Canada : mises en garde sur l’extension de la loi euthanasie
par Institut Européen de Bioéthique, 20/12/2018
A peine deux ans et demi après la légalisation de l’euthanasie, le Canada envisage déjà d’en élargir l’accès aux mineurs dits « matures », aux personnes atteintes de troubles mentaux, et d’autoriser les demandes anticipées d’euthanasie. Trois rapports du Conseil des Académies Canadiennes (CAC), un organisme de conseil du gouvernement, viennent d’être publiés et pointent les éléments en faveur et en défaveur de ces éventuels élargissements. Les experts se sont montrés fortement divisés sur ces questions qu’ils qualifient de complexes et conflictuelles. De plus, ils se sont heurtés à d’importantes lacunes dans la connaissance de ces trois réalités, qui limitent leur étude.
En se posant la question de l’élargissement de l’euthanasie aux mineurs « matures » (compris comme adolescents capables de prendre des décisions éclairées en matière de soins de santé), le CAC soulève des préoccupations concernant la vulnérabilité de ce groupe (plus sensible aux pressions financières ou émotionnelles de leur famille), l’incertitude quant à leur capacité à fournir un consentement éclairé sur leur euthanasie, et surtout les nombreuses lacunes dans la connaissance de ces réalités étant donné le peu d’expérience en la matière, même au niveau international (16 euthanasies de mineurs répertoriées en Belgique et aux Pays-Bas, de surcroit très peu documentées). De plus, le CAC n’a relevé aucun témoignage ou demande d’euthanasie de la part d’un mineur malade au Canada.
Le CAC s’est ensuite penché sur la question des demandes anticipées d’euthanasie, actuellement sans effet au Canada, car la loi exige le consentement exprès du patient immédiatement avant de provoquer sa mort. Il s’est inquiété du principal risque posé par les demandes anticipées d’euthanasie, à savoir qu’une personne soit euthanasiée contre sa volonté, à cause de pressions systémiques et sociétales comme la disponibilité de soins, la stigmatisation de la perte de capacité décisionnelle ou des hypothèses biaisées sur la qualité de vie. Il a envisagé plusieurs scénarios, constatant qu’ils comportent tous un certain degré d’incertitude.
Enfin, sur la question de l’élargissement de l’euthanasie lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué, le CAC pointe le désaccord des cliniciens sur le caractère incurable des troubles mentaux, condition actuelle pour l’euthanasie au Canada. Il met en garde contre cette extension aux personnes dont le désir pathologique de mourir est un symptôme de leur trouble mental, qui interfère avec la prise de décision. En ce sens, il relève qu’en Belgique et aux Pays-Bas, le plus grand nombre de demandes d’euthanasie en contexte psychiatrique provient de patients souffrant de dépression. De plus, cet élargissement renforcerait l’idée selon laquelle la vie de personnes atteintes de troubles mentaux est intolérable et ne vaut pas la peine d’être vécue. Le CAC a finalement souligné l’insuffisance de l’accès aux soins de santé mentale au Canada et le risque que certaines personnes puissent demander l’euthanasie parce qu’elles n’ont pas accès à d’autres traitements de santé mentale susceptible de réduire leurs souffrances – ou parce qu’elles ne peuvent pas se les payer.
Il est intéressant de voir que bon nombre des caveat émis par les groupes de travail sont semblables aux préoccupations que suscite la pratique de l’euthanasie au Canada selon la loi actuelle.
Source : ieb-eib.org