Interview de Monseigneur Nicolas Brouwet, évêque de Tarbes et Lourdes
Par Vincent Tremolet de Villers, Le Figaro, 18/04/2014 (extrait)
Les chrétiens sont parfois moqués comme anachroniques, ils provoquent souvent l'indifférence. Sont-ils condamnés à vivre à contre- courant et à perdre les combats temporels ?
Les chrétiens n'ont pas la mission de gagner des combats. Ils veulent seulement témoigner de l'amour de Dieu pour tout homme, un amour sans condition qui les appelle à la vie. C'est cet amour, et lui seul, qui sauve le monde. Il ne s'impose pas par la force du droit ou par des jeux politiques. Il est accueilli dans le cœur des croyants comme un feu qui embrase tout leur être et qui illumine leur conscience, leurs décisions, leurs projets. L'Evangile se répand de cette manière ; sans bruit, sans violence, sans stratégie. C'est, comme vous le dites, un peu à contre-courant…
A Lourdes vous côtoyez sans cesse des malades, des handicapés. Considérez-vous que la société les aide et les protège suffisamment ?
La force incroyable de l'Evangile est de nous aider à penser l'homme non seulement dans son génie et sa grandeur mais également dans sa faiblesse et sa précarité. Ce qui m'a toujours frappé, à Lourdes, c'est que les personnes malades ou handicapées ont toujours la première place. Nous vivons avec elle, nous prions avec elles et nous recevons beaucoup d'elles en vivant à leurs côtés. A vrai dire, elles nous évangélisent par leur paix, par leur joie, par leur profondeur, par leur simplicité. La dépendance et la fragilité ne sont pas des défaites pour la personne humaine. Parce que sa dignité ne lui est pas donnée par son autosuffisance, par son pouvoir ou par sa bonne santé. Elle vient de plus haut ; elle vient de Dieu. Elle vient de ce qu'elle est aimée inconditionnellement. Et de ce qu'elle est capable d'aimer inconditionnellement. Notre société fait beaucoup pour les personnes fragiles. Mais elle gagnerait à cultiver ce regard d'absolue bienveillance. Pour ne pas être tentée d'écarter les plus faibles en succombant à une logique de coût, de rentabilité et de confort. Toute personne mérite de vivre. C'est notre appel, notre vocation. Nous sommes faits pour la vie !
Source : lefigaro.fr