Nouveau rebondissement dans l'affaire Vincent Lambert
Un autre coup de théâtre dans l'affaire Lambert. Alors que les rebondissements se sont succédés dans ce dossier sans précédent, tout récemment encore avec la décision du Conseil d'État de stopper l'alimentation du jeune handicapé de 38 ans immédiatement suspendue par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), c'est au tour du Dr Eric Kariger, personnage clé de l'affaire, d'alimenter le vaudeville médico-judiciaire en claquant la porte du CHU de Reims.
Ce gériatre, médecin de Vincent Lambert et auteur de la mise en route de son euthanasie passive à deux reprises, a donné sa démission. Et ce avant le délibéré du Conseil d'Etat, qui a eu lieu le 24 juin. Aussi, quand la décision des 17 sages est tombée et que le Dr Kariger a déclaré, «en conséquence», souhaiter «pouvoir procéder à l'arrêt de la nutrition et de l'hydratation artificielles dans les meilleurs délais», le médecin avait en fait déjà démissionné...
Des activités dans le privé
À Reims, «cela fait un mois environ» que les couloirs en bruissent, affirme un responsable syndical. Pas de démenti dans les instances compétentes. Mais pas de commentaire non plus, «question trop délicate», «aux conséquences juridiques importantes». Une source d'autorité confirme pourtant. Selon nos informations, le Dr Kariger quittera son poste de chef de service des soins palliatifs du pôle gérontologie en septembre pour aller dans le privé, diriger une maison de retraite. Dans un des plus gros groupes de ces établissements privés, on évoque des «attaches prises actuellement avec Reims». Le Dr Kariger a déjà des activités dans le privé, où il est directeur médical du groupe Maisons de famille, un réseau de maisons de retraite de luxe. Depuis quelques jours sur les sites de ressources humaines spécialisées dans les emplois de la santé, des offres s'affichent pour un poste de médecin gériatre dans «un important centre hospitalier à Reims».
À ce jour confidentielle, l'information n'a pas été communiquée aux membres divisés de la famille de Vincent Lambert. Certains pourtant qui en ont eu vent et qui s'interrogent sur le successeur «chargé de la suite» ont obtenu une confirmation par défaut: «on ne sait pas qui le remplacera ni quand», a confié une infirmière il y a quelques jours. ...
Scénarisation d'un départ contraint? Démission après un chaos qui a creusé les différences avec sa hiérarchie et altéré motivation et confiance? La reconversion de ce médecin des hôpitaux apparaît en tout cas moins comme une promotion qu'une solution palliative après de longs mois de procédure, un climat éprouvant pour ses équipes médicales et les tensions avec la famille divisée de Vincent Lambert. L'année dernière, il avait lui-même confié au Figaro qu'il n'avait pas véritablement de «soutien de sa hiérarchie», moins pour son approche médicale du dossier Lambert, dit-on, que pour ses différences et engagements politiques. Délégué départemental du Parti Chrétien-Démocrate (PCD) dans la Marne et conseiller régional de la Marne, il n'épousait semble-t-il pas «la culture maison». Au milieu de l'affaire Lambert, il s'était mis en disponibilité du PCD pour ne pas lui apporter une confusion nuisible, l'ex-parti de Christine Boutin étant opposé à l'euthanasie.
La désertion soudaine du CHU du Dr Kariger, laissant à la fois le protocole qu'il a initié, porté et défendu contre vents et marées, et l'équipe médicale au milieu du gué, pourrait avoir des conséquences déterminantes sur le dossier si, par ailleurs, la CEDH (qui n'a pas encore jugé le dossier sur le fond) se prononçait au final en faveur de l'arrêt de l'alimentation ou si elle refusait de se prononcer, laissant ainsi s'appliquer la sentence du Conseil d'Etat. En effet, si l'hôpital est procéduralement et administrativement responsable de ses médecins, seul le médecin a la charge - médicalement et éthiquement - de conduire ses actes et d'exécuter ce qui procède de sa décision et de sa réflexion, particulièrement dans un processus de fin de vie où la loi lui confère à lui seul le pouvoir de trancher au final, après la collégialité requise (article R 4127-37 du Code de santé publique). Dans ces conditions, comment envisager, pour ce geste ultime, de passer la main à un remplaçant, qui n'est juridiquement pas responsable de la mise en place du protocole? Repartir de zéro, avec une nouvelle procédure collégiale? L'«affaire Lambert» n'en est pas à son dénouement...
Source : lefigaro.fr