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"En général, les gens meurent comme ils ont vécu."

Propos recueillis par Catherine Bellini, 14/06/2012, extraits

GIAN DOMENICO BORASIO. Avec son équipe, le neurologue et chef du service des soins palliatifs du CHUV apaise les derniers mois de vie de patients atteints d’une maladie incurable. Ses explications alors que le débat sur le suicide assisté fait rage.

Humaniste  pétillant,  l’Italien Gian Domenico Borasio  était  une  sommité  des soins  palliatifs  en  Allemagne, où  il  a  conseillé  le  Parlement dans l’écriture de lois, avant de prendre  la  direction  des  soins  palliatifs  du  CHUV.  Ici  aussi,  le professeur a collaboré à l’élaboration   du  contre-projet à  l’initiative  Exit  qui  veut contraindre  les  EMS  vaudois à  accepter  le  suicide  assisté dans  leurs  murs.  Son  service regroupe  médecins,   infirmières,  psychologues  ainsi qu’aumôniers  et  assistants sociaux.  Au  CHUV,  l’unité compte  huit  lits.  Des  équipes mobiles interviennent  dans tout  l’hôpital,  à  domicile  et dans les EMS. Cinquante-six lits  de  soins  palliatifs  sont répartis  dans  quatre  lieux du canton, à Aubonne, Lavaux, Orbe  et  Rive-Neuve;  cette  dernière   unité   va   passer  de 14 à 20 lits cet été. A l’avenir, le  professeur  Borasio  prévoit  d’ajouter  des  lits  à  Lausanne  car   il   arrive   que   certains  patients  doivent  attendre. Dans le canton de Vaud, le coût du programme de soins palliatifs est inférieur à 5 francs par personne  et  par  an,  alors  que  les coûts de la santé s’y élèvent en moyenne à 8450 francs.

Consacrer  son  temps  à  des  mourants, n’est-ce pas terriblement déprimant?

Tout au contraire, c’est un enrichissement  énorme,  un  privilège   que   de   côtoyer   des  patients en fin de vie. Ils nous apprennent à vivre, à réorganiser nos priorités. Jamais je n’ai entendu  un  patient  me  dire:  j’aurais dû travailler davantage. Nos  études  scientifiques  ont  montré qu’on  assiste,  à  l’approche de la mort, à un déplacement  des  valeurs,  un  transfert  qui  va  de  l’égoïsme  à  l’altruisme,  surtout  envers  la famille.  Et  cela  améliore  la qualité de vie des patients.

Mais  quand  les  gens  arrivent dans vos services, ils ont surtout très peur. Non?

Ils ont surtout très mal, au sens large. Peine à respirer, nausées, douleurs,  états  confusionnels aigus,  ces  derniers  étant  très troublants  et  fréquents  en  fin de  vie.  Au  départ,  les  gens  ont peur que les douleurs empirent, mais  15%  seulement  de  notre travail porte sur le traitement de la douleur. La peine à respirer représente  une  souffrance majeure  car  il  est  angoissant  d’avoir le sentiment d’étouffer. Là, la morphine donne d’excellents résultats. Et si elle est bien dosée,  elle  ne  change  pas  le niveau  de  conscience.  Dans  la grande  majorité  des  cas,  les traitements  permettent  de  rendre les symptômes supportables. Mais contrôler les symptômes  n’est  que  le  début  de  l’apaisement.  Nous  proposons  aussi un encadrement psychosocial et spirituel.

Pouvez-vous  agir  contre  la  peur de la mort?

Nous n’avons pas la prétention de  soulager  de  la  peur  de  la  mort  et  de  l’anéantissement de  notre  être. La   philosophie et   la   religion   cherchent    à  répondre   aux questions  fondamentales, à ce qui  vient  après  la  mort.  Ici, nous sommes plus modestes. Nous cherchons à soulager de la  peur  de  mourir.  Notre  but, décrit  dans  la  définition  des soins  palliatifs  par  l’OMS,  consiste à améliorer la qualité de  vie  des  patients  et  de  leurs proches  face  à  une  maladie potentiellement mortelle.

En phase terminale?

Non.  Nous  ne  sommes  pas  un  mouroir.  Rendre  paisibles  les dernières 24 heures, ce n’est pas difficile.  Notre  travail  est  de rendre les derniers 24 mois paisibles  et  si  possible  agréables. Les  soins  palliatifs  modernes durent parfois des années. Plus de  50%  de  nos  patients  ressortent  d’ici  vivants,  soit  pour rentrer  chez  eux,  soit  pour entrer dans des lits d’accompagnement  répartis  dans  les quatre  unités cantonales.  Et certains  viennent  de  manière ambulatoire. Contrairement à une idée reçue, les  soins  palliatifs  ne  raccourcissent pas la vie. Au contraire: une  étude  parue  dans  la  plus réputée  des  revues  médicales (The  New  England  Journal  of Medicine), portant sur des personnes souffrant de cancer pulmonaire,   a   comparé   deux groupes  de  patients  suivant  le  même  traitement,  l’un  d’eux  bénéficiant,  en  plus,  de  soins  palliatifs.  Résultat:  ce  dernier groupe a subi moins de chimiothérapies, il a moins souffert de dépression  et  il  a  bénéficié  d’une meilleure qualité de vie. Surtout, ce qui est bouleversant, c’est que les patients ayant reçu des soins palliatifs ont vu leur vie  s’allonger  de  trois  mois.  Trois  mois  sans  les  effets secondaires très lourds de certains  médicaments,  médicaments très chers de surcroît.

Vous voulez dire que les soins palliatifs sont plus bénéfiques aux  patients  et  moins  chers que   certains   traitements médicamenteux en fin de vie?

Oui.  Mais  il  n’y  a  pas  de  lobby  économique pour les soins palliatifs. Seul l’Etat peut souhaiter promouvoir nos soins. Il y a résistance  au  niveau  du  système  médical,  car  les  intérêts  financiers  sont  majeurs:  les  dépenses médicales liées aux dernières années de vie représentent   un  pourcentage important  du  marché  de  la santé.  

Vos patients souhaitent-ils un suicide assisté?

Très  rarement  et  encore  plus rarement pour des symptômes physiques.  Quand  une  personne  demande  un  suicide  assisté,  c’est  qu’elle  a  perdu  le  sens de sa vie, qu’elle la trouve indigne, qu’elle a la sensation d’être  un  fardeau.  Cinq  personnes  sur  mille  meurent  par  un  suicide  assisté  en  Suisse,  très peu.  ...

Avez-vous  vécu  des  expériences avec Exit?

Non.  Mais  une  patiente  que nous  suivions  de  manière ambulatoire pour une sclérose latérale amyotrophique a voulu recourir  à  Exit  en  voyant  sa  
maladie  progresser.  C’était  absolument son droit. Je  souhaite  simplement  qu’on  ne  banalise pas l’assistance au suicide, qu’on ne laisse pas  les  gens  isolés,  qu’ils  sachent  qu’il  existe des alternatives. Alors  seulement,  ils  peuvent décider librement,   en   connaissance  de  cause.  Parce  
que, à la fin, on dépend beaucoup   de   son   entourage. Je viens de lire  la  lettre  d’une  femme  qui,  victime d’un cancer, affirmait que sa famille la poussait à demander un suicide assisté.

Dans   votre   livre   «Über  das  Sterben»  (que  l’on  pourrait  traduire par «A propos   du   mourir»),  qui  n’existe  qu’en allemand  jusqu’ici, vous  conseillez  de parler  de  la  mort. Pourquoi?

La  communication est   à   la   base   des  soins  palliatifs.  Et  si les gens ont parlé de la mort, prendre des décisions en fin de vie est beaucoup plus facile.  D’autant  plus  si  des  directives  anticipées  ont  été  rédigées.  Parler  diminue  la  peur de mourir.

Comme  pour  les  naissances,  vous  affirmez  que  quand  les  choses se déroulent normalement,  il  vaut  mieux  laisser faire la nature en phase terminale.

Dans la plupart des cas, physiologiquement,  le  mourir  se déroule mieux si on intervient le  moins  possible.  ...

Existerait-il une façon idéale de mourir?

Non. Après des années de pratique,  une  évidence  s’impose:  en  général,  les  gens  meurent  comme   ils   ont   vécu.   Si quelqu’un a été combatif toute sa vie, il se battra jusqu’au bout. Notre rôle n’est pas de faire du paternalisme terminal, d’imposer  ce  qui  nous  semble  une  «belle» ou «bonne» mort. Mais essayer d’éliminer les obstacles qui  s’élèvent  entre  une  personne et sa propre mort – celle qui est en accord avec les souhaits, le vécu et la personnalité de chacun.

Source : L'Hebdo