Communion de prière pour la Vie : "Jésus, Marie, protégez la vie " ! (ou toute autre prière à Dieu)

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Deuxième partie

Acquis et limites de la législation relative à la fin de vie : des améliorations s’imposent au plan de la loi et des politiques publiques.

I- La fin de vie a fait l’objet depuis quinze ans d’une attention forte de la part du
législateur.

La question de la fin de vie avait longtemps été traitée en creux par le droit, qui complétait la prohibition de l’homicide par des dispositions du code de déontologie demandant au médecin de « s’abstenir de toute obstination déraisonnable ». Elle a fait depuis une quinzaine d’années l’objet de nombreuses interventions de la part du législateur qui, si elles ne renouvellent pas fondamentalement les principes qui résultaient des dispositions du code de déontologie ou de la jurisprudence, ont eu un impact très fort, même si l’on déplore leur application encore lacunaire. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie représentent, de fait, des étapes majeures dans l’affirmation des droits des personnes malades et la prise en compte des enjeux complexes de la fin de vie. Leur élaboration a donné lieu à des débats approfondis ; et les témoignages des professionnels de santé montrent qu’elles ont eu un impact profond, notamment en milieu hospitalier, et permis une approche plus respectueuse des personnes en fin de vie. La loi du 22 avril 2005, dite loi Leonetti, a en particulier eu l’effet d’un signal conduisant nombre de services à s’interroger sur leurs pratiques à la lumière des principes qu’elle affirmait ou réaffirmait avec solennité.

Ce changement de perspective n’est toutefois pas perçu pour ce qu’il est par nos concitoyens et qui est encore loin d’avoir produit tous ses effets dans le monde médical.

I-1- Les personnes soignées sont aujourd’hui titulaires de nombreux droits.

La loi du 9 juin 1999 sur les soins palliatifs a garanti le droit à l’accès aux soins palliatifs à toute personne malade dont l’état le requiert ; c’est un droit qu’elle ou ses proches peuvent faire valoir en justice. Et la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a donné à toute personne malade le droit à un choix libre et informé dans les domaines concernant sa santé.
A ces droits des personnes malades répondent des devoirs des médecins.
En son état actuel, l'éthique médicale fait trois devoirs au médecin: celui de soulager la souffrance, celui de s'interdire toute obstination déraisonnable, celui de respecter la volonté du patient; ces devoirs se trouvaient énoncés de longue date et avec une parfaite clarté aux articles 36,37 et 38 du code de déontologie médicale avant d'être réaffirmés par les lois du 4 mars 2002 et du 22 avril 2005.

Le premier de ces devoirs, alléger la souffrance, implique en particulier le développement des soins palliatifs auquel la loi de 2005, par les débats qu'elle a suscités, a donné un véritable élan.

La volonté de soulager la douleur et la souffrance autorise, dans le dernier état de la législation, l'usage de techniques ou de produits dont un des effets, secondaire et indirect pourrait être d'entraîner la mort. La loi intègre ainsi ce qu’il est convenu de nommer la « théorie du double effet », qui a donné lieu à beaucoup de discussions : un risque est considéré comme justifiable si le bénéfice de l’acte qui l’a produit est supérieur à ses effets secondaires, si ses effets secondaires ne sont pas provoqués pour eux-mêmes, mais ne sont que des conséquences indirectes et involontaires de l’acte, même s’ils sont prévisibles, et, enfin, si on ne peut pas faire autrement pour prendre soin et soulager le patient.

Le deuxième devoir, celui de s'abstenir de « toute obstination déraisonnable » a été repris dans les termes du code de déontologie médicale; la loi de 2005 a, néanmoins, prévu la possibilité d'éviter les traitements lorsque ceux-ci apparaissent inutiles ou disproportionnés. Si elle devrait théoriquement aller de soi, cette obligation se heurte en pratique à la complexité de certaines situations, ainsi qu’à la difficulté de renoncer, pour le médecin comme pour le malade et ses proches. Cette difficulté peut aussi être mise en relation avec le fait qu’il existe deux catégories très différentes de traitements « inutiles ou disproportionnés » qui tendent être confondues : d’une part, ceux que la médecine a évalué objectivement comme tels et, d’autre part, ceux que la personne malade considère comme inutiles, disproportionnés ou déraisonnables. Dans le premier cas, il s’agit d’une norme ; dans le second cas il s’agit de la perception et du choix de la personne malade.

La loi du 22 avril 2005 a en outre indiqué que pourrait être déraisonnable une survie artificiellement organisée, ce qui est une explicitation du principe. Un point important est à noter : dans sa définition même, l'interdiction de l'obstination déraisonnable autorise, voire impose si nécessaire, des gestes et des actes (arrêter un dispositif par exemple) qui, par eux- mêmes, contribueront à provoquer directement la mort; elle va donc bien au-delà de ce qu'implique la seule volonté de soulager la souffrance.

La loi a aussi modifié l’équilibre que traduisait le code de déontologie, en ouvrant au médecin la possibilité de prendre lui-même une décision d’arrêt ou de limitation de tout traitement à l’égard des patients « hors d’état d’exprimer leur volonté » : cette décision devant être précédée d’une discussion dans le cadre d’une procédure collégiale, prenant en compte « les souhaits que le patient aurait antérieurement exprimés, en particulier dans des directives anticipées, s’il en a rédigé, l’avis de la personne de confiance qu’il aurait désignée, ainsi que celui de la famille ou, à défaut, celui d’un de ses proches ».

Le troisième devoir est celui qui a reçu les réaffirmations les plus formelles des deux lois de 2002 et 2005: toute personne prend, avec les professionnels de santé « les décisions concernant sa santé ». Le médecin doit respecter « la volonté de la personne de refuser tout traitement »; si ce refus met sa vie en danger, le médecin doit tenter de la convaincre d'accepter des soins et en tout cas assurer « la qualité de sa fin de vie », la loi de 2005 répétant encore que c'est la personne elle-même qui « décide de limiter ou d'arrêter tout traitement » qu’elle juge déraisonnable et de s’engager ainsi, le cas échéant, volontairement dans un processus de fin de vie.

Comme le précédent cet article a une grande importance sur le plan éthique: comme le précédent il implique, en effet, pour respecter la décision ainsi prise par le patient, non seulement de mettre un terme aux traitements et à la nutrition et l’hydratation artificielles (le "laisser mourir") mais de faire au besoin des gestes extrêmes, tels que débrancher un appareil, qui sont de nature à provoquer la mort.

L'apport des lois de 2002 et 2005 est important, enfin, en ce qui concerne les protections et les procédures pour les patients qui sont hors d’état d’exprimer leur volonté: Le médecin doit respecter la procédure collégiale, rechercher et prendre en compte les directives anticipées éventuelles et recueillir l’avis de la personne de confiance (si elle a été désignée) ou à défaut la famille ou les proches. Le médecin doit limiter ou arrêter un traitement si celui–ci est jugé « inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». La décision motivée doit être inscrite dans le dossier du patient.

Depuis l’avis n° 63 du CCNE, les droits de la personne malade en fin de vie se sont donc fortement développés.

Si la personne ne peut revendiquer un traitement si celui-ci n’est pas pertinent par rapport aux données scientifiques, elle est en mesure de refuser un traitement pertinent, même si cela accélère son décès. Elle peut rédiger des directives anticipées valables trois ans et modifiables à tout moment pour le cas où elle deviendrait incapable d’exprimer sa volonté. Le médecin, tenu de s’enquérir de leur existence, en tient compte si la personne n’est pas en état d’exprimer sa volonté. Mais il ne s’agit pas vraiment de directives : elles n’ont pas de valeur contraignante et, aujourd’hui, aucun formalisme particulier n’entoure leur recueil et leur conservation.

Enfin, toute personne majeure peut désigner une personne de confiance – parent, proche ou médecin traitant – qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin. Son avis prévaut sur tout autre avis non médical, à l’exclusion des directives anticipées.

Cet ensemble de textes, encore mal connu du grand public et insuffisamment connu des praticiens, a eu des échos certains hors même de nos frontières. Il est d'une indéniable cohérence. En particulier, la loi du 22 avril 2005, adoptée à l’unanimité par le Parlement, a inspiré la législation de nombreux pays.

I-2- Néanmoins, cette loi pose un certain nombre de questions d’interprétation.

Les premières tiennent à la solidité de la distinction entre « laisser mourir » et « faire mourir » sur laquelle elle se fonde. Cette distinction est parfois très ténue. Pour le patient ou ses proches, la différence concrète, en phase terminale d’une affection grave et incurable entre, d’une part, l’arrêt des traitements jugés déraisonnables, susceptible d’accélérer la survenue de la mort, associé à des traitements palliatifs – dont celui de la douleur comportant éventuellement un double effet – et d’autre part, l’administration d’un produit dans le but de donner la mort à la demande du patient (acte d’euthanasie) peut poser question au plan éthique à deux niveaux.

Quelques heures ou quelques jours de vie supplémentaire, dans un état psychique proche du coma ont-ils un sens ? Certes, dans le premier cas (arrêt des traitements jugés déraisonnables), l’intention première est de soulager la douleur ou la souffrance et dans le second, l’intention est de mettre fin à la vie. Dans les faits, arrêter un traitement vital ou administrer un traitement dont l’effet secondaire peut contribuer à l’accélération de la survenue de la mort a la même conséquence qu’administrer un produit létal. Ce qui est alors important n’est pas tant d’interroger l’intention - l’intention réelle étant bien difficile à appréhender - que de poser l’exigence d’une fin de vie la moins inconfortable possible, la plus respectueuse possible de la personne et de ses proches. Entre ces deux circonstances, la temporalité diffère avec une mort qui survient plus lentement et a priori paisiblement dans les suites d’arrêt de traitements jugés déraisonnables – à condition que les traitements palliatifs et l’accompagnement des proches y concourent – que lors d’un suicide assisté ou d’une euthanasie.

Néanmoins, aujourd'hui, la question se trouve posée de savoir si le patient serait en droit d'exiger de recevoir des traitements susceptibles d’accélérer la survenue de sa mort, qui sont laissés à la décision du médecin voir des traitements provoquant la mort.

La présentation des acquis de la législation tend en fait à mettre l’accent sur ce qui est le plus consensuel : le soulagement de la souffrance au risque de l’anticipation du décès et de la perte de conscience. Mais elle ne doit pas conduire à perdre de vue que le « laisser-mourir » au sens de la loi Leonetti, ce n’est pas simplement laisser la nature faire son œuvre, c’est une notion complexe, aux frontières parfois peu évidentes, qui implique une tâche difficile, un accompagnement, qui mobilise beaucoup de moyens et qui demande de multiples arbitrages pour déterminer au plus juste ce qu’il faut arrêter ou ne pas arrêter, limiter ou ne pas entreprendre, administrer et à quelles doses.

Par ailleurs, il est évident que si cette loi, présentée aujourd’hui comme un point d’équilibre, a favorisé, d’après le témoignage de nombreux soignants, la résorption d’actes d’euthanasie active encore pratiqués dans un huis-clos médical, elle a aussi déplacé les limites de ce qui est communément admis comme acceptable : ont basculé dans ce champ, au gré des évolutions législatives successives, l’interruption de traitement demandée par le patient, y compris, selon le comité 15, l’arrêt de la nutrition et de l’hydratation artificielle 16, ou l’administration d’antalgiques ou de sédatifs puissants, susceptibles d’accélérer la survenue de la mort.Si les soins palliatifs s’imposent, il serait toutefois illusoire de penser qu’ils peuvent répondre à toutes les situations de souffrance et qu’ils feront disparaître toute demande de mort volontaire. Les soins palliatifs ne dispensent donc pas du débat: conçus pour soulager les difficultés et les inconforts de la fin de vie, ils ne disent et ne peuvent rien dire en eux-mêmes sur la légitimité ou non d'anticiper cette mort.

15 Avis N°87 du CCNE « Refus de traitement et autonomie de la personne » (2005).

16 A la différence de faciliter le fait de manger et de boire, considéré comme un soin, la nutrition et l’hydratation artificielles (par perfusion veineuse ou sonde entérale) sont considérées comme des traitements dont il convient d’avoir l’accord auprès de la personne malade.

Source : CCNE