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Titinga Frédéric Pacéré
Propos sur l'euthanasie
(Extraits)

L'homme n'est-il qu'un corps physique ? Pour l'auteur, c'est la question posée par l'euthanasie.

Propos recueillis par Arlette Badolo, Noël Pierre W. Scian, Alex Bimbiri

Sahel Sciences : L'euthanasie existe-t-elle dans le cadre africain, et particulièrement, a-t-on déjà connu des cas d'euthanasie au Burkina Faso ?

Me T.F.P. : Je n'ai pas connaissance de cas d'euthanasie dans toute l'histoire de l'Afrique, du moins de l'Afrique Noire, et particulièrement au Burkina Faso. (...) L'Africain a un devoir d'assistance vis-à-vis de son semblable, même gravement malade, souffrant et défiguré, physiquement ou moralement par la souffrance. On constatera par exemple que, dans notre milieu traditionnel, les fous et les personnes handicapées, quelle que soit leur déformation, sont protégés.(...)

S.S. : Maître, de nos jours, particulièrement pour le Burkina Faso, est-ce que le problème de l'euthanasie est posé dans la loi ou dans la pratique judiciaire ?

Me T.F.P. : Je ne crois pas qu'en Afrique, surtout au Burkina Faso, le problème de l'euthanasie se trouve posé, la vie étant trop sacrée pour ce continent pour qu'on puisse penser à l'abréger d'une manière ou d'une autre. Du point de vue de la législation, pour le Burkina Faso, je ne connais pas de dispositions expresses en la matière ; l'article 362 du code pénal, (Loi 43/96 ADP du 13 novembre 1996 portant code pénal), édicte, par exemple, que si des violences sont exercées ou des privations « sont pratiquées avec l'intention de provoquer la mort, les auteurs sont punis comme coupables d'assassinat », et l'assassinat est puni de la peine de mort. Ainsi, priver quelqu'un de subsistance, d'assistance, de soins, avec une intention de provoquer la mort est un crime puni par la peine de mort. Même en matière de suicide, aider quelqu'un à se suicider est une infraction. Face à cela, le code édicte en l'article 352 que « Est puni d'un emprisonnement, quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril, l'assistance que, sans risque pour lui ou pour le tiers, il pouvait lui porter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ». Cela donc signifie qu'au Burkina Faso, loin d'aider quelqu'un à mourir, on est plutôt obligé à l'aider à survivre.

S.S. : Maître, que peut-on dire des religions et des croyances, face à l'euthanasie ?

Me T.F.P. : Il y a lieu tout d'abord de souligner, concernant les trois religions du Livre (islam, christianisme et judaïsme), que pour elles, la vie de l'homme provient de Dieu. En ce sens, l'homme n'a pas un libre arbitre pour disposer lui-même de sa vie. Pour les chrétiens et les juifs, l'homme est créé à l'image de Dieu, c'est-à-dire que sa vie est sacrée, mais surtout que cette vie ne peut diminuer ni s'altérer en matière de dignité ou même d'incapacité. Sur les religions révélées et concernant l'Islam, l'homme est la créature qui porte l'empreinte divine et représente cette puissance divine sur la terre ; l'euthanasie active, (acte volontaire commis par un tiers à la demande du malade), est donc interdite dans les principes du Coran (Shar'an). C'est un meurtre, même sur la demande du patient qui souffre. Le médecin ne peut pas mieux connaître et aimer l'homme qui souffre plus que Dieu et son œuvre divine. Au regard du bouddhisme, on constatera que certains maîtres ne s'opposent pas à l'euthanasie passive, mais le 14ème Dalaï Lama, (l'actuel), est formellement contre l'euthanasie active.

S.S. : Maître, pouvez-vous nous citer des dossiers dans lesquels ce drame de l'euthanasie s'est posé ?

Me T.F.P. : Le problème s'est beaucoup posé en Occident, en particulier en Europe, en raison des situations d'extrême complexité et de prises de positions publiques, ouvertes dans l'opinion. On notera que la Cour européenne des droits de l'homme est très réticente à l'égard de l'euthanasie. L'euthanasie pose une problématique, peut-être la plus grave de l'homme en regard de la vie et donc aussi, de la mort. L'homme, sans connaître l'origine dans toute sa maîtrise, la raison, le fondement exact de sa vie et de la vie tout court, sans connaître exactement la raison en ce sens de l'Architecte de cette vie et son implication de mort, de précarité en regard de cette vie, l'homme, dans ce contexte et ces contextes, peut-il mettre un terme à cette vie, souvent la sienne, souvent celle des autres qu'il n'a pas façonnée ? L'homme, souvent appelé pour soigner et donc, guérir, vis-à-vis des autres, peut-il être l'artisan de la suppression de la vie de ces autres ? C'est tout cela la problématique que pose l'euthanasie. Vouloir trancher dans l'affirmative, c'est vouloir ramener l'homme à son exclusif corps physique, dans le corps physique de l'univers, à le détacher de son origine quelque peu immanente qui le lie depuis la nuit des temps, à la mort, trame mystique qu'aucune science, de manière univoque et indiscutée à ce jour, n'a pu encore expliciter.

Titinga Frédéric Pacéré. «Propos sur l'euthanasie». Revue Quart Monde, N°220 - Le corps : source de honte ou chance de liberté ? Année 2011 Revue Quart Monde

Quelques mots à propos de Titinga Frédéric Pacéré : Avocat, bâtonnier de l'Ordre, avocat au Tribunal pénal international pour le Rwanda (Arusha), membre de l'Académie française des sciences d'outre-mer, membre titulaire de l'Académie Centrale Européenne, Maître Titinga Frédéric Pacere, auteur de nombreux ouvrages, est aussi membre du Comité international pour le 17 octobre, Journée internationale de lutte contre la misère.

Source : Revue Quart Monde