Nos amours de vieillesse
par G. Bl., 18.03.2006, extraits
Le manège de l'amour fait encore tourner la tête de Pierre. D'une voix fragile et usée, il s'applique à relire les quelques lignes enamourées qu'il a adressées à une amie. "Vous ne trouvez pas ma littérature stupide ?", demande-t-il, sans avoir l'air de vraiment s'en soucier. Il a déjà reçu la réponse. La dame l'éconduit gentiment, louant sa délicatesse. "Elle a peut-être un copain...", glisse-t-il alors, malicieux.
Pierre a déjà eu quatre fois 20 ans, et, comme lui, ils sont nombreux à ne pas vouloir vivre avec des souvenirs. C'est d'abord cela que raconte Nos amours de vieillesse, documentaire à la fois drôle et tendre sur les élans qui réunissent deux êtres au crépuscule de leur vie.
Comme on déroule le fil d'une passion, ces histoires s'ouvrent sur les rencontres, les premiers contacts et leurs conséquences immédiates. Marc et Solange, inséparables spécialistes du tango renversé, évoquent leur coup de foudre, leurs 18 ans retrouvés ; Marcel et Josy, amis depuis trente ans, expliquent avec pudeur qu'ils se sont pris la main pour survivre au deuil. Quant à Lucette, "redevenue jeune fille ", elle s'est remise à se maquiller et à s'habiller pour l'homme qui s'intéresse à elle.
A mesure que les récits progressent, on comprend qu'il n'est pas nécessaire d'avoir 20 ou 30 ans pour s'interroger sur les rapports charnels, les relations avec l'entourage ou la séparation. Mais il apparaît aussi que ces questionnements sont déformés par le prisme de l'âge. C'est tout l'intérêt de ce film d'Hélène Milano, qui n'évoque pas seulement la relation exclusive entre deux êtres.
La difficulté de vivre une histoire d'amour à 70 ou 80 ans est abordée avec pudeur, toujours à travers des témoignages, des anecdotes qui prêtent à rire ou à sourire. ...
Chronique des bons moments comme des plus pénibles, le documentaire reste subtil et optimiste. Il s'agit d'abord de vivre, revivre, parfois même retrouver le goût des autres. Le film montre ces bonheurs sans dégouliner de bons sentiments, juste en laissant parler les visages radieux et les mots doux. Les mots simples des amours de vieillesse.
Source : lemonde.fr