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par Vivre dans la dignité, 10/02/2014

Jean Vanier. Balfour Mount, Marc Beauchamp, Geneviève Dechêne, Caroline Girouard, Michel Racicot et Nicolas Steenhout s'expriment sur les risques causés par le Projet de loi 52 qui vise à légaliser l'euthanasie, sous le nom "aide médicale à mourir".

Cette vidéo est aussi disponible en version plus courte: http://www.youtube.com/watch?v=HcVBAX...

Version intégrale – Face au Projet de loi 52, Jean Vanier et Balfour Mount lancent un appel à la conscience

Cette vidéo présente les témoignages de Jean Vanier et de Balfour Mount contre l'euthanasie et le Projet de loi 52, ainsi que ceux de Marc Beauchamp, Geneviève Dechêne, Caroline Girouard, Michel Racicot et Nicolas Steenhout.

Alors que les députés québécois s'apprêtent à voter d'ici quelques jours sur le Projet de loi 52, qui vise à légaliser l'euthanasie en l'appelant « aide médicale à mourir », les vrais experts en humanité lancent une sérieuse mise en garde : offrir et donner la mort intentionnellement à une personne en lui injectant un poison ne sera jamais un soin médical, mais une trahison très grave des malades et des personnes en fin de vie


Jean Vanier, fondateur de l'Arche – avec ses 150 communautés qui, dans 40 pays, accueillent les personnes vivant avec un handicap – dénonce clairement l'euthanasie comme un crime. Il fait appel à notre humanité pour refuser toute légalisation de l'euthanasie; il faut, soutient-il, réapprendre à accompagner les personnes vulnérables pour que notre société soit vraiment humaine.


Le docteur Balfour Mount, fondateur des soins palliatifs en Amérique du Nord et expert mondial dans l'accompagnement des personnes mourantes, qualifie de grave erreur une éventuelle légalisation de l'euthanasie. Il insiste : les soins palliatifs peuvent prendre en charge toutes les douleurs et souffrances du patient, tandis que la légalisation de l'euthanasie mettrait réellement en danger toutes les personnes affaiblies et vulnérables. La sécurité et la protection de tous les citoyens est primordiale, elle a toujours eu préséance sur le droit individuel en santé publique.


L'euthanasie est à nos portes, mais nous avons encore le pouvoir – par souci d'humanité – de lui interdire d'entrer.


Transcription - Version intégrale


Marc Beauchamp


Les députés qui vont voter dans quelques semaines pour adopter ou non le Projet de loi 52 vont probablement prendre la décision la plus lourde de toute leur carrière. Parce qu'au bout de leur décision, ils vont faire partie d'une chaîne qui va aboutir à des homicides.

Geneviève Dechêne


Je suis médecin de famille depuis 32 ans à Verdun, dans le sud-ouest de Montréal. Je fais des soins palliatifs à domicile depuis plus de 20 ans. Je refuse de voir la loi, le Projet de loi 52, je refuse ce projet de loi. Il m'indigne et il me surprend, puisqu'il reprend, en fait, en plus court l'essentiel de l'excellente politique de soins de fin de vie de 2004. Le ministère s'est déjà doté d'une superbe politique de 94 pages qui détaille très bien les services médicaux, infirmiers, et autres aux patients en fin de vie au Québec. Depuis 10 ans cette politique elle est signée, mais elle est tablettée, et les Québécois n'ont pas vu l'ombre d'un changement pour ce qui est de la première ligne en fin de vie. Et voilà qu'on propose une nouvelle loi qui répète pour les soins palliatifs ce qui a déjà été très bien fait. Je ne comprends pas pourquoi. Et qu'on y accole l'euthanasie.


Balfour Mount


Je suis reconnaissant de pouvoir contribuer à cette discussion cruciale. Je m'adresse à vous en tant que médecin qui a été au chevet de personnes mourantes à l'hôpital Royal Victoria de McGill pendant 40 ans. Mais je parle aussi en tant que patient atteint de cancer, ayant une trachéostomie, d'où ces bruits de respiration. Désolé pour cela.

Premièrement , tuer intentionnellement le patient n'a jamais été accepté comme un acte médical depuis l'époque d'Hippocrate, il y a 2400 ans. .
Deuxièmement, la légalisation de l'euthanasie met en danger les personnes les plus vulnérables parmi nous : les personnes âgées, les personnes handicapées, celles qui ne peuvent parler pour elles-mêmes, celles qui craignent d'être un fardeau pour leurs proches; les plus vulnérables sont mis en danger lorsque l'euthanasie est légalisée.

Nicolas Steenhout

À cause de ça, c'est facile de se décourager. Tout le monde se décourage un moment donné ou un autre, et on peut se décourager beaucoup. Et quand on devient découragé, on devient vulnérable. Moi, de ma propre expérience, je sais qu'il y a cinq ans, si on m'avait dit « écoute, l'euthanasie est disponible », je l'aurais probablement fait.


Jean Vanier

Depuis 50 ans maintenant, je vis avec des gens très faibles, fragiles, avec des handicaps parfois très sérieux. Certains ne peuvent pas marcher ni parler. Et je crois que je peux dire que ce sont des personnes qui nous apprennent ce que c'est aimer. Que la vie est quelque chose de précieux. Et dans ma communauté depuis de longues années, vous pouvez vous imaginer, il y a beaucoup de gens qui sont morts. Nous voulons les accompagner, être avec eux jusqu'à la dernière minute. Nous sommes par le fait même... Pas question de l'euthanasie. C'est comme une sorte de forme de blessure, de crime.



Balfour Mount

Troisièmement, ce n'est pas nécessaire car nous sommes en mesure de contrôler la douleur, et grâce aux soins palliatifs et à une équipe qualifiée, nous sommes capables de minimiser la souffrance physique, psychologique, sociale, spirituelle, et existentielle. Et s'il y a une exception, la sédation palliative est légale, elle fait partie des soins palliatifs, ça ne nécessite aucun changement législatif.

Caroline Girouard

Si, dès le diagnostic, ou au fil de la maladie métastatique, on introduit l'option de mort sur demande, ces patients-là qui ont eu initialement l'idée de s'enlever la vie, ou de vouloir qu'on leur enlève la vie, ces patients-là ne vont pas revenir à la clinique externe. Ces patients-là n'auront pas la chance de rencontrer l'équipe des soins palliatifs, n'auront pas la possibilité de changer d'idée parce qu'ils auront trouvé la mort plus tôt. Je suis inquiète pour mes patients.


Balfour Mount

Et quatrièmement, il y a toute la question de notre désir de contrôle -- l'idée qu'au moins je pourrais contrôler quand je mourrai, et le sentiment que ceci réduirait mon anxiété, parce que l'inconnu augmente l'anxiété qui inhibe nos mécanismes d'adaptation. Alors je me sentirais plus en contrôle. Je tiens à souligner, qu'au fil du temps, il y a eu un consensus général quant au fait que les droits de la société l'emportent sur les droits de l'individu. Ainsi, quand un individu est atteint d'une maladie contagieuse, il est mis en quarantaine parce que les droits de la société l'emportent sur les droits de l'individu. Il en est de même avec ceci (l'euthanasie et la protection nécessaire des personnes vulnérables) Je crois que ce serait une erreur catastrophique de légaliser l'euthanasie au Québec, et au Canada.


Geneviève Dechêne

Je trouve indécent que l'on propose aux patients en fin de vie québécois de les tuer au lieu de les soigner. Je demande aux députés qui vont voter sur cette loi, je vous demande de voter en faveur des soins aux patients en fin de vie, et non pas de l'euthanasie. Le fait de tuer un patient qui va mourir n'est pas un soin. C'est un meurtre.


Caroline Girouard

Comme médecin, je refuse de participer de quelque façon que ce soit en proposant ou en donnant la mort à un seul de ces malades.


Jean Vanier

Et surtout, il s'agit à tout prix d'éviter des législations pour tuer des gens, finalement des législations de l'euthanasie. Mais pour cela, il faut que notre société change. Qu'on découvre davantage l'accompagnement de la faiblesse. Être avec les faibles, pour découvrir qu'une société n'est humaine, vraiment humaine que si les plus faibles ont leur place. Et les plus faibles, oui, sont ceux qui ont un handicap sérieux, mais c'est aussi tous ceux qui cheminent vers la fin de leur vie dans une forme naturelle.

Michel Racicot

Un suicide est une tragédie, et pourtant, il y a environ 1000 suicides par année au Québec. « Tu es important pour nous. Le suicide n'est pas une option », voilà le message que nous livre le gouvernement du Québec dans sa campagne contre le suicide. Mais les messages qui nous sont livrés sont contradictoires.

Le rapport Ménard, rédigé pour mettre en œuvre les recommandations pour l'adoption de l'aide médicale à mourir, nous le dit bien : « L'intérêt de l'État à préserver la vie diminue en fin de vie... » Voilà le vrai message aux aînés. Voilà le vrai message aux personnes souffrantes : « Tu ne nous profites plus. Tu nous coûtes cher. Alors on va t'aider à partir. »


Marc Beauchamp

On veut empêcher les députés de faire cette erreur-là. Laissez les soins palliatifs se construire comme il faut. Laissez la médecine vraiment traiter les gens. Et arrêtons d'appeler « soin médical » ce qui est en fait une injection pour tuer quelqu'un. Les Québécois méritent vraiment plus que de se faire proposer par leur gouvernement qu'on leur fournisse un médecin pour les tuer. Les Québécois méritent toute la protection, ils méritent vraiment d'être protégés jusqu'à la fin de leur vie, même s'ils sont très âgés, même s'ils sont très malades. Parce que chaque personne est importante au Québec. Jusqu'à la fin de sa vie.