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Troisième partie

Légaliser l'assistance au suicide ?

 

II- Questions posées par l'assistance au suicide

Le principe même de cette modification majeure de la législation, évoquée dans la saisine du Président de la République, doit être abordé en premier, la question de la légitimité de l'acte d'assistance au suicide ne dépendant pas ou pas principalement de la nature des conditions dont on peut l'entourer.

II-1-La non-assistance à personne en danger

Si la mort peut être souhaitée par une personne, notre société a d'abord le devoir de tendre la main à ceux de ses citoyens qui ont besoin qu'on les aide à vivre, à surmonter une perte d'espoir et elle a toujours aspiré à mieux le faire. La notion d'assistance au suicide heurte donc a priori, dans la mesure où elle paraît signifier qu'à rebours de notre détermination à répondre à l'appel de ceux qui veulent attenter à leurs jours, l'on puisse regarder le suicide comme une solution acceptable.

Cette conception est traduite dans le droit pénal par l'infraction de non-assistance à personne en danger33. L'omission de porter secours à une personne en péril, y compris dans le cas où c'est elle-même qui est l'origine de ce péril, peut être punie de peines très lourdes, allant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement.

Certains, toutefois, posent la question suivante : au nom de quel principe imposerait-on à une personne atteinte de maladie grave et incurable évoluée, de continuer un chemin qu'elle ne veut pas suivre ? Ne pas empêcher une personne atteinte d'une telle maladie d'attenter à sa propre vie est, dans cette conception, non pas une forme de non-assistance à personne en danger, mais plutôt le témoignage du respect de sa liberté.

Nous ne sommes pas là dans le cas du suicide pharmacologique, où une personne fournit un produit, et encore moins d'un véritable suicide assisté, pour lequel un tiers aide à administrer le produit létal : il s'agit simplement en l'espèce de considérer la personne qui est présente lors du suicide. Il se trouve que la loi française n'effectue aucune distinction entre deux catégories de personnes qui n'interviennent pas directement pour administrer la substance mortelle, c'est-à-dire entre celle qui fournit une aide et celle qui se contenterait d'être là. Il en résulte que la personne qui souhaite se suicider est contrainte à une totale solitude, ce qui soulève une question au plan de l'éthique et conduit à s'interroger sur la possibilité que le droit prenne en compte la particularité de cette situation précise.

II-2-L'assistance au suicide et l'interdit de donner la mort à autrui

Il n'est guère de principe plus solidement établi que cet interdit, depuis les termes du serment d'Hippocrate : « je ne remettrai à personne du poison si on m'en demande, ni ne prendrai l'initiative d'une pareille suggestion ».

Il est transcrit dans le code de déontologie des médecins en ces termes : « le médecin doit accompagner le mourant jusqu'à ses derniers moments, assurer par des soins et de mesures appropriés la qualité d'une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage. Il n'a pas le droit de provoquer délibérément la mort »34.

Les seules exceptions à cet interdit d'attenter à la vie d'autrui relèvent de la nécessité d'empêcher quelqu'un de nuire à d'autres en situation de violence.

Cet interdit est bien sûr structurant de la confiance que la personne peut avoir dans la société et donc très important pour notre imaginaire collectif. Les termes qui l'expriment sont essentiels et forts.

Si le suicide ne fait plus aujourd'hui l'objet d'un interdit, à la différence de ce qui prévalait à d'autres époques ou existe dans d'autres civilisations, il reste néanmoins massivement considéré comme l'aboutissement du désespoir de ne pas trouver de sens à sa vie – à ceci près que le refus de traitement est légalisé, alors qu'il peut procéder des mêmes raisons.

Il est en effet difficile d'affirmer que le suicide est toujours le fruit d'une liberté, tant il est souvent provoqué par une souffrance, un sentiment d'inutilité ou de perte de sens, d'une culpabilité vis-à-vis de son entourage, même s'il peut exister des suicides altruistes, tels que les présentait Durkheim ou dans un sens plus large: il est fréquent ainsi que des personnes âgées ou malades expriment leur volonté de ne pas peser sur leurs enfants et de préserver le patrimoine qu'elles souhaitent leur transmettre, que leur prise en charge en fin de vie entamerait largement.

Certains considèrent en outre que revenir sur l'interdiction d'assister autrui dans sa démarche de mettre fin à ses jours pourrait modifier considérablement la relation du malade avec son entourage, soignants en particulier. La confiance de fond en la bienfaisance pourrait être ébranlée. L'entourage est habité par une certaine ambivalence, comme il s'en trouve une – différente – chez le malade35. Le désir d'aider à accélérer la survenue de la mort peut être présent chez les soignants, dans la famille et chez les proches, surtout si la fin de vie est marquée par la souffrance et des inconforts multiples. L'entourage peut en effet projeter sur la personne malade ses propres angoisses ou ses difficultés à assurer un accompagnement.

L'interdit de donner la mort à autrui formulé par la loi vient étayer une limite. Il permet souvent d'éviter que l'entourage ne soit culpabilisé par une décision lourde qu'il serait amené à prendre ou à entériner.

La demande d'une légalisation de l'assistance au suicide, c'est-à-dire d'une aide apportée à une personne afin qu'elle exerce sa « liberté » de se suicider s'inscrit donc dans un changement de perspective significatif – même si, pour certains, il y a une forme de continuité entre une telle évolution et l'arrêt par le médecin d'un traitement vital à la demande de la personne, ou à l'issue d'une procédure collégiale lorsque la personne ne peut exprimer sa volonté.

Donner à une personne en fin de vie la possibilité de se donner la mort pour respecter sa volonté reste et demeurera toujours un acte d'une extrême gravité et la société, lorsqu'elle s'en remet aux médecins de le faire, leur confie la tâche la plus lourde que l'on puisse concevoir. Aucune réforme des textes, quelle qu'elle puisse être, ne pourra jamais l'ignorer.

On ne peut toutefois assimiler l'homicide tel que réprimé dans toute société civilisée, qui est l'acte de celui qui prend à autrui sa vie, et la situation d'une personne en présence d'un patient qui aurait décidé de mourir, qui s'en donnerait les moyens en refusant traitements et nutrition et qui demanderait en outre une assistance active pour atteindre à la mort à laquelle il aspire (suicide assisté ou euthanasie); les deux situations et, partant, les deux actes se situent dans deux univers radicalement différents.

L'assistance au suicide pourrait être rapprochée selon certains de la possibilité que le législateur donne au médecin de faire un geste qui entraîne la mort, pour se conformer à l'interdit de l'acharnement thérapeutique ou pour respecter la volonté du patient qui refuse un traitement.

De plus, certains estiment qu'il convient de distinguer, dans la maladie grave et incurable la période non terminale de la phase avancée et « terminale ». Lorsque l'espérance de vie est estimée à quelques jours, voire quelques semaines, et que la personne demande une assistance au suicide, la distinction entre arrêt des traitements contribuant au maintien des fonctions vitales avec utilisation éventuelle d'une sédation jusqu'au décès et l'assistance au suicide peut apparaître ténue.

Laisser la mort advenir n'est certes pas de même nature que d'administrer un produit qui provoque la mort ni de donner à une personne, après décision d'arrêt des thérapeutiques jugées par elle déraisonnable, un produit qui lui permet de se suicider. Certains pensent cependant que cette distinction n'est pas convaincante en situation de phase avancée ou terminale et qu'il n'y a pas de différence radicale entre débrancher un respirateur, arrêter la nutrition et l'hydratation artificielles, donner à la personne un produit létal ou injecter un produit létal si le malade le demande de manière suffisamment libre et éclairée.

Un autre argument invoqué relève d'une dimension de justice : au nom de quoi le suicide, qui est possible pour une personne autonome, pourrait ne plus l'être pour une personne au seul motif qu'elle n'a pas l'autonomie physique pour réaliser cet acte ? Certains répondent à cet argument que la loi n'est pas là pour rétablir en tous points l'inégalité compromise par la nature.

33 Aux termes de l'article 223-6 du code pénal : « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende./ Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. ».

34 Article L. 4127-38 du code de la santé publique.

35 Soulignée par une des personnes auditionnées, le docteur Kagan.

Source : CCNE