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Troisième partie

Légaliser l'assistance au suicide ?

 

Une réflexion autre proposée par certains membres du comité :

Au-delà des propositions concernant le processus de délibération collective et interdisciplinaire, les directives anticipées, et la pratique de la sédation en phase terminale qui réunissent l'ensemble du comité autour du texte adopté le 13 Juin 2013 par la majorité du CCNE, les membres du comité soussignés s'associent aux deux contributions qui suivent.
Yves AGID, Joëlle BELAÏSCH-ALLART, André COMTE-SPONVILLE, Patrick GAUDRAY, Jean-Pierre KAHANE, Alice RENE, Michel ROUX, Michel VAN PRAËT

Le choix de l'exception
Patrick Gaudray

La récurrence du débat sur la fin de vie illustre de manière claire le fait que nous sommes là dans l'indécidable d'un domaine où s'affrontent des valeurs tout aussi fondamentales les unes que les autres, où l'application de règles strictes ajoute bien souvent de la violence à la violence intime des derniers moments de l'existence, où la vulnérabilité représente la caractéristique commune et majeure, stigmate d'une fragilité individuelle et d'une force si tant est que la force de l'humanité tient au rassemblement de ces vulnérabilités individuelles.

En réponse aux trois questions dont l'a saisi M. le Président de la République, et au terme d'une réflexion collective et d'échanges, le CCNE a choisi de proposer un avis structuré en trois parties : (i) Origines du débat actuel sur la mort volontaire, qu'on pourrait percevoir comme un certain regard sur la société et la mort, (ii) Acquis et limites de la législation relative à la fin de vie : des améliorations s'imposent au plan de la loi et des politiques publiques, qui dresse un bilan de la législation en actes, et (iii) Légaliser l'assistance au suicide ? C'est-à-dire faut-il ou non changer la loi ?

Si les recommandations qui figurent dans la deuxième partie de l'avis (délibération collective et interdisciplinaire, directives anticipées, et pratique de la sédation en phase terminale) constituent un socle commun de toutes les réflexions du CCNE, la troisième, qui apporte la réflexion du comité en réponse aux deux dernières questions de M. le Président de la République, ouvre sur des opinions inconciliables à l'intérieur du CCNE comme dans l'ensemble de la société. N'en présenter qu'une conduirait le comité à s'éloigner de la démarche d'ouverture qu'il avait suivie en 2000, lors de l'élaboration de son avis N° 6343. Constatant que « si en situation concrète la décision d'arrêter une vie peut aux limites apparaître un acte acceptable, cet acte ne peut se prévaloir d'une évidence éthique claire.

Une telle décision ne peut et ne pourra jamais devenir une pratique comme une autre », le CCNE avait considéré que : « les deux positions en débat sont porteuses de valeurs fortes et méritent attention et respect. Le Comité dans son ensemble le reconnaît et le souligne.

Elles apparaissent toutefois inconciliables et leur opposition semble bien mener à une impasse. Faut-il s'y résigner et renoncer à avancer ? ».

Dans cet avis N° 63, le CCNE avait apporté une réflexion complexe et ouverte dont on a surtout retenu le concept d'exception d'euthanasie compris dans un contexte juridique. Le comité le justifiait en constatant qu'il « n'est jamais sain pour une société de vivre un décalage trop important entre les règles affirmées et la réalité vécue », en référence à la réalité de l'euthanasie clandestine et hypocrite, inégalitaire et anarchique.

Mais le CCNE soulignait, au-delà du juridique, que certaines situations échappent à la norme et devaient donc être perçues et traitées comme exceptionnelles44.

La nécessaire application de la loi instituant l'interdiction d'une « obstination déraisonnable », la reconnaissance et la prise en compte des droits et des choix du malade, ainsi que le renforcement des activités de soins palliatifs dans le projet médical des services, complétés utilement par la mise en oeuvre des propositions présentes dans la deuxième partie de l'avis majoritaire du comité, ainsi que par une réelle prise en compte et une mise en avant de la personne dite de confiance, constitue un ensemble cohérent qui ne doit pas être opposé à la possibilité d'une demande d'euthanasie.

Nous ne sommes pas là sur le même plan et nier cet état de fait conduirait à envisager cette dernière comme une alternative aux précédentes. Il n'en est rien.

Les soins palliatifs existent et se développent dans notre pays, même s'il reste d'expérience commune qu'ils y sont encore dans un état très déficitaire, ainsi, plus généralement, que l'accompagnement des personnes en fin de vie ou en situation d'impasse thérapeutique. Pour autant le recours à l'assistance au suicide ou à la mort provoquée ne peut se concevoir comme une alternative à leur mise en place.

Le choix d'une mort anticipée doit rester le choix de l'exception, et non le dernier recours devant l'absence de moyens de limiter la souffrance, qu'elle soit physique ou psychique. Plus encore, ce choix ne devrait être envisagé qu'au terme d'un parcours palliatif de qualité.

Pour exceptionnel qu'il resterait, ce choix ne devrait pas rester clandestin.

« Nous refusons de croire que, devant la maladie, la souffrance et la mort, il puisse y avoir un cadre rigide qui définirait ce qu'est la dignité, la liberté individuelle ou la responsabilité collective », affirme un document de l'Eglise protestante unie de France45. Le droit qu'il convient donc d'affirmer est, outre celui de ne pas avoir à souffrir, ni physiquement ni moralement, le droit à ne pas mourir dans l'indignité. Ce droit devrait même devenir un droit opposable.

Laisser seul un être humain devant son choix (exprimé, manifesté de manière claire et répétée) de mettre fin à ses jours, ne pas lui donner accès à une manière humaine et relativement « douce » de le faire, représente un abandon, une faille dans la solidarité, la fraternité énoncée dans la devise nationale. Il existe une frontière sémantique entre le suicide, assisté ou non, et l'euthanasie. Il est ainsi délicat de réaliser un amalgame entre ces deux actes à la faveur d'un subtil distinguo entre assistance au suicide et suicide assisté.

Dès qu'on se place dans le cas où une personne souhaite que soit mis fin à ses jours46, alors qu'elle est dans l'incapacité de le faire, on est devant le choix de la mort provoquée, de l'euthanasie, sans qu'aucun euphémisme puisse en alléger le poids. Ce poids n'est pas moindre dans le « laisser mourir » que dans le « faire mourir ».

43 CCNE, avis N° 63 : « Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie » (27 janvier 2000).

44 « Certaines situations peuvent être considérées comme extrêmes ou exceptionnelles, là où elles se présentent d'abord comme hors normes. La norme en effet tient ici dans la nécessité pour le soignant de soigner - quoi qu'il en soit - et, pour le patient, de vouloir (sur)vivre. Mais il se peut aussi que cette volonté non seulement fasse défaut, mais se présente, à l'inverse, comme volonté d'en finir et de mourir » (CCNE, avis N° 63).

45 Eglise protestante unie de France, Synode de Lyon 2013 : « A propos de la fin de la vie humaine »

46 Albert Camus débutait Le mythe de Sisyphe par ces mots : « Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux, c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie. ».

Source : CCNE