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Depuis 20 ans, Myriam Cattoire veille sur son mari Jean-Marc, victime d'un accident de moto et toujours dans le coma, dans leur maison à Wasquehal.

De cette tragédie, Myriam a donné naissance à un combat en créant l'association R'éveil dédiée aux traumatisés crâniens et à leurs proches. Depuis elle met toutes ses forces pour que leur vie soit un peu plus douce. 

Source : nordeclair.fr

Flamme fidèle.

par Haydée SABÉRAN, 30/10/2000, extraits

PORTRAIT

Le toit fuit et la chaudière est en panne. «Et Jean-Marc, qui fait semblant d'être dans le coma pour pas bosser.» Elle rigole...

Depuis l'accident, elle a cessé son travail de claviste. Elle joint les deux bouts avec une pension d'invalidité, l'assurance décès de Jean-Marc et quelques sous mis de côté. Myriam se pose sur le bras du fauteuil et attrape le visage de l'homme. Sa tête tombe si on ne la retient pas. Jean-Marc a rouvert ses yeux il y a neuf ans, après trois mois de coma total. A part regarder, il ne sait plus faire grand-chose. Cligner des yeux pour dire oui. Bouger la main. Grincer des dents pour râler. Beugler, pour exiger. Elle dort toutes les nuits avec lui. «Quand je ferme les yeux, ce n'est plus le handicapé que je vois.» La nuit, dans le creux du cou, la peau sent comme avant le 3 mai 1992. «Quand il sera mort, je n'aurai même plus ça.»

L'accident a eu lieu sur la route de Courtrai, en Belgique. Elle n'avait pas voulu le suivre à la patinoire, parce qu'elle avait trois livres à relier, une promesse faite à un ami. «Trois Malraux en maroquin rouge.» Il est parti à moto, tout costaud. La jeune cycliste a traversé à la sortie d'un virage. Elle est morte. Lui est entré dans le coma sans une égratignure. Myriam l'a veillé trois semaines et deux jours. «Quand je demandais ce qu'on pouvait faire, on me répondait: "Rien, il faut attendre."» Elle refuse. «Ça vient de mon père.» De ce résistant, contrebandier de tabac, d'armes et de diamants, elle a hérité l'instinct de rébellion. Et se vante: «J'ai été virée de 18 établissements scolaires pour indiscipline.»

En réanimation, elle est seule à voir un homme dans ce corps en veilleuse. Elle lui prend la main, le masse, le rase, l'arrose d'after-shave («C'est un macho»), lui parle, l'insulte, lui passe les Rolling Stones et Johnny. Elle le voit debout pour Noël. Le jour de la Pentecôte, dans le service déserté, elle décide de le ramener à la maison, avec trachéotomie, oxygène, sonde gastrique et urinaire. Elle use une armée de kinés et d'infirmiers, et, avec son médecin de famille, elle improvise. Parie qu'il mangera sans sonde, respirera sans trachéo. «Quand j'ai voulu le mettre dans son jardin pour qu'il touche des arbres, on m'a dit que j'étais cinglée. Quand je lui ai enlevé sa trachéo, on m'a dit que j'allais le tuer...» S'il doit mourir, ça sera à la maison.

Un jour de juillet, Jean-Marc ouvre les yeux. «Les gens me disent: "C'est tellement que vous l'aimez, madame!" (elle force sur son accent ch'ti). Mon, oeil ! C'est pas pour moi qu'il s'est réveillé, c'est pour une Kawa 1000 qui passait dans la rue. J'l'avais pourtant engueulé, supplié. Il l'a pas fait pour moi, il l'a fait pour une moto. Salaud.»

Depuis, ils se parlent, se font des scènes. «Je ne pose que des questions qui appellent un oui ou un non.» Elle oriente les questions : «Tu trouves que j'exagère ?» Il cligne. «Toi aussi t'es chiant ! Crève.» Elle culpabilise, s'excuse. Puis dans un soupir de midinette : «Je voudrais qu'il me parle vraiment.» Elle lui apprend à manger en lui massant la gorge pour l'aider à avaler, sa tête à lui sur sa poitrine à elle. Achète une table de verticalisation : «Un homme, ça pisse debout.» Le frictionne pour éviter les escarres. L'amène dans des restaurants chic. A la montagne, chaque hiver. «Un végétatif sur le télésiège, c'est une curiosité.»...

Le fauteuil. L'électrique est en panne. Le mécanique a le dossier cassé. La Sécu refuse de rembourser la moitié des 50 000F de l'électrique. Elle harcèle la Sécu de Roubaix, interpelle Martine Aubry. «L'enfermer lui, c'est m'enfermer moi.»

Comme si elle n'avait que ça à faire, Myriam s'est imposée Pasionaria de la cause des traumatisés crâniens. Elle a créé une association, R'éveil. Après cinq ans de bagarre, elle touche au but: un centre d'éveil de 12 lits à Roubaix devrait bientôt ouvrir. Myriam s'est bagarrée. Elle a toujours fait comme ça. Quand ça résiste, elle avance. Elle monte des manifestations, avec Jean-Marc dans le fauteuil, fabrique des faux blessés gisant sur des civières, organise des carnavals, des colloques, une course de lits, s'invite aux congrès dès qu'il y a un ministre à agripper. Ne lâche rien. ...

Neuf ans qu'elle fait le clown, pleure, parle, fume comme un pompier dans sa petite maison de brique, à côté de son mari tout cassé... Dans les pires moments, il parvient à tendre une main pour caresser un bout de peau de Myriam. «C'est pas les vêtements qu'il veut, c'est la peau.» Il a peur. Elle le sent. Quand personne ne regarde, assise par terre, près du fauteuil, elle pose la main de Jean-Marc sur ses cheveux, descend l'arête du nez. «Touche mon grand nez de juive, t'as vu comme elle est toute ridée ta femme ?» «Ça me serre dans la poitrine. Je lui dis: "T'es toujours mon bel amour."»...  Elle balance l'article L. 212 du code civil, «les époux se doivent mutuellement fidélité et assistance». Il a toujours été réglo avec moi, pourquoi je le laisserais ?» Pas d'autre homme. «Je l'ai pas trompé quand il était debout, je vais pas commencer maintenant.»

Ils n'avaient qu'un an et demi de mariage pour vingt ans d'une vie commune commencée par hasard. Il venait de perdre sa mère, elle avait viré son fainéant de mec. Ils se sont réchauffés. Il a fait le père pour ses deux enfants à elle. Elle a attendu dix-huit ans pour le demander en mariage, sous forme d'ultimatum. Il a d'abord blêmi. «Et puis ça l'a rendu amoureux. Il rayonnait. On a vécu dix-huit mois de bonheur parfait.» Le soir des noces, crevé, il lui signe un «bon pour une nuit de noces en règle», pour plus tard. Ils n'ont pas eu le temps. «Il a signé. Il me la doit. Tu me la dois, hein, Jean-Marc ?» Il cligne.

Source : liberation.fr