euthanasie est particulièrement marquée » et l’avis du CCNE prétendant que le suicide assisté et l’euthanasie pourraient être éthique a suscité chez elles « de nombreuses réactions de révolte, de colère, de rejet ». Les légaliser enverrait un message « insoutenable » aux personnes âgées dépendantes et aux professionnels de santé qui en prennent soin.
Source : famillechretienne.fr