Un fil à la patte - ou libre pour aimer ?
Il était une fois un petit enfant perdu dans une ville. Il était là, pleurant, grelottant, affamé... du sang et de la saleté sur ses vêtements.
Une dame l'a trouvé et a eu pitié de lui car il était harassé de fatigue... il n'en pouvait plus...
- J'ai essayé de louer mes forces, de travailler... mais je n'ai été qu'exploité et trompé.
Mais vous... vous êtes si belle... ne connaitriez-vous pas une famille ? Je veux rester avec vous !
- Oui, mon enfant - fit la Dame.
Et elle l'amena dans une petite maison... à l'écart de la ville et de ses méchancetés.
Le petit est tout de suite saisi par la paix et l'amour qui rayonnent de là. Sur les visages des habitants, dans leurs actions et leurs paroles, il y a quelque chose de différent. Bien sur, eux aussi sont des pauvres enfants et ils tombent souvent. Mais le petit sent qu'ici il n'y a pas de tromperie et que l'amour véritable, l'amour qui est toujours là, l'amour qui ne renonce jamais, n'abandonne jamais, l'amour qui relève et qui accompagne jusqu'au bout, unit les membres de cette famille, la Famille du Bel Amour.
Le petit est admis à y vivre avec les autres. Souvent il tombe, mais il est relevé, malade il est soigné, dans l'hiver froid il est chauffé, habillé,choyé, même ses secrets désirs qui lui restaient de son enfance et dont il n'osait jamais parler, sont reçus, avec une infinie délicatesse, dans le coeur de la Dame.
Et pourtant... un jour de brouillard, il s'égare... il se retrouve de nouveau dans la terrible ville... Oubliant ce qu'il y a souffert déjà, il s'y attarde... juste un peu... Ah, trop !
Le méchant tyran de la ville envoie aussitôt ses agents pour reprendre ce petit dont il veut toujours faire son esclave éternel. "Séduisez-le par n'importe quel moyen : tromperies imaginaires, rêveries et soucis fabriqués de toutes pièces, bavardages et mépris des autres, égocentrisme et domination, fausse liberté, cachotteries et surtout, surtout : indépendance ! Présentez-lui et gavez-le de tous les fétus de paille du large chemin ! je veux qu'il s'y englue... et qu'il y perde son âme ! qu'il veuille y vivre et mourir ! seul ! entre nos griffes !"
Horreur ! Le petit voudrait courir : il prend ses jambes à son cou mais le chemin de retour est le double de ce qu'il a pensé ! Car il faut monter, monter, tout ce qu'il avait dévalé pour s'enfuir vers cette ville maudite !
Pourtant il veut essayer de retrouver son bonheur dilapidé... il court, court, à perdre haleine... vers la petite maison lointaine de son bonheur perdu.
- Les portes et les coeurs y sont ouverts, toujours... - se dit-il... Cela, je le sais... Je l'ai expérimenté tant de fois, hélas quand mon égoïsme m'a fait errer loin du bonheur...
Seulement vais-je encore retrouver le chemin ?
Ouf ! Enfin la petite maison... j'y arrive !... mais surtout, surtout ! La famille du Bel Amour ! elle me recevra, je le sais...
Mais hélas ! le petit a attrapé une maladie dans la ville... Un parasite qui ronge les entrailles et qui change le goût... Il rend amer ce qui est doux. Et il rend esclave le coeur.
Bref, il empêche de donner et de recevoir l'Amour.
Le petit garçon avait gardée de la ville une petite boite qu'il croyait contenir la fortune mais dont en réalité il dépendait comme un esclave ou un condamné en liberté surveillée.
Le méchant tyran de la ville maudite d'ailleurs s'en amusait bien : il faisait de ceux qui en possédaient des marionnettes et des robots. Il les empêchait de vivre et de goûter l'Amour. Il les appelait comme et quand il le voulait. Ils avaient un fil à la patte, eux qui se croyaient autonomes !
Un jour, le pauvre petit, courant répondre à l'appel de la boite, exactement comme un esclave répondrait à son maitre, glisse et est tombe. Dans sa chute, il entend encore le ricanement vainqueur du tyran des ténèbres... puis c'est le choc. Un choc terrible sur la tète... et le sang qui coule, qui coule... s'écoule... une mare de sang...
L'enfant crie... crie... il appelle au secours...
Mais qui l'entendrait ? Au milieu de la ville...?
En bas, sa banque, séductrice... dans la chambre, son ordinateur, son portable... son argent... ses relations... il y a tout... tout le fétu de paille.
Mais moi ! dans cette vacarme artificielle, personne ne m'entendra... je vais mourir... tout seul... dans cette horrible ville où le méchant tyran règne en maitre.... C'est l'horreur...
- Aaaaaaah !!!!! Ah mon Dieu !!! Sauve-moi !
Se réveillant, à son propre cri, il ouvre enfin les yeux et voit... il se retrouve... entouré des petits enfants qui ont entendu son appel et ont accouru pour le secourir.
- Où suis-je ? J'ai cru que j'étais seul... dans la ville...
- Mais non ! tu es ici, à la maison... C'est seulement le méchant parasite qui t'a fait tomber. Oh, pauvre petit, mais tu es dans une mare de sang... tu aurais pu mourir...
L'enfant tremble... ses larmes coulent silencieusement... N'y a-t-il donc pas moyen d'être délivré de ce si méchant parasite qui a pour symptômes l'égocentrisme... l'avarice... le manque de confiance... la dissimulation... le mensonge... la trahison... la fermeture... l'esclavage...
- Mon Dieu... n'y a-t-il pas moyen d'être délivré de ces horreurs ?
- Si...- dit la belle Dame - il y a moyen... Si tu le veux, tu auras le courage de le faire... retrouver le chemin du bonheur par la fidélité à la parole donnée, la générosité, le don de soi... pour que tu deviennes à nouveau libre. Libre comme au tout début...
Libre... pour aimer.
Petit enfant... en auras-tu le courage ?