Euthanasie et démocratie
par Adélaïde Pouchol, 10/10/2014
Si l’actualité éthique est en ce moment très portée sur la question de la Gestation pour autrui (GPA), le débat sur la fin de vie n’a pas cessé pour autant, comme en témoignent deux récentes décisions politiques.
Vincent Lambert
On ne présente plus Vincent Lambert, cas emblématique à la fois de l’insuffisance de l’actuelle loi Leonetti sur la fin de vie et de la pression d’une certaine classe politico-médiatique pour légaliser l’euthanasie. Après une longue bataille entre la justice française, les proches de Vincent Lambert voulant son maintien en vie et ceux qui voulaient sa mort, la décision a finalement été confiée à la Cour européenne des Droits de l’homme (CEDH). À l’échelle de la France, l’affaire avait été portée devant la plus haute instance juridique, à savoir le Conseil d’État, lequel avait rendu sa décision (favorable à la mort de Vincent Lambert), immédiatement contestée par les parents du malade et portée devant la justice européenne.
Là encore, c’est un combat de longue haleine, les décisions sont prises au terme de semaines, voire de mois, d’interminable attente. Tous savent que la France et l’Europe ont les yeux rivés sur la justice et que le verdict qui sera rendu sur Vincent Lambert sera décisif dans les débats sur la nouvelle loi sur la fin de vie. Les juges européens marchent sur des œufs. Ils ont donc annoncé le 7 octobre que l’affaire serait confiée à la Grande Chambre de la CEDH, formée de 17 juges.
« Le 7 octobre 2014, la chambre de la Cour européenne des Droits de l’homme à laquelle la requête Lambert et autres c. France (requête n° 46043/14) avait été attribuée a annoncé son intention de se dessaisir en faveur de la Grande Chambre (article 30 de la Convention européenne des Droits de l’homme et article 72 du règlement de la Cour). Les parties, qui en ont été informées, disposent d’un délai d’un mois à partir de la date de cette communication pour soumettre par écrit au greffe une objection dûment motivée. Aux termes de l’article 72 § 2 du règlement, toute objection ne satisfaisant pas auxdites conditions sera considérée par la chambre comme non valable. »
Dans un mois donc, la Grande Chambre pourra statuer si aucune objection n’a été formulée par les parties en présence. Contrairement aux autres instances juridiques, sa décision ne pourra pas être contestée, l’appel ne sera pas possible : une manière de clore définitivement un débat qui n’a que trop duré. La vie de Vincent Lambert dépend donc désormais de 17 juges, soumis à une pression immense, n’ayant pour seul éclairage que la loi positive. Le rétablissement de la peine pourrait se cacher derrière les couleurs de la démocratie et de la justice…
La loi Leonetti
Parallèlement à cela, le débat sur la fin de vie se met en place en France afin de répondre aux insuffisances de la loi en vigueur, qui de fait, laisse certaines questions sans réponse… ou avec des réponses insatisfaisantes. L’alimentation et l’hydratation d’un malade sont-elles des traitements pouvant être interrompus au nom du refus de l’acharnement thérapeutique ou sont-elles des soins dus à toute personne jusqu’à la fin ? Le corps médical peut-il légitimement porter seul la responsabilité de l’arrêt des soins sur un patient ? Quel est le poids des directives anticipées formulées par un patient dans la décision qui sera prise à son égard ? Le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, a annoncé la mise en place d’une « consultation numérique des citoyens » sur la fin de vie. Il appelle de ses vœux une « révolution numérique » et estime que « ce ne sera pas simplement un débat participatif mais un échange éclairé grâce à des données qui seront librement mises en ligne. Le débat aboutira à un rapport de synthèse qui sera versé aux documents mis à la disposition du rapporteur. Le projet de loi sur la fin de vie et celui sur le numérique seront les deux textes qui nous permettront d’expérimenter ce nouveau dispositif. »
Est-ce à croire que la loi sera plus juste parce que née d’un processus nouveau et révolutionnaire ? Est-ce parce que de nombreux citoyens se seront prononcés en faveur de l’euthanasie qu’elle sera juste ? C’est l’impasse même du système démocratique où bien et mal, juste et injuste deviennent une question de majorité. En l’occurrence, c’est la vie des personnes qui est suspendue à la loi du nombre.
Source : hommenouveau.fr