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« Vincent est enterré mais ‘l’affaire’ ne s’arrête pas », prévient l’avocat de Vincent Lambert

par Anne-Laure d'Artigues, 18/07/2019

Une semaine après la mort de Vincent Lambert survenue le 11 juillet au CHU de Reims, Maître Jean Paillot, l’un des avocats des parents du défunt, a accepté de revenir sur cette « affaire ».

Aujourd'hui, quel est votre état d'esprit ?

J’éprouve des sentiments partagés. Un sentiment de grande frustration, car justice n’a pas été rendue. Un certain nombre de faits, majeurs, ont été systématiquement occultés, à cause d’une expertise judiciaire qui a été très mal menée, le tribunal administratif de Chalons (et particulièrement son président) restant sourd aux explications de nos médecins de la filière EVC/EPR (filière médicale prenant en charge les personnes en état de conscience altérée : états pauci-relationnels ou états végétatifs chroniques, ndlr). Ainsi, le tribunal puis le Conseil d’État ont cru pouvoir justifier une décision d’arrêt de traitement en s’appuyant sur un état végétatif chronique de monsieur Lambert, alors que cet état était en soi extrêmement discutable, et alors que cet état, qui constitue un handicap, ne devrait pas suffire à justifier, au plan médical, un arrêt de traitement.

Un sentiment d’injustice profond ensuite, car un recours suspensif est encore devant un comité de l’ONU. Mais le gouvernement, avec toute la puissance de l’appareil d’État, a décidé de ne pas en tenir compte et de mettre fin à la vie de Vincent pour des raisons qui n’étaient pas d’ordre médical mais qui étaient d’ordre politique, avec la complicité des juridictions administratives et de la cour de cassation. Cette capacité à nier le droit, venant du gouvernement, est en réalité extrêmement inquiétante, et d’autant plus s’agissant d’une personne d’une particulière vulnérabilité.

Enfin je ressens un sentiment de gâchis, parce que le problème réel résultant de la situation de Vincent n’a en fait pas été traité.

Quand avez-vous su que le combat était terminé ?

Nous l’avons compris samedi 6 juillet au soir. Au début de la semaine, l’alimentation de Vincent a été arrêtée, son hydratation réduite. Un dernier recours devant le tribunal administratif de Chalons, le mercredi 3 juillet, n’a rien donné, le tribunal refusant de fixer audience et rejetant lapidairement nos demandes sans tenir compte de nos arguments. La semaine d’avant, la cour de cassation avait considéré les juridictions civiles comme incompétentes pour statuer sur une demande de contrainte de l’administration. Cette compétence relevait donc des juridictions administratives. Mais le tribunal saisi a refusé de fixer audience. C’est un déni de justice patent.

Pensez-vous que « le cas Vincent Lambert » était un prétexte, un pas en avant vers l'euthanasie ? Pensez-vous qu'il y a eu une instrumentalisation ?

Cette instrumentalisation est évidente. Elle est arrivée en cours de procédure, elle ne l’était sans doute pas au début. En 2014, le Conseil d’État a dramatiquement décidé d’étendre la loi Leonetti à toute personne, et pas seulement aux personnes malades ou en fin de vie. Je suis convaincu que certains, au Conseil d’État, se sont dit qu’il valait mieux sacrifier Vincent et préserver la loi Leonetti, à l’époque où la question d’une légalisation de l’euthanasie était déjà sur la table. Et d’autres se sont dit qu’obtenir la mort de Vincent était déjà un moyen détourné de mettre en œuvre des euthanasies sans en dire le nom. Ainsi, partisans et adversaires de l’euthanasie se retrouvaient pour mettre fin à la vie de Vincent, peu importe sa situation particulière et concrète. Il a été complètement instrumentalisé et tout argument avancé en sa faveur (je pense notamment à la remarquable étude du CCNE et à la non moins remarquable opinion de l’Académie de Médecine, qui considéraient qu’il n’y avait pas, dans sa situation, obstination déraisonnable) a été systématiquement rejeté.

La chose a été encore plus évidente en 2018 et en 2019. Le tribunal administratif de Chalons avait une opinion arrêtée depuis le début et n’a eu de cesse d’expédier au plus vite l’expertise puis la procédure devant le tribunal. La situation était tellement ahurissante que nous avons décidé de récuser le tribunal (en vain, évidemment). Imaginez-vous que Vincent, pendant toute cette procédure d’expertise, n’a en réalité été vu par les experts que pendant une heure et demi ? Imaginez-vous que ces experts n’ont même pas procédé à une nouvelle IRM, se contentant de rediscuter celle de 2014 ? Quel travail correct peut être réalisé ainsi ?

Le Conseil d’État a tout fait pour que sa décision de 2014 ne puisse être remise en cause. La Cour européenne en a fait de même : ne pas donner l’impression qu’on se soit trompé la première fois, quitte à ne pas écouter la deuxième fois.

Dans quel état d'esprit sont les parents de Vincent, aujourd'hui ?

Ils sont tristes, naturellement. Ils le sont d’autant plus qu’ils voyaient Vincent tous les jours et qu’ils voyaient bien que cette décision est totalement injustifiée. Leur tristesse est cependant portée par leur foi. Ils savent Vincent tout près du bon Dieu. Vincent est à sa façon une figure christique, victime d’un procès injuste, ayant côtoyé Judas, le Grand-prêtre, Ponce-Pilate, mais aussi Simon de Cyrène et les saintes femmes. Cela n’a pas empêché la foule imbécile de l’invectiver et de le condamner. Son agonie aura duré neuf jours et il y aura beaucoup à dire sur la façon dont sa sédation a été réalisée.

Étiez-vous aux funérailles de Vincent à Saint-Dagobert ? Comment s'est déroulée la cérémonie ?

Nous étions quatre, deux médecins-conseils et deux avocats, à avoir discrètement attendu la fin des obsèques et de l’enterrement de Vincent, qui ont eu lieu dans l’intimité d’une famille éclatée, pour rejoindre nos clients. Ils avaient besoin d’être entourés. Nous sommes retournés ensemble dans l’église saint-Dagobert pour prier à l’unisson pour Vincent, puis nous nous sommes rendus au cimetière pour un dernier moment de recueillement. Moments forts et émouvants, que nous gardons pour nous.

Et maintenant ?

Vincent est enterré. Mais « l’affaire » ne s’arrête pas. Il va maintenant falloir tirer les enseignements de cette tragédie. Elle n’est pas à la gloire de la loi Leonetti, dont on découvre aujourd’hui tout le fiel qu’elle recèle, quant au processus décisionnel qui n’est pas adapté, quant à l’absence de définition des notions de traitement et de soin, quant au manque de nuance dans l’affirmation du caractère de traitement de l’alimentation et de l’hydratation entérales, quant à son applicabilité aux personnes handicapées sans comorbidité. Je crains que beaucoup, qui voyaient cette loi comme un point d’équilibre, ne doivent désormais constater qu’elle a en réalité ouvert la voie à des euthanasies par omission ; avant peut-être de devoir accepter des euthanasies par action. Il y a comme la découverte d’une supercherie. Et elle est très préoccupante.

Anne-Laure d'Artigues

Source : famillechretienne.fr