Pie XII Problèmes religieux et moraux de la réanimation
(deuxième partie)
Principes de solution
Nous répondrons bien volontiers à ces trois questions; mais, avant de les examiner, Nous voudrions exposer les principes qui permettront de formuler la réponse.
La raison naturelle et la morale chrétienne disent que l'homme (et quiconque est chargé de prendre soin de son semblable) a le droit et le devoir, en cas de maladie grave, de prendre les soins nécessaires pour conserver la vie et la santé.
Ce devoir, qu'il a envers lui-même, envers Dieu, envers la communauté humaine, et le plus souvent envers certaines personnes déterminées, découle de la charité bien ordonnée, de la soumission au Créateur, de la justice sociale et même de la justice stricte, ainsi que de la piété envers sa famille.
Mais il n'oblige habituellement qu'à l'emploi des moyens ordinaires (suivant les circonstances de personnes, de lieux, d'époques, de culture), c'est-à-dire des moyens qui n'imposent aucune charge extraordinaire pour soi-même ou pour un autre. Une obligation plus sévère serait trop lourde pour la plupart des hommes et rendrait trop difficile l'acquisition de biens supérieurs plus importants.
La vie, la santé, toute l'activité temporelle, sont en effet subordonnées à des fins spirituelles. Par ailleurs, il n'est pas interdit de faire plus
que le strict nécessaire pour conserver la vie et la santé, à condition de ne pas manquer à des devoirs plus graves.
Quant au fait d'administrer les sacrements à un homme plongé dans l'inconscience, la réponse découle de la doctrine et de la pratique de l'Église, qui, pour sa part, suit comme règle d'action la volonté du Seigneur.
Les sacrements sont destinés, en vertu de l'institution divine, aux hommes de ce monde, pendant la durée de leur vie terrestre et, à l'exception du Baptême lui-même, présupposent le Baptême chez celui qui les reçoit.
Celui qui n'est pas un homme, qui ne l'est pas encore, ou ne l'est plus, ne peut recevoir les sacrements. Par ailleurs, si quelqu'un manifeste son refus, on ne peut les lui administrer contre son gré. Dieu ne force personne à
accepter la grâce sacramentelle.
Quand on ignore si quelqu'un remplit les conditions requises pour recevoir
validement le sacrement, il faut tâcher de résoudre le doute. En cas d'échec, on conférera le sacrement sous condition au moins tacite (avec la clause Si capax es, qui est la plus large). Les sacrements sont institués par le Christ pour les hommes, afin de sauver leur âme; aussi, en cas d'extrême nécessité, l'Église tente les solutions extrêmes pour communiquer à un homme la grâce et les secours sacramentels.
La question du fait de la mort et celle de la constatation, soit du fait lui-même (de facto), soit de son authenticité juridique (de jure), ont par leurs conséquences, même sur le terrain de la morale et de la religion, une portée
encore plus large.
Ce que nous venons de dire sur les présupposés essentiels de la réception valide d'un sacrement l'a montré; mais l'importance de la chose s'étend aussi aux effets en matière d'héritage, aux affaires de mariage et aux procès matrimoniaux, aux questions de bénéfices (vacance d'un bénéfice) et à beaucoup d'autres questions de la vie privée et sociale.
Il appartient au médecin, et particulièrement à l'anesthésiologue, de donner une définition claire et précise de la « mort » et du « moment de la mort » d'un patient qui décède d'un état d'inconscience. Pour cela, on peut
reprendre le concept usuel de séparation complète et définitive de l'âme et du corps; mais, en pratique, on tiendra compte de l'imprécision des termes de « corps » et de « séparation ».
On peut négliger la possibilité qu'un homme soit enterré vivant, puisque l'enlèvement de l'appareil respiratoire doit après quelques minutes provoquer l'arrêt de la circulation et donc la mort.
En cas de doute insoluble, on peut aussi recourir aux présomptions de droit et de fait. En général, on s'arrêtera à celle de la permanence de la vie, parce qu'il s'agit d'un droit fondamental reçu du Créateur et dont il faut prouver avec certitude qu'il est perdu.
Source : Documentation Catholique 1957, n° 1267, col. 1607