Pourquoi les pentes glissantes de l’euthanasie ne peuvent être évitées
par Margaret Somerville, 05/03/2014, MarcatorNet, traduction par Campagne Québec-Vie
Madame Margaret Somerville est un éminente éthicienne, ayant fondé le Centre de médecine, d'éthique et de droit de l'université Mc Gill à Montréal. Elle nous met en garde contre les dérives inévitables que la légalisation de l’euthanasie entraînera, mettant en danger les personnes les plus vulnérables de notre société. Nous devons l’écouter !
(…) Les pentes glissantes, logiques et pratiques, de l’euthanasie sont inévitables et inéluctables, parce que ces conséquences sont intégrées dans l'acte de légalisation par l’intermédiaire de sa justification d'infliger la mort. Une fois que nous avons traversé la frontière claire de l’interdiction de tuer intentionnellement une autre personne, il n'y a pas de point d'arrêt logique.
Je m'explique.
Lorsque l'euthanasie est légalisée pour la première fois, d'habitude la justification nécessaire et suffisante pour ouvrir une brèche dans cette frontière, est une justification conjuguée, composée du respect de l'autonomie individuelle et du soulagement de la souffrance. Mais à mesure que les gens et les médecins s’habituent à l'euthanasie, ils se demandent : « Pourquoi pas juste le soulagement de la souffrance ou le respect de l'autonomie seulement? », et ces arguments deviennent des justifications alternatives.
Or, isolée, la justification du soulagement de la souffrance permet l'euthanasie de personnes incapables de donner leur consentement. Les défenseurs de l’euthanasie soutiennent en effet que permettre l'euthanasie, c’est faire du bien à des personnes souffrantes mentalement compétentes; par conséquent, il est injuste d’en refuser l’accès aux personnes souffrantes mentalement incompétentes, incapables de consentement, car c’est de la discrimination basée sur le handicap mental. Donc, les personnes souffrantes atteintes de démence, les bébés ou les enfants nés handicapés devraient avoir accès à l'euthanasie, comme nous venons de le voir légalement autorisé en Belgique.
Et si chacun possède sa propre vie et que personne d'autre n'a le droit de se mêler des décisions de chacun à cet égard, ainsi que les défenseurs pro-euthanasie le prétendent aussi, alors le respect de l'autonomie de la personne est une justification suffisante pour l'euthanasie. Autrement dit, la personne n’a pas besoin de souffrir pour y avoir accès, d'où la proposition des Pays-Bas que l'euthanasie soit disponible pour les « plus de 70 ans qui sont fatigués de la vie.»
Et une fois que la justification initiale de l'euthanasie est élargie, pourquoi ne pas permettre d'autres justifications, par exemple, la réduction du coût des soins de santé, en particulier en présence d’un vieillissement de la population? Jusqu'à très récemment, il s'agissait d'une question taboue. Maintenant, elle est évoquée à propos de l'euthanasie. C'est anecdotique, mais un étudiant en dernière année de médecine, dans une classe où j'enseignais, s’est mis très en colère parce que je rejetais son allégation —insistante — que la légalisation de l'euthanasie est essentielle pour réduire le coût des soins de santé d'une population vieillissante.
La pente glissante pratique est inévitable parce que la familiarité avec l’acte d’infliger la mort nous fait perdre de vue l’énormité de ce que l'euthanasie implique : tuer un autre être humain. La même chose est vraie si l’on fait de l'euthanasie un acte médical.
En résumé, la familiarité avec l’acte d’infliger la mort et la transformation de l'euthanasie en un acte médical rendent toutes deux beaucoup plus probables, et même, je crois, inévitables, leurs prolongements logiques et leurs abus. Cela signifie que nous devons nous tenir fermement derrière la frontière claire qui établit l’interdiction de nous tuer intentionnellement les uns les autres, en rejetant la légalisation de l’euthanasie.
Source : Campagne Québec Vie