Deuxième partie
Acquis et limites de la législation relative à la fin de vie : des améliorations s’imposent au plan de la loi et des politiques publiques.
III- Des améliorations s'imposent donc
Le présent avis ne développera pas la question de la formation des professionnels de santé et de la recherche pluridisciplinaire sur la fin de vie ; sur ce point, il fait siennes les recommandations de la commission Sicard, rappelées en annexe 3. Il se réfère également, s'agissant des démarches et des réformes nécessaires pour rendre possible et souhaitable la fin de vie au domicile, au rapport de l'Observatoire national de la fin de vie pour 2012, intitulé « Finir sa vie chez soi ».
Trois séries d'améliorations semblent devoir être apportées : redéfinir les conditions d'une délibération interdisciplinaire collégiale ; repenser la vocation et la valeur des directives anticipées ; réévaluer la pratique de la sédation en phase terminale.
III-1- Passer d'une procédure collégiale à une délibération collective et interdisciplinaire.
Les textes réservent aujourd'hui ce qui est nommé « procédure collégiale » aux situations relatives aux patients « hors d'état d'exprimer leur volonté ». Certes, le champ de cette procédure collégiale a été élargi à la suite du rapport de la mission d'évaluation de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie de novembre 2008 20: le médecin doit s'y soumettre non seulement si lui-même envisage une décision de limitation ou d'arrêt d'un « traitement inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie de cette personne », mais aussi au vu des directives anticipées du patient, présentées par tout détenteur de celles-ci, ou à la demande de la personne de confiance, de la famille ou à défaut des proches.
Le CCNE estime que la collégialité doit être mobilisée plus largement encore et avec plus de rigueur pour toute décision qui engage la fin de vie. La manière dont elle est pensée et mise en œuvre, mais aussi les circonstances dans lesquelles elle joue doivent être précisées.
Cette « procédure collégiale » doit s'ouvrir systématiquement à la personne malade (avec l'attention et les précautions que peuvent exiger les particularismes culturels et psychologiques), même si l'expression de sa volonté est altérée du fait de sa condition, ou à défaut à sa personne de confiance, à sa famille 21 ou à ses proches.
Tout doit être mis en œuvre pour que la personne puisse décider ou, si elle ne le peut pas, puisse participer à la délibération.
La « procédure collégiale » doit ensuite évoluer dans le sens d'une plus grande exigence de rigueur. Plutôt que d'une procédure, il doit s'agir d'un processus de délibération collective entre personnes ayant des avis argumentés différents ; son but est d'éliminer, par le fait même de les exposer à autrui, les raisons d'agir qui seraient non pertinentes (fatigue de l'équipe, émotion envahissante, gestion du personnel, manque de moyens).
Cette délibération collective ne doit pas se limiter à un échange entre membres d'un collège de médecins. Elle doit être interdisciplinaire ou méta-disciplinaire. Une large place doit également être faite aux professionnels non médicaux concernés par la prise en charge de la personne.
En particulier, la nécessité d'une délibération collective doit pouvoir être décidée par les professionnels non médicaux concernés par la prise en charge de la personne.
A ce jour elle ne peut être décidée que par le médecin, de lui-même ou au vu des directives anticipées du patient, présentées par tout détenteur de celles-ci, ou à la demande de la personne de confiance, de la famille ou à défaut des proches.
Ce processus de délibération collective s'impose au-delà des situations dans lesquelles la personne n'est pas en état d'exprimer sa volonté : il est nécessaire avant toute décision de mise en œuvre d'une sédation et dans toute situation de grande incertitude, quels que soient le lieu et les conditions de la prise en charge de la fin de vie.
La mise en œuvre de cette délibération collective devrait enfin faire partie intégrante de l'évaluation des établissements de santé. Elle devrait être valorisée en tant qu'action « performante ».
20 Article 37 du code de déontologie médicale modifié. Article R. 4127-37du code de la santé publique. Décret du 29 janvier 2010 relatif aux conditions de mise en œuvre des décisions de limitation ou d'arrêt de traitement.
21 Une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en date du 11 mai 2013, relative à une situation de fin de vie au Centre hospitalier universitaire de Reims, pose à cet égard la question de la place et de la valeur des avis – éventuellement divergents – des différents membres de la famille et des diligences auxquelles doit se soumettre le médecin avant de prendre une décision.
Source : CCNE