Gagatorium : 4 ans dans un mouroir doré. Christie Ravenne dénonce
Elle s'appelle Christie Ravenne. Ancienne journaliste, elle vient de vivre 4 années d'enfer. 4 années passées dans une résidence services qu'elle qualifie de "mouroir doré", où les personnes âgées sont malmenées, plumées, baillonnées.
4 années pendant lesquelles elle dit avoir perdu sa santé et son patrimoine. Dans un livre réquisitoire, "Gagatorium", publié aux éditions Fayard, elle dénonce et accuse avec véhémence la mafia de l'or gris qui abuse en toute impunité, et sans contrôle des autorités, des personnes âgées, fragilisées.
Le ton est vif, acerbe et les propos sont parfois drôles, sûrement pour nous éviter de pleurer. Car le quotidien à Ker-Eden (un nom d'emprunt de bonne "augure") est terrifiant. Chaque page déborde d'exemples de situations plus sordides les unes que les autres. Des piqûres réalisées par le docteur "Pique-Pique"pour assagir les insoumis, sans autorisation des familles, des couches-culottes qui débordent et ne sont changées que par des infirmières privées, un concours de slam, ultime instant de liberté et de plaisir filmé par la télé locale mais que personne dans la résidence ne verra...
Les situations ubuesques et les abus se multiplient comme ce traiteur breton qui utilise gracieusement les locaux de la résidence comme siège social, la facturation aux résidents d'un droit de passage dans le couloir, les négligences et les humiliations quotidiennes. Et c'est sans compter une directrice autoritaire et incompétente, qui refuse de faire monter des médicaments à une personne malade, laisse errer des personnes âgées dans le couloir, contre-carre toutes les initiatives d'amélioration de la vie quotidienne...
Si Christie Ravenne a songé au suicide, elle a finalement préféré la lutte. "Ma fille m'a suppliée de nous sortir de ce pétrin. J'étais propriétaire de deux appartements dans la résidence qui me coûtaient 2000 euros par mois (1000 euros de charges et 1000 euros de services que je n'utilisais d'ailleurs pas). Si j'avais abandonné la lutte, je lui aurais imposé des charges bien trop importantes".
A peine installée dans cet établissement, j'ai tout de suite compris que j'avais commis une erreur mais je pensais que j'allais pouvoir m'impliquer dans la vie de l'établissement et améliorer les choses. C'est faux."
"Je songe de plus en plus à m'enfuir", explique t-elle page 78. "Je ne vois que trois issues possibles. (...) la fuite, la résignation, la mort."
La résignation ne semble pas faire partie de son tempérament. La fuite est impossible avec deux appartements à charge. Quant à la mort... Mais en tant qu'ancienne journaliste, elle s'est promis de témoigner.
Témoigner de l'omerta, du système mafieux qui plume les vieux et leur ôte toute possibilité de discuter, de protester, d'agir. Et sensibiliser les familles.
"Le nombre de places en ehpad est totalement insuffisant. Alors les familles mettent leurs proches dans ces établissements, les résidences services, en attendant d'obtenir une place ailleurs. Mais ils n'imaginent pas combien les gens y sont malheureux."
Avec ses deux "anges gardiens", juristes d'associations de consommateurs, elle démonte le système, point par point. "J'envoyais des lettres avec accusé de réception, et je mettais tout le monde en copie, les élus locaux, les conseils de quartier, le syndicat des copropriétaires... car tous devaient savoir", explique-t-elle.
Pendant des années, Christie Ravenne se débat dans l'indifférence générale. Elle ne voit pas de solutions car elle n'arrive pas à vendre ses appartements. La directrice orientant toujours les acheteurs potentiels vers la SCI principale. Son salut viendra, selon elle, d'une phrase lâchée en clôture d'un énième courrier "Si vous m'aidiez à partir, au moins vous feriez deux heureuses, vous et moi".
La semaine suivante, les deux appartements étaient vendus.
Aujourd'hui Christie Ravenne loue un deux-pièces avec un ascenseur et une douche. Elle va au marché avec son déambulateur et se réjouit de pouvoir profiter de ses petits enfants. Agée de 80 ans, elle se dit fatiguée et "impotente". "J'ai laissé beaucoup de plumes dans cette histoire mais je suis vivante. Si je me bats c'est parce que les conséquences sont dramatiques. Beaucoup en meurt.
Je voudrais que l'Etat se remue, légifère, contrôle et punisse ceux qui agissent dans l'illégalité. Même si l'activité appartient au secteur privé".
Source : agevillage.com