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La souffrance selon Edith Stein

Quel sens sœur Thérèse Bénédicte de la Croix donnait-elle à la souffrance ?

par Cécile Rastoin, carmélite, 12/06/2014

Pourquoi Édith Stein, en entrant au Carmel, a t-elle pris ce nom de Bénédicte de la Croix ?

Ce n'était pas anodin ! Chaque carmélite choisit son mystère. Si une sœur s'appelle de la Croix, de la Trinité, de l'Incarnation, cela montre qu'elle s'y retrouve, que c'est le chemin qui la mène au cœur du mystère de Dieu. Toute sa vie sera marquée par ce mystère qu'elle choisit en dialogue avec la supérieure et qui est en rapport avec ce que Dieu a choisi pour elle.

Édith Stein dit qu'elle est entrée au Carmel avec ce nom en elle. C'était vraiment son mystère, celui par lequel elle s'approche de Dieu. J'aime dire que Bénédicte de la Croix cela veut dire "bénie de la croix". Le Christ a fait de la croix une source de bénédiction. C'est ça le retournement spectaculaire de la croix. Et Édith Stein s'est heurtée au mystère de la croix très souvent.

Quelles souffrances a-t-elle vécu ?

Enfant, elle a vécu dans une famille très unie, mais elle a perdu son père à deux ans. De plus, ses deux oncles se sont suicidés et, elle le dit elle même très franchement, elle avait des tendances dépressives. Édith Stein était très exigeante, passionnée par la vérité et souffrait de ses limites. On admirait son intelligence mais, elle, ne voyait que ses limites! Sa fragilité était encore accrue par cette exigence.

Lors de la Première guerre mondiale, infirmière à la Croix Rouge, elle sentit en elle une résistance à entrer dans les souffrances de l'autre, alors qu'elle se donnait à fond. Je pense qu'elle ressentait la souffrance et qu'elle en voyait le triomphe paradoxal : Édith était complètement solidaire de la souffrance du peuple Juif.

Édith Stein est rentrée au Carmel tardivement, bien après sa conversion. Mais on a l'impression qu'elle avait très jeune le pressentiment de son
destin.

Comme jeune philosophe agnostique, elle s'était déjà forgée une pensée de la responsabilité et de la solidarité. Dès son adolescence elle avait eu des ambitions absolues pour l'humanité, mais aussi l'ambition d'être elle même. Édith avait envie de souffrir avec le peuple juif : elle désirait partager son sort. Elle a fait sa thèse sur l'empathie et pressentait déjà que, devant une souffrance, il n'y a pas de discours, et que la seule réponse est la capacité d'entrer en relation avec autrui. Le Christ n'a pas donné d'explications à la souffrance, mais il l'a rendue communicable et partageable. La Vierge et le Christ ne se sont pas enfermés dans leur souffrance, mais ils ont accueilli les autres dans leur cœur. On voit la fécondité de la croix chez le centurion et le larron: tous deux s'ouvrent à l'amour. Édith aimait contempler Marie au pied de la croix.

On ne nous dit pas que Marie  pleure mais qu'elle reçoit un fils,- le Christ lui donne Jean -; et en cela, Édith dit qu'elle accueille tous les siens dans son cœur. C'est cette co-présence, cette empathie à autrui qui la touche. Elle dit que si Dieu existe il est capacité infinie d'entrer dans la joie ou la souffrance de l'autre. La souffrance nous fixe sur nous même, nous coupe le souffle. Le Christ, lui, nous montre la souffrance comme lieu de partage, de communion. Il ne nous dit pas que c'est un bien caché, que l'on comprendra plus tard, mais il rejoint celui qui souffre, il guérit, pose des questions pour savoir si l'autre a envie de guérir.

La croix est donc le passage obligé pour rejoindre Dieu? Peut -on entendre aujourd'hui un tel discours?

La croix est le chemin vers le ciel. Les gens ont besoin de l'entendre, car trop souvent ils culpabilisent de souffrir. Les chrétiens sont trop peu audacieux sur la souffrance! C'est vrai que depuis la Shoah, on est bloqué pour entendre un tel discours... mais le christianisme casse ça, car c'est l'innocent qui souffre, sans explication. Le Christ assume pleinement cette souffrance jusqu'à la retourner. Une certaine piété nous fait dire que le Christ nous sauve par sa souffrance, ou qu'il faut offrir sa souffrance. Il y a une part de vrai, mais c'est un raccourci de langage. Le Christ ne nous sauve pas par sa souffrance, mais par sa vie donnée jusqu'à l'extrême de la souffrance.

Alors, que dire à quelqu'un qui souffre ?

Offre le cœur de ton être qui est amour jusque dans la souffrance et unis-la à celle du Christ. On est consolé en contemplant la souffrance du Christ : il y a un partage qui se fait. Le passage obligé du mystère pascal c'est l'union au Christ, dans la joie et la souffrance. Il faut assumer la souffrance et la joie en union au Christ. Il n'y a pas de lieu de sa vie où le Christ est absent. Il comprend tout. La souffrance n'est plus en enfermement sur soi mais un lieu de rencontre avec le Christ! Ce n'est pas la souffrance qui est canonisée, c'est l'amour !

Cécile Rastoin, carmélite, auteur de "Édith Stein, enquête sur la source", éd.du Cerf

Source : croire.com