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par Béatrice Stella, Atlantico, 05/10/2012 (extraits)

Le dernier sondage d'opinion sur l'euthanasie que vient de présenter l'IFOP et le magazine Pèlerin a été l'occasion de voir titrer la presse : « Euthanasie, 86 % des Français favorables à une légalisation ».

Mais une aussi petite phrase ne suffit pas à donner suffisamment de renseignements au lecteur pour l'informer avec rigueur de toutes les données d'une question qui est tout, sauf simplifiable avec des raccourcis. La vérité est dans les détails ! Si l'on se penche sur les données précises du sondage, forts des informations que nous avons accumulées ces derniers mois au fil des débats, on lit une toute autre histoire.

Nous savons en effet que la connaissance de ce que permet ou non la Loi Leonetti en France est totalement insuffisante dans la population française. Autant dire que les réponses aux questions posées n'ont pas la pertinence qu'on veut bien leur donner.

Les réponses apportées à certaines questions confirment d'ailleurs cette sous-information de la population française, à tel point qu'il faut se demander s'il est tellement intéressant de continuer à jaser sur les résultats de sondages dont les résultats sont faussés et s'il ne serait pas utile d'enfin faire en sorte d'interroger des gens qui sont au courant des données du problème ! Sauf à vouloir absolument forcer les Français à approuver quelque-chose qu'ils ne veulent pas au fond... C'est un peu comme faire signer une personne qui ne sait pas lire ni écrire d'une croix en bas de la page d'un contrat en lui racontant ce qu'on veut sur son contenu. L'important, c'est qu'il signe. L'important, c'est que le Français signe pour l'euthanasie.

L'analyse précise des questions / réponses du sondage permet de constater que si 86 % des sondés déclarent être favorables (35 %) et plutôt favorables – notez l'hésitation - (51 %) à l'euthanasie, 40 % d'entre eux le sont parce qu'ils considèrent que cela permettra d'éviter les souffrances inutiles.

Ce chiffre est à rapprocher d'un autre. En effet, dans la même étude, on a commencé à demander aux sondés s'ils avaient déjà accompagné un proche qui était en fin de vie jusqu'à la mort. Parmi ceux qui avaient répondu oui, plus de la moitié déplorent que les souffrances n'ont pas été suffisamment soulagées ou encore pire, que ce proche ait subi des traitements qui l'ont fait souffrir inutilement !

Plus que la « dignité » ou que la « liberté de décider quand on part », la question de la souffrance est cruciale dans l'opinion des Français.

Nous savons aussi que les soins palliatifs, qui sont des unités de soins particulièrement efficaces pour accompagner la fin de vie des malades en éradiquant ou diminuant considérablement l'impact des douleurs du malade, ces unités sont dramatiquement rares en France : 5 régions concentrent les 2/3 de ces unités et 70 % des lits.

Ainsi, celui qui a répondu à l'enquête a statistiquement eu un proche en fin de vie qui n'a pas pu bénéficier de ces fameux soins palliatifs. Sa réponse en est forcément impactée.

D'autre part, une question est à nouveau révélatrice de l'ignorance des Français : à la question « Estimez-vous qu'en France, la loi actuelle sur la fin de vie permet d'éviter toute forme d'acharnement thérapeutique ? » 75 % répondent : non ou ne sait pas ! Alors que l'acharnement thérapeutique est illégal en France ! (...)

En France, le traitement de la souffrance est encore récent. Nombre de médecins actuellement encore en exercice font partie des générations qui ont été insuffisamment sensibilisées sur ce sujet pendant leur formation. Lorsque vous n'êtes pas dans les régions « en pointe », les fameuses cinq régions, vous avez peur que la souffrance soit considérée comme secondaire. Alors que c'est elle qui fait plus peur que tout.

(...) Heureusement, la souffrance vécue apprend aussi que la peur de la souffrance est pire encore que la souffrance elle-même. : elle se transforme en peur de la vie. Or supprimer ou diminuer très fortement la souffrance est toujours possible. La mort n'est pas la solution. Les services de soins palliatifs sont là pour ça, il faut juste la volonté politique pour en multiplier le nombre.

On nous annonce que des pistes sont maintenant explorées par la commission d'études sur l'euthanasie lancée par le gouvernement (une de ces nombreuses commissions d'études que notre gouvernement s'applique à lancer) : avec des fichiers de dernières volontés préventives, par exemple en cas de maladie d'Alzheimer, volontés valables 3 ans renouvelables (on se croirait chez Darty !) et tout un arsenal de dispositifs sensés cadrer une loi incontrôlable pourtant. Les dérives observées dans les rares pays d'Europe ayant franchi le pas de la légalisation n'ont pas l'air d'inquiéter beaucoup de monde dans les commissions qui réfléchissent. Il y a pourtant de quoi.

Les Français d'ailleurs sont plutôt moins naïfs : en effet, si parmi ceux qui sont plus ou moins favorables à l'euthanasie, 40 % le font bien logiquement parce que « en voulant maintenir en vie certaines personnes très gravement malades, on leur inflige parfois des souffrances inutiles », on observe que parmi les sondés qui s'opposent à l'euthanasie, 41 % le font « parce qu'ils redoutent « le risque de dérives qui est réel : pression des proches, tentation de faire des économies pour la sécurité sociale » !

Source : Atlantico