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Euthanasie : la Belgique vers le “meilleur des mondes” ?

par Valérie Hendrikx et Stéphane Rixhon, 23/09/2014

 

Personnes déprimées, en début d’Alzheimer, insatisfaites par leur opération de changement de sexe ou jumeaux aveugles : la “souffrance psychologique” ouvre grande la porte pour une euthanasie. Une opinion de Valérie Hendrikx et Stéphane Rixhon (*)

Frank Van Den Bleeken. Nous espérons que ce nom reste dans les mémoires comme porte-étendard d’une évolution inquiétante de notre société.

Ce détenu condamné à la réclusion pour viol et meurtre souffre de graves troubles psychiatriques. Il demande son transfert aux Pays-Bas pour recevoir des soins mais cela lui est refusé; en désespoir de cause, il veut être euthanasié.

Les autorités ont refusé son transfert mais accepté qu’il soit euthanasié. Si nous ne connaissons pas les détails du dossier, une telle situation ne peut toutefois que préoccuper les citoyens que nous sommes. En 2002, la Belgique devenait l’un des premiers pays à autoriser l’euthanasie dans des conditions strictes (1). Il est délicat – et ce n’est pas notre propos – de poser un jugement moral sur le choix d’adultes responsables confrontés à la situation inextricable de leur propre mort. Il est également difficile de contester le courage d’un législateur souhaitant encadrer cette pratique.

Notre conscience citoyenne (2) se heurte cependant aux suites réservées à la loi de 2002. Le texte permet au patient “qui se trouve dans une situation médicale sans issue et qui fait état d’une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable”, de demander à un médecin de lui permettre de partir. La presse s’est fait le relais d’euthanasies effectuées dans les règles mais dont on peut se demander dans quelle mesure elles relèvent du texte légal. Ce fut le cas de personnes déprimées, de patients atteints des commencements d’Alzheimer, de jumeaux aveugles, de personnes insatisfaites par leur opération de changement de sexe…

Comment expliquer cette situation dont M. Van Den Bleeken ne sera sans doute qu’un acteur parmi d’autres, puisqu’une quinzaine de détenus ont demandé à le suivre dans sa procédure ? Une loi doit en principe être interprétée par un juge. Quand ce dernier fait entrer des situations particulières dans un concept utilisé par le texte légal, les juristes disent qu’il “qualifie” la situation. Dans la loi sur l’euthanasie, il revient par contre depuis douze ans au médecin de qualifier les faits, sans contrôle du juge a priori, ce qui a été critiqué par le Comité des droits de l’homme de l’Onu (3). L’absence de contrôle préalable est d’autant plus dommageable que la loi laisse une grande marge de manœuvre aux médecins par le biais de la “ souffrance psychologique”. Après avoir pratiqué l’euthanasie, le docteur communique le dossier à une commission qui décide a posteriori de renvoyer le dossier au ministère public si une infraction a été commise. Très bonne application de la loi par les médecins ? Conflit d’intérêts (comme rapporté dans la presse) ? Ou simple constat que, lorsque la personne est décédée, il n’y a plus grand-chose à faire ? En tout cas, la commission n’a renvoyé absolument aucun dossier au parquet depuis 2002 (4).

Alors qu’il était souhaitable de renforcer les contrôles, c’est l’inverse qui s’est produit. La Belgique peut maintenant affirmer qu’elle est le premier pays au monde à avoir légalisé l’euthanasie des enfants sans la moindre limite d’âge (5). Réforme passée dans l’indifférence presque générale.

Le droit fondamental au respect de la vie est l’une des valeurs les plus importantes proclamées par la Convention européenne des droits de l’homme. Il est loin d’être certain que la loi, telle qu’appliquée aujourd’hui, soit conforme à la Convention (6).

La Belgique est-elle en route vers “Le Meilleur des mondes” ? L’œuvre d’Aldous Huxley (7) dépeint un enfer doux, où les individus sont totalement atomisés, réduits à leur condition utilitaire d’homme-outil, passionnés par leur activité sexuelle intense et les films ridicules qu’ils avalent après leur journée de travail. Il n’y a plus ni vieillesse ni handicap : les individus meurent quand ils sont inutiles.

Dans une société qui souffre d’un manque de compassion envers les plus faibles, qui a perdu ses dieux, qui voit le monde et l’être humain avant tout par le prisme de l’utilitarisme libéral (le terme en vogue d’ employabilité est, à cet égard, éloquent), l’accroissement du nombre d’euthanasies sans contrôle sérieux nous glace le sang. Et cela d’autant plus que le mécanisme qui devait permettre aux personnes désireuses d’opter pour une “bonne mort” tend de plus en plus à évoluer vers un moyen banal de se débarrasser des plus faibles et des inutiles.

Certes, on nous objectera que le sacro-saint consentement de la personne a été donné, mais que reste-t-il de celui-ci lorsque l’euthanasié était un vieillard qui avait l’impression de coûter cher à sa famille et d’être inutile à la société (8)? Que reste-t-il du consentement d’un détenu malade mental pour qui la politique carcérale n’est non seulement pas à même de proposer le moindre projet de réinsertion, mais encore de ne même pas lui fournir un traitement ad hoc ? Enfin, que reste-t-il du contrôle, lorsque le détenu a fait la tournée des médecins afin d’en trouver un qui soit d’accord de pratiquer l’euthanasie après une lecture personnelle de la loi ?

Nous espérons que cette situation fera réagir le monde politique, le monde associatif, mais d’abord chaque citoyen. L’euthanasie ne peut pas devenir une solution de complaisance au désenchantement du monde, elle ne peut pas fonder non plus une politique carcérale. Il faut la remettre à sa place : l’extrême limite de la fin de vie, et en assurer le contrôle effectif a priori par un juge. Nous croyons en la valeur inconditionnelle de la vie humaine, mais aussi au caractère non négociable des obligations morales et éthiques de la société dans son ensemble envers nos frères humains.

(*) L’auteur parle en son nom personnel et n’entend engager son institution d’aucune manière.

(1) Loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie, publiée au “Moniteur belge” le 22 juin 2002.

(2) Les auteurs n’appartiennent à aucune communauté religieuse, d’aucune sorte.

(3) Human Rights Committee, 15/07/09.

(4) Cela ressort des 6 rapports de la Commission consultables sur http://www.health.belgium.be.

(5) La loi des Pays-Bas limite l’euthanasie aux jeunes de plus de 12 ans.

(6) Conseil de l’Europe, “Protéger les droits humains et la dignité de la personne en tenant compte des souhaits précédemment exprimés par les patients”, Résolution 1859 (2012).

(7) “ Le meilleur des mondes”, 1932.

(8) Une telle situation a été aperçue en Allemagne où des personnes âgées quittaient les Pays-Bas par crainte d’être soumises à une euthanasie proposée par la famille et accordée par le médecin : J. Leonetti, “Rapport d’information Solidaires devant la fin de vie”, Assemblée nationale, 12/2008.

Valérie Hendrikx et Stéphane Rixhon (*)

Respectivement ancienne aspirante FNRS, master en langues et littératures classiques, master en gestion et sciences du travail, étudiante en droit&chercheur en droit à l’Université de Liège et avocat (en octobre 2014).

Source : lalibre.be