Evêques du Canada
Message pour le Carême 2016 - « Je mets devant toi la vie ou la mort »
Frères et sœurs dans le Christ,
Les textes de la liturgie des premiers jours du Carême nous invitent à envisager quelques questions fondamentales au moment d'entreprendre la traversée de cette saison bénie. Que signifie se repentir et croire à la Bonne Nouvelle? Que devrait changer la foi à notre vie et à notre mort? Comment convertir les cœurs et les vies? La lecture de l'Ancien Testament pour le jeudi qui suit le mercredi des Cendres prend un relief particulier cette année pour nous, comme peuple de Dieu et comme pays : Je prends aujourd'hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je mets devant toi la vie ou la mort... Choisis donc la vie pour que vous viviez, toi et ta descendance... (Deutéronome 30,19)
Il y a un an, par son jugement dans la cause Carter v. Canada, la Cour suprême du Canada a invité la population de notre pays à choisir la mort. Tout adulte atteint de maladie ou d'infirmité pourra opter pour l'aide médicale au suicide. Déjà, plusieurs voix plaident pour que cette mesure s'applique aussi aux personnes mineures. Bien qu'épouvantable, ce n'est pas étonnant. Les enfants, comme les adultes frappés d'incapacité sont euthanasiés dans les quelques autres pays où l'aide au suicide et l'euthanasie sont aujourd'hui légalisées.
Le rite ecclésial des funérailles nous rappelle que chaque vie et chaque mort ont un impact important sur la vie des autres. Comme le dit saint Paul, aucun d'entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même (Romains 14,7). Il s'ensuit, pour nous chrétiennes et chrétiens, que c'est notre mission et notre gloire que de défendre et de protéger la vie, de la conception à la mort naturelle, comme un don sacré de Dieu, Source de toute vie.
Cette année, le jeudi qui suit le mercredi des Cendres est aussi la Journée mondiale du malade. Dans son message à cette occasion, le pape François nous rappelle que, lorsque nous souffrons, que nous éprouvons de la douleur et que nous nous sentons vulnérables, la foi en Dieu est, d'une part, mise à l'épreuve et, d'autre part, révèle en même temps toute sa puissance positive. Non parce que la foi fait disparaître la maladie, la douleur ou les problèmes qui en dérivent, mais parce qu'elle offre une clé avec laquelle nous pouvons découvrir le sens le plus profond de ce que nous sommes en train de vivre; une clé qui nous aide à voir que la maladie peut être la voie pour arriver à une proximité plus étroite avec Jésus, qui chemine à nos côtés, chargé de la croix. Et cette clé c'est sa Mère, Marie, experte de cette voie, qui nous la remet.
En ce temps du Carême, avec mes frères évêques, j'invite notre communauté croyante et chacun de ses membres à s'interroger sérieusement sur ce moment décisif et crucial pour notre pays. Allons-nous préférer les soins palliatifs et les soins à domicile, ou l'aide au suicide et l'euthanasie? Le choix est simple. Est-ce que nous collaborons, en tant que communautés aimantes, à nous soutenir et à nous encourager les uns les autres à vivre nos vies pleinement et sur les traces du Christ jusqu'à que Dieu nous appelle à recevoir notre récompense céleste? Ou est-ce que nous abandonnons les personnes vulnérables, âgées, handicapées, mourantes et déprimées, en les laissant trébucher dans la solitude et le désespoir jusqu'à la tragédie d'une mort par suicide? Est-ce que nous défendons les professionnels de la santé et les institutions pour qu'ils ne soient pas forcés à devenir des collaborateurs, obligés à excuser ou à administrer la mort par suicide? Ou est-ce que nous choisissons d'offrir un système de bien-être social et de soins de santé qui protège la dignité de la vie humaine et l'inviolabilité de la conscience?
En vous exhortant à demeurer en pleine communion avec le Saint-Père et avec vos évêques sur cette question fondamentale, je vous invite :
- À prier l'Esprit Saint d'éclairer et de persuader les cœurs et les consciences de nos députés fédéraux, provinciaux et territoriaux, de nos élus municipaux et des personnes engagées dans le milieu de la santé afin que la vie de toutes les personnes vulnérables soit protégée de la conception à la mort naturelle;
- À vous informer davantage sur l'impact moral et social néfaste que l'euthanasie et l'aide au suicide ne manqueront pas d'avoir sur la société et sur des vies individuelles;
- À faire part à vos représentants politiques de vos inquiétudes et de vos convictions touchant la nécessité des soins palliatifs et des soins à domicile, le besoin de stratégies locales et nationales de prévention du suicide, et le mal que constituent l'euthanasie et l'aide au suicide;
- À partager avec votre famille, vos amis, votre collectivité et vos collègues de travail les ressources préparées dans le cadre de la Campagne nationale en faveur des soins palliatifs et des soins à domicile : contre l'euthanasie et l'aide au suicide, Un amour qui donne vie (http://www.lifegivinglove.com/);
- À signer la Déclaration œcuménique et interreligieuse sur l'euthanasie et l'aide au suicide qui a reçu l'appui de chefs religieux catholiques, orthodoxes, protestants évangéliques, juifs et musulmans, et de plus de 13 000 autres Canadiennes et Canadiens :
(http://www.euthanasiadeclaration.ca/fr-declaration/).
Vivre en plénitude, c'est choisir de se montrer miséricordieux et attentif aux besoins des autres; de prier et de prendre soin des malades, des personnes qui souffrent et des mourants; et d'accompagner et de réconforter chacun de nos frères et chacune de nos sœurs jusqu'à ce que la mort nous sépare. En choisissant d'être les témoins et les collaborateurs de la miséricorde salutaire de Dieu, nous choisissons – comme nous l'a rappelé le pape François au début de ce Jubilé extraordinaire de la Miséricorde – de nous laisser régénérer, pour vaincre l'indifférence qui empêche la solidarité, et sortir de la fausse neutralité qui empêche le partage. La grâce du Christ, qui porte l'attente du salut à son accomplissement, nous pousse à devenir ses coopérateurs dans la construction d'un monde plus juste et fraternel, où chaque personne et chaque créature puisse vivre en paix, dans l'harmonie de la création originaire de Dieu. (Homélie pour la Solennité de la Très Sainte Mère de Dieu et la 49e Journée mondiale de la paix, le 1er janvier 2016)
Frères et sœurs, comme Adam et Ève à l'aube des temps, nous avons le choix de manger du fruit de l'arbre de vie ou de celui de la connaissance du bien et du mal, qui nous conduira certainement à la mort. Tout comme Moïse a placé les Hébreux sur le point d'entrer dans la Terre promise devant le choix crucial de décider de vivre en enfants du Dieu vivant, Celui qui est le seul Seigneur, nous aussi, sur le seuil d'un tel changement social, nous sommes appelés à opter pour la vie, la vérité, le bien et la vraie miséricorde. À nous de choisir.
Mgr Douglas Crosby, OMI
Évêque de Hamilton
Président de la Conférence des évêques catholiques du Canada
Le 8 février 2016
Source : cccb.ca