Au-delà du débat éthique et du combat juridique, les cas comme celui de Vincent Lambert qui, depuis un accident de la route survenu en 2008, se trouve plongé dans un état de "conscience minimale", sont un défi pour les neurosciences. De fait, les médecins ont longtemps considéré qu'il n'existait que trois états d' "altération de la conscience".
Premier état : la mort cérébrale, caractérisée par l'arrêt complet et définitif de toute activité du cerveau. Deuxième état : le coma, qui peut durer une heure ou quelques semaines, au cours duquel le patient n'est pas éveillé, ne présente pas de cycle veille-sommeil et n'est pas conscient de son environnement. Enfin, le dernier : l'état végétatif, où le patient montre des signes d'éveil (il a les yeux ouverts et effectue des mouvements réflexes, comme tousser, pleurer, bouger la tête, etc. ; il s'endort et se réveille seul), mais n'a pas conscience du monde qui l'entoure et ne répond à aucune commande verbale.
Un nouvel état d'altération de la conscience
Or, en 2002, un quatrième état d'altération a officiellement été défini : l'état de "conscience minimale". Aux États-Unis, des spécialistes du cerveau se sont aperçus que certains patients diagnostiqués comme étant dans un état végétatif montraient en réalité des signes temporaires de conscience. Ils pouvaient parfois répondre à une commande vocale, puis arrêter ; pleurer ou sourire en réaction à une situation ; suivre leur reflet dans un miroir... Et c'est justement dans cet état qu'est plongé Vincent Lambert.
Sachant que la cause peut aussi bien être un accident de la route qu'un arrêt cardiaque ou même une simple infection. Et, surtout, que l'état d'un sujet peut évoluer : dans le coma, il peut très bien passer à un état végétatif, puis de conscience minimale, avant de retomber dans le coma. Du moins pendant un temps.
Cette période d'incertitude dure de trois à six mois pour les personnes dont le cerveau a été victime d'un manque d'oxygène (après un arrêt cardiaque) et jusqu'à deux années pour les victimes de traumatismes (accidents de la route). Au-delà, les médecins estiment que leur état n'évoluera plus.
41% des patients diagnostiqués à tort en état végétatif
Les patients en état de conscience altérée représentent donc un double défi: d'une part, il faut réussir à évaluer leur véritable degré de conscience (diagnostic) et, d'autre part, tenter de prédire leur évolution dans le temps (pronostic). Or, l'université de Liège a conclu en 2006 qu'environ 41 % des patients avaient été à tort considérés dans un état végétatif alors qu'ils étaient en réalité dans un état de conscience minimale.
Concrètement, pour évaluer l'état et l'évolution d'un patient, les médecins disposent d'échelles internationales standardisées, qui permettent de quantifier les fonctions auditives, visuelles, motrices et verbales, la communication et l'éveil, via une série de tests (réactions du patient lorsqu'il est appelé, ou face à un miroir). Essentielles pour juger rapidement de l'état d'une personne en situation d'urgence, ces échelles ne sont pas toujours suffisamment précises lorsque le patient ne communique pas. Ils utilisent alors d'autres examens plus lourds et plus onéreux : l'imagerie par résonance magnétique (IRM), la tomographie par émission de positons (PET scan), la spectroscopie cérébrale et l'imagerie du tenseur de diffusion.
Le test du « match de tennis »
Depuis 2006, le niveau de conscience peut aussi être déduit via un test dit du "match de tennis". Tandis qu'on lui fait passer une IRM, on demande au patient de s'imaginer jouer au tennis et de taper dans la balle pendant 30 secondes environ. Sur l'écran, les neuroscientifiques vérifient alors si ses aires motrices s'activent : dans ce cas, il est vraisemblablement dans un état de conscience minimale.
De son côté, une équipe française développe de nouvelles méthodes d'électroencéphalographie qui mesurent l'activité du cerveau en réponse à une stimulation sonore. Un algorithme analyse les résultats afin de déterminer si le patient est dans un état végétatif ou de conscience minimale. Autant d'outils pour établir le véritable état du patient et ne pas se tromper en le déclarant abusivement dans un état végétatif.
Source : Science et Vie