Mon Fils a vécu votre vie, il a eu froid, chaud, soif, il a ri, il a
pleuré, il a eu mal... il n'y a que la vieillesse qu'il n'a pu
connaître parce qu'il a été assassiné avant.
Et moi, dit Dieu, je vois bien que vous êtes tous en train de vieillir.
Tous les jours, je reçois le message de vos prières.
Je vois bien vos cheveux blancs, je vois bien que les escaliers sont
plus hauts qu'avant, je vois bien que votre vue baisse...
Mais mon Fils n'a jamais pu connaître l'âge de l'arthrose, il était mort avant.
Alors, c'est à vous que je fais appel, dit Dieu.
Mais je ne vous mentirai pas, dit Dieu.
Je ne vous dirai pas que vous êtes éternellement jeunes,
je ne prétendrai pas que vous n'avez pas changé et que vous avez
toujours vingt ans !
Je ne sais pas pourquoi tout le monde veut s'imaginer que ceux qui
vieillissent sont tout juste bons à être mis au rencart !
Laissez-les dire, dit Dieu, moi, je sais bien que j'ai trop besoin de vous.
Tout ce que mon Fils n'a pas eu le droit de vivre,
c'est vous qui êtes en train de le vivre.
Tout cet amour que mon Fils n'a pas eu le temps de planter en vieillissant,
c'est vous qui l'inventez.
Toute cette espérance que mon Fils n'a pas eu le temps de semer,
c'est sur vous que je compte pour la faire pousser.
Moi, je ne suis pas un commercial, dit Dieu,
ce qui m'intéresse, ce n'est pas ce qui est rentable,
c'est ce qui est humain.
Je ne cherche pas à faire du chiffre, je cherche à faire de l'amour.
Mais, j'ai beau être Dieu, je ne peux pas vieillir à votre place ;
par contre, vous, vous pouvez vieillir à la place de mon Fils,
qui n'a pas eu le droit d'aller jusqu'à votre âge !
N'ayez pas peur !
Le vieillissement n'est pas une maladie !
Vieillir, c'est vivre...
Il n'y a que dans les cimetières qu'on ne vieillit plus.
Ne me demandez pas comment il faut faire, c'est vous qui allez l'inventer.
Il faut bien que vous vous y mettiez puisque, mon Fils, ils l'ont assassiné !
Jean Debruyne (J'ai rêvé d'un Galiléen, Ed DDB)