Le droit à une assistance de base
par Mgr Virginio Bressanelli
Alors qu'il se dit et s'écrit beaucoup de choses, et qu'on débat beaucoup autour du cas de Marcelo Diez, et vu que beaucoup, soutenant des positions diverses, ont même invoqué la doctrine de l'Eglise, il est de mon devoir de communiquer à la communauté chrétienne et aux habitants de Neuquén ce qui relève de ma charge pastorale et ce que je sais de cette affaire.
Alors qu'il se trouve dans un état d'inconscience persistante, Marcelo jouit d'une santé physique stable. Il n'est branché à rien. Il n'est pas en phase terminale. Il ne subit aucune thérapie, ce qui veut dire qu'il ne fait pas l'objet d'un acharnement thérapeutique qui prolonge artificiellement sa vie. Il ne manifeste pas non plus ressentir une quelconque douleur physique, psychologique ou spirituelle.
Il présente des réactions minimales. On ne sait pas s'il entend ou quel peut être son degré de conscience par rapport à lui-même ou à la réalité qui l'entoure. Il se trouve, plutôt, dans une situation de profond handicap. Tout cela nous place devant le mystère de la vie d'un frère, et de cette vie, il n'y a pas de tierce personne qui puisse en être le maître ou l'administrateur.
Marcelo reçoit seulement l'alimentation et l'hydratation entérales, et le confort de base qui lui assure, dans son cadre, la qualité de vie digne que mérite tout être humain (hygiène, affection, assistance spirituelle). Il ne vit pas prostré dans son lit : chaque jour il est levé, on le met dans un fauteuil roulant, on le fait participer aux espaces de communauté, on lui parle, on lui passe de la musique. Ses réactions se lisent sur son visage, qui s'illumine lorsqu'il écoute de la musique, ou qui montre de la contrariété lorsque quelque chose le gêne.
On ne lui fait subir aucun soin disproportionné ou extraordinaire, mais seulement les soins de base que l'on assure à toute personne souffrant d'une incapacité qui l'empêche de satisfaire lui-même à ses besoins.
Du point de vue humain c'est une vie que nous devons respecter, protéger et soutenir jusqu'à ce que son état s'améliore, comme l'espéraient ses parents, ou jusqu'à ce que son cours prenne fin naturellement.
Lui ôter les soins qui lui sont aujourd'hui donnés le condamnerait à une mort atroce. Il s'agirait d'une euthanasie par omission et un délit d'abandon.
Nous ne pouvons nier qu'il s'agit d'une situation délicate et complexe.
Nous ne pouvons pas non plus ignorer la souffrance des personnes qui l'aiment et qui espèrent que son état évolue positivement.Nous nous sentons solidaires d'eux. Nous nous trouvons cependant devant un défi : celui d'accepter courageusement nos limites, et de nous engager toujours en faveur d'une vie dont nous ne sommes ni les maîtres ni les administrateurs absolus. C'est une de ces nombreuses vies qui appellent le dévouement généreux de personnes qui s'occupent d'elles et ont besoin d'une société qui les respecte.
En tant qu'hommes et femmes qui aimons la vie et qui croyons en un Dieu de la vie, nous devons reconnaître qu'il s'agit d'un mystère qui nous dépasse. Il y a des situations que nous ne pouvons pas maîtriser, et auxquelles nous ne pouvons pas apporter de solutions ou d'améliorations significatives.
Dans ces situations il nous reste quelque chose qui valorise et qui rend digne chacun : redoubler notre capacité d'amour, renoncer humblement à notre désir de toute-puissance et offrir au frère qui en a besoin tout ce qu'il nous est possible de lui donner, faisant confiance à Dieu le Père qui dans sa Providence, même dans ces cas, est en train de réaliser un dessein d'amour pour le bien de beaucoup.
Neuquén, 15 août 2012
Virginio D. Bressanelli scj
Père évêque de Neuquén