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extraits de : Fin de vie: aider au suicide est une redoutable régression éthique et Euthanasie: «sédation qui tue» est un oxymore, par le
Docteur François Goldwasser, cancérologue

(...) Toutes les questions inhérentes à la détresse, à la vulnérabilité sont intimement liées à celles de la solidarité. Que voyons-nous? Ce rapport est remis au président de la République en pleine crise économique. Au même moment, le gouvernement annonce que l'augmentation du salaire horaire minimum ne pourra être que de trois centimes. L'argent manque dans les hôpitaux publics qui doivent impérativement réduire leurs déficits. Et on nous explique déjà que l'année qui vient sera pire que celle qui s'achève.

Nous assistons au même moment à deux phénomènes. D'une part une rétraction des solidarités. De l'autre à ce qui est présenté comme une avancée et qui consiste en une autorisation donnée d'achever les mourants. Jusqu'où faudra-t-il être aveugle pour ne pas faire le lien? Moins de moyens en aides-soignants et en infirmières, moins de remboursements de soins dits «de confort» c'est nécessairement davantage de demandes désespérées.

La France sera donc le premier pays au monde à proposer d'autoriser dans sa loi le corps soignant à accélérer la fin de vie de personnes les plus fragiles dans un contexte de crise économique. On peut le redouter. (...)

Prêter attention au contexte dans lequel s'inscrit cette question

Avant d'accepter la demande de mort d'une personne, il faut pouvoir distinguer un désespoir induit par l'environnement et une position librement assumée. Afin d'être sûr que le désespoir d'une personne est réellement irréductible, n'est-il pas prudent de commencer par offrir le B.A-ba de la solidarité? Des gardes malades pour que les patients puissent rester au domicile s'ils le souhaitent, des couches gratuites pour les incontinents urinaires (une couche trois fois par jour pendant 1 mois revient à 75 euros), un devoir opposable d'accès à un lit en chambre seule pour les personnes en fin de vie qui se présentent aux urgences...

Ce n'est pas difficile, c'est peu coûteux, curieusement, personne ne se bat pour cela. Que signifie cet acharnement à vouloir accélérer le décès des plus faibles avant d'avoir épuisé les ressources élémentaires de la solidarité à leur égard?

En 2013, les patients en fin de vie qui se présenteront dans un établissement de santé devront donc compter avec:

- Une diminution des moyens de prise en charge du confort, une diminution du nombre de lits par établissement, une diminution d'aides-soignantes et d'infirmières par lit.
- La possible rencontre avec un médecin qui jugerait que sa situation n'est pas digne d'être vécue, du moins dans son service, et s'autoriserait, conforté par la loi, à faire une sédation terminale sans l'expliquer à l'équipe soignante du fait de l'ambiguïté des mots «sédation terminale» à l'insu du patient et de sa famille.
- La possibilité d'exprimer si cela leur est insupportable qu'ils peuvent demander à en finir. Dans ce cas, le malade jusqu'à lors négligé deviendra une urgence éthique. Qui oserait ne pas répondre à son désespoir alors que la loi le permet? Le risque pour les patients qu'amplifiera la loi ne sera pas de ne pas avoir accès à une mort douce, mais d'y avoir accès sans l'avoir demandé.

Mieux rembourser ce qui doit l'être, garantir les conditions d'accueil et d'accompagnement, et restreindre le pouvoir médical, qui souvent devient de l'abus de pouvoir, former les médecins à l'éthique et aux soins palliatifs, est une démarche préalable qui ferait honneur à notre pays. Le refus d'examiner ce contexte témoigne d'une démarche égoïste et individualiste, totalement indifférente aux conséquences pour les plus fragiles et en particulier les plus pauvres. Une telle loi hypervaloriserait l'individualisme aux dépens de la conscience collective, de la solidarité, bref, de ce qui fait que nous avons un avenir commun.

Source : slate.fr