par Catherine Lemesle, Ouest-France, 29/03/2013
Trois questions à...
Jacques Ricot, philosophe, auteur de « Éthique du soin ultime ».
La Loi Léonetti, qui interdit l'acharnement thérapeutique et encadre les soins palliatifs, a été corrigée. Pourquoi la remettre encore en question alors que se profile un débat national sur le suicide assisté ?
Médecins et grand public ne connaissent pas ou mal la loi Leonetti. Elle n'est donc pas appliquée correctement. C'est ridicule de la remettre en question alors que nos pays voisins la prennent comme modèle. Les biens portants ont la hantise de mal mourir et ils pensent parfois qu'en légalisant le suicide assisté ou l'euthanasie, ils contrôleront leur angoisse de mourir, mais c'est une illusion.
Quand on souffre terriblement, qu'on veut en finir, réclamer une aide active à mourir est tentant. Pourquoi êtes-vous contre ?
Aujourd'hui toutes les souffrances peuvent être apaisées. On peut même recourir à l'endormissement le plus souvent réversible. Mais jusqu'au dernier souffle, le patient doit être accompagné.
Au nom d'une compassion mal éclairée, on propose l'euthanasie.
L'euthanasie est une violence.
Le médecin qui fait mourir son patient rompt la relation de soin au lieu de la continuer. Cela dit, le respect de la parole du malade et de sa liberté est un impératif : nul ne peut recevoir des traitements sans y consentir. [ndlr : donc pas d'acharnement thérapeutique]
On en arrive à la question de la dignité et de mourir dans la dignité. Que dit le philosophe à ce sujet ?
L'être humain, dès lors qu'il est humain, est un être digne, quelle que soit l'idée qu'il peut se faire de lui-même.
Un patient malade qui dit que sa vie est inutile doit d'abord être entendu et non jugé.
Mais une société ne peut prendre la lourde responsabilité de le conforter dans son autodépréciation.
Consentir à la mort qui vient, sans obstination déraisonnable, ne pas abandonner celui qui s'en va, c'est cela permettre de mourir dans la dignité.
Source : Ouest-France