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Nous ne pouvons pas rester indifférents face à l'histoire dramatique de Vincent Lambert

par Prof Roberto Colombo, Faculté de Médecine et Chirurgie, Université catholique du Sacré Coeur, 18/05/2019, Article intégral

Au fil des siècles, des hommes, des familles, des catégories de sujets, des populations ou des groupes ethniques entiers ont été victimes d'injustices, de discriminations et de violences. Toute l’histoire des larmes, du sang et de la mort qu’ils ont produits reste encore à écrire. Et de nouvelles pages sont ajoutées aujourd'hui aussi. Parmi ceux-ci figurent ceux que le pape François a maintes fois soulignés - avec une image efficace - comme étant les produits de la "culture du déchet" : femmes, enfants (nés et non encore nés) et hommes "coupables" uniquement d'être "différents" parce que inaptes (incapables, invalides, inaptes à la vie).

Les "non-raisons" de cette exclusion d’être au nombre des méritants d'accueil, de respect et de protection (en un mot, d'amour) vont de la couleur de la peau au pays d'origine, de la misère matérielle ou morale à la religion professée, des défauts du développement psychophysique prénatal et infantile à la sénescence marquée par de graves pathologies dégénératives, des stades terminaux de la maladie incurable aux états de conscience et de relation absents ou minimaux.

L'acceptation, le respect et la protection de chaque vie humaine, quelle que soit sa condition, est aujourd'hui le point le plus faible (mais décisif) de la société, de la politique et de l'État. Ne pas accepter tout le monde équivaut à rejeter quelqu'un, pratiquement à le tuer (moralement, légalement ou physiquement): tertium non datur.

Si cela s’est également produit dans le passé, ce qui fait mal au cœur et indigne l’âme - et rend inacceptable la "conspiration du silence" imposée par le "politiquement (in)correct" - c’est actuellement le chevauchement d’une "culture de l’indifférence" entre les sociétés et les politiques. "Cette attitude d'indifférence égoïste a pris une dimension mondiale aujourd'hui, à tel point qu'on peut parler d'une globalisation de l'indifférence. [...] L’indifférence envers les autres et envers Dieu est une réelle tentation, même pour nous chrétiens". Nous qui avons su que "Dieu n'est pas indifférent au monde, mais l'aime au point de donner son Fils pour le salut de chaque homme" (Pape François, Message du Carême 2015).

En ces jours, nous sommes provoqués par les derniers développements d'une affaire humaine, familiale, clinique, éthique et juridique dramatique née au début de la présente décennie. Au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Reims, en France, un homme de 42 ans, Vincent Lambert, est hospitalisé depuis dix ans à la suite d'un traumatisme à la tête lié à un accident de voiture et qui le fait vivre dans un état clinique diagnostiqué par certains spécialistes comme «état de conscience minimal» (état pauci-relationnel ou état de conscience minimale plus) et par d’autres comme «végétatif chronique» (état végétatif chronique). Après une longue vicissitude médico-légale et judiciaire qui a récemment vu l'entrée en matière de tribunaux et de comités internationaux, les médecins du CHU qui ont demandé la suspension de tous les traitements, même physiologiquement essentiels à la vie (aucun traitement spécifique n'est actuellement en cours pour remédier à la pathologie cérébrale dont il souffre car aucun traitement médical ou chirurgical approprié n'est disponible), comme l'hydratation et la nutrition, semblent avoir presque atteint la date à laquelle ils mettront en œuvre - avec l'autorisation du tribunal administratif compétent - leur objectif de mort, soutenus en cela par la femme de Vincent, mais fermement contrés par ses parents, qui défendent le droit à la vie de leur fils.

Bien qu’il soit dans un état d’incapacité relationnelle grave avec le monde extérieur et ses proches (on ne peut rien dire avec une certitude raisonnable sur l’éventuelle réduction ou absence de sa conscience "interne" ou "profonde"), le patient n’est pas connecté à un respirateur (la respiration est autonome) ni soumis à une stimulation cardiaque (le battement est spontané), il n’est pas non plus sujet à des thérapies intensives ou sous-intensives capables de définir une situation clinique et éthique "d’acharnement thérapeutique".

Les experts cliniques nommés par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en novembre 2018 "considèrent que la réponse aux besoins primaires essentiels (nutrition, hydratation, élimination, prévention de la peau, hygiène de base) ne constitue pas, pour certains patients à l'état végétatif avéré, comme pour Vincent Lambert, un «acharnement thérapeutique» ou une obstination déraisonnable» (Rapport, p. 24).

La même conclusion a été tirée par 70 médecins et spécialistes cliniques ayant étudié les données disponibles du patient, ajoutant qu' "il est évident que Vincent Lambert n'est pas en fin de vie" et que ses conditions cliniques, bien que graves, sont assez stables (publié dans : "Le Figaro", 18 avril 2018).

Cette observation clinique objective exclut qu’il soit médicalement approprié et éthiquement correcte d’appliquer à ce patient le juste principe de respecter l’inévitable arrivée de la mort et de ne pas s’opposer au cours naturel de l’agonie par des interventions inappropriées qui ne feraient que prolonger les souffrances du mourant. Comme le rappelait le pape François, ce n'est que lorsque le patient se trouve dans ces conditions que le fait de respecter son cours naturel sans acharnement thérapeutique constitue «un choix qui assume de manière responsable la limite de la condition humaine mortelle, lorsqu'il réalise qu'il ne peut plus s'y opposer. "On ne veut pas ainsi donner la mort : on accepte de ne pas pouvoir l’empêcher", comme le précise le Catéchisme de l'Église catholique (n ° 2278). Cette différence de perspective restitue à l'humanité l'accompagnement de la mort, sans ouvrir de justification à la suppression de la vie. Nous voyons bien que, en fait, ne pas activer des moyens disproportionnés ou suspendre leur utilisation équivaut à éviter l’acharnement thérapeutique, c’est-à-dire effectuer une action qui a un sens éthique complètement différent de l’euthanasie, qui reste toujours illicite, puisqu’elle propose d’interrompre la vie en procurant la mort " (Message aux participants de la réunion régionale européenne de l'Association Médicale Mondiale sur les questions de" fin de vie ", 7 novembre 2017).

La simple interruption de la vie du patient dans un état de conscience minimale ou végétative s'avère être, dans l'objet choisi et dans l'intention de l'action, l'effet de la suspension de l'hydratation et de la nutrition, comme l'a rappelé la Congrégation pour la Doctrine de la Foi précisément en ce qui concerne le cas de ces patients chroniques : "L’administration de la nourriture et de l’eau, même artificiellement, est en principe un moyen ordinaire et proportionné de préserver la vie. Il est donc obligatoire, dans la mesure où et jusqu’à ce qu’il atteigne l’objectif qui est le sien, qui est de fournir au patient hydratation et nourriture. De cette manière, les souffrances et les décès dus à l’inanition et à la déshydratation sont évités. [...] Un patient en "état végétatif permanent" est une personne dotée de la dignité humaine fondamentale et à laquelle sont donc dus les soins ordinaires et proportionnés, qui comprennent par principe l'administration de l'eau et de la nourriture, également par des voies artificielles" (réponses aux questions de la Conférence épiscopale américaine sur l'alimentation artificielle et l'hydratation, 1er août 2007).

Comme l'ont récemment rappelé l'archevêque de Reims, Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort, et l'évêque auxiliaire de ce même diocèse, Monseigneur Bruno Feillet, dans la situation de Vincent, "l'honneur d'une société humaine est en jeu de ne pas laisser mourir de faim ou de soif l'un de ses membres et faire tout son possible pour maintenir les soins appropriés jusqu'au bout. Se permettre d'y renoncer parce qu'un tel traitement a un coût ou qu'il serait inutile de laisser vivre la personne humaine ruinerait l'effort de notre civilisation. La grandeur de l’humanité consiste à considérer la dignité de ses membres, en particulier les plus fragiles, comme inaliénable et inviolable ", quelle que soit leur condition. "Nous prions encore et nous invitons à prier pour que notre société française ne s'engage pas sur la voie de l'euthanasie" (13 mai 2019). Et "l'euthanasie est une violation grave de la Loi de Dieu, puisque meurtre délibéré, moralement inacceptable, d'une personne humaine. [...] Par l'euthanasie, en sens vrai et propre, on doit entendre une action ou une omission qui, de par sa nature et ses intentions, procure la mort, dans le but d'éliminer toute douleur " (Saint Jean-Paul II, Lettre encyclique Evangelium vitae , N ° 65).

Appelant « à nouveau l'attention sur Vincent Lambert », le pape François a déjà souligné il y a un an: "Je voudrais insister et confirmer que le seul maître de la vie du début à la fin naturelle c’est Dieu. Notre devoir est de tout faire pour garder la vie », même d'un malade comme lui. Un devoir moral et civil qui ne peut nous laisser indifférent tant que la vie de ces frères et sœurs à l'état de conscience minimale ou végétative - en Europe il y en a des dizaines de milliers - n'est pas suffisamment protégée, acceptée et promue, les soustrayant à l'abandon des systèmes de santé et de l'euthanasie par le biais des soins appropriés et de lieux de soins adaptés, impliquant non seulement des équipes de spécialistes, mais également des membres de la famille et des amis.

Arrêter l'hydratation et la nutrition signifie couper le courant électrique qui permet à notre système nerveux de contrôler le bon fonctionnement de notre corps et de ne plus fournir les métabolites, l'énergie, les électrolytes et l'eau nécessaires à la physiologie humaine. C'est contre la vie et la dignité de la personne. Même si une loi ou une sentence autorise cette action, elle reste inacceptable et indigne d'une société fondée sur le respect et l'acceptation de la vie de tous.

Roberto Colombo
Faculté de Médecine et Chirurgie
Université catholique du Sacré Coeur

Source : Osservatore Romano

Traduction : Site de Christophore