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Vincent Lambert entre la vie et la mort

par Sylvain Rakotoarison, 15/04/2019, extraits

Attendre la mort…  Il y a des personnes qui voient la mort s’approcher réellement près d’elles : les personnes âgées, celles qui sont malades, dont l’état de santé montre qu’elles seraient "condamnées" - un vilain mot car aucun médecin ne peut en fait connaître l’avenir -, les condamnés à mort qui attendent plus ou moins leur grâce ou leur exécution, les situations de guerre, de crime, de prise d’otages, etc. où la mort violente peut survenir rapidement.

Vincent Lambert, lui, ne se retrouve dans aucune des situations décrites plus haut. Car il est vivant, il n’est pas en fin de vie. Cela fait six ans que certains voudraient arrêter sa vie en arrêtant de le nourrir et de l’hydrater (la première procédure d’arrêt de soins a commencé le 10 avril 2013), et cette procédure a été faite sous prétexte que Vincent était en fin de vie, et avec le recul, on voit bien qu’il n’était pas en fin de vie, il vit toujours, malgré tout, malgré plusieurs semaines sans alimentation (jamais une personne a montré qu’il tenait autant à la vie dans une telle situation). Vincent s’accroche à la vie, il n’est pas dans le meilleur état de santé, mais il vit, et il n’est pas seul car il a des personnes autour de lui qui veulent l’aider, l’accompagner et qui l’aiment. Les médecins qui soignent des patients dans la phase terminale de leur maladie témoignent souvent que les rares personnes qui réclament l’euthanasie sont celles qui semblent en manque d’amour.

Certains promoteurs de la loi Claeys-Leonetti (...) expliquent que si cette loi devait ne pas s’appliquer à Vincent Lambert, alors, inéluctablement, une loi légalisant l’euthanasie arriverait un jour en France parce que cela voudrait dire que la loi actuelle ne suffirait plus à répondre aux situations délicates.

Je trouve ce type de position (...) particulièrement malsaine, pour au moins deux raisons.

La première, c’est que Vincent Lambert est une personne unique et ce qui sera décidé de sa situation, de son avenir, de ses possibilités d’amélioration de vie, est unique, spécifique et ne devra jamais être pris comme un modèle, un exemple, un cas général. En quelques sortes, c’est le risque de l’écho médiatique, la situation de Vincent est instrumentalisée, elle l’est des deux côtés, par ceux qui demandent l’arrêt des soins comme ceux qui demandent leur maintien. Elle est nécessairement instrumentalisée car elle est médiatisée. Elle le sera aussi par la justice car cette situation créera un précédent par la jurisprudence.

La seconde raison, sur le fond, c’est que cette affirmation est fausse. Le problème... il est dans la liberté du patient, ce qui signifie que pour l’exercer, il faut qu’il puisse exprimer clairement sa volonté.

Or, Vincent n’a jamais exprimé de volonté, ni avant son accident, le 20 septembre 2008, ni moins après, où son état physiologique ne le permet pas. Il n’a pas rédigé de directives anticipées, il n’a désigné aucune personne de confiance, comme le propose la loi actuelle. Certes, il a maintenant une tutrice, son épouse, mais cela ne concerne pas le domaine de la fin de vie, le fait d’être tuteur ne s’applique pas à cette loi Claeys-Leonetti mais plutôt aux éventuelles affaires administratives et financières, matérielles.

Le problème, qui a fait que les tribunaux administratifs ont été beaucoup sollicités, c’est que la famille, l’entourage très proche n’a pas d’accord sur l’avenir de Vincent. Son épouse veut l’arrêt des soins, ses parents veulent le maintien des soins et le transfert dans une unité qui connaisse la situation très spécifique de Vincent (plusieurs établissements ont déjà proposé de lui ouvrir leurs portes).

Aucune loi ne pourra résoudre une absence de consensus familial. On aura beau jeter des anathèmes, dire par exemple que les parents sont des catholiques intégristes (ils ne sont que des parents aimant leur fils), mais on peut aussi dire que l’épouse veut "en finir" pour pouvoir refaire sa vie. Si c’était le cas, on pourrait la comprendre mais cela ne justifierait pas pour autant l’arrêt des soins.

Ce n’est pas tout à fait ce qu’a dit le chef de service qui a initié la première procédure d’arrêt de soin, mais c’est quand même son sens général. Répondant à des questions de Cécile Bouanchaud le 10 juin 2015 sur Europe 1, le docteur Éric Kariger a déclaré en effet, pour fustiger la diffusion d’une vidéo prise par un ami de Vincent qui le montrait vivant : « Ca s’appelle de la manipulation. J’en ai les larmes aux yeux en vous parlant. C’est douloureux, c’est dramatique. C’est irrespectueux pour le malade, pour son épouse et sa fille, qui ne peuvent pas faire le deuil, à travers cet acharnement qui vient de leur propre famille. C’est dramatique. ».

Comme je l’ai dit plus haut, la médiatisation entraîne nécessairement une part d’instrumentalisation et donc de manipulation de part et d’autre. Ce qui est dramatique, et cette réaction du médecin a de quoi faire frémir sinon bondir, c’est qu’il parle de "deuil" comme si Vincent était déjà mort.

C’est sûr, c’est certain, les proches de personnes très dépendantes vivent un enfer, c’est un changement radical de vie, c’est une transformation qui dévaste les projets de vie, qui est lourd à porter, qui tue même (50% des proches aidants meurent avant la personne dépendante qu’ils accompagnent), mais la question n’est pas là, la question n’est pas de dire que pour supprimer les conditions de cette vie tragique des proches, il faut supprimer la personne dépendante. C’est le respect de la personne humaine et la dignité humaine qui sont en cause, là.

La loi sur la fin de vie est pour soulager la douleur des personnes en fin de vie, pas pour soulager la conscience des proches, leur faciliter une vie particulièrement dévastée psychologiquement et matériellement, par cette dépendance de l’être cher. C’est important de souligner cet élément. Du reste, il faudrait prévoir l’accompagnement psychologique des proches aidants, leur vie est à rude épreuve, il est difficile de ne pas flancher.

Il n’est pas temps de faire le deuil. Vincent l’a démontré depuis six ans. Il vit, il est même capable probablement de vivre encore longtemps. Il est encore jeune. Les experts sollicités par le tribunal administratif ont conclu en novembre 2018 que Vincent ne souffrait pas, que son maintien en vie n’était pas une "obstination déraisonnable" malgré l’irréversibilité constatée de son état de conscience minimale (mais ce constat est en fait incertain, aucun spécialiste sérieux n’est prêt à donner dans des affirmations définitives en ce domaine).

Il est temps en priorité de tout faire pour que la vie de Vincent soit la plus confortable possible. Qu’on lui aménage son confort de vie sans lequel il ne pourrait jamais progresser, si jamais il pouvait encore progresser. Qu’il puisse parfois quitter sa chambre dont il est actuellement retenu prisonnier. Qu’il puisse bénéficier de soins de kinésithérapie. Qu’il puisse se déplacer en fauteuil roulant, se promener dans un jardin, voir la vie. Qu’il puisse jouir de tous les soins dont il a besoin et que, manifestement, cet hôpital de Châlons-en-Champagne ne lui procure pas parce qu’il n’est pas compétent dans le domaine de ses pathologies.

C’est pourquoi la décision du Conseil d’État est tant attendue par la famille et les proches. La vie de Vincent ne peut pas rester en l’état. Mais l’État ne peut pas se permettre, dans sa toute-puissance régalienne, d’arrêter sa vie. Le principe de solidarité, c’est au contraire de protéger les plus fragiles, pas de les sacrifier.

Source :  rakotoarison.eu